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26 février 2023 7 26 /02 /février /2023 16:40

 

Costa de Jezkaibel, Hondarribia, Gipuzcoa.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Deux roman-montres argentins.

Manuel Mujica Láinez : Bomarzo ;

Rodrigo Fresán : Melville.

 

 

Manuel Mujica Láinez : Bomarzo,

traduit de l’espagnol (Argentine) par Catherine Ballestero,

Le Cherche Midi, 2023, 928 p, 22,50 €.

 

Rodrigo Fresán : Melville,

traduit de l’espagnol (Argentine) par Isabelle Gugnon,

Seuil, 2023, 352 p, 23 €.

 

 

Roman-monstres, romans venus d’Argentine plongeant dans le passé, tous deux recèlent un séjour à Venise, tous deux sont fort réalistes mais avec une pointe de fantastique ; de surcroit chacun d’entre eux explore les mystères de la création artistique.  Cependant l’essentiel sépare ces ouvrages, pas le moins du monde jumeaux. Bomarzo, de Manuel Mujica Láinez, est un roman historique flamboyant au cœur de la Renaissance italienne ; Melville, de Rodrigo Fresán, va d’Allan Melvill à Herman Melville, l’auteur de Moby Dick, pour prendre en écharpe une vocation paternelle et littéraire dans les Etats-Unis du dix-neuvième siècle. Sculpturale ou littéraire, l’œuvre d’art partage ses origines entre la dimension biographique et les déploiements de l’imaginaire.

 

Météoriquement paru en 1962, Bomarzo fut interdit pendant dix ans en Argentine, sans doute parce que son personnage parut trop peu moral. En effet, lorsque son auteur en fit le livret d’un opéra, mis en musique par Alberto Ginastera, ce fut, aux bons soins du général Juan Carlos Onganía qui dirigeait alors le pays, « à cause de la référence obsessionnelle au sexe, à la violence et à l'hallucination ». Il est toutefois étonnant que le chef-d’œuvre de Manuel Mujica Láinez (1910-1984) soit chez nous ignoré, bien que d’abord traduit en 1987 et publié chez Séguier-Archimbaud. Et stupéfiant qu’un auteur argentin connaisse si intimement la Renaissance italienne pour y planter un irremplaçable héros.

Un fils bossu nait malencontreusement au château de Bomarzo, dans la prestigieuse famille Orsini, ornée de condottieres brutaux, de prétendants à la papauté. Nous sommes au XVI° siècle, où l’on croise le sac de Rome, le couronnement de Charles Quint à Bologne, le David de Michel-Ange et les pinceaux du Titien. Ce fier bossu, méprisé, parfois jeté dans un placard au squelette par son père, battu par ses frères, ne trouve consolation et conseil qu’auprès de sa grand-mère Diane, « déesse sans âge ». Comme en un roman de formation, son caractère doit être forgé par les avanies et les ambitions. Or sa destinée se veut empreinte de vengeance et de beauté.

Bien entendu il est question d’amours. Mais le beau visage au corps contrefait peut-il espérer ? Une Adriana digne de pétrarquistes poèmes, une Penthésilée courtisane luxueuse, un luxurieuse Nencia ne suffiront pas à apaiser celui qui devient duc par la grâce de la mort de son père et de son frère ainé, en de peut-être coupables circonstances. Le mariage avec Giulia de Farnèse le comblera-t-il ?

Sans fard, Francesco Pier Orsini narrateur n’omet ni ses frasques, ni ses vices, ni sa jalousie. Le brillant cynique, la « brindille dans le tourbillon des passions », l’« esprit aristocratique enivré de sophismes rhétoriques », n’a cure de paraître sympathique. En une ère où conflits politiques et religieux bouillonnent, où l’alchimie fascine, au travers de la rencontre du fameux Paracelse, il est à l’image de son temps, le crime côtoyant la splendeur de l’art. Ce n’est pas un hasard si la « Bouche d’Enfer » est le fleuron du légendaire parc de sculptures qu’il eut à cœur de construire. Voilà qui n’empêche pas la récurrente dimension morale : « Le souvenir de nos ridicules, de nos grotesques égarements a plus de pouvoir que celui de nos réussites ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mais au contraire, il faut compter le parc aux monstres comme une réussite indubitable et mémorable. D’abord l’examen, la connaissance du terrain, ensuite la conception, sans symétrie logique, donc baroque. Ce « qui serait le reflet de ma vie, serait différent de tous les autres, inattendu et inquiétant ». Un temple en hommage à Giulia précède « l’exaltation de la pierre » et les excentricités sculptées. Car « chaque rocher enfermait une énigme dans sa structure ». L’un vient enfin représenter l’esclave aimé Abdul sur son éléphant, l’autre un Neptune barbu et chevelu, puis une tortue aux eaux sonores symbolisant les aspirations poétiques, une baleine colossale venue de l’Arioste, un sphinx pour Adriana, un squelette pour le harcèlement paternel, une « nymphe au giron généreux » pour la grand-mère Orsini, sans compter tritons, serpents et harpies. Probablement l’imagination de notre romancier supplée-t-elle, mais avec une rare pertinence, au défaut documentaire. En fait le roman intensément baroque se propose d’offrir les clefs du jardin de Bomarzo. Chaque sculpture, si étrange soit-elle, est une allégorie des vices et vertus du personnage, une figuration des protagonistes, des événements qui le firent mûrir, de l’art qui seul reste : « cette terre exigeait de moi l’expression allégorique de son secret [qui] se confondait avec ma propre vie ». Ainsi cette œuvre d’art sculpturale et jardinée se voit révélée par le prisme biographique de son créateur.

Paysage de fantasmes, « Luna Park de pierres », l’on comprend alors que le « Bois Sacré de Bomarzo », qui est plus l’enfant du bossu Orsini que ses propres enfants, est également une métaphore du livre de Manuel Mujica Láinez. Un tel domaine onirique n’a pu qu’ensuite fasciner les surréalistes, André Pierre de Mandiargues en tête, consacrant un livre à son admirative et méditative déambulation[1], dans le cadre d’une lecture freudienne de ce monumental espace.

Outre le ravissement encyclopédique, entraînante, somptueuse est sans cesse l’écriture, qui aspire son lecteur de page en page, jusqu’à la fin, sans coup férir. La richesse de la pensée côtoie la vivacité de l’action, le relief et la couleur des descriptions, telle que jaillies des tableaux de Lorenzo Lotto, qui fit le portrait de notre duc, et des fresques de Gentile Fabriano. En outre les modèles littéraires, du chevaleresque Roland furieux de l’Arioste au Courtisan de Castiglione, jusqu’au Prince de Machiavel, sans oublier son entreprise de traduction du De rerum natura de Lucrèce, ne sont pas en reste.

Tout cela parait obéir scrupuleusement aux attentes du roman historique. Toutefois, eu égard à l’horoscope établi lors de sa naissance, notre héros serait promis à l’immortalité. Ainsi, quoiqu’il meure empoisonné, notre duc d’Orsini parait dépasser le siècle qui est le sien, faisant mention de Sigmund Freud, citant Gérard de Nerval, et autres anachronismes, ce dans le cadre du réalisme magique sud-américain.

Une si brillante autobiographie fictive ne peut-elle pas être comparée aux Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar, publiées peu d’années avant, en 1951 ? Certes l’époque, celle de l’Antiquité, n’est pas la même, et l’écriture diffère, mais l’ampleur du talent ne peut que les unir secrètement. Il n’en reste pas moins que Manuel Mujica Láinez, auteur d’une douzaine de romans à découvrir, prend pour nous soudain place parmi les plus grands écrivains argentins, Jorge Luis Borges[2], Julio Cortazar, Cesar Aira[3]… Ne reste qu’à espérer avec impatience la traduction d’El Laberinto[4], ou d’El Unicornio[5], dont les titres sont à seuls une invitation au voyage onirique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plutôt que de créer un parc aux sculptures, la paire de héros choisie par Rodrigo Fresán (né en 1963) va confluer dans l’écriture. Mais c’est par la filiation que la chose se met en place, lorsqu’Allan Melvill, né en 1782 et mort en 1832, se voit dépassé par son fils cadet, Hermann Melville, dont le « e » final est la signature de l’auteur de Moby Dick, son emblématique opus, publié en 1857. Cependant, un siècle et demi plus tard, c’est l’écrivain argentin qui prend la barre littéraire pour changer ses fantasmes en hallucinations tourmentant ses deux personnages.

Tous deux, père et fils, sont hantés par leurs échecs. Le premier dans les affaires commerciales. « Epique dans sa déroute », Allan Melvill fut un aristocrate, ne gardant de sa condition originelle que sa dilapidation. L’importateur d’articles de luxe fait faillite, croule sous les dettes, doit quitter sa maison, se reposer sur sa belle-famille, sans jamais remonter la pente. Le second lorsque le succès de ses romans d’aventures exotiques se change en indifférence et rejet à l’occasion de Moby Dick et, pire, de Pierre ou les ambigüités : il n’y a guère de monde pour vouloir de sa baleine blanche et de son capitaine Achab, de ses troubles personnages...

Une scène inaugurale et hautement symbolique sert de pivot au roman. Quittant New York qui le méprise pour rentrer en sa famille à Albany, il rencontre « un signe funeste adressé à lui seul : même les forces de la nature vont à son encontre ». Traversant à pied la glace du fleuve Hudson, en décembre 1831, le père subit une épreuve traumatique et initiatique, à la source, du moins selon notre romancier, de la fascination du fils pour la blancheur de son cétacé fétiche. Toute une partie de l’ouvrage se consacre d’ailleurs à une « glaciologie ». De là viennent sa fièvre, sa pneumonie, son dérangement mental, son « Délire Blanc », sa mort.

Lors de son agonie, le voilà ranimant avec force délires sa mémoire, revivant son existence de jeune galant, puis d’homme mûr semblable aux « harceleurs féroces et démoniaques de Brontë ». Ce sont surtout sa jeunesse et ses haut-faits, en particulier son « Grand tour » de l’Europe, entre Angleterre, France et Espagne. La neige de Venise, le Grand canal gelé, le « palazzo de Cosmo il Magnifico » sont l’occasion de rencontres stimulantes, en particulier celle d’un certain Nico qui s’intronise son cicerone et l’initie à la peinture. Avant de se prétendre un « fanpiro », mot-valise entre fantasma et vampiro, dans une acmé voisine du fantastique. Au point qu’Allan se sente un autre homme : « Et tout à coup il m’a semblé que l’histoire entière de la race humaine était tatouée sur mon visage et qu’elle était la mienne […] j’étais persuadé que les metteuses en scène dictatoriales que sont les Moires ou les Parques m’avaient jusqu’alors attribué un rôle mineur tandis que d’autres interprétaient des personnages sublimes dans des grandes tragédies […] j’avais l’impression qu’on m’avait catapulté d’un rôle secondaire à celui de héros flamboyant ». Là, en une sorte de théâtre cinématographique avant l’heure, lui apparaissent « le visage gigantesque d’un homme criblé de dettes au milieu d’un pont et sous la neige », ainsi qu’une « bête aquatique » démesurée ; toutes figures prémonitoires. Un télescope, la « Glace éternelle », le « Grand Art », un Nico à l’influence effrayante, Allan Melvill prend peur, s’enfuit. Nous voici parmi l’un des plus beaux passages de ce roman...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bien au-delà du père discourant follement sur son lit de mort à l’adresse de son fils censé coucher ses phrases sur le papier, Herman Melville poursuit son ascension et sa chute littéraires, au travers de ses romans, nouvelles[6] et poèmes[7]. Ainsi « Le fils du père », troisième et dernière partie, prétend que le legs de la glace de l’Hudson, « Gelum melvillium », serait la clef originaire de Moby Dick. Ainsi entend-on se confier le père de Bartelby : « Je viens de là pour me retrouver ici, grimper jusqu’au point le plus haut du navire qu’est ma vie ». Mais cette partie, peu narrative, risque de désarçonner son lecteur, entre plainte et nostalgie, par un écrivain dont les premiers romans d’aventures ont connu le succès alors que les suivants ont été incompris, vilipendés, pas même lus parfois, confronté à l’incompréhension de sa femme Lizzie, partie plus accoquinée aux genres de l’essai et de l’élégie distendus qu’à l’essence romanesque. Combien est pathétique cet homme : « Mon père est une baleine. Et moi son Jonas ». Et cet auteur qui n’a pas connu « le paradis des écrivains », hors de manière posthume.

En un jeu de miroir osé, le créateur de la monstrueuse baleine blanche et du capitaine Achab voit sa signature « taxée d'incompréhensible par les critiques, genre de plumitifs qui attaquent tout texte un tant soit peu talentueux, à cause du talent qu'ils n'auront jamais, raison pour laquelle ils finissent par devenir des critiques méprisant les dons d'autrui, car tel est leur seul talent ». Il n’est guère douteux que Rodrigo Fresán s’applique à lui-même ce sort peu amène, tout en prévenant par avance le modeste plumitif qui oserait se targuer d’être critique à son égard.

Bien plus que le genre biographique, c’est ici une mise en balance fantasmée de deux vies dans le cadre d’une double biofiction romanesque. Indubitablement, Rodrigo Fresán est un romancier postmoderne, tant son livre est un objet métalittéraire, truffé d’allusions bibliques et de clins d’œil au genre du roman gothique, de Frankenstein à Dracula, tant il abonde, surtout dans sa première partie, en prolixes notes de bas de page, prétendument de la main d’Herman. L’ensemble, quoiqu’empruntant indubitablement une thématique d’importance, soit celle de la filiation créatrice, paraît passablement « décousu », pour reprendre le mot de son second héros au sujet d’un livre posé sur sa poitrine, malgré une technique contrapuntique ingénieuse. Reste une sorte de morale : « L'œuvre est-elle le fils à qui on dit adieu sur un embarcadère ou devient-on le fils de son œuvre, qu'on laisse derrière soi en gagnant le large pour que d'autres, plus tard, la célèbrent ou la condamnent ? »

Peut-on dire qu’en quelque sorte Rodrigo Fresán se soit cherché un père littéraire ? Lui qui a pourtant à son actif de nombreux fils livresques, des romans comme Mantra[8] ou Le Fond du ciel[9]

 

Force est de constater que Melville n’a pas la fluidité narrative, la beauté plastique et intellectuelle de Bomarzo. Si la question de la filiation du génie est d’importance, le tout n’est pas de se saisir d’un grand sujet, y compris lorsque la perspective en est originale. Il y faut un sens du détail et du déploiement assuré pour que la pâte prenne et se change en art romanesque achevé. En ce sens Manuel Mujica Láinez a brillamment réussi, certes dans une forme un plus classique, mais avec la sûreté impeccable de ses moyens, son œuvre d’art, à laquelle, indubitablement, la langue de la traductrice ajoute une réelle aura.

Thierry Guinhut

La partie sur Bomarzo fut publiée dans Le Matricule des anges, janvier 2023.

Une vie d'écriture et de photographie


[1] André- Pierre de Mandiargues : Les Monstres de Bomarzo, Grasset, 1957.

[4] Manuel Mujica Láinez : El Laberinto, Editorial Sudamericana, 1974.

[5] Manuel Mujica Láinez : El Unicornio, Editorial Sudamericana, 1965.

[7] Herman Melville : Poésies, Unes, 2022.

[8] Rodrigo Fresán : Mantra, Le Passage du Nord-Ouest, 2006.

[9] Rodrigo Fresán : Le Fond du ciel, Seuil, 2010.

 

Ciudad Encantada, Cuence, Castilla La Mancha.

Photo : T. Guinhut.

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19 février 2023 7 19 /02 /février /2023 17:12

 

Guimarães, Portugal. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Mario Vargas Llosa reporter, penseur et lecteur :

 Journal de guerre, Le Tour du monde en 80 textes

& Un demi-siècle avec Borges.

 

 

Mario Vargas Llosa : Journal de guerre,

traduit de l’espagnol par Annie Vignal, La Martinière, 2022, 144 p, 18 €.

 

Mario Vargas Llosa : Le Tour du monde en 80 textes (ou presque),

traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan,

Anne-Marie Casès & Bertllie Hausberg,

L’Herne, 2023, 256 p, 18 €.

 

Mario Vargas Llosa : Un demi-siècle avec Borges,

traduit de l’espagnol par Albert Bensoussan, L’Herne, 2010, 112 p, 9,50 €.

 

 

 

En compagnie de son cher Phileas Fogg, Jules Verne effectua un brillant Tour du monde en quatre-vingts jours, que Julio Cortazar subvertit en un Tour du jour en quatre-vingts mondes[1]; voici avec notre Mario Vargas Llosa un Tour du monde en 80 textes. Homme livresque ou homme de terrain ? Parcourant le globe, y compris sur ces terrains les plus brûlants, Mario Vargas Llosa se fait reporter engagé auprès des champs de bataille, en Irak, d’où il ramène in Journal de guerre, voyageur au regard affuté, des Andes à Berlin, d’Hawaï au Japon. En même temps que créateur d’épiques romans incontournables[2], tel La Guerre de la fin du monde, il n’oublie pas d’être un lecteur des fictions de ses pairs, en particulier, et non des moindres, Jorge Luis Borges, durant un demi-siècle.

 

Traditionnellement la plume parlait devant l’épée, le plus souvent en vain. Le clavier aujourd’hui tente de discourir face à la guerre. Le titre de ce Journal de guerre est plus explicite en l’original : Diario de Irak. De plus dans l’édition espagnole[3], il est accompagné des clichés pris par sa fille Morgana, photographe de guerre de son état. Il est dommage d’ailleurs que notre éditeur n’ait pas eu ce soin.

Nous sommes parmi les tout premiers temps de le Guerre du Golfe, en l’été 2003 ; alors que l’on ignore qu’elle allait perdurer huit ans. Mario Vargas Llosa va-t-il rester sur ses positions, condamnant l’intervention militaire américaine ?

De façon provocatrice, Mario Vargas Llosa lance dès l’introït : « L’Irak est le pays le plus libre du monde, mais comme la liberté sans ordre et sans lois n’est que chaos, c’est aussi le plus dangereux ». La fin du régime de Saddam Hussein coïncide avec « l’anarchie généralisé de ce pays sans Etat, sans services, sans police ni autorité ». Débauche de marchandises, d’argent liquide, de presse fantaisiste, d’internet et de paraboles sont de l’ordre d’une liberté nouvelle après la chute du tyran. Quand les « Ali Baba » du vol et de l’agression sont légion (ou plus exactement les quarante voleurs), « la masse hurlante des croyants » foisonne parmi le chaos terroriste. Les ordures voisinent avec les femmes couvertes de leurs noires abayas tandis que l’on psalmodie le nom d’Allah de manière hystérique. Alors que ce berceau de l’humanité, la Mésopotamie, fut aussi celui de l’écriture et des tablettes encyclopédiques…

Comment pouvoir prôner la paix et la démocratie libérale dans un tel contexte ? La gageure est de taille. Notre écrivain espère cependant que l’homme armé de raison saura évacuer dictature et fanatisme. Il n’est cependant pas certain que l’irruption d’une force étrangère puisse permettre une telle évolution, d’autant que se réveillent les monstres des tyrannies religieuses et nationalistes. Et notre romancier de se résigner au scepticisme : « C’est là le Moyen Âge pur et dur, et l’idée que ce pays puisse parvenir à une démocratie moderne et fonctionnelle en peu de temps est illusoire ». Quoique l’on puise lui faire remarquer que ce Moyen Âge n’a rien de celui de la chevalerie et de nos cathédrales…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Contrairement à ce que le titre laisserait penser, ce journal n’est pas organisé au jour le jour, à la façon du diariste, mais au moyen de huit chapitres, de « La liberté sauvage » à « Le vice-roi », en passant par « Les croyants ». Ce vice-roi étant Paul Bremer, chargé par le Président Bush d’organiser « la démocratisation et le reconstruction de l’Irak », au-delà du « socialisme étatique » de Saddam Hussein. « Ce rêve peut-il se concrétiser ? » Notre auteur « pense que oui ». Mais la passivité américaine face aux pillages pèse lourd dans la balance. De plus, un Conseil de gouvernement composé de chiites, Kurdes, sunnites, Turcoman, Chrétien, communiste peut-il imaginer de taire ses différents, ses casus belli permanents ? La suite hélas a fait de ce rêve un dépotoir oublié, grêlé de terrorisme…

Pourquoi ne traduire que vingt ans après cet opuscule ? Les esprits chagrins y verront du réchauffé. D’autres, plus perspicaces, sauront son intemporalité, lorsqu’il s’interroge sur le concept de guerre juste, dans la tradition philosophique, de Saint-Augustin, Saint-Thomas d’Aquin et Hugo Grotius. Selon ces derniers elle doit relever de l’auctoritas principis, la puissance publique et non privée, de la causa justa, la cause juste, de l’intentio recta sans intentions ni causes cachées mais uniquement dans le but de faire triompher le bien. L’on y ajoute la proportionnalité de la violence, la forte probabilité de succès, et enfin les accords de paix qui doivent être équitables pour toutes les parties. Or Mario Vargas Llosa s’interroge : était-ce « une idée juste ou une erreur de s’opposer à la guerre » menée par les Etats-Unis ? Avec notre écrivain d’abord dubitatif, l’auteur de ces modestes lignes pensait alors qu’il était toujours bon d’éradiquer un dictateur génocidaire, donc de soutenir cette intervention ; certes. C’était méconnaître l’islam inhérent à ces contrées, l’atavisme nationaliste et tyrannique, le mépris des femmes, tout ce qui n’a guère amélioré l’Irak, laissé aux détritus de l’Histoire. Pourtant, à l’issue de son voyage d’investigation, Mario Vargas Llosa se découvre favorable à l’intervention américaine. La capacité à faire évoluer son jugement n’est pas une des moindres qualités de l’auteur.

De surcroit, le plus étonnant peut-être de ce modeste journal - douze jours ne suffisant peut-être pas à comprendre et juger avec une expertise suffisante - est ce qui nous permet de retrouver des types humains tels que les romans avaient permis de les portraiturer. L’ayatollah Al-Hakim est un halluciné qui parle « avec la tranquille détermination de qui se sait en possession de la vérité », exactement comme, dans un autre contexte historique et géographique, le fou de dieu qui parcourt le Brésil, traînant l’enthousiasme de « trente mille sectateurs » à sa suite, dans La Guerre de la fin du monde. Le reporter et témoin ne va pas sans l’expertise du romancier et de la fiction.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Plus éclectique, plus cosmopolite est ce Tour du monde en 80 textes. « Ou presque », le mot étant à prendre avec humour et modestie, puisque l’on ne lit ici que vingt-neuf déambulations, en démarrant à partir de la « peur de l’avion », heureusement vaincue grâce la lecture de romans prenants, donc d’une « pharmacopée littéraire ». Jusqu’à « Stanley à terre », soit le Congo martyrisé, où l’on travaille dans des entreprises fantômes : « quand la réalité est insupportable, la fiction est un refuge ». Là-bas règne encore le souvenir délétère de Léopold II, roi des Belges, et où l’écrivain puisa l’inspiration du Rêve du Celte[4]. Comme à Saint-Domingue où se dessina La Fête au bouc, hallucinant portrait de dictateur sud-américain.

Heureux (ou presque) est le voyageur, puisque tous les continents sont visités, de New-York à Berlin, de Rome à Dublin, haut-lieux de culture, à Londres où hélas une bibliothèque ferme ses portes ; mais aussi parmi les « cauchemars andins » et les enfants palestiniens endoctrinés à lancer des pierres plutôt qu’à édifier la démocratie libérale. Les fractures politiques et fanatiquement religieuses,  font partie du monde comme il va et ne va pas. En 1997, et aujourd’hui encore, « les flammes de l’apocalypse menacent de nouveau à l’horizon du Moyen-Orient ». Les « vérités contradictoires » des Israéliens et de ceux que l’on appelle faussement les Palestiniens doivent coexister, à l’encontre des folies homicides.

Parfois, des personnages charismatiques ou loufoques marquent les lieux, tel cet illuminé sympathique qui se prend pour Jésus, à Port-au-Prince, en Haïti. Mais d’autres sont autrement marquants. Car le parcours en pointillé trouve sa dimension littéraire, dans la mesure où les écrivain-phares sont des prétextes pour découvrir une exposition Marcel Proust à la Bibliothèque Nationale de Paris, le Chili du poète Pablo Neruda, la Russie avec la maison de Dostoïevski, ou encore le peintre Gauguin parmi « les homme-femmes du Pacifique », à Tahiti, où l’on est pourtant fort homophobe, le théâtre Nô japonais, en autant de pèlerinages et d’initiations…

Ce puzzle de chroniques, publiés en divers journaux, dont El Pais, entre 1965 et 2008, aux agréables brièvetés, ne peut qu’enchanter le lecteur, voyageant ainsi en pensée, sans exotisme vain, encore moins celui « tapageur en carton-pâte » d’Hawaï. Car là rien n’est gratuit : une question cruciale surgit toujours. Avec un regard à chaque fois aigu sur les mœurs, le caractère des lieux et des temps, les fractures civilisationnelles ; et -d’autant plus s’il s’agit des lieux d’une gestation romanesque nouvelle pour l’écrivain - ce qui peut apparaître comme une solution : les ouvertures vers l’art et la littérature.

Tout semble séparer, mis à part leur qualité de latino-américains, l’un péruvien l’autre argentin, Mario Vargas Llosa et Jorge Luis Borges. Le premier, dont le maître est Flaubert, pratique les vastes fresques romanesques, nanties de thématiques politiques omniprésentes ; le second, amateur de Léon Bloy, d'Edward Gibbon et des Mille et une nuits, préfère les contes passablement brefs et les essais intemporels. Le premier se montre féru de réalisme et d’Histoire, le second goûte le fantastique et l’onirisme. Pourtant il le lit et relit avec ravissement. Une découverte, une admiration, une dégustation se consolident entre 1964 et 1999, tant le mystère de la perfection n’a jamais rien d’aussi haletant que chez l’amateur de miroirs, de labyrinthes et de tigres, sans oublier les bibliothèques babélienne[5].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bien qu’il dédaignât le genre romanesque, hors Henry James et le Cervantès de Don Quichotte, Mario Vargas Llosa le loue sans réserve : « Je n’ai jamais été déçu avec Borges », confie-t-il, et à cet égard il ne peut qu’avoir notre assentiment devant un art narratif si singulier, un gemme littéraire inoubliable. Aussi réitère-t-il les entretiens, les hommages, la visite du monacal appartement où les livres les plus nombreux sont dans la mémoire. Qu’il s’agisse de malfrats de Buenos Aires maniant le couteau, de controverses mythologiques ou théologiques, de ruines circulaires et mentales ou de fictives  bibliographies, les contes de Borges sont des « joyaux artistiques », dont la parfaite architecture saisit le lecteur. Et malgré la réputation extraordinaire de son œuvre, de ses Fictions et autres Aleph et Histoire universelle de l’infamie, il se révèle d’une stupéfiante modestie, approuvant les jurés Nobel de l’avoir délaissé.

La quasi absence d’engagement de l’aède aveugle ne rebute guère le libéral qui faillit être élu à la présidence du Pérou. À l’égard des positions politiques de Borges, il nuance avec justesse l’idée selon laquelle il aurait soutenu des dictatures militaires : « Le soulèvement militaire d’Aramburu a mis fin à l’odieuse tyrannie populiste et nationaliste de Perón qui, non contente de confisquer la démocratie argentine, s’était arrangé pour plonger dans la pauvreté et le sous-développement un des pays les plus modernes trente ans plus tôt et les plus prospères du monde ». Hélas il tarda à reconnaître que ce nouveau gouvernement se montrait tout aussi tyrannique ; et c’est seulement plus tard qu’il « a pris ses distances avec le régime militaire et l’a critiqué ». L’on ne sait expliquer ce passager aveuglement, sinon par le doute qu’il exprimait non sans justesse face à la capacité démocratique du continent latino-américain. Du moins en son temps, car depuis, le Chili, par exemple, au-delà d’Allende et de Pinochet a su s’élever à la démocratie libérale…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ne reste plus qu’à traduire in extenso ce Demi-siècle avec Borges, qui en cette édition française ne compte que six parties, puisque qu’une plus récente édition espagnole[6] en propose rien moins que onze. Alors que Mario Vargas Llosa ne nous a pas habitué à se montrer en poète, Borges en quelque sorte féconde son écriture, puisqu’il y propose, en ouverture, un poème intitulé « Borges dans la maison des jouets » : « Trop intelligent / pour écrire des nouvelles / il se démultiplie en contes insolites, / parfaits, / cérébraux […]  Il fait de l’espagnol / tumultueux / plein de bruit et de fureur / une langue concise, précise / puritaine / lucide et bien éduquée […] C’est un aristocrate / un peu anarchiste / et sans fortune, / un conservateur, / un agnostique / obsédé par la religion, un intellectuel érudit, / sophiste, / joueur[7] ». L’on peut considérer ces vers libres comme une synthèse de ce livre élogieux et séminal.

 

Romancier des libertés[8], romancier engagé en faveur du libéralisme[9], Prix Nobel de littérature 2010, Mario Vargas Llosa, qui préfère à la civilisation du spectacle celle de la culture[10], ne dédaigne jamais d’observer les réalités du monde, qu’elles soient politiques ou livresques, au bénéfice bien entendu de la fiction et de la littérature, en une démarche éthique. Avec Jorge Luis Borges, il représente l’une des deux faces de l’épanouissement littéraire latino-américain. Sans nul doute, son œuvre, malgré la dimension aporétique de cette fiction aux couloirs, escaliers, étagères et volumes presqu'infiniment nombreux et presque toujours illisibles, figure dans un recoin choyé de la Bibliothèque de Babel.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Julio Cortazar : Le Tour du jour en quatre-vingts mondes Gallimard, 1980. 

[3] Mario Vargas Llosa : Diario de Irak, Aguilar, 2003.

[6] Mario Vargas Llosa : Medio siglo con Borges, Alfaguara, 2020.

[7] Traduit par mes soins.

[10] Voir : Mario Vargas Llosa : la civilisation de la littérature contre la civilisation du spectacle

 

Parador de Baiona, Pontevedra, Galicia.

Photo : T. Guinhut.

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4 février 2023 6 04 /02 /février /2023 13:04

 

Enoch, Santa Maria Gloriosa dei Frari, Venezia.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Vladimir Jankélévitch,

patriarche de la conscience et du pardon.

Suivi par : faut-il pardonner Derrida ?

 

 

Vladimir Jankélévitch : La Conscience juive,

L’Herne, 2023, 168 p, 14 €.

 

Vladimir Jankélévitch, Cahier de L’Herne, 2023, 296 p, 33€.

 

Vladimir Jankélévitch : Le Pardon,

Champs Flammarion, 2019, 296 p, 11 €.

 

Vladimir Jankélévitch : Philosophie morale,

Mille & une pages, Flammarion, 2018, 1182 p, 32 €.

 

Jacques Derrida : Pardonner. L’impardonnable et l’imprescriptible,

Galilée, 2012, 88 p, 19 €.

 

 

Septième du lignage de Seth, Enoch, ou Hénoch, est un patriarche biblique. Il est le fils de Yared, le père de Mathusalem et l'arrière-grand-père de Noé. Selon la Genèse, il vécut 365 ans avant que son créateur le saisisse pour le déposer au ciel, car « il marchait avec Dieu », dans une relation plus que privilégiée. En ce sens peut-on considérer que Vladimir Jankélévitch (1903-1985) soit de cette trempe, tant l’un de ses principaux livres est de façon biblique titré : Le Pardon ? L’auteur de La Conscience juive est cependant un « apatride philosophique[1] », qui a consacré sa pensée au mal, à la « mauvaise conscience » ; mais aussi à ce « je ne sais quoi et presque rien », dont la musique sait parler. À ce moraliste et philosophe face à l’Histoire, dont voici un impressionnant Cahier de L'Herne, il sera beaucoup pardonné, si tant est que cela soit nécessaire ; même si son commentateur, Jacques Derrida, est peut-être moins pardonnable.

Si Vladimir Jankélévitch ne s’intéressait guère à son origine juive, l’Histoire se chargea de le rattraper. Professeur de philosophie morale, il fut révoqué en 1940, à cause de son statut juif, poussé à la clandestinité, à la résistance, dont la dimension morale n’est pas à prouver, dimension qui trouve pour lui sa continuité dans un constant engagement à gauche. Ce qui ne l’empêche pas d’œuvrer en faveur d’une transcendance affleurant parmi le quotidien, jusque parmi le « je ne sais quoi et le presque rien[2] ». Une quête de l’éthique vérité s’adosse à la poursuite de cet ineffable esthétique où s’entend la musique.

    La demi-douzaine de textes réunis dans La Conscience juive provient des colloques des Intellectuels juifs de langue française, auxquels Vladimir Jankélévitch participa assidûment à partir de 1957. Au-delà du pessimisme d’après-guerre et du souvenir de la Shoah, quel sens peut-on rendre à un judaïsme rescapé de l’anéantissement ; existe-t-il une identité juive ? L’attachement à Israël, à la spiritualité biblique et à sa complexité, sa propre histoire personnelle, tout concourt à une vision du judaïsme dynamique et affirmée. Cependant « il y a dans le fait d’être juif un exposant supplémentaire d’altérité qui réside dans le fait d’échapper à toute définition ». En revanche « c’est une des marques de l’antisémitisme que de vouloir enfermer le juif dans son étroitesse juive, de ne le définir que par cette qualité - que pourtant nous revendiquons ». En ce sens il s’agit là d’échapper à une définition préalable, de permettre une liberté. Pour ceux qui sont des « survivants », et qui, de plus, ont fondé Israël, un « Etat séculier » s’affirme un devoir associant « morale et politique », voire un « messianisme moral ». Mais entre toutes les opinions émises, « engagement et désengagement, action et contemplation, assimilation et israëlisation », l’on ne peut guère accéder à « la vérité [qui] n’est jamais toute entière dans le même camp ». Si Vladimir Jankélévitch a le mérite insigne d’une telle synthèse, il ne peut toutefois accéder à une solution magique. L’Etat d’Israël étant « le pôle actif des options qui s’offrent à nous », mieux vaut « un choix à l’infini »…

En ces pages lumineuses en dépit de la noirceur historique, de l’inquiétude du futur, surgissent également la perspective du pardon, et cet humour qui « est l’évasion de la mauvaise conscience par la mobilité », pour rappeler cette ironie[3] qui est bonne conscience heureuse. En quelque sorte, voici une réponse nuancée à la question « Pourquoi nous restons Juif ? », pour reprendre le titre de Léo Strauss[4].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une fois de plus aussi affuté que ses pairs consacrés à Walter Benjamin, Paul Celan ou Marcel Proust, ce cahier de L’Herne se propose d’offrir un portrait kaléidoscopique aux chemins de pensée empruntés par Vladimir Jankélévitch. L’on devine que cet homme qui condamne tous les totalitarismes, toutes les discriminations indues, qui a soin de penser la justice et le pardon, la morale et les vertus, attire à lui bien des esprits voués à un éloge pertinent. Ainsi « la clarté et le sérieux du parcours philosophique rejoignent la constante de l’attitude éthique », selon les directeurs de ce cahier : Françoise Schwab, Pierre Alban Gutkin-Guinfolleau et Jean-François Rey.

En guise de témoignages viennent à la barre les « lettres » de ses maîtres ou pairs, Henri Bergson, Léon Brunschvicg, Michel Foucault… Et comme de tradition attendue en de telles sommes, ce cahier (qui abandonne les photographies) abonde en inédits du maître. Voici un beau texte : « Prochaine et lointaine… la femme ». Au travers des mythes, dans la Genèse, dans Le Banquet de Platon, et malgré une tradition misogyne, elle est indispensable au dialogue, au « je et tu » venu de Martin Buber[5]. Cependant, « l’idée même d’une distance infinitésimale implique à la fois l’étrangeté absolue, l’éloignement d’une tout autre ipséité ayant un tout autre noyau, un autre élément nucléaire, et l’absolue proximité ». Au-delà, « aimer c’est désirer sans avoir besoin » ; que de sagesse en ces mots sur l’amour tourné vers le futur, « qui fait parler et chanter », aussi bien les musiciens que les poètes…

Ce sont encore un petit « Curriculum vitae », des entretiens qui exposent le philosophe à l’Histoire, mais surtout une profession de foi : « Assassiner la philosophie, c’est un crime contre la jeunesse elle-même », soit la perpétuation de « la tradition de la pensée libre ». Ce à quoi répond l’« Hommage d’un lycéen », Maurice Dumons. Vient alors le « temps du faire », quoiqu’il faille l’associer au « temps pour tout », celui de naître et mourir, celui de l’irrévocable instant. À cet égard, une belle partie du cahier tente d’approcher le sens de la musique, celle qui « nait du silence », selon notre philosophe, non sans le précieux secours du compositeur Henri Dutilleux. Il faut cependant affronter une fois de plus l’Histoire, avec une partie sur la « clandestinité », une autre sur Résistances, mémoires, contemporanéité », dans laquelle nous parvient le questionnement de notre philosophe : « L’Europe de la culture : chimère ou espoir ? ». Dialoguant avec Bernard-Henri Lévy, il y récuse le concept d’homme-européen, en préférant le cosmopolitisme, de Franz Liszt, par exemple, quoique l’Allemagne « décidément est européenne par vocation », dit-il sans vouloir borner les frontières intellectuelles.

Enfin, Frédéric Worms se demande en quoi Vladimir Jankélévitch est notre contemporain. Certes il fut de son temps, mais il serait « né une fois pour toutes ». Or ce contemporain est moins un temps des horloges qu’un acte, un faire, « un devoir moral et existentiel », à l’occasion de la relation entre nos actes et l’Histoire. L’exigence est rude. Une fois de plus en un cahier de L’Herne, les pistes sont des cheminements, la pensée fourmille, dressant un riche portrait de ceux qui sont indubitablement, par-delà les décennies, les siècles, nos contemporains essentiels.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Errare humanum est, perseverare autem diabolicum[6] ». En d’autres termes, depuis Saint-Augustin : l’erreur est humaine, mais persévérer est diabolique. Il semblerait alors que la première soit évidemment pardonnable, le second non. Si la question christique et ecclésiastique du pardon donne lieu à des fleuves de traités théologiques, il faut à la philosophie se faire pardonner son humanité en la traitant avec une rare perspicacité : celle de Vladimir Jankélévitch ; et, peut-être à un moindre degré, de Jacques Derrida (1930-2004).  Que reprocher alors à Jankélévitch et à Derrida qui ne nous soit pas reprochable ? Le « péché d’exister », cette variante du péché originel chrétien qui pour le moins embarrasserait le fidèle de la Bible, où règne d’abord un Dieu vengeur, puis du pardon, Euménide devenue Bienveillante ? La conscience, ou mauvaise conscience, de ne pas ignorer cette pointe ou cette pyramide de mal qui est native en chaque être humain ? La capacité, ou l’incapacité, de pardonner la Shoah[7] et tous les autres noms de la Shoah parmi l’Histoire ? Voilà un Pardon qui serait bien au-delà de toute transcendance biblique, sans parler de l’humaine immanence…

Qui sait si l’on est en droit de se demander pourquoi Jankélévitch écrivit-il tant sur le mal[8], qui, au-delà du « mal d’insuffisance » et de « scandale », sans omettre son absurdité, est en tout état de cause un vouloir le mal, mais aussi sur cette mauvaise conscience[9] qui est la prémisse du remord et in fine de la liberté. Si nous ne confondrons ni l’écrivain avec son personnage, ni le philosophe avec son objet d’étude, il est permis d’émettre deux hypothèses. La première, assez faible au demeurant, concernant une culpabilité sourde, irrationnelle, peut-être psychanalysable de l’homme Jankélévitch, voire parfaitement consciente, sinon justifiée. La seconde, plus raisonnable et efficace, est l’irréfragable sensation du scandale éprouvé par l’humaniste devant le mal et ses agents. Aussi est-il nécessaire d’examiner la dimension de mauvaise conscience, à moins que l’on puisse parle de la bonne conscience du tourmenteur sadien, de façon à glisser vers un possible ou impossible pardon, rendu d’autant plus possible par le remord, et empreint de charité ou de justice.

Il est primordial de replacer l’essai de Jankélévitch dans son contexte : publié en 1967, donc mûri dans les années qui précèdent, Le Pardon est indubitablement la conséquence d’un absolu traumatisme qui ne date que de deux décennies, alors absolument contemporain, nous avons nommé le nazisme et la Shoah, l’extermination de six millions de Justes au moyen d’une logistique impeccable, justifiée par une aberration racialiste et prétendument scientifique. Pardonner peut alors paraitre un second scandale, un scandale en miroir, voire en complicité. C’est alors que le « devoir de pardonner est aujourd’hui devenu notre problème ».

Prenant toute la hauteur philosophique nécessaire, notre essayiste ne se limite cependant pas à l’examen de cette circonstance de l’Histoire, c’est avant tout qu’il s’attache à déplier la théorie du pardon, entre « grâce » et « avachissement », sans angélisme : « Le pur amour sans ravissement et le pur pardon sans ressentiment ne sont donc pas des perfections qu’on ne puisse obtenir à titre inaliénable ». En effet le pardonneur n’est pas exempt de devoir être pardonné.

Le temps parait pouvoir effacer la faute, le péché, le crime. Pourtant « l’usure temporelle » n’est pas selon Jankélévitch un argument solide. Ce jusqu’à suspecter la validité du « délai prescritif » dans le droit, le temps n’ayant aucune signification morale. Sinon seraient prescrits les abjections de la pédophilie (plus exactement de la pédosexualité ou pédérastie) qui enlaidissent une vie en gestation, et les crimes de masse qui ont enlaidi les barbaries et les civilisations. À cet égard, « le temps continu escamote la conversion définitive, le don gratuit, le rapport à autrui ».

Fautif peut être le pardon, lorsqu’il ouvre la porte à la reconnaissance du « néant du mal », de « l’inexistence du péché ». C’est accepter qu’au mal[10] diabolique appartienne la seule responsabilité, donc s’abstraire du libre arbitre et de la responsabilité. De même à l’occasion de la Théodicée de Leibniz qui attribue le mal aux voies impénétrables de la Providence divine. Car, selon ce dernier, Dieu peut vouloir le mal, mais « comme un moyen propre à une fin, c’est-à-dire pour empêcher de plus grands maux ou pour obtenir de plus grand biens ». En conséquence, « quand il permet le péché, c’est sagesse c’est vertu[11] ». Evidemment tout cela ressortit à une grande fiction téléologique et consolatrice.

L’excuse ne vaut pas pour pardon, reprend Vladimir Jankélévitch, encore faut-il qu’elle soit acceptée. Comprendre n’est pas non plus salvateur pour le coupable : « Comme une volonté cesse de vouloir si elle ne peut vouloir que le Bien, si elle veut le Bien par nature et en vertu des lois physiques, ainsi la pardon cesse de « pardonner » s’il découle de l’intellection comme la sécrétion des sucs gastriques découle de l’ingestion des aliments ». À moins que « l’intellection [soit] calmante », faut de remplir entièrement son rôle moral.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des « circonstances atténuantes » au « bon-débarras », le philosophe ne nous laisse rien ignorer du sérieux et des bienveillances (« Il faut donner sa chance au méchant », dit-il au dernier chapitre du Mal), des paresses et des frivolités de la justice, qu’elle soit religieuse, institutionnelle, ou interpersonnelle, ou encore intime. De même, le relativisme et l’humilité se dressent soudain au-devant de l’argumentation ; le « pardon fou » et le « pardon impur » se jettent au travers de nos pas. Ainsi « l’eschatologie philanthropique des libertaires, on le sait, met tous ses espoirs dans la contagion révolutionnaire : brûler tous les dossiers, amnistier tous les gredins, libérer tous les gangsters, embrasser les gentlemen tortionnaires, recevoir docteur honoris causa les métaphysiciens de la Gestapo et l’ex-commandant du Gross-Paris, transformer les palais de justice en cinémas et les prisons en patinoires - voilà le vrai jugement dernier et l’objet même du pari final ». Où l’on lira le talent autant intellectuel que rhétorique du connaisseur en ironie…

Reste que « la victime ne se repentira pas à la place du coupable ». Non loin d’Eichmann à Jérusalem, sous la plume pleine de conscience d’Hannah Arendt[12], « cet empressement à fraterniser avec les bourreaux, cette réconciliation hâtive sont une grave indécence et une insulte à l’égard des victimes ». Selon Jankélévitch enfin, la limite ultime serait de « pardonner au misérable, quitte à instaurer pour mille ans le règne des bourreaux ». L’impératif d’amour se heurte à celui de l’annihilation du mal (comme la joue tendue du Christ face à la violence à désarmer), du moins celui d’origine humaine, y compris celui de l’indifférence à l’égard de la terreur sanglante infligée. Il n’y a pas de dernier mot, sinon : « Aussi le pardon est-il fort comme la méchanceté ; mais il n’est pas plus fort qu’elle ».

Erudit, informé, aussi élégant que profond, l’essai ne dément pas la réputation brillante de  notre auteur. Ce dont on ne rend ici que très partiellement compte, les mânes du philosophe étant priées de pardonner la modestie, voire la petitesse, de notre analyse. Sa « docte ignorance[13] », pour faire allusion à Nicolas de Cues, fait ici merveille, en une quête qui vise à repousser les limites de l’inconnaissable dans la conscience humaine. Plus métaphysique et intellectuelle que psychologique, la démarche est éclairante, même si l’abîme de l’impardonnable se refuse à s’ouvrir au pardon.

Saluons également, outre la réédition dans la même collection jaune « Champs » du texte jumeau La Mauvaise conscience, la somme impressionnante réunie sous le titre programmatique de Philosophie morale. Trois décennies d'écriture se déploient, depuis la thèse en 1933, La Mauvaise conscience, jusqu'à notre Pardon, en passant par Du Mensonge, Le Mal, L'Austérité et la vie morale, Le Pur et l'impur, et L'Aventure, l'Ennui, le Sérieux...

En quelque sorte, l’impardonnable est le Tartare des Grecs où sont infiniment suppliciés les Titans coupables d’hubris, d’avoir voulu abattre l’Olympe divin, Ixion sur sa roue, Sisyphe et son rocher, Prométhée et son foie dévoré ; comme il est l’Enfer des religions monothéistes, même si c’est le Christianisme qui est coupable de l’avoir tant creusé, en particulier avec Dante[14]. Commettre le mal avec intention et préméditation, si l’acte est suivi de remord, mieux de repentir, peut-être pardonné, au moyen d’une grande mansuétude ; faute de quoi, et surtout s’il y a répétition en conscience et persévérance du mal, l’impardonnable mérite le devoir d’enfer de la mémoire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bien des commentateurs n’ont pas pardonné à Jacques Derrida sa phraséologie absconse, son emprise sur les intellectuels, en particulier outre-Atlantique, sinon sa déconstruction[15]… Ses concepts et sa syntaxe parfois fumeux, ses jeux de mots abstrus, saupoudrés de psychanalyse, son mystère entretenu à dessein, son retrait du schibboleth nécessaire, à la lisière de la poésie hermétique et oraculaire, parurent parfois n’être que pièges à gogo, quand on attendait d’un philosophe la vertu majeure : la clarté. Vertu que ne renie pas Jankélévitch… A l’occasion de la reparution, chez Galilée, l’éditeur maintenant iconique de Derrida, de Pardonner, peut-on pardonner celui parle du pardon ?

Faut-il faire grief à Jacques Derrida le brio de sa difficulté à trouver La Vérité en peinture[16] ? D’abuser Des ronds de jambe abscons, voire pédants parmi les pages de La Carte Postale[17] ? D’avoir disséminé son « phallologocentrisme » parmi ses descendants de la Cancel culture[18] ? D’avoir signé le livre d’or de « Todtnauberg », lorsque, visitant la hutte d’Heidegger,  il a fait suite aux innombrables noms de pèlerins, et surtout à celui de la déception de Paul Celan[19] qui espérait entendre là une demande de pardon de la part du maître de l’être et du temps qui avait été nazi ?

Bien sûr, en la matière, Derrida ne prétend pas faire œuvre fondamentale. En ce séminaire à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, prononcé en 1997, il est d’abord le commentateur de Jankélévitch, trente ans après ce dernier, pour qui « le pardon du péché est un défi à la logique pénale ». C’est la question du « mal radical » kantien, et plus précisément du « mal inexpiable » qui les taraude tous les deux, celui commis au cœur du XX° siècle contre les Juifs. En effet, « on ne peut demander le pardon à des vivants, des survivants, pour des crimes dont les victimes sont mortes ». En ce sens, « le pardon est-il quelque chose de l’homme, le propre de l’homme, un pouvoir de l’homme - ou bien réservé à Dieu ? » Y a-t-il un « pardon absolument inconditionnel qui nous donne à penser l’essence du pardon », hors de celui « juridico-politique » et pénal ? L’on glisse alors ici du côté de la loi du Talion, puis du pardon des Bienveillantes grecques qui laissent ouverte la possibilité de l’humaniste rachat, sans compter le versant glissant de la question de la peine de mort abordée en un autre séminaire[20].

Peut-on « anéantir le mal même » ? C’est jusque chez les animaux que Derrida sait l’existence du « se sentir coupable », donc la possibilité de la grâce. A moins de buter sur un oxymore, une aporie, bien derridiens : « il n’y a de pardon, s’il y en a, que de l’im-pardonnable. » Est-il, enfin, justiciable de « demander pardon au lecteur », lorsque « toute faute, tout mal est d’abord un parjure, à savoir le manquement à quelque promesse (implicite ou explicite) » ? Ainsi ne pas avoir été compris par tous ses lecteurs (mais n’est-ce pas notre faute commune, écrivain, critique ou philosophe ?) est peut-être la faute implicite de Derrida, ici soumise à la demande de pardon : « je dois demander pardon pour être juste ».

Reste que cet opuscule mérite à Derrida d’être pardonné, ne serait-ce qu’à la faveur de son exceptionnelle clarté. Chacun d’entre nous a pu attendre longuement une réponse à sa demande tacite ou exprimée de pardon. Et lorsque le oui lustral est prononcé, une joie, une gratitude totales envahissent l’être. Nous aimerions à Derrida, pourtant de manière posthume, et s’il est en notre indigne et modeste pouvoir, offrir ce pardon. Car de ce petit livre, quoique centré sur « l’impardonnable et l’imprescriptible » venu de Jankélévitch[21], sourd une lumière d’humanité ; car du « langage du pardon », les fantômes déconstruits doivent pouvoir s’enfuir, puis construire les vivants, mais judicieusement…

Peut-on jamais pardonner les génocides de Gengis Khan, de Mahomet et ses sbires séculaires, de Staline, d’Hitler, de Mao, dont les poubelles de l’Histoire regorgent sans cesser de puer pour l’éternité… Théocraties, communismes et fascismes, tous se liguent pour ne rien pardonner à leurs ennemis, aux ennemis et jusqu’aux indifférents de leur pensée unique et de leur pulsion totalitaire. Si nous ne sommes pas tous, loin s’en faut, des tyrans politiques parvenus aux sommets des coupe-gorges historiques et des pyramides de crânes, n’y-a-t-il pas en chacun de nous une pincée de cette pulsion, de cette libido dominandi, plus ou moins sensible, à moins d’être un saint, lorsque que nous nous affrontons à l’autre, y compris lors d’un débat d’opinions, d’une argumentation de conviction ? Le saint lui-même, ascète ou bonze retiré du monde, ou dévoué à la charité, n’a-t-il pas besoin d’être pardonné du crime qui consiste à opposer le silence et la paix aux nécessités des luttes intellectuelles et physiques contre les tentatives et réussites totalitaires de ses contemporains…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Vladimir Jankélévitch & Béatrice Berlowitz : Quelque part dans l’inachevé, Gallimard, 1978, p 15.

[2] Vladimir Jankélévitch : Le Je ne sais quoi et le presque rien, Seuil, 1980.

[3] Vladimir Jankélévitch : L’Ironie, Champs Flammarion, 2011.

[4] Léo Strauss : Pourquoi nous restons Juif ? La Table ronde, 2001.

[5] Martin Buber : Je et tu, Aubier, 2012.

[6] Renzo Tosi : Dictionnaire des sentences grecques et latines, Jérôme Million, 2010, p 1391.

[8] Vladimir Jankélévitch : Le Mal, in Philosophie morale, Flammarion, 2019.

[9] Vladimir Jankélévitch : La Mauvaise conscience, Champs Flammarion, 2019.

[11] Leibniz : Essai de Théodicée, Œuvres II, Charpentier, 1842, p 86 et 88.

[13] Nicolas de Cues : La Docte ignorance, GF, 2013.

[16] Jacques Derrida : La Carte postale, Flammarion, 2014.

[17] Jacques Derrida : La Vérité en peinture, Champs Flammarion, 2010.

[20] Jacques Derrida : Séminaire. La Peine de mort, Volume I (1999-2000), Galilée, 2012.

[21] Vladimir Jankélévitch : L’Imprescriptible. Pardonner ? Dans l’honneur et la dignité, Seuil, 1986.

 

 La Sainte Bible, Furne, 1841. Photo : T. Guinhut

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29 janvier 2023 7 29 /01 /janvier /2023 18:25

 

Coffret Inde, Les Belles Lettres ; Bhagavad-gita, Diane de Selliers.

Photo : T. Guinhut

 

 

 

L’Inde, mythologie et philosophie.

De la Bhagavad-gita & de son coffret

aux Stances du milieu de Nagarjuna.

 

 

Coffret Inde, Les Belles Lettres, 2022,

dix volumes, 2022, 3376 p, 240,30 €.

 

Bhagavad-gita, Diane de Selliers, 2016, 336 p, 230 €.

 

Nagarjuna : Stances du milieu par excellence,

Tel, Gallimard, 2022, 372 p, 8,90 €.

 

Vincent Eltschinger & Isabelle Ratié : Qu’est-ce que la philosophie indienne ?

Folio, Gallimard, 2022, 560 p, 13,50 €.

 

 

Décentrer le regard est parfois nécessaire. Non pour oublier un centre, y compris s’il en est de la pensée, mais pour comprendre combien l’humanité, malgré ses constantes génétiques et anthropologiques, est plurielle. Les mythes grecs demandent à être épaulés et bousculés par ceux bien étrangers, la philosophie, née avec les présocratiques, réclame de se voir jouxtée par d’autres systèmes et perspectives. Si nous nous étions déjà interrogé sur les philosophies du monde[1], à cet égard l’Inde est un continent de mythes et de sagesse, que nous observerons avec fascination, avec rigueur s’il se peut, quoique avec plus qu’un brin de nécessaire scepticisme. En conséquence la Bhagavad-gita sera notre point de départ, en passant par La Lignée des fils du soleil, des fables et des contes comme Krishna et les ogres, mais aussi des traités savants, tels celui de l’habitat et le Manuel du prince indien. De telle sorte que nous puissions initier une réponse à l’aide de Qu’est-ce que la philosophie indienne ? non sans consulter celui qui peut-être le plus étonnant et radical penseur en cet univers : Nagarjuna. Ainsi irons-nous d’une vie florissante, à la souffrance, au nirvana…
Originelle est la Bhagavad-gita, car elle traverse successivement le brahmanisme, le bouddhisme et l’hindouisme. Sis au cœur de l’immense Mahabharata[2], ce « Chant du Bienheureux » est le texte sacré fondateur de l'hindouisme. Il déploie en dix-huit chants le dialogue du guerrier Arjuna et de son cocher et avatar divin : Krishna. Lorsqu’une gigantesque bataille fratricide opposant le clan des Pandava à celui des Kaurava est sur le point d’exploser, Arjuna confie à Krishna sa crainte de défaillir à la pensée de devoir combattre ses rivaux et ses parents : « Quel bien puis-je retirer du massacre de mes propres parents ? Je n’en aperçois aucun. Ô quel mal infini irions-nous commettre, poussés au meurtre des nôtres, par l’aiguillon du pouvoir et des richesses ! ». Heureusement, le « Bienheureux » Arjuna l’initie aux valeurs du renoncement et de l’ascèse. Son existence entière en est bouleversée. L’inéluctable combat doit être accepté, mené à son terme, le destin, soit son « dharma », doit s’accomplir. De la sorte, le « karmayoga » ou détachement dans l’action, permet de réconcilier le moi et le monde, d’apaiser les sens et l’esprit. Tel est le but ultime d’un enseignement disposé dans la trame du récit, et de verset en verset, dans une suspension du temps avant la bataille, qui, durant dix-huit jours, se soldera par dix-huit millions de cadavres.
Bien entendu, à l’instar de notre analyse à propos de la mythologie grecque[3], l’appareil mythologique de l’œuvre épique permet de développer un savoir, des préceptes, ceux du yoga et de la philosophie hindoue : « Dans ce monde, je te l’ai déjà dit, ô très pur, il existe une double démarche : celle des penseurs qui font de la connaissance une ascèse, celle des ascètes du Yoga qui en font une de l’action ». Au plus haut de la sagesse, la parole s’éteint : « Il s’adonne à la pratique de la méditation et se repose dans une impassibilité permanente. Le moi, la force, l’orgueil, le désir, la passion et l’avidité : il se libère et ne possède rien en propre. Il est en paix, prêt à entrer dans l’absolu ». La dimension cosmique est avérée lorsqu’au chant XI le dieu Vihsnu se manifeste à Arjuna sous sa forme suprême et universelle de Visvarupa, l’omniforme qui contient l’univers. Parmi les peintures, la tête de ce dernier atteint les nuages, son corps contient dieux et montagnes, forêts et animaux… L’iconographie, brillante, intensément animée, vivement colorée, use de la délicate école moghole et de celle fleurie de Mysore, de la rutilante école pahari et de celle plus religieuse des ateliers rajpouts.
Parmi les volumes somptueux dont Diane de Selliers a le secret, cette Bhagavad-gita ne peut être ignorée. La traduction de Marc Ballanfat s’appuie sur la grande édition indienne du texte sanscrit, accompagné de onze commentaires[4]. Elle est accompagnée par 92 miniatures et peintures indiennes du début du XVI° à la fin du XIX° siècle, ce qui n’avait jamais été tenté ; le défi trouvant ainsi son acmé narrative, colorée, sensuelle et symbolique. Le chant VII résonne d’une puissance poétique et philosophique inégalée lors du discours de Krishna :
« Je suis le goût de l’eau.
La lumière de la lune et du soleil.
La syllabe des Savoirs sacrés.
La vibration sonore dans l’espace.
La virilité des hommes.
Le parfum de la terre.
Je suis l’ardeur du feu.
La vie de tous les êtres.
Les austérités des renonçants.
Sache que je suis le germe immortel de tous les êtres.
Je suis l’intelligence des savants.
L’éclat des puissants.
La force des forts sans la violence du désir ni de la passion.
Je suis le désir légitime qu’éprouvent les êtres. »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si l’on craint de devoir racler jusqu’à l’os les fonds de porte-monnaie pour acquérir ce luxueux objet d’art, l’on peut se tourner vers le Coffret Inde de Belles Lettres. Ce dernier étant cependant en son entier passablement onéreux, quoique l’investissement soit d’autant plus sûr qu’il s’agisse d’une édition de prestige limitée à 300 exemplaires, donc bientôt rare et recherchée, il est loisible d’élire l’un ou l’autre de ses dix volumes, dont la Bhagavad-gita[5]. Cette fois dans la traduction d’Emile Senart.
Le même dieu fondamental fait une rencontre insolite dans Krishna et les ogres[6], ou Kailasayatra, qui est un rameau supplémentaire à l’épopée du Mahabharata. En dix-huit chapitres venus du VIII° siècle se développe le panthéon indien. Le paisible pèlerinage de Krishna est contrecarré par « l’arrivée des démons cannibales ». Ces derniers connaissent la raison de leur destinée : « Comment avons-nous pu malgré nous assumer la condition d’ogre, la plus horrible au monde, haïe de toutes les créatures, souillée par les os et la chair humaine, et suscitant la terreur en tous les êtres ? Hélas c’est que nous avons commis de mauvaises actions au cours d’innombrables naissances passées et que nous y avons toujours pris un plaisir immense ». Ainsi se dessinent le cycle des réincarnations, au sens moral affirmé…
L’on se doute que dans la mesure où ces créatures sont des illusions, Ghantakarna entonne l’éloge de Vishnu et « apaise son psychisme ». Ainsi l’on parvint à la vision du dieu Vishnu-Krishna. L’ascèse et la délivrance sont au bout de l’initiation enfin contemplative. Considérablement enrichi de notes historiques et philosophiques, ce Krishna et les ogres est ici la première occidentale, qu’il faut donc saluer chapeau bas…
Parmi les six grands poèmes classiques, digne de l’honneur des traités de rhétorique qui les considèrent comme des modèles de toute composition littéraire, figure La Lignée des fils du soleil[7]. Au V° siècle naquit ce poème épique dû à Kalidasa. Y sont narrés les hauts faits des Fils du Soleil, appelés les Ikshvaku, dont le premier, le roi Raghu permit à sa descendance de briller, en particulier Rama, dont la vie est contée au moyen d’une sorte d’abrégé du Ramayana. Enfin apparaissent ses descendants, jusqu’à la mort d’Agnivarna. Mais là n’est pas forcément l’essentiel, tant la virtuosité poétique l’emporte, de stance en stance, chacune formant un micro-poème. Métaphores et sonorités s’unissent dans la précieuse écriture au service d’une grande capacité à émouvoir, à emporter. L’on devine le défi opposé au traducteur du sanskrit, Louis Renou. Cependant ce n’est pas sans talent épique et tragique : « Le champ de bataille regorgeait de fruits - c’étaient les têtes des guerriers tranchées par des flèches ; - ils abondaient en coupes - les casques tombés à terre ; - ils étaient pleins de liqueurs - le sang - : vraiment le cabaret de la mort ». Ou lyrique : « En ce temps-là, les joyaux tombèrent du diadème du démon aux dix visages : c’étaient les larmes que goutte à goutte versait à terre sa Fortune ». Une rare esthétique poétique anime cette lignée de stances, non sans portée morale.
Dans cette perspective éthique, Le Savoir de la vie[8], qui est un florilège de l’Ayurveda, dispense maintes connaissances concernant la médecine savante indienne traditionnelle. Le volume discourt depuis les « origines mythiques », de façon à délivrer un savoir pour la longévité. Certes il s’agit d’un ésotérisme médical mêlant tantrisme, alchimie et magie. À une botanique pharmacopée, jusqu’à l’opium et le mercure, s’ajoute tout un ensemble de pratiques : massages, lavements, saignées, et même chirurgie. Enfin « L’Ayurveda au féminin » prodigue des conseils en matière d’accouchement. L’on ne sait de quand date cet ouvrage…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si le médecin s’occupe autant des corps que des âmes, le politique s’intéresse à la cité. Or Le Manuel du prince indien[9] est moins de l’ordre du réalisme que du modèle un brin utopique. Cette fois l’on en connait l’auteur, Kautilya, créateur de la science politique ; quoique l’on hésite à le situer, entre le IV° siècle avant notre ère et le IV° de notre ère ! Il serait en tous cas plus ancien que Les Lois de Manu[10]. Parmi les quinze livres de cet ouvrage, il est d’abord question de politique intérieure, puis de l’éducation du prince, de son emploi du temps, de ses conseillers et ministres. Suivent l’administration et l’économie, le droit, puis la surveillance réciproque entre prince et fonctionnaires. Enfin viennent diplomatie et stratégie. Cet art de gouverner convient à une monarchie absolutiste : « Le roi, c’est l’Etat ». Ce prince doit être de souche noble pour être reconnu par le peuple ; s’il est idiot, un bon conseil des ministres y suppléera. Il est cependant censé défendre son pays et le faire prospérer. Et s’il gouverne mal, son peuple pourra le tuer. Là où il est question de complots, de police omniprésente, d’agents secrets, les inspecteurs et les juges sont nombreux, de façon à contribuer à « la suppression des épines du crime ». Quant à la politique étrangère, il n’est pas interdit de « faire un traité et le violer », d’où la nécessité des otages. Et si la situation est impérieuse, le roi pourra être « emmené par les agents secrets déguisé en cadavre ou en femme qui suit un cortège funèbre ». Dans quelle mesure faut-il lire cela aux côtés de notre Machiavel[11], voire du « Big Brother » de George Orwell ? Nous lirons donc ce Manuel du prince indien comme un document d’importance, mais dont notre contemporain saurait s’inspirer avec bien de la prudence…
Penchons-nous avec bonheur sur l’Instruction utile[12] ou « Livre des bons conseils », composé de contes, comme « Le vieux marchand et sa jeune femme », ou « Sunda et Upasunda » qui commence par « Il était une fois » ; mais aussi de fables, telles «  Le singe et le pilier » ou « La grue et l’écrevisse ». Venu de la fin du premier millénaire, cet Hitopadesa est prodigue en histoires emboitées, ponctuées d’environ 700 versets didactiques. Forcément anonyme et collectif, le recueil se veut divertissant, mais la morale éducatrice à destination des princes, le réalisme politique et la dimension spirituelle sont au rendez-vous, non sans que le terrible de la vie soit fort saillant. Non loin de « l’art de la prudence » de Baltazar Gracian[13], cette prudence est peut-être ici le maître mot. Car « Les gens adroits savent présenter le faux sous les couleurs de la vérité, de même que, sur une surface unie, les peintres nous font voir les objets comme s’ils étaient placés devant et derrière ».
Enfin l’art de l’architecte n’est pas en reste puisque figure ici un Traité de l’habitat[14], prolixe en indications sur la construction des temples, maisons et palais royaux, sur leur iconographie, soit des sculptures d’innombrables dieux et déesses…
Un écrin cartonné, délicatement ourlé de motifs floraux et animaux couleur d’or, expose, à la manière d’une scénographie muséale, dix grands classiques aux essences diverses qui se répondent pour brosser un étonnant tableau de l’Inde ancienne. Des fables animalières aux traités théoriques, des poèmes épiques aux visions philosophiques, jusqu’aux mémoires de Babur[15], prince islamique trop souvent guerrier du XV° siècle, un univers multiforme s’élève. Chaque délicieux volume au dos toilé, à la facture soignée et colorée bénéficie en sus d’illustrations, celles de Scott Pennor’s étant parmi les plus séduisantes, à l’occasion de la Bhagavad-gita, grâce à ses graphismes paysagers et corporels symboliques, de couleur ivoire sur fond rouge.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Là encore un texte fondateur, ou plutôt déconstructeur : l’original sanskrit des Stances du milieu par excellence, du moine bouddhiste indien Nagarjuna, qui vécut autour de l’an 500 avant notre ère. Son influence fut considérable, tant il essaima en en Asie. En effet il s’agit de l’indien noyau séminal du bouddhisme tibétain et jusqu’au zen japonais. Musicalement composé de 447 brèves stances de deux vers chacune, il convient parfaitement à la mémorisation, à la récitation, quoique chacune de ces stances ait pu susciter au moins huit commentaires. Ses 27 chapitres, plus exactement « examens critiques », entrelacent cependant des argumentations dialectiques pas toujours aisées.
La variété thématique est impressionnante : entre l’acte et l’agent, entre le feu et le combustible, le lien et la délivrance, « de l’acte et de ses fruits », « du fait d’apparaître et disparaître », se glisse la « critique de la concupiscence et du sujet concupiscent ». Dans la foulée, permanence, passions, causalité, temps, propriété naturelle, souffrance, matière, etc. sont renvoyées à leur vacuité. Le plus souvent, la controverse dialoguée s’exerce contre les tenants du bouddhisme ancien, « prendre des mots pour des choses » étant le principal grief, car ces dernières n’ont guère d’existence ; ce pourquoi le philosophe part du dire des autres, du sens commun à balayer, de cet homme du commun qui est « un métaphysicien qui s’ignore », pour reprendre les mots du traducteur et préfacier. En ce sens, l’enseignement du Bouddha se veut surtout thérapeutique, afin d’évacuer le concept d’identité qui nuit à l’accession au nirvana. Au cours d’un processus dialectique, Nagarjuna combat en effet pied à pied les réalistes et les substancialistes, ceux qui présupposent sous le moi la fulguration des « dharmas » engendrant le devenir karmique, et les tenants d’une métaphysique contre laquelle le Bouddha avait alerté.
Par exemple : « Dire « j’ai existé dans le passé » présente une faille logique. En effet celui qui parle hic et nunc n’est pas le même que celui des vies précédentes ». La démonstration est imparable, en dehors même de la fiction des réincarnations. Mais pourquoi traduire le sanskrit au moyen d’une locution latine, même si le procédé argumentatif ressemble comme deux surfaces de miroirs à celui de la scolastique médiévale…
Sans pitié pour les a priori, Nagarjuna remet en tout schéma mental et vital : cause-effet, commencement-fin, identité-altérité, sont balayés. Règnent ici l’absence même de l’impermanence des choses et des hommes, la vanité des passions, le vide du moi, l’inanité de la souffrance et de tout acte dont on croit récolter les fruits. Ne subsistent que vacuité, illusion, gouffre salutaire du nirvana.
Mais au sortir de la lecture de Nagarjuna, fascinant par sa radicalité - à moins qu’il ne soit qu’un grotesque provocateur en prônant l’inanité - une méfiance, un scepticisme aigus peuvent saisir le lecteur, certes à cet égard surtout occidental : ne s’agit-il pas là d’une fatigante litanie de l’annihilation, d’une démission devant la vie, même si action et renoncement sont couplés, d’une incitation à la disparition ? C’est bien ce que confirme la somme établie par Vincent Eltschinger & Isabelle Ratier dans leur de Qu’est-ce que la philosophie indienne ? En une progression ordonnée de l’exposé, nos deux exégètes ne faillissent pas par manque de clarté. Au long d’une flopée de sages, le soi et le non-soi s’affrontent par doctrines interposées. La connaissance, donc l’erreur et la vérité, voient leurs démarches se déployer. Les « universaux » restent cependant éternels et semblables, du moins pour la plupart des penseurs. Les « alternatives non-bouddhiques » ne sont pas écartées. Les questions pullulent : « Un monde hors de la conscience ? » Les dieux croisent leurs adversaires athées. Le yoga, le vedanta, le jaïnisme, le bouddhisme coexistent. Une nébuleuse immense de pensées en constellations flotte sur le continent indien. Si l’on peut préférer examiner ce volume (inédit bien qu’en Folio) par petites touches, l’on sera secouru par des chapitres progressivement agencés, des notes, un index des noms de philosophes, parfois actifs jusqu’à un millénaire avant notre ère, mais ne dépassant guère notre Moyen-âge.
La découverte d’une philosophie d’ailleurs, si exotique soit-elle,  si polymorphe et désarmante, si éclairante quant aux possibles de l’orientation intellectuelle et spirituelle de l’humanité, n’équivaut pas à une conversion au yoga, à Krishna huitième avatar de Vishnou, à Kali la préservatrice et destructrice aux huit bras, au Bouddha assis et à son évacuation dans l’impensé du nirvana. Si nous ne croyons en aucune religion, nous avons la mort pour cela. À ces facettes de la mythologie et de la philosophie indienne, il est loisible de préférer le mouvement divers, constructif et critique, qui va des présocratiques à Friedrich Nietzsche, du libéralisme politique aux sphères de Peter Sloterdijk[16].

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[2] Le Mahabharata, GF, Flammarion, 1993.

[3] Voir : Ferry Mythologie

[4] The Bhagavad-gita with eleven commentaries, The Gujarati Printing Press, Bombay, 1938.

[5] Bhagavad-gita, Les Belles Lettres, 2022, 128 p, 21 €.

[6] Krishna et les ogres, Les Belles Lettres, 2022, 240 p, 23 €.

[7] La Lignée des fils du soleil, Les Belles Lettres, 2022, 256 p, 23 €.

[8] Le Savoir de la vie, Les Belles Lettres, 2022, 288 p, 23,50 €.

[9] Le Manuel du Prince indien, Les Belles Lettres, 2022, 288 p, 23 €.

[10] Les Lois de Manu, Les Belles Lettres, 2022, 432 p, 26,90 €.

[12] L’Instruction utile, Les Belles Lettres, 2022, 288 p, 24,50 €.

[14] Traité de  l’habitat, Les Belles Lettres, 2022, 288 p, 23 €.

[15] Le Livre de Babur, Les Belles Lettres, 2022, 834 p, 27,90 €.

 

Bhagavad-gita, Diane de Selliers et Les Belles Lettres.

Photo : T. Guinhut

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21 janvier 2023 6 21 /01 /janvier /2023 17:51

 

Palacio de Soñanes, Villarcarriedo, Cantabria.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Les ombres du fantastique

dans le romantisme allemand.

E.T.A. Hoffmann : Dans la nuit,

Chamisso : Peter Schlemihl,

Ewers : Les Cœurs des rois.

 

 

E.T.A. Hoffmann : Dans la nuit,

traduit de l’allemand par Philippe Forget,

Les éditions du Typhon, 2022, 268 p, 26 €.

 

Adelbert von Chamisso : Peter Schlemihl, José Corti, 2018, 176 p, 8 €.

 

Hanns Heinz Ewers : Les Cœurs des rois,

traduit de l’allemand par Marie-Thérèse Wackenheim

et commenté par Vincent Wackenheim,

gravures de Stefan Eggeler,

dessins de Denis Poupeville,

L’Atelier contemporain, 2022, 208 p, 25 €.

 

 

 

Si le premier roman fantastique est celui du Français Jacques Cazotte, Le Diable amoureux, en 1772, le romantisme allemand fit de ce genre littéraire une marque de fabrique. Ernst Theodor Hoffmann (1776-1822) en est le propagateur génial. Dès 1829 les Français le traduisirent, Gavarni l’illustra brillamment en 1849. Quoique ses œuvres complètes figurent au catalogue des éditions Phébus, à moins qu’elles soient épuisées, Dans la nuit offre une initiation bienvenue, réunissant cinq contes, entre diableries, folies et furieuses histoires emboitées. En quelque sorte dans son sillage, Adalbert von Chamisso imagina un récit emblématique à l’adresse de celui qui avait malencontreusement vendu son ombre. Le sillage du surnaturel et de la peur trouve une autre acmé avec Hanns Heinz Ewers, dont le recueil intitulé Dans l’épouvante cache un joyau soudain réédité de manière exceptionnelle : Les Cœurs des rois. Nous aimons tant l’épouvante et la folie, tant qu’elles restent de prégnantes ombres littéraires…

 

Il nait à Berlin un enfant à la « silhouette difforme de radis tordu ». Est-ce la faute de la vieille sage-femme ? La sorcière est brûlée, mais la silhouette du bel et trop aimable « étranger » qui séduisit toute la ville s’en élève, manipulée l’écrivain marionnettiste, Ernst Theodor Hoffman déjà au faîte de son talent. « Le diable à Berlin » fait preuve d’une efficacité redoutable, non sans morale implicite. Ce tropisme médiéval cède le pas aux fantômes et aux rêves brûlants. En effet, lorsque l’on aime une jeune fille à la mère effrayante, voire satanique, ne risque-t-on pas d’avoir épousé une vampiresse : « Maudite fille de l’enfer, tu hais la nourriture des vivants parce que tu adores celle des morts ! », s’écrie le comte. Quant à cette « maison sinistre », est-elle hantée, ou faut-il « accepter l’explication prosaïque » ? Reste qu’il faut se garder des « sortilèges amoureux » : la « reine des profondeurs » des « Mines de Falun » prendra-t-elle possession d’Elis, au dépend de sa raison et de sa fiancée ?
Voici maintenant le récit le plus emblématique de notre romantique. Quoique le « marchand de sable » soit une faribole pour les enfants durs au coucher, la chose reste obsédante pour Nathanaël qui se heurte au « vieux Coppelius », qu’il pense être le meurtrier de son père. La lunette de l’homme aux yeux lui permet de s’amouracher de sa voisine à la fenêtre, de danser en un rythme frénétique avec elle, de la séduire idéalement, même si elle ne répond que par des « Ah Ah », donc d’abandonner la douce Clara. La folie et le suicide sont au bout de l’amoureuse passion, peut-être fétichiste, pour le parfait automate. Ne s’agit-il que du « fruit de [son] imagination » ? Le récit épistolaire hésite entre « obscure puissance psychique » du moi et manifestations obsessionnelles de l’irrationnel, car jusqu’au bout Coppelius, le facteur d’yeux, le harcèle de son ironie…
Les ombres de la psyché humaine vont jusqu’à se creuser de poches de folie, comme des utérus de ténèbres qui font basculer l’individu. Ainsi, folie, amour et rêve s’entrelacent en d’infinie variations, de façon à faire s’entrechoquer les ombres et les lumières du moi, en une espérance de totalité psychique, quoiqu’aux débouchés souvent tragiques, bien caractéristiques d’un romantisme exacerbé.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

D’abord juriste, puis compositeur et chef d’orchestre, Hoffmann commença une féconde carrière littéraire en 1813, avec ses Fantaisies à la manière de Callot et ses Kreisleriana. En sus des Elixirs du diable, l’on retient son roman intitulé Le Chat Murr. Bouffonnerie et mélancolie s’y marient avantageusement.
Innombrables sont les compositeurs qui s’inspirèrent d’Hoffmann. Pensons au ballet Coppélia de Léo Delibes, au Casse-Noisette de Tchaïkovski, aux Contes d’Hoffmann d’Offenbach, où la séduisante automate chante avec une grâce inégalée. Notre conteur fantastique, qui idolâtrait Mozart, a cependant écrit plusieurs opéras, dont en 1804 Les Joyeux musiciens, qui n’a rien de méprisable, au contraire.
Ernst Theodor Hoffmann écrit avec un sens du rythme, du suspense et de l’angoisse vertigineux. À son style étincelant l’on devine que le traducteur a mis tout son entrain. Cette édition est un plaisir : outre son texte et sa postface, ses illustrations stylisées tout en noirceur et blancheurs mystérieuses, à la fois enfantines et expressionnistes, par Tristan Bonnemain, sa reliure soignée, tout concourt à une aimable bibliophilie.
Enfin l’on sait qu’Hoffmann était pour Sigmund Freud « le maître inégalé de l'inquiétante étrangeté en littérature », formule devenue célèbre. Ne reste plus qu’à découvrir sa vivante biographie placée sous le signe de l’ombre par Pierre Péju : E.T.A. Hoffmann - L'ombre de soi-même[1].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ombre encore, celle dont Adelbert von Chamisso inflige la perte à son malheureux héros. Contre l’inépuisable bourse de Fortunatus, un  inconnu rencontré lors d'une réception, Peter Schlemihl ne résiste pas à cet échange : « Tope là ! marché conclu ; je vous donne mon ombre en échange de la bourse ». Mais, très vite, Peter, bien que devenu fort riche grâce à cette bourse magique qui ne cesse de déverser son or, pâtit d’être dépourvu de sa moitié, de ce qui peut apparaitre comme la preuve de son existence terrestre. Malgré sa munificence, il n’est plus qu’un malheureux paria, un proscrit, condamné à vivre à l’écart de la lumière, qui, de surcroit, ne peut envisager de se marier avec sa bien-aimée. Lorsqu’il parvient à retrouver « l'Homme Gris », un second marché lui est proposé : le diable en personne consent à lui restituer son ombre, mais contre son âme. L’imparable contrat faustien bute cependant sur la présence d’esprit du jeune homme qui refuse, et jette la bourse de Fortunatus. Alors, il peut trouver la voie de l'expiation et de la rédemption. Ce récit fantastique et philosophique, écrit en 1813, marque pour longtemps d’une pierre noire le romantisme allemand.
Que signifie cette « ombre » ? Est-ce notre inconnaissable moi, notre identité profonde encore plus incompréhensible, voire fictionnelle, ce jouet du hasard génétique et du destin, ou de Dieu et du diable qui en manipulent les dés, ou encore, dirait un psychanalyste, le poids de l’inconscient, quoiqu’en ce récit ce soit lorsque ce dernier est absent que le malheur s’abat sur nous. À moins que cette ombre perdue soit le symbole d’une différence ressentie comme inacceptable par autrui, par une société trop conformiste et qui n’aime l'ombre que si le soleil l'imprime sur le sol…

 

Adelbert von Chamisso : Peter Schlemihl, Grote'sche Berlag, Berlin, 1876.

Photo : T. Guinhut.

Près d’un demi-siècle après Ernst Theodor Hoffmann, apparait un surgeon tardif et notable du fantastique allemand : Hanns Heinz Ewers. L’édition française ne l’a pas ignoré, tant en 1922 que bien plus récemment avec la réédition de son recueil : Dans l’épouvante. Histoires extraordinaires[2], dans lequel figure Les Cœurs des rois.
Dès les premiers mots, il nous semble entrer dans une nouvelle historique, puisque l’action se situe en 1841. Une lettre en forme de chantage parvient au duc Ferdinand d’Orléans : ne doit-il pas acheter fort cher une collection de tableaux, ce au bénéfice des « Gens de la Montagne », douteux propagandistes genevois du régicide ? Martin Drölling est un très vieux peintre, dont on trouve au Louvre une toile (un « Intérieur de cuisine » ici reproduit). Le voilà prétendant avec une assurance impressionnante : « mes tableaux contiennent les cœurs de la maison royale de France ». En effet le « jardin » aux pendus de Louis XI et autres scènes historiques peu ragoûtantes exhibant les crimes royaux sont peints en incorporant la matière des cœurs momifiés, achetés à bas prix lors de la profanation révolutionnaire de 1793 ! « Voyez-vous, je me suis approprié l’âme de chacun de vos ancêtres […] Je suis la catin vivante des rois de France morts ». Grâce à de tels restes, la couleur, dite « brun de momies », est incomparable. Exhibant ses six chefs-d’œuvre insupportables, représentant les haut-faits criminels et macabres des ancêtres prestigieux, tels Louis XI, Henri IV ou Louis XIV, du duc Ferdinand d’Orléans, ce dernier est contraint de céder. En conséquence, le peintre damné se voit délivré de son travail expiatoire…
Audacieusement écrite en 1907, Les Cœurs des rois s’inspire d’une légende fumeuse en l’amplifiant. La dimension fantastique est encouragée par l’anachronisme : l’on sait en effet que le duc Ferdinand d’Orléans, fils ainé de Louis-Philippe, mort en 1842, n’a pu rencontrer le peintre Martin Drölling, par ailleurs bien éloigné de telles exactions picturales, puisque né en 1752, il s’éteignit en 1817. Quant aux six chefs-d’œuvre, ils n’ont que la réalité de la fiction.
L’un des mobiles de l’écriture d’une telle parfaite nouvelle est probablement la répulsion qu’inspira aux Allemands la Terreur révolutionnaire, dont, en l’occurrence, la profanation des tombes royales. La dénonciation du pouvoir absolu et de ses crimes est patente. Si l’on ajoute qu’Hanns Heinz Ewers est non seulement un amateur d’Ernst Theodor Hoffmann mais d’Allan Edgar Poe[3], l’on devine comment il s’est laissé entraîner dans une telle morbidité.
Lors d’une réédition de Die Hersen der Könige en 1922, le graveur Stefan Eggeler figure à sa manière expressionniste les six chefs-d’œuvre insupportables, entre grappes de blêmes pendus, paniers de corps, bal de nudités avariées, radeau fait de cadavres, tripes tirées par deux vautours et têtes sur des forêts de piques…
Cependant, aux bons soins de L’Atelier contemporain, il s’agit d’une publication fort soignée qui bénéficie d’une nouvelle traduction et d’illustrations étonnantes. Voici un modèle d’édition : fac-simile de l’édition allemande illustrée par Stefan Eggeler au moyen de ses gravures au noir, ses griffures plus exactement, traduction illustrée un siècle plus tard par Denis Pouppeville avec maintes hachures noires, mais ensanglantées d’oranges et de rouges. Sans oublier préface, appareil de notes profuses, bibliographies et le concours d’une nouvelle traduction : « In fine : un quatuor, mortis », soit le peintre, l’écrivain et les deux illustrateurs, selon la locution latine offerte par Vincent Wackenheim.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Romancier et dramaturge, Hanns Heinz Ewers (1871-1943) est un amant des catastrophes, par exemple dans La Mandragore, histoire d’un être animé. Il suffit de lire ses titres pour ne pas ignorer son horrifique penchant : Les Possédés, Les Chasseurs du Diable, ou L’Apprenti sorcier, Le Vampire, Chevalier dans la nuit allemande… Moins brillant, malgré son Guide de la littérature moderne et son Histoire du drame, est hélas son éloge d’un homme dont Hitler avait fait un héros : Horst Wessel, un destin allemand. Il s’agissait d’un souteneur tué dans une rixe… Mais l’on ne sera pas étonné qu’il ait traduit les Contes cruels de Villiers de l’Isle-Adam.
Issu d’une légende médiévale, peut-être s’agit-il de son roman le plus effarant : La Mandragore[4]. Car cette plante, prétendument propice aux philtres d’amour, pousse aux pieds des pendus dont la semence permet la naissance. Aussi deux compères usent d’une prostituée pour pratiquer une insémination artificielle, au moyen du sperme d'un condamné à mort qui vient d'être guillotiné. Une fille au charme androgyne s’ensuit. L’on devine que la donzelle se révélera fort maléfique, entraînant dans le trépas tous ceux qui ont le malheur de se laisser devenir amoureux d’elle, jusqu’à son tuteur : « Dès qu'il la voyait, il oubliait tout. Son regard s'élargissait, son ouïe s'aiguisait, il entendait le moindre bruissement de soie. Son nez puissant reniflait l'air, aspirait avec avidité le parfum de sa chair ; ses vieux doigts tremblaient, sa langue léchait la bave qui coulait de ses lèvres. Tous ses sens criaient vers elles, avides, lubriques, complètement fous de désirs répugnants. Mandragore le tenait par cette solide corde ». Il se pendra en effet. Mais lorsqu'elle s'éprend de Frank, le neveu de ce dernier, la belle Mandragore, habitée par une sanglante perversité, risque à son tour le pire…
Au-delà du Cœur des rois, le recueil de dix nouvelles horrifiques intitulé Dans l'épouvante apparait comme une galerie des enfers. Hanns Heinz Ewers y met également en scène une « salsa ». La cérémonie est tellement abominable que les participants, lors de leur arrestation policière, choisissent de se couper la langue plutôt que de témoigner. En écho avec les cœurs momifiés des rois, voici l'aventure vécue par une jeune Égyptienne, momifiée vivante en 2500 avant J.-C. Sauf que la chose a lieu conjointement dans notre contemporain. Plus sanglant, une autre jeune fille se voit engloutie par un flot de sang ; la cause est en la seule immolation d'un modeste pigeon blanc. La dichotomie du bien est du mal devient alors suspecte.
Et lorsque l’abjection plaide sa cause, voici ce que cela donne : « Vous comprenez, dit-il en se tournant vers le Président, la pire chose c'est : quand le criminel lui-même, le criminel le plus misérable, le plus vil, nous amène à la conviction qu'il est encore au-dessus, oh! bien au-dessus de nous, de nous, hypocrites serviteurs de la justice ; quand ce criminel nous montre, dans l'abîme de son infamie, une sublimité qui, d'un souffle, transforme en loques tout notre fatras de formules ; quand ce criminel nous arrache de la poitrine la cuirasse de fer de toutes les lois et de tous les paragraphes, pour la fondre comme par le feu, au point de nous faire ramper devant lui, dans la poussière, nus comme des vermisseaux ». Faisant l’éloge du crime, le romantisme allemand se fait romantisme noir. De là à deviner une accointance avec l’adhésion au nazisme de l’auteur, il n’y a qu’un pas qu’il n'est peut-être pas nécessaire de franchir...

 

Les forces du mal s’insinuent progressivement par tous les pores de ces histoires, à tel point que l’on pourrait imaginer que ce maître du fantastique soit un précurseur de Lovecraft[5]. En une aristotélicienne catharsis, nous aimons avoir peur, face à la pulsion de mort, la nécrophilie du Martin Drölling de Hanns Heinz Ewers, les ombres montantes de l’hoffmannienne folie. À condition de la sécurité de la lecture. Quant à Chamisso, peut-être a-t-il joué un rôle obscur dans le choix du titre de Friedrich Nietzsche : Le Voyageur et son ombre, dans laquelle le premier apostrophe la seconde : « Par Dieu et par toutes les choses auxquelles je ne crois pas, mon Ombre parle : je l’entends, et n’y puis croire». L’on devine qu’au-delà de cette prosopopée, elle est l’allégorie de la vanité humaine », l’indispensable « amie » de ces hommes qui sont « les disciples de la lumière[6] ».

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Dans la nuit fut publié dans Le Matricule des anges, novembre 2022

 


[1] Pierre Péju : E.T.A. Hoffmann - L'ombre de soi-même, Phébus, 2018.

[2] Hanns Heinz Ewers : Dans l’épouvante. Histoires extraordinaires, Christian Bourgois, 1974, Ombres, 2017.

[4] Hanns Heinz Ewers : La Mandragore, Marabout, 1980.

[6] Friedrich Nietzsche : Humain, trop humain II Le voyageur et son ombre, Œuvres II, La pléiade, Gallimard, 2019, p 473-474.

 

ETA Hoffmann : Contes et dessins, Club des Libraires de France, 1957.

Photo : T. Guinhut.

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7 janvier 2023 6 07 /01 /janvier /2023 10:44

 

Estacas de Trueba, Vega de Pas, Cantabria.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

François Cheng :

Poésie et beauté sur le monde ;

une longue route vers le Vide et le Plein.

 

 

François Cheng : Une longue route pour m’unir au chant français,

Albin Michel, 2022, 256 p, 17,90 €.

 

François Cheng : Cinq méditations sur la beauté,

Albin Michel, 2017, 160 p, 15 €, Le Livre de Poche, 6,90 €.

 

François Cheng : Le Long d’un amour, Artfuyen, 2003, 94 p, 13,50 €.

 

François Cheng : Vide et plein, Seuil, 2021, 172 p, 45 €.

 

François Cheng, Cahiers de l’Herne,

sous la direction d’Olivia Mauriac, 2022, 288 p, 33 €.

 

 

« La beauté sauvera le monde », affirmait Bernard Bro[1] de manière peu ou prou péremptoire, ce dans une perspective sacrée, plus exactement chrétienne. Avec plus de circonspection, François Cheng prétend à cet égard seulement fournir un quintette de « méditations », néanmoins spirituelles, dans le cadre de sa pérégrination sur notre terre. Or à la « Longue Marche » de Mao qui fut le prélude du ravage communiste, ce Franco-chinois a préféré l’exil et nous conter enfin Une Longue route pour m’unir au chant français. Celui qui se veut d’abord poète est également un esthète, à la recherche de cette poétique des monts et des brumes innervant la peinture chinoise, ce au sein de son ouvrage Vide et plein. Au couronnement d’une carrière singulière, un Cahier de l’Herne offre cent clefs d’un parcours exemplaire, entre taoïsme et christianisme, auquel nous ne répondrons modestement qu’au moyen d’une partielle traversée d’un tel dynamisme créateur, philosophique, poétique et romanesque. Comment prétendre à un orphisme à la fois chinois et français ?

 

« Célébrer la sagesse », tel est le sens de son prénom chinois : Chi-Hsien. Né en 1929 à Nanchang, arrivé en France en 1948, embrassant une nouvelle langue, c’est en 1969 qu’il se prénomme en hommage à Saint-François d’Assise, mais aussi à la nation qui l’accueille. Professeur à l’Institut national des langues et des civilisations orientales, il mène de front l’enseignement et la traduction, non sans édifier une œuvre toute personnelle, assez vite couronnée de succès. Son premier roman, Le Dit de Tianyi[2] reçut le Prix Fémina, quand son recueil, Enfin le royaume[3], vit s’écouler 30 000 exemplaires : étonnant pour de la poésie ! Celle qu’il considère être sa vocation fondamentale depuis l’adolescence.

Aussi livre-t-il sa Longue route pour m’unir au chant français en commençant par une naissance inaugurale : « C’est à l’âge de quinze ans que le chant s’est éveillé en moi ». Le geste autobiographique est moins venu du corps que de la gestation de l’œuvre. Parmi les pins, le soleil illuminant la pluie, comme en une peinture ancienne de paysage montagnard, une « Présence » lui enjoint : « Toi qui as soif, sois chant. Chante et tu seras sauvé, et tout sera sauvé ». Cette taoïste réceptivité à la beauté des puissances de la nature et à l’irrationnel n’est probablement pas sans lien avec sa future conversion au christianisme. Mais au début des années quarante, la guerre sino-japonaise, si meurtrière, le chasse, et avec lui sa famille, vers l’intérieur de la Chine. Aussi, comme un autre échappatoire, lit-il avidement en traduction les poètes européens. Cependant, face à la guerre civile entre nationalistes et communistes, et face au désarroi intérieur, il cède à une période de désœuvrement, à une longue fugue. C’est à son retour que son père, expert en sciences de l’éducation, l’embarque pour Paris ; où il demeure, malgré le départ de sa famille vers les Etats-Unis. Il lui faut opiniâtrement apprendre la langue, vivre de petits boulots. Pendant que dans la Chine de Mao n’existe plus qu’une littérature de propagande, sa vocation créatrice ne pourra se réaliser qu’en français, lisant Rimbaud, Gide, mais aussi Rilke, se consacrant à « la voie orphique ». Il lui faut dix ans pour que ses premiers quatrains atteignent à la justesse :

« Nous avons bu tant de rosées

En échange de notre sang

Que la terre cent fois brûlée

Nous sait bon gré d’être vivants »

Enfin il obtient un poste au Centre de linguistique chinoise, ce qui n’est qu’un prélude à la réussite universitaire, jusqu’au sommet : un fauteuil de l’Académie Française, en 2002. Un jalon crucial se situe lorsque Julia Kristeva l’introduit parmi les éditions du Seuil, où paraît en 1977, L’Ecriture poétique chinoise. Dont le pendant est bientôt Vide et plein. Le langage pictural chinois. Cette osmose entre Orient et Occident lui permet de devenir « un être indéfinissable, à la crête d’une symbiose ». Et si la philosophie européenne, de Parménide à Kierkegaard, le requiert, il revient aux brumes et montagnes natales avec l’album L’Espace du rêve. Mille ans de peinture chinoise. Mais la réelle assomption orphique vient de la naissance de divers recueils, dont De l’arbre et du rocher, Cantos toscans, Le long d’un amour, plus tard réunis dans À l’orient de tout[4] : « De l’indicible au chant, notre voix est orphique, Transmuant les absents en d’ardentes présences ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le parcours autobiographique se change en recueil d’essais d’une pure finesse linguistique et interprétative, lorsque le poète commente sa découverte d’autres poètes, de Baudelaire à Rimbaud, également de ceux qu’il put rencontrer, engageant un dialogue fécond : Henri Michaux ou Yves Bonnefoy.  Sans compter un « pèlerinage rilkéen », soit en 1960 un voyage dans le Valais Suisse où Rainer Maria Rilke, l’auteur des Sonnets à Orphée, composa ses vers ultimes et français, et auprès de sa tombe émouvante. Là où une nuit de lune inspire François Cheng : « Que valent nos corps sous la houle des galaxies ? » en un écho de la « Première élégie[5] ».

Qui l’eut cru ? Après de telles prémisses, le genre romanesque devint une corde résonnante au sein de la lyre de François Cheng. Le Dit de Tianyi est à la fois un roman de l’artiste, une histoire d’amour absolu et une immersion dans la fureur d’un demi-siècle de l’Histoire chinoise, soit l’univers tyrannique des camps de Mao Zedong.

Ecrire un poème après Auschwitz - ce qu’Adorno pensait être impossible - est au contraire essentiel, prouvant « que les humains peuvent s’arracher à la vertigineuse pente qui mène au néant ». Rien d’engagé chez Français Cheng, rien d’insignifiant non plus, plutôt une quête de spiritualité, car « au sein de l’éternité, fût-ce durant quelques secondes, tout n’est pas là pour rien ». Pour lui, le Créateur n’a-t-il pas « besoin de répondants, d’être doués d’une âme et d’un esprit comme nous le sommes, qui donneraient sens à sa création »… En une rigoureuse continuité spirituelle, trois recueils d’essais se complètent, sur la beauté, la mort et l’âme. Et si engagement il y a, c’est en faveur de la langue française, dont toute sa tradition littéraire et poétique est garante. Il est lui-même la preuve de sa conviction : « On comprend que la France, pour accueillir ceux qui viennent à elle, procède par intégration ». Il est cependant à craindre qu’il pêche là par irénisme, seul bémol dont nous le gratifierons, tant de croissantes poches d’immigration ne font pas rimer ce dernier mot avec intégration, fort au contraire…

Conçu depuis l’« ultime stade de mon parcours terrestre », depuis le « bambou aux feuilles arrachées », le récit, mais aussi l’art poétique, est empreint d’une souplesse narrative enchanteresse, le réalisme n’empêchant en rien la prose poétique d’insuffler au lecteur le sens de la vie et de la création, de soi et de l’œuvre en gestation. « La vénération de la langue française » est une des morales de ce volume, morale à laquelle nous nous devons de rester fidèles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

En ce sens cette Longue route est en phase avec les Cinq méditations sur la beauté : « En ces temps de misères omniprésentes, de violences aveugles, de catastrophes naturelles ou écologiques, parler de la beauté pourrait paraître incongru, inconvenant, voire provocateur. Presque un scandale. Mais à cause de cela même, on voit qu'à l'opposé du mal, la beauté se situe bien à l'autre bout d'une réalité à laquelle nous avons à faire face. Nous sommes donc convaincus qu'au contraire nous avons pour tâche urgente, et permanente, de dévisager ces deux mystères qui constituent les deux extrémités de l'univers »...

L’on se doute que pour notre penseur la beauté[6] n’est pas une affaire de goût, ni un relativisme subjectif, mais au plus près de « la source même de la Création ». Elle est celle des paysages et de la plume, de la contemplation et du pinceau, de la calligraphie et de l’être, autant au sens moral qu’esthétique : « la vrai beauté est celle qui va dans le sens de la Voie étant entendu que la Voie n'est autre que l'irrésistible marche vers la vie ouverte ». Transcendant Orient et Occident, elle dispose évidemment d’une dimension universelle, ce dans la perspective de la pensée platonicienne, unissant le vrai, le beau et le bien. Non sans accorder que la capacité à la beauté, innée, doit être développée, dans le sens d’un art de vivre. La délectation philosophique à l’état pur, en toute simplicité, en toute beauté…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il fallait bien qu’en son humaine condition, le poète succombe à l’amour. Sous le nom mythique d’Iris, une aimée cristallise des émotions et expériences heureuses ou douloureuses parmi les pages aérées de Le Long d’un amour :

« Âme charnelle, cette basse chantante en chacun,

Lorsque le toucher de l’autre le fait

vibrer, résonner »

Ce n’est pas là un désordre violent de la passion, ni un narcissisme outrecuidant ; car le plus essentiel est présent :

« Derrière les yeux, le mystère

D’où infiniment advient la beauté

D’où coule la source du songe »

Une communion, plus qu’érotique, orphique serait-elle possible ? « Si le veut ton souffle / nous serons chant ».

Grâce à son recueil Le Long d’un amour, il semblerait François Cheng soit au plus près de la tradition lyrique occidentale, depuis l’amour courtois des troubadours. Cependant, loin de la tradition romantique,  une poétique ténue allie des notations venues du vide et plein des paysages naturels à la délicatesse du sentiment. Sans rien de l’ordre du sentimentalisme toutefois, affleure une union mystique entre amour humain et amour divin.

Selon Tsung Ping (375-443), le microcosme pictural est « plus vrai que la Nature elle-même ». Ainsi Vide et plein. Le langage pictural chinois restitue-t-il cet art du pinceau en prenant appui sur les souffles vitaux de l’Univers. Cet essai, originellement paru en 1979, nous est restitué en une somptueuse édition reliée et illustrée, réalisant une implicite promesse.

 Capter les lignes internes des choses, animer les relations qu’elles entretiennent entre elles, telle est la mission dont se sait redevable le peintre. Cependant le trait s’incarne parmi le Vide, auquel le Plein répond, en une dualité qui est une complétude, car le Rien, par « le truchement du souffle primordial », a donné naissance au Tout. Les autres notions de la peinture chinoise, et en premier lieu le Yin et le Yang, s’organisent autour de ces concepts fondateurs et redevables du Tao. Cependant le blanc du tableau n’acquiert aucune « qualité aérienne » s’il est « inerte ». L’important est que « le courant du vide médian circule au travers des figures incarnées, que le tableau en son ensemble, respire d’invisibles souffles vitaux à l’œuvre ». C’est là qu’intervient la mobilité de la brume, au sein de la confrontation paysagère entre montagne et eau, dont « l’interaction » est perçue « comme l’incarnation de la transformation universelle ». Et si les monts, les arbres et les cascades bénéficient des reproductions de peintures enchanteresses, s’y glissent également fleurs et insectes colorées, saisis dans leur perfection allusive, microcosme parmi le macrocosme. Parfois un vieux sage, en pied, ou minuscule sur une falaise, médite face à la permanence et à l’évanescence de soi et du monde…

Cette réédition magnifiée bénéficie d’une nouvelle préface, dans laquelle François Cheng non seulement réaffirme les principes de bases de la peinture chinoise, mais propose des rapprochements inattendus avec l’Occident. Turner et Matisse connaissent à leur manière la vitalité du vide en leurs œuvres paysagères ou dansées. En outre, ville, eau, ciel et lumière, Venise[7] est la ville d’une « constante circulation du souffle ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comme les œuvres de François Cheng, faites de trilogies, romans, essais, poèmes, selon les triades confucéenne, égyptienne, platonicienne, puis la trinité chrétienne, le Cahier de l’Herne à lui consacré est un triptyque : « le poète-pèlerin », « le poète-artiste », « le poète de l’âme » sont les jalons révélateurs. Ce voyage au travers d’une œuvre et d’une pensée est de toute évidence géographique, entre Extrême-Orient, Paris, la Suisse de Rilke et l’Italie de Shelley. Il faut une pléiade d’auteurs pour le cerner sans le sceller par un introuvable point final : écrivains, poètes, universitaires, critiques, théologiens. La France est confrontée à la Chine, en des allers et retours féconds, de façon à comprendre comment « habiter la langue de l’Autre », comment trouver « la juste voix ». Plus loin la poétique du paysage et la pratique de la calligraphie rendent sensible la connivence entre l’art et la beauté.

De nombreux inédits balisent l’ambitieux volume. À côté de reprises de quelques pages cruciales de l’autobiographique Longue route, l’on découvre son Discours de réception à l’Académie française. Cette dernière se devait en effet d’accueillir en son sein un amant si studieux et si créatif de la langue de Molière et de Baudelaire. Il y fait d’ailleurs l’éloge, outre celui obligé de son prédécesseur Jacques de Bourbon Busset, de la France des Lumières et de son idéal d’universalité. La prose du « Pèlerinage rilkéen » nous entraîne sur les marches d’une tombe, mais aussi d’un hommage à un prince de la poésie. De cette méditation sur la finitude à la dimension philosophique il n’y a qu’un pas, dans la mesure où poésie et spiritualité trouvent leur symbiose à l’occasion du périple qui va « Du Tao à la Voix christique », pour reprendre le titre de l’analyse de Madeleine Bertaud. Les poètes également rendent leur hommage, qui n’a rien d’obligé ni de convenu, par l’essai ou par les vers : ainsi Gérard Bocholier et André Velter. En de tels examens informés et sensibles, le lecteur emprunte le chemin dans la pérégrination d’une vie, dans la montagne peinte et dans le poème…

À notre grande et belle surprise, le traditionnel cahier central de photographies a laissé place à douze calligraphies, plus parlantes qu’une succession de visages que le temps gomme. Il s’achève en beauté, par la grâce de trente Quatrains orphiques, presque des alexandrins, qui sait testamentaires :

« N’oublions pas nos morts ni notre propre mort ;

C’est le devoir mourir qui nous pousse vers l’élan.

De l’indicible au chant, notre voix est orphique,

Transmuant les absents en d’ardentes présences. »

 En écho à ceux de la poésie chinoise classique (« jue- ju ou « vers tranchés »), cette forme brève est pour lui, comme il le précise dans Une Longue route, le « minimum complet, apte à restituer une pensée, une vision, avec sa dialectique interne ». Cette pensée ramassée, qui est à la poésie franco-chinoise ce que le haïku[8] est à la poésie japonaise, réalise en quelque sorte la quadrature du cercle entre poésie chinoise et poésie française, au détriment peut-être du sonnet qu’il n’a pas cru devoir élire.

 

À la lecture de François Cheng, ce sésame entre les cultures, une impression diffuse se fait peu à peu chair : dans sa longue et féconde continuité, elle nous affine. Elle nous emporte vers la beauté et l’amour, sans niaiserie aucune, réalisant une sorte d’idéalité possible au-delà des barbaries inhérentes à l’humanité. Comme Orphée se retournant vers son Eurydice aussitôt disparue[9], le poète, s’il ne ramène pas la chair, ramène au jour les mots qui en sont la renaissance.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Bernard Bro : La Beauté sauvera le monde, Cerf, 1990.

[2] François Cheng : Le Dit de Tianyi, Albin Michel, 1998.

[3] François Cheng : Enfin le royaume, Poésie Gallimard, 2018.

[4] François Cheng : À l’orient de tout, Poésie Gallimard, 2005.

[9] Voir : Fonctions de la poésie et pouvoir d'Orphée

 

Estacas de Trueba, Vega de Pas, Cantabria.

Photo : T. Guinhut.

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30 décembre 2022 5 30 /12 /décembre /2022 08:43

 

Museo del Duomo, Milano.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Rachilde, Vénus masculine des Lettres,

et autres revanches des autrices.

Avec Cécile Chabaud et Julien Marsay.

 

 

Rachilde : Monsieur Vénus, L’Imaginaire Gallimard, 2022, 192 p, 11 €.

 

Cécile Chabaud : Rachilde, homme de lettres, Ecriture, 2022, 240 p, 18 €.

 

Julien Marsay : La Revanche des autrices, Payot, 2022, 272 p, 20 €.

 

 

Vénéneuse impénitente, féline orgueilleuse, Dame et homme des lettres, telle apparut, à la fin du XIX° siècle, un étrange météore, une fascinante et inapprochable harpie, un hybride scandaleux, dont la plume empruntait aux ailes d’Eros un délicieux venin. La dénommée Rachilde avait lu Baudelaire et ses lesbiennes « Pièces condamnées », les poètes maudits et les écrivains décadents. Son emblématique roman, Monsieur Vénus, attire les curieux d’orchidées anthropophages autant que nos contemporaines et les troubles dans le genre, pour reprendre le titre de Judith Butler[1], agités comme ludions dans un bocal. Autant une biographie bienvenue, par le soin de Cécile Chabaud, entretient la flamme de cette sulfureuse dame des Lettres, autant son regain participe de cette « revanche des autrices », mise en avant avec un brin de provocation discutable, mais bien des analyses critiques et des découvertes, par Julien Marsay. Qui, par son prénom, semble être un homme - n’est-ce pas ? - osant écrire sur les auteurs féminins : allégeance ou justice ?

Avec un titre en forme d’oxymore, les bien-pensants contemporains de Rachilde, en 1884, ordonnèrent en Belgique une condamnation pour obscénité. Le volume n’ayant paru qu’allégé de passages fort érotiques, voici Monsieur Vénus, vêtu de toutes ses pages originelles, ou plus exactement mis à nu comme il se doit.

Raoule de Vénérande  est une héroïne paradoxale. Elle inverse les rapports homme femme, dominant dominé. Un « être qu’elle méprisait comme homme et adorait comme beauté » est sa maîtresse, nourri au haschich pour en abuser, quand elle est d’une jalousie féroce. Aristocrate excentrique, elle féminise son amant, un ouvrier fleuriste joliment roux à qui elle offre un mécénat intéressé, puis le mariage : « Elle forçait Jacques à se rouler dans son bonheur passif comme une perle dans sa nacre ». Le réalisme, la « dépravation » du décadentisme, la riche et sensuelle écriture, torride et cependant allusive, servent l’action venimeuse à souhait et magnifie « le poème effrayant de la nudité humaine ».

Un scandale mondain, une fin tragique et vampirique ornent le roman des sensations fortes ; à condition d’apprécier l’association de l’amour et de la violence. Cette œuvre fondatrice de Rachilde, qui écrivit une Marquise de Sade[2], dans laquelle la jeune Mary devient un monstre assoiffé de sang, rappelle furieusement La Vénus à la fourrure de l’Allemand Leopold von Sacher-Masoch[3], paru en 1870, d’où vint par antonomase le mot « masochisme ».

Marguerite Eymery (1860-1953) ne devint Rachilde qu’après avoir usé du pseudonyme de Jean de Childra. Héroïne sulfureuse de la Belle époque, elle était selon son orgueil « homme de lettres », et fort prolifique, ce qui ne l’empêcha pas d’épouser Alfred Valette, directeur du Mercure de France, dont les locaux lui servaient de salon littéraire en vue. Son héroïne, Raoule de Vénérande, porte son nom comme un drapeau militant,  prénom presque mâle, matronyme lubrique, en digne précurseure des afficionados des théories du genre.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La réédition de Monsieur Vénus vient à point pour raviver la trajectoire exceptionnelle de son auteure, s’il faut accorder le mot au féminin, qui bénéficie d’un roman biographique : Rachilde, homme de lettres, par le soin de Cécile Chabaud.

Une incroyable personnalité innerve la trajectoire de Marguerite Emery (1960-1953). Stimulée par le reproche de son officier de père qui aurait voulu qu’elle soit un garçon et en fit une amazone, énervée par les violences de ses parents, un viol précoce, un mari refusé, la petite provinciale qui a lu Zola et Sade – on l’avait deviné avec Madame de Sade - et se voit encouragée par Hugo, débarque du Périgord où elle avait écrit des contes, dont celui d’une Eve amoureuse « d’un ange avant le réveil d’Adam ». Un journal périgourdin avait même publié en feuilleton un roman pour le moins précoce : Madame de Sangdieu, mais que l’on devine plus innocent.

Soutenue par sa « maîtrise des mots », elle intègre à Paris le « Club des Hydropathes », gagne l’amitié de Sarah Bernhardt et de Jean Lorrain, l’amour jaloux de Maurice Barrès. Et publie à vingt-quatre ans sous le nom de Rachilde son provocant Monsieur Vénus qui intervertit les genres et fut interdit. En pleine Belle Epoque, elle se heurte à une société misogyne, pour accéder à la dignité d’« androgyne des lettres » : « Le hasard a fait de moi une femme, mais ma volonté a fait de moi un homme ». Ainsi les passions peu réciproques, pour Catulle Mendes et Marie-Paule Courbe se succèdent. Elle deviendra une égérie du décadentisme, une amatrice des tables tournantes et du spiritisme. Ce qui ne l’empêcha pas d’offrir en 1889 sa main à Alfred Valette, éditeur du prestigieux Mercure de France, publiant cependant en 1928 Pourquoi je ne suis pas féministe, posture un peu trop simpliste à son goût.

Celle qui « enterra sa vie de garçon » en épousant Valette, cette grande dame qui se voulut une vie masculine, est brossée avec une plume alerte et sensuelle par Cécile Chabaud, narratrice enthousiaste et documentée, qui, étrangement, consacre beaucoup plus de pages à la jeunesse de son héroïne qu’à sa maturité. Bien que son récit se lise comme un roman-feuilleton haletant, prodigue en drames et piquantes péripéties, le lecteur ne peut s’empêcher de rester sur sa faim, tant il aimerait que se continue d’une telle entraînante façon le tableau d’une vie singulière, qui ne manque pas d’autres livres à son actif. Peut-être dans une seconde édition augmentée ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

S’est-elle rangée en épousant Alfred Valette ? Pas exactement. Car elle publie toujours à tour de bras. Une Virginité de Diane en 1886, sa Madame de Sade l’année suivante, un Monsieur Adonis en 1888, tous titres aux parfums sexuels évidents et troublants. La dimension fantastique affleure avec Le Démon de l’absurde (1894) et La Princesse des ténèbres (1896). Elle rejoint ensuite le genre du roman de mœurs avec Les Hors nature ou Le Meneurs de louves. Outre un recueil de poésies, Les Accords perdus en 1937, elle enrichit sa palette avec des essais, dont Portraits d’hommes et Alfred Jarry ou le Surmâle des lettres. Son dernier roman, Face à la peur, est en 1942 un tantinet autobiographique…

Peut-être son ouvrage le plus célèbre est-il La Tour d’amour[4], histoire de phare breton isolé au milieu des tempêtes. Le huis-clos met en scène deux gardiens, Jean et Mathurin, qui luttent sans cesse pour maintenir le feu, ce en toute confiance réciproque. Jusqu’à ce qu’à l’occasion de l’échouage d’un navire Jean découvre l’étrange passion de son confrère et maître. La belle morbidité de la chose fit - une fois de plus - scandale lors de la parution en 1899 : « Tous ces cadavres tourbillonnaient autour de moi, maintenant à m'en donner le vertige. Ils n'en passaient plus, et je les voyais encore, les uns la bouche ouverte pour leur dernier appel, les autres les yeux fixés à jamais sur leur dernière étoile. Ils allaient, allaient par troupe, par file, deux à deux, six ensemble, un tout seul, tout petit comme un enfant, et ils ressemblaient à une grande noce qui s'éparpille le long du dernier branle du bal ». La puissance poétique de ce roman fascine d’autant que l’écriture est d’une sensualité sourde, bientôt déchaînée, soit un véritable fleuron du décadentisme.

L’édition n’a pas été pingre avec Rachilde. Elle a su prendre sa revanche sur son enfance maltraitée. Ses titres ont été publiés, réédités. Des biographies l’ont radiographiée, des essais l’ont étudiée : Vicky Gauthier, par exemple, en fait une « écrivaine fantastique monstrueuse[5] », ce qui est d’importance. Pas d’injustice donc à l’égard d’une femme écrivain, qui, visiblement, n’a pas été invisibilisée…

 

Jacques Olivier : Alphabet de l'imperfection et de la malice des femmes,

Barraud, 1876. Photo : T. Guinhut.

 

Serions-nous assez bêtes, assez niais et niaises (puisqu’il faut féminiser) pour imaginer que nous ignorions tout de ces femmes qui eurent la plume à la main. Certes le XIX° siècle et la première moitié du XX° n’eurent pas toujours tendance à leur rendre justice, mais les noms de Christine de Pizan, auteure d’une utopie féminine, La Cité des dames[6], de Madame de Sévigné, de Germaine de Staël[7], de George Sand, ne déparaient pas les manuels de littérature, quoique avares en la matière. Aujourd’hui, il est de règle de vilipender le vilain patriarcat, qui ne fut certes pas toujours amène, d’appuyer sur la vilénie d’une injuste histoire littéraire. Aussi, en une « enquête sur l’invisibilisation des femmes en littérature » qui se veut provocante, Julien Marsay sonne l’heure de la « revanche des autrices », qui n’ont pas d’ailleurs attendu son tocsin pour écrire et exister. Il choisit de nous expliquer « comment les femmes ont été rayées de l’histoire littéraire », selon son angle d’attaque. Passons sur les anachronismes linguistiques, tel ce « blacklash » ou retour de bâton, sur le revanchardisme, pour employer un néologisme, typique d’un néoféminisme, qui n’est plus un humanisme ; sur une vision de la mythologie grecque où ne seraient que décriées les féminités, quand nous avons montré combien c’est le contraire[8]

Nonobstant notre instant de mauvaise humeur contre une furia de militantisme qui anime l’ouverture de l’ouvrage, il faut admettre que Julien Marsay nous apporte mille informations édifiantes, en ce qui ne se veut pas une anthologie, mais une « enquête ». Il a beau jeu de dénoncer de trop nombreuses « satires contre les femmes », dont celle de Pierre Motin le baroque, de Boileau, le classique, au XVII° siècle. Pourtant, la plus récente Encyclopoedia Universalis approuve encore en 1966 « les railleries justifiées de Boileau ». Il a encore beau jeu de dénoncer une Académie française qui mit plusieurs siècles avant d’ouvrir ses portes, en 1980, à une Marguerite Yourcenar. Tout du long, « les puissants mécanismes déployés afin de reléguer les autrices dans l’ombre » parcourent avec constance les temps littéraires, jusqu’au pillage parfois.

Songeons qu’en 1310, la béguine Marguerite Porette vit son livre trop amoureux, Le Miroir des simples âmes, brûlé avant qu’elle-même goutât aux flammes ! Des morceaux de bravoure de la rhétorique misogyne se répondent : au XVI° siècle, Gratien du Pont présente ses Controverses des sexes masculins et féminins, dont le blâme des « abus et forfaits féminins » répond à l’ouvrage de son contemporain Jacques Olivier, Alphabet de l’imperfection et malice des femmes[9], quoique ce dernier soit plus humoristique et ne prétende pas se laisser prendre au sérieux.

Sont ici réhabilitées bien des belles de l’intellect. Les dames des Roches poétisent en déplorant « de nous tenir closes dans la maison », quand Marie de Romieu écrit un Brief discours, que l’excellence des femmes surpasse celle de l’homme. Toujours à la Renaissance, Marie de Gournay ne vit pas que dans l’ombre du Sieur de Montaigne mais plaide une Egalité des hommes et des femmes. Les querelles ont souvent fleuri de manière épineuse au XVII° siècle : contre les Précieuses, telle Madeleine de Scudéry, dont la mémoire souffrit très injustement des Précieuses ridicules de Molière ; ses romans, dont Clélie histoire romaine, nantie de son allégorique « Carte du Tendre », décrivant les étapes consenties de l’amitié et de l’amour, ont eu un succès considérable, une influence pérenne, puisque Rousseau la lit avec délectation, quoique ce dernier fasse de sa Sophie une créature inférieure à son Emile. Si l’on connait les contes de Perrault, ceux de Mesdames d’Aulnoy et de Murat restent dans l’ombre. Et Madame de Villedieu, créatrice du genre du « roman-mémoires » ? Si l’on connait maintenant Olympe de Gouges et sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, où est passé Madame de Genlis ? Et bien d’autres.

Il est vrai que le XIX° siècle fut souvent « rétrograde », s’échinant contre les « bas-bleus », ces dames de Lettres ainsi ridiculisées. Jules Janin et Barbey d’Aurevilly s’en moquèrent, quoique le premier fît un grand éloge de George Sand ; mais le second la tenant pour peu de choses. Lire Marie d’Agout (qui se fit appeler Daniel Stern), Louise Colet (plus connue comme correspondante de Flaubert), par exemple, permettrait de les laver des invectives dont leur siècle les a couvertes. Un Gustave Lanson, critique et pédagogue d’un grand talent en son Histoire de la littérature française de 1894, marqua bien des générations. Hélas, il excelle en « champion du dénigrement des autrices », conspuant « cette insupportable lignée de femmes auteurs » ! Ayons pitié du bonhomme en l’oubliant ; pour préférer Olympe Audouard, vigoureuse féministe.

Et si les Muses paraissent avoir depuis l’Antiquité une autorité sine qua non, le concept servit trop souvent à reléguer ces dames, épouses ou égéries, dans le statut d’inspiratrices muettes. Pourtant Elsa Triolet ne fut pas que l’Elsa des poèmes d’Aragon, mais une romancière. La poésie érotique aux mains des femmes parait alors un affront, quoique Christine de Pizan ou Louise Labé y excellent. Affront encore, si, comme Renée Vivien, son éros est lesbien. Notre essayiste reconnait cependant qu’il y eut des reconnaissances fulgurantes et largement partagées. Comme de Corinne ou l’Italie de Germaine de Staël, en 1807, un sommet du romantisme romanesque.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

De tout temps est le plagiat, mais bien des messieurs en abusèrent au dépens des femmes : Choderlos de Laclos a-t-il trop lorgné les pages du Danger des liaisons de Madame de Saint-Aubin ? Octave Mirbeau celles d’une certaine Georges de Peyrebrune ? Voire Stendhal lui-même, qui, pour son Armance, se serait fort inspiré d’Olivier et le secret de Claire de Duras ? À moins qu’il s’agisse de réécritures, cependant au procédé peu courtois. En la demeure, Paul Valéry ne fut guère reconnaissant à Catherine Pozzi.

De même être « sœur de » ou « fille de » n’aide guère, si l’on est Lucile de Chateaubriand ou Judith Gautier, qui fut pourtant une romancière orientaliste remarquable. Le cas des « épousautrices » (un joli mot-valise) est plus délicat encore. Car d’un couple complice, comme dans le cas des Condorcet, Sophie et Nicolas, dont l’essai à quatre mains Sur l’admission des femmes au droit de cité est un texte trop peu connu des Lumières. Le catalogue vague entre les « maris indignes » à la Malraux et les « couples stars, tels celui formé par Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Reste à ces dames à prendre un nom de plume masculin : nous pensons bien entendu à la géante George Sand, qui couvrit un champ romanesque immense, régionalisme, mœurs, science-fiction…

 Récemment encore les mouvements littéraires sont un peu trop largement, sinon exclusivement, masculins. Parmi Alain Robbe-Grillet, Clause Simon, Michel Butor, le Nouveau roman ne vit en son sein Nathalie Sarraute que par exception. Mais devant la déferlante actuelles des autrices et éditrices, il y a fort à parier qu’ils seront bientôt - bien trop ? - féminins ; la littérature féministe et néo-féministe, y compris avec ses abus, comme l’autrice du nécessaire Génie lesbien[10] qui ne prétend en sa souveraine bêtise (ou stratégie ?) ne plus lire aucun homme, étant un mouvement littéraire en formation…

Il fallait en effet passer les premières pages lourdement enfiévrées de l’ouvrage. Julien Marsay se révèle être un chercheur cultivé, qui nous initie à de belles découvertes. Pourront-elles cependant pousser la porte de la réédition, comme notre chère Madame du Boccage, avec La Colombiade ou sa tragédie Les Amazones[11] que l’on devine peu misogyne ? Il est vrai que son épopée sur Christophe Colomb subirait aujourd’hui les foudres incultes des décolonialistes…

Avec Femmes et littérature. Une histoire culturelle, sous la direction de Martine Reid, nous avions loué une approche plus prudente, une réhabilitation plus nombreuse également[12]. Il n’est pas certain qu’en usant d’un mégaphone militant Julien Marsay, qui ne s’arrête pas sur Rachilde (mais pouvait-il les citer toutes ?) serve au mieux son propos. Réclamer ces dames au programme du Baccalauréat de Français, alors qu’elles ne sont pas absentes, en témoignent Marguerite Yourcenar et Olympe de Gouges, serait-il abuser de l’idéologie ? Nous lui serons cependant gré d’avoir dénoncé avec méthode le fond de misogynie de la tradition culturelle française, qui n’était au reste guère une exception européenne. Son enquête se situe dans une mouvance prolixe, puisque l’on peut ouvrir de surcroit Autrices. Ces grandes effacées qui ont fait la littérature[13], qui est cette fois une anthologie, du Moyen-âge au XVII° siècle, dont il ne s’agit encore que du premier tome. Une fois le décrassage et le dépoussiérage faits la place est aujourd’hui ouverte pour de nouvelles Christine de Pizan et autres Rachilde, sans compter des génies singulières à venir…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Monsieur Vénus fut publiée dans Le Matricules anges, juillet-août 2022


[1] Judith Butler : Trouble dans le genre, La Découverte, 2021.

[2] Rachilde : La Marquise de Sade, L’Imaginaire Gallimard, 2014.

[3] Leopold von Sacher-Masoch : La Vénus à la fourrure, Minuit, 1990.

[4] Rachilde : La Tour d’amour, Mercure de France, 1994.

[5] Vicky Gauthier : Rachilde, écrivaine fantastique monstrueuse, L’Harmattan, 2020.

[9] Jacques Olivier : Alphabet de l’imperfection et malice des femmes, Barraud, 1876.

[10] Alice Coffin : Le Génie lesbien, Grasset, 2020.

[11] Madame du Boccage : Œuvres, Chez les Frères Périsse, 1770.

[13] Daphné Ticrizénis : Autrices. Ces grandes effacées qui ont fait la littérature, Hors d’atteinte, 2022

 

Catedral de Sigüenza, Guadalajara, Castilla-La Mancha.

Photo : T. Guinhut.

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28 décembre 2022 3 28 /12 /décembre /2022 12:09

 

Claude Vignon : Crésus réclamant le tribut au paysan de Lydie, 1629,

Musée des Beaux-Arts, Tours, Indre-et-Loire.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Un demi-siècle d’impéritie étatiste.

Ou l’attentat contre les prospérités & les libertés.

 

 

Agnès Verdier-Molinié : On va dans le mur…

Albin Michel, 2015, 272 p, 19 €.

 

Nicolas Bouzou : Pourquoi la lucidité habite à l’étranger ?

JC Lattès, 2015, 250 p, 18 €.

 

Anne-Sophie Simpere & Pierre Samuel :

Comment l’Etat s’attaque à nos libertés, Plon, 2022, 288 p, 19 €.

 

Eric Delbecque : L’Insécurité permanente,

Cerf, 2022, 290 p, 20 €.

 

Aurélien Taché : Voyage d’un homme libre au pays de l’absolutisme,

Seuil, 2022, 224 p, 18 €.

 

Philippe Nemo : Esthétique de la liberté, PUF, 2014, 200 p, 18 €.

 

 

 

Comment ? Vous ne voyez pas les dents de l’engrenage rougeoyer ? Ces signaux et feux virulents de la décadence et du tiers-mondisme alarmer la France… Car un demi-siècle d’impéritie française coïncide avec cet étatisme prétendument protecteur, en fait nuisible, dégradant et menaçant les libertés. Poids de l’Etat obèse et premier voleur légal, pléthorique, dispendieux, hydre infiltrée dans nombre de secteurs en perte de vitesse : hôpitaux publics, santé, transport ferroviaire, agriculture, industrie, Education Nationale…  Déficit récurrent, dette exponentielle, chômage entretenu sans être jugulé, importation de l’Islam et des conflits ethniques, pénurie énergétique, tout se conjugue au profit du déclin. Sans vouloir prétendre que la perfection fut auparavant de ce monde, l’on peut compter que la déchéance commença avec la crise pétrolière de 1973, à laquelle ne répondit aucun programme d’exploitation du pétrole en France, car il en existe. Mais également avec la décision prise par Valéry Giscard d’Estaing du regroupement familial, couplée avec un droit des réfugiés dévoyé. Et surtout à l’occasion du grand bond en avant du socialisme mitterrandien, à partir de 1981, qu’aucun gouvernement, de droite ou de gauche, n’a réellement depuis remis en cause, tant la croissance de la fiscalité, de la distribution sociale, de l’hydre étatique étranglant l’économie, avantageusement aidée en cela par l’emprise de l’écologisme, le mépris du gaz de schiste, les délires des énergies renouvelables ineptes - sans compter les amendes que l’Europe menace d’infliger à la France pour ne pas avoir atteint ses objectifs en la matière - n’ont fait que prospérer, au profit de la décroissance de la prospérité et des libertés. Le nécessaire constat du monstre étatique est fait par Agnès Verdier-Molinié, la France est comparée au reste de l’Europe, à son désavantage, par Nicolas Bouzou, tandis que divers essayistes, Anne-Sophie Simpère, & Pierre Samuel, Eric Delbecque, Aurélien Taché, chacun à leurs manières, y compris à cause de l'insécurité, dénoncent la perte progressive des libertés. Alors qu’avec Philippe Nemo il faut en relever le défi esthétique… Comment s’aggravent et d’où viennent cette hypertrophie de l’Etat délétère et ce mépris de la liberté ?

Trois cent-soixante, 400 000 et 10 500, deux millions, 103 et 3 500, 61 384 et 1851, 36 769 et 39, 1244… Quelle fastidieuse énumération à lire ; et à taper sur le clavier, donc ! Et qui tapent sur la tête des Français, de l’économie et de la croissance rouleau-compresseurisés… Car la pyramide des privilégiés, des lois, normes, taxes et impôts écrase la France en passe de s’écrouler sur elle-même. Ce sont,  pêle-mêle, les chiffres aberrants et exponentiels des impôts et taxes, des normes et lois, des jours de grève par an, des différentes aides sociales, des pages du Code du travail, des élus et des primes, des communes, des régimes de retraite et agences publiques ! Agnès Verdier-Molinié, directrice de l’iFRAP (Fondation pour la Recherche sur les Administrations et les Politiques publiques) n’a pas peur de se coltiner ces brouettées de chiffres, de les décortiquer tour à tour, et d’en montrer l’inanité, là où On va dans le mur, en France d’Absurdie… Car ailleurs, à l’étranger, du moins dans les pays d’Europe les plus dynamiques, les choses sont plus légères en Lucidie : Pourquoi la lucidité habite l’étranger ? demande Nicolas Bouzou. Poser la question, c’est y répondre par nos yeux grand fermés.

L’apparente modestie du format (quoique 272 pages tout de même) cache un travail de fourmi pharaonique : Agnès Verdié-Molinié avoue avoir eu du mal à dénicher quelques-unes de ses informations, tant l’Etat lui-même a de la peine à connaître le nombre exact de ses fonctionnaires, de ses commissions, de ses décrets, des « mandats syndicaux de la Sécurité sociale ». Qui connait ces chiffres ? Ainsi ce n’est pas sans risque que le lecteur plonge dans ce réquisitoire argumenté, chiffré, pléthorique. Dégoût, stupéfaction se partagent notre entendement à la lecture de cette gabegie, de ces gaspillages, de ces freins tout serrés, de ces privilèges éhontés. Et si le constat date de 2015, ne doutons-pas que la gabegie ce soit aggravée.

Nous frisons les 45% de prélèvements obligatoires, les 60% de dépenses publiques par rapport au PIB, quand la dette dépasse allègrement les 100% de ce dernier : racket et tonneau des Danaïdes ! Serait-il urgent d’agir ? Déroulons alors la liste ubuesque et surréaliste des taxes qui ne nous honorent qu’à hauteur de l’invention et des capacités d’enfumages de nos Ministres et députés. 46 nouvelles taxes depuis 2007, dont la perception est fort coûteuse, et le rendement faible… « 153 taxes, pesant 72 milliard d’euros par ans, sur les entreprises de France, alors que l’Allemagne n’en compte que 55 ! » Taxes souvent venues des collectivités locales. Pourquoi une TVA unique ne suffit-elle pas ? Niches fiscales et sociales contribuent à l’exponentiel casse-tête paralysant le travail et la croissance…

Les agents de la Fonction publique sont 5,4 millions ; soit 15% d’augmentation en dix ans, surtout dans les collectivités territoriales. Ces dernières sont 36 769 communes, 15 903 syndicats intercommunaux, 27 régions, puis 15 sans que cela entraîne une diminution des dépenses, 101 départements. Ne faut-il pas penser que le mille-feuille serait dégrossi « par la suppression de l’échelon départemental et la fusion des communes françaises en 5000 super-communes » ?

Quand les ambassades sont 163 (bien trop), on compte 193 ambassadeurs. Cherchez l’erreur ! Les aides sociales sont 103 pour 700 milliards de dépenses sociales. Voilà comment occuper des fonctionnaires superfétatoires ! Ce qui peut d’ailleurs « permettre à ceux qui ne travaillent pas, ou très peu, de toucher autant qu’un Smic ». Voilà qui contribue au déficit des branches famille, santé, vieillesse… La Sécurité Sociale et ses nombreuses caisses arrosent généreusement leurs cadres et 1es bénéficiaires, souvent syndiqués, de 100 000 mandats paritaires, tout en observant une productivité modeste, et en étant la victime consentante des fraudes aux allocations pour environ 10 milliards d’euros. L’assurance chômage de même est une pompe financière pour les syndicats, le MEDEF…

« Un mandat électif pour 104 habitant », n’y-a-t-il pas pléthore ? « Un parlementaire pour 70 000 habitants », quand c’est un pour 600 000 habitants aux Etats-Unis ! Sans compter que leurs rémunérations généreuses sont aussi opaques qu’incontrôlées. Aussi scandaleuses que les 300 primes d’Etat : saviez-vous qu’il existe une prime de chauffage ou d’habillement et de chaussures, et pour les membres du Conseil d’Etat une « prime d’égout » ? Et pour nous, lecteurs et contribuables corvéables à merci, une prime de dégoût ! Ces primes sont une « chasse gardée des syndicats ». Dont le gibier est encore une fois le contribuable éreinté… Quant aux 5 millions de chômeurs, l’Etat-providence ne leur réserve que des « mesures inefficaces et coûteuses ».

Quoique personne - un comble - ne sache le nombre réel d’enseignants, l’on peut en 2015 les évaluer à 915 138. Soit un enseignant pour 14 élèves. Etrange, quand les classes de lycée tournent souvent à 35 ! D’où vient la différence ? Par exemple des lycées professionnels. Passer « à 20 heures de cours par semaine » (au lieu des 15 pour les agrégés et de 18 pour les certifiés) reviendrait à « économiser 47 000 postes d’enseignants », alors que l’on en manque. Pourquoi pas ? Presque rien n’y vient récompenser le mérite… Qui sait également à quoique servent, sinon à s’empiler, les 1244 agences publiques, sinon à recaser des fonctionnaires, et dont les budgets augmentent sans cesse ? Par ailleurs, les « participations tentaculaires » de l’Etat dans les entreprises sont moins un gage de réussite que de déficit.

Normes, lois et décrets sont, en 2015, 437 500, quand « nul n’est censé ignorer la loi » ! Lois sur la quantité d’œufs durs dans les cantines, sur les normes sismiques dans des régions où l’on ne tremble que de rire ! Le droit de l’Environnement et le Code des Impôts prolifèrent pourtant aux dépens de l’investissement et de l’activité entrepreneuriale. Complexité et illisibilité se conjuguent. Le pire en ce domaine est le Code du travail avec ses 3500 pages. Pourquoi ne pas le changer pour les 85 pages de son équivalent suisse (3% de chômeurs) ? En ce domaine l’employé (surtout syndiqué) finit par exploiter le patron jusqu’à le détruire. Licencier est un parcours impossible et coûteux, où l’employeur est plus souvent condamné qu’à son tour. Il faut alors une bonne dose d’héroïsme pour embaucher ! L’oppression est contreproductive. Surtout quand la France pratique le disqualifiant principe de « 10,3 semaines non travaillées par an en moyenne »…

Pamphlet argumenté, réquisitoire exact, l’essai salutaire d’Agnès Verdié-Molinié se veut cependant « optimiste ». Hors les précieuses « Annexes », où s’empilent les chiffres accablants, sa conclusion, « Et si demain on changeait tout » est rafraichissante. Et loin de rester dans le trop fameux « ya qu’à », elle répond à chaque problème par un « Comment on fait », fort pragmatique. Ainsi elle imagine l’année 2022, avant laquelle un gouvernement a eu le courage, en trois semaines, de faire un ménage salutaire. Simplification, réduction drastique du nombre des taxes, des élus, des dépenses de l’Etat, des mandats syndicaux, des fonctionnaires, plus que 5000 super communes, impôt sur les sociétés à 18 % : « La France respire, on a évité le mur. » Hélas nous avions deviné que c’était un rêve, rêve jamais abouti. Agnès Verdier-Molinié Présidente de la République ! Cela vaudra mille fois mieux que nos tyrans obèses de socialisme (de droite et de gauche confondues) qui se sont succédé depuis 1981. Lorsque la Loi santé propose un amendement contre « la maigreur extrême des mannequins », elle ferait mieux de se préoccuper de l’obésité d’un Etat proche de la déroute cardio-vasculaire…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Si l’on excepte l’incorrection syntaxique du titre (dire : « Pourquoi la lucidité habite-elle l’étranger ? ») l’essai de Nicolas Bouzou est aussi documenté qu’éclairant. En un mot, étant donné l’état désastreux de la France, pourquoi ne pas s’inspirer des pays voisins où les solutions ont fait la preuve indubitable de leur efficacité ? Entre 3 et 6 % de chômeurs en Suisse, Autriche et Allemagne, sans compter que les Pays-Bas, le Danemark soient assez bien lotis en ce domaine, que le Royaume Uni crée des centaines de milliers d’emplois (si le retour au Travaillisme ne l’handicape pas), que même l’Italie et l’Espagne sont sur la voie des réformes. Voilà des pays lucides, quand la France est aveugle. Nicolas Bouzou bataille pour lui ouvrir les yeux et réalise pour nous « le tour d’Europe d’un économiste qui guette le réveil français ».

En cette ère où l’économie mondiale se situe « au début d’un cycle d’innovations au moins aussi fort que celui de la Renaissance européenne », les nanotechnologies et biotechnologies, la robotique et l’impression 3D, l’intelligence artificielle et les réseaux d’information ouvrent un cycle de croissance et une élévation extraordinaire du niveau de vie. Certes, des pans de l’économie disparaissent conjointement, mais il s’agit, pour reprendre Schumpeter, de « destruction créatrice[1] ». Quand les Français ne croient plus au progrès, il se réalise au-delà de nos frontières. Ainsi, Nicolas Bouzou confesse : « Je revins avec beaucoup d’idées nouvelles pour la France, mais aussi moins d’indulgence. »

Nicolas Bouzou aurait pu construire ses chapitres pays par pays ; il a justement préféré œuvrer par problèmes et solutions : « L’hyper-révolution » précède « La destruction », avant d’aboutir à « L’Europe de la croissance » et à « À la recherche du changement civilisé ». Le trio Portugal, Espagne, Grèce, engage des réformes qui commencent à porter leurs fruits. Même si les démagogues, en particulier de l’extrême gauche « se fourvoient dans le contresens classique qui veut que la crise européenne soit une crise du libéralisme, alors que c’est exactement l’inverse, puisque c’est, pour une large part, une crise de la mauvaise gestion des finances publiques », et ajouterons-nous, des législations fiscales et du travail. Sans compter la frilosité devant les nouvelles technologies : qui, dans l’hexagone, a entendu parler de neurotechnologie ? Certes l’innovation ne va pas sans destruction des pratiques industrielles obsolètes, mais pour de nouveaux emplois, de nouvelles extensions du domaine de la vie humaine : « la troisième hyper-révolution économique recèle des potentialités colossales en terme de revenu, de bien-être social, de santé ». Par exemple, une économie curative de la santé sera remplacée par une économie préventive.

Le tourisme économique de Nicolas Bouzou est un concept neuf et dynamique. Au-delà de Londres, Manchester fut la ville de l’industrie du coton, de Rolls-Royce et d’Alan Turing, ville industrielle dévastée puis en pleine renaissance. Trèves ensuite, en Allemagne, où est né Karl Marx, selon lequel l’économie est bien « l’infrastructure de la société », quoique l’exploitation capitaliste ait « une efficacité qui profite aux plus pauvres », car « c’est la classe des prolétaires qui s’est le plus enrichie ». Aujourd’hui, le nouveau capitalisme est celui la gestion de l’information, de l’invention permanente ; ainsi le capitalisme éducationnel des « Free school » est-il fondamental. Alors que « le délire anticapitaliste et la fatigue du progrès sont des luxes d’enfants gâtés ».

À Berlin, l’on s’interroge avec un pragmatisme hésitant : « Comment pratiquer l’eugénisme et le clonage après Auschwitz ? » Car la génomédecine peut avoir des objectifs justes et bienveillants : éradiquer des maladies, optimiser notre destin grâce au clonage thérapeutique, et notre liberté. Il n’est pas interdit de se demander quelle est « la part génétique de la surintelligence » ? Réfléchit-on avec un plus de rationalité sur Organismes Génétiquement Modifiés en Allemagne, quand en France ils sont diabolisés ? Le plein-emploi allemand reste cependant un modèle, certes perfectible, mais digne qu’on en examine et reproduise les recettes, sauf dans le domaine de l’énergie, où l’arrêt des centrales nucléaires fut un non-sens et reste une catastrophe.

À Varsovie, une étonnante embellie économique fait oublier le communisme. En Suisse, notre auteur se demande avec justesse pourquoi la France n’adopte pas sa politique économique, plus abondante en ingénieurs des nouvelles technologies et, rappelons-le, nantie d’un chômage à 3%. La dépense publique helvète représente 35 % du PIB, soit 22 points de moins que notre affreux hexagone.

En Autriche, un chômage à 4,5%, une croissance à 3% ! Tout cela grâce à la « flex-sécurité » (comme au Danemark), association de facilité de licenciement et de formation, de dégressivité de l’indemnisation chômage, parmi un « marché du travail désétatisé ». On y trouve « un système national d’assurance maladie obligatoire géré par des assurances privées en concurrence ». De quoi faire rêver, sans oublier « des salaires élevés, une protection sociale équitable et efficace ». Hélas, en France, « nous n’en tirons aucune conclusion » : « l’enlisement est préféré au changement ». Au-delà de la « peur écologique », et du constructivisme idéologique de la décroissance, ne peut-on imaginer que le capitalisme libéral œuvre en faveur d’une confiance en nos capacités à réenchanter le rapport entre natures et technologies ; à la façon de l’artiste et architecte autrichien Hundertwasser…

Au Pays-Bas, gouvernement limité et individualisme concourent à une prospérité et à une liberté sur laquelle nous ne voulons pas ouvrir les yeux. Pire, nous sommes des « critiques qui rationalisent l’échec de leur propre pays » en dénigrant la réussite d’autrui avec une mauvaise foi sans pareille.

Alors que la France préfère les séries qui « célèbrent les services publics et les antiquaires », en Suède, notre essayiste se demande si la série Real Humans, qui imagine une robotique capable de créer des « hubots », n’est qu’une préfiguration de notre monde de demain. Cependant les Suédois, dans le cadre d’un « renoncement au keynésianisme » savent autant diminuer la dépense publique que les impôts. Là, également, la thérapie génique et la biologie synthétique permettront bientôt de régénérer les organismes : nanotechnologies et intelligence artificielle permettront-elles un juste transhumanisme ? Mais c’est en Californie et en Chine (hélas au service du communisme) que ce dernier fait rêver à une humanité augmentée…

Pourtant, à l’occasion de la Suède, de ses émeutes ethniques et islamiques, Nicolas Bouzou note que « le plein-emploi ne suffit pas à assurer l’accueil harmonieux d’une immigration abondante ». Nous ne pouvons que partager le rejet de l’auteur du nationalisme et être avec lui favorable à une société ouverte ; hélas il ne semble pas prendre conscience de l’incompatibilité d’un Islam totalitaire avec les valeurs occidentales et libérales…

Si la démarche intellectuelle de Nicolas Bouzou est parfois un peu erratique, mais à la façon de son voyage européen, son récit-essai, mêlant histoire des villes (Venise, Athènes, Milan) et des idées, réalités et perspectives économiques, est bien stimulant pour l’esprit, entre vulgarisation historique et économique d’une part et enthousiasme d’autre part. Non, la croissance heureuse n’est pas un rêve niais mais une hypothèse autant en cours que réalisable, n’en déplaise aux pusillanimes Cassandres français… La « destruction créatrice schumpetérienne » n’est un prélude nécessaire aux progrès. En lecteur attentif d’Hayek, il nous fait relire son éloge de « l’ordre spontané » du marché, son « ordre politique d’un peuple libre[2] », au détriment des politiques étatistes, d’autant que « les politiques publiques ne peuvent que prolonger les crises ». Pourquoi, en cette évidence, les Français ont-ils coutume de vilipender le libéralisme qu’ils ne connaissent pas ?

Reste que Nicolas Bouzon semble ignorer qu’il existe des entreprises françaises aussi performantes qu’investigatrices. Neurospin, par exemple, s’intéresse aux applications de l’imagerie médicale pour les neurobiologistes ; l’Inria est un Institut de recherche en informatique et en automatique ; Aldebaran Robotics est le leader mondial des robots humanoïdes intelligents ; Cellectis produit des « ciseaux ADN » qui permettent de détruire les cellules cancéreuses. En mars 2015, le Salon des nouvelles technologies de Las Vegas réunit pas moins de 66 jeunes pousses (ou « start-up ») françaises, parmi lesquelles, iSetWatch, Holi ou MyFox, qui affectent toutes des noms anglophones pour exister au mieux, s’intéressent aux alarmes connectées, à l’éclairage, à l’arbitrage… La partie n’est sans doute pas aussi perdue qu’elle semblerait l’être.

Pauvre France absurde, étranglée par le socialisme, le syndicalisme et les privilèges étatiques. Quand sauras-tu devenir enfin rationnelle, gérer des budgets avec l’avarice nécessaire, faire confiance à la liberté d’entreprendre ? Car en dépit de tes menottes fiscales et législatives, de ton esprit borné, des entreprises magnifiques savent encore réussir, des initiatives fleurissent. Voyons, entre cent exemples, Bertin Nahum, classé quatrième entrepreneur le plus révolutionnaire du monde, patron de Medtech, une entreprise montpelliéraine, qui œuvre dans l’assistance robotique à la neurochirurgie. Que serait-ce si l’on voulait bien suivre les conseils avisés de nos deux précieux essayistes et s’ouvrir aux accessibles solutions à peine cachées derrière nos frontières ? Agnès Verdier-Molinié Présidente de la République, vous dis-je ! Et Nicolas Bouzou, Ministre de l’Economie !

 

Les Français par eux-mêmes, Curmer, 1840.

Photo : T. Guinhut.

Si le qualificatif de totalitaire est encore une hyperbole en France étatiste, il n’est pas indécent de sainement constater l’approche d’une tyrannie dont les filets plus ou moins invisibles se resserrent en toute régularité. Particulièrement française certes, mais aussi européenne, sinon mondiale, aux mains du club de Davos, par le moyen des banques centrales et de leurs planches à billets inflationnistes, du quota et de la taxe carbone, sans compter l’identité numérique qui nous pend au nez comme un reflet de la surveillance omnisciente du communisme chinois.

Ainsi, « Galaxie » porte bien son nom totalitaire : ce logiciel sophistiqué du fisc permet de surveiller tous les contribuables dans leurs échanges, y compris parmi les courriels et les réseaux sociaux, ensuite de traiter toutes les données personnelles et de recouper toutes informations diverses au service d'un imparable contrôle fiscal, dont on sait pourtant l’effet destructeur ; l’enfer fiscal n’ayant pas la vertu de ses métamorphoser en paradis[3].

La crise sanitaire fut un joyeux prétexte pour étrangler le et les pays sous les lacets de l’étatisme, y compris européaniste. Incarcérer l’économie en imposant des confinements ; s’endetter de manière une fois encore exponentielle, ornée du trop fameux « quoiqu’il en coûte », sans compter la généralisation imposée de vaccins expérimentaux, à l’efficacité discutable, voire délétère, toutes décisions désastreuses. Ce qui n’empêche guère les citoyens ayant approuvé toutes ces mesures comme un seul homme abreuvé par la servitude volontaire de se précipiter pour couvrir les boulevards de manifestations plus ou moins violentes pour contester bruyamment les conséquences inflationnistes et les pénuries dont ils ont par leur consentement et leurs votes étatistes préparé le terrain.

Pour refaire le coup de maître de « l’union de la gauche » mitterrandienne, qui imposa le socialisme à quatre décennies, pour le porter à son comble communiste, un Jean-Luc Mélanchon, Leader Maximo de La France Insoumise, à lui soumise, y compris avec l’aval des soumis de l’Islam qui vote en nombre pour lui et son islamogauchisme tactique, tente de phagocyter ce qui reste du Parti socialiste et les Ecologistes de parti.

En face, frères ennemis de la gauche étatiste, mais tout aussi étatistes, les orateurs du Rassemblement National et de la zémourienne Reconquête n’envisagent guère - et pourtant - l’union des droites. Alors que depuis longtemps la droite républicaine à force de colbertisme, d’écologisme et de culpabilisation par la gauche a rejoint les attendus économiques et administratifs du socialisme. Entre violences terroristes et islamistes d’une part et violences politiques extrême-gauchistes, anarchistes voire vegan de l’autre, les libertés doivent se sentir menacées par les dents d’une tenaille. D’autant que les règlements européens ôtent nombre de compétences aux Etats, voire laminent toute leur souveraineté.

Hélas, la « planification écologique », flanquée du ministère du Logement et du ministère des Transports, se double de « planification énergétique », alors que le maigre parti écologiste est boudé par les urnes. Ainsi les usines productrices et les centres commerciaux ne naissent plus, ou à peine, la Montagne d’Or de Guyane laisse la place aux orpailleurs illégaux et forts pollueurs,  le terminal 4 de Roissy verra ses potentiels clients migrer vers les pays voisins. Toute espèce d’industrie et de progrès se voit vilipendée, quels que soient les richesses attendues par les Français et la régression vers la pauvreté qui en résulte. Le diktat écologique est tel que ses militants gourmands d’interdictions et de sabotages pratiquent impunément la tabula rasa et le vandalisme. Quand bien même la France émet fort peu de CO2, cet épouvantail à gogo alors qu’il n’est pas un polluant et au contraire un accélérateur de végétation, la terreur climatique[4], absolument imaginaire au demeurant, est devenue l’instrument idéal d’oppression d’une planification verte, dont le ressort idéologique est bien entendu le rouge communisme totalitaire. La preuve, s’il en était besoin, selon le Président de la République Emmanuel Macron : « les patrons n’auront pas d’autre choix que d’être éco-responsables ». Nous voilà privés de charbon, inexploitable et pourtant abondant sous notre sol, sauf sous l’emprise hypocrite des importations d’électricité allemandes fomentées par une industrie nucléaire à la dérive, éradiquée dans son développement qui promettait d’être un fleuron français. Privés de gaz, sauf en le payant fort cher venu d’outre-Atlantique ou d’outre-continents (y compris aux bons soins de pays qui ne brillent pas par leur démocratie et leur tolérance) alors que le gaz de schiste (la recherche en ce domaine fut interdite en 2017) et celui des mines de Lorraine nous assureraient des décennies de prospérité ; privés de pétrole, alors que la mer de Guyane en regorge, et très probablement notre Méditerranée, voire le bassin parisien. La main punitive de l’Etat n’y va pas de main morte : interdictions des « passoires thermiques » de façon à augmenter la pénurie de logements, pléthoriques sanctions financières et réglementaires sur les voitures essence et diésel, sur les carburant déjà taxés à 65%, interdiction prochaine des chaudières au fioul, voire à gaz, des véhicules thermiques en 2035 par la sainte grâce de l’Europe, alors que ceux électriques sont des aberrations infinies que nourrissent si mal et si peu des éoliennes tout aussi aberrantes… Pourtant, c’est en lâchant la bride aux entrepreneurs qui n’ont pour ambition que d’innover que nous pourrions exploiter Terre en la magnifiant. En l’occurrence, il n’y a qu’un pas pour faire de celui qui ne serait pas un membre de la sainte église planétaire un sous-citoyen, un criminel fomentant le meurtre de Gaïa.

Tel est le tableau pitoyable d’un Etat aussi tyrannique qu’obscurantiste…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour en donner une preuve supplémentaire, voici Comment l’Etat s’attaque à nos libertés, par le duo Anne-Sophie Anne-Sophie Simpère & Pierre Januel. Cette fois il s’agit de dénoncer une « politique sécuritaire » passant par un confinement sanitaire absurde, même s’il faut reconnaître qu’au début de l’épidémie les perspectives  étaient peu assurées, montrant qu’une fois de plus l’intervention autoritaire de l’Etat et de son grand timonier républicain n’est une gesticulation d’ego pour signifier que l’on veille et agit, alors qu’il eût mieux valu ne pas agir. D’autant qu’il s’agissait de pallier l’impéritie suradministrée de l’hôpital public et sous-médicalisé par la débâcle économique. Mais aussi par un état d’urgence terroriste. D’une part parce qu’il s’agit d’enserrer les citoyens dans un filet de surveillances, d’autre part parce que l’erratique et incertaine efficacité de la chose ne nous assure guère la sécurité urbaine qui devrait être la règle. Nous ne sommes pas certains à cet égard de devoir récuser comme notre couple d’auteurs le laxisme de la Justice. « Tous surveillés et punis », annonce le sous-titre ; certes, mais combien échappent à toute punition justifiée ?

Si la méfiance envers les lois d’état d’urgence terroriste ou sanitaire doit être de règle, tant elles ont tendance à ne pas savoir s’effacer une fois hors de propos, il ne faut cependant pas jeter le bébé avec l’eau du bain comme aiment à le faire nos auteurs. En effet une surveillance, biométrique, par vidéo algorithmique, telle qu’elle se généralise à l’approche des Jeux Olympiques parisiens de 2024, doit pouvoir exclusivement contribuer à parer la délinquance et la criminalité ; rien d’autre. Et non permettre d’accumuler « l’absurdité des charges ». Hélas notre duo pêche par irénisme multiculturel, signalant combien « musulmans et étrangers » sont ciblés : ce n’est pas là racisme systémique policier (ou à peine) mais réalité statistique des comportements délictueux. Il faudrait aussi relever la différence de traitement des manifestants (quoiqu’il puisse s’agir là d’un euphémisme) entre Gilets jaunes matraquables à merci et Black Blocks extrême gauchistes aux vandalismes anticapitalistes et agressions contre la police récurrents et cependant à peine réprimés…

À cet égard, le sous-titre d’Eric Delbecque, « Les causes de l’impuissance française » est parlant. Son essai, L’Insécurité permanente, malgré d’impressionnants pandores casqués en couverture, ne rassure pas le quidam. Sachez que l’auteur est sérieusement informé, en tant qu’expert en sécurité intérieure et responsable de la sécurité de Charlie Hebdo suite à l’attentat de 2015. Malgré les niais politiques et médiatiques qui dénoncent le fantasme sécuritaire, finalement complices et responsables, les incivilités courantes, les délinquances ordinaires, les agressions violentes et les règlements de comptes entre bandes rivales, et la prégnance toujours menaçante des attentats islamistes, le Français vit mal en son territoire - qui ne lui appartient plus guère - s’il n’est pas blessé, tué. « Ensauvagement », « décivilisation », violence des mineurs, où git « la racine du mal », « haine du flic » et désinformations quant aux « violences policières » qu’il ne faut pas nier, mais bien dépassées par celles antipolicières, salafisme et jihadisme enfin, tout se conjugue pour qu’en quantités croissantes la poudre explose. Pendant ce temps les administrations des ministères de l’Intérieur et de la Justice temporisent, minimisent, espèrent en un apaisement impossible. Le tableau, documenté, comprend 150 000 vols de véhicules, 250 000 cambriolages, 700 000 vols sans violences, avec violence 100 000, dont 10 000 avec arme, et encore ne s’agit-il que de ceux déclarés chaque année. Laissons imaginer les homicides, soit 1,36 pour 100 000 habitants en 2019, sans compter « plus de 8000 personnes inscrites au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste » ; et s’il s’agit de la partie immergée de l’iceberg…  En conséquence, face à « quarante ans d’inaction », Eric Delbecque plaide pour un réinvestissement des territoires perdus de la République, pour une stratégie sécuritaire assumée par les spécialistes en la matière. Car « la sécurité c’est la restauration de la République et la première de nos libertés »

Autre concept inhérent à l’étatisme forcené : l’absolutisme. Il est dénoncé, moqué, combattu par un député, quoique macronien, alors que ses coreligionnaires de tous bords n’ont guère tendance à être des amants de la liberté : Aurélien Taché, qui publie un Voyage d’un homme libre au pays de l’absolutisme. Ce dernier ne vient pas seulement d’en haut, mais de tout un substrat des mentalités, qui prônent et pratiquent le conformisme, l’uniformité, l’immobilisme et le gel des convictions, fussent-elles démenties par les faits, par les réussites hors de France, en une permanence de la « connaissance inutile », pour reprendre le titre de Jean-François Revel[5].

Huit chapitres plus ou moins autobiographiques sont autant de « voyages » : « à la campagne », « au cœur des pouvoirs publics », « à l’Assemblée nationale », « à l’école » « dans l’entreprise », « au pays des militants », « dans l’inconscient national ». Bien que le pire réside parmi la fonction publique et les cabinets ministériels, le constat est toujours le même, même si les variantes abondent. Tout du long Aurélien Taché se heurte au carcan et au lacis administratif, en particulier dans le domaine du logement, plaide pour plus de responsabilités en dehors du seul salut de l’Etat, et se veut libéral, par exemple en légalisant le cannabis, en pensant à un « compte-temps » personnel au lieu d’un système de retraite national, en prônant un « revenu d’existence » pour tous. Face au travail dépourvu de sens et à un système de subordination : « plus de salariés ou d’indépendants, tous coopérants ! » rêve-t-il en idéaliste fougueux. Le réquisitoire est particulièrement vif à l’encontre du système scolaire, une « institution disciplinaire », qui a bien failli broyer le jeune Aurélien venu d’un milieu modeste en Deux-Sèvres.

Enfin le « voyage au-delà des nations » qui laissait espérer des expériences un tant soit peu plus ouvertes, aboutit à une dénonciation de « l’ordolibéarlisme » européen et du « néolibéralisme », concepts pour le moins confus qui ne sont pas très cohérents avec son idée du « primat de l’individu sur le collectif ». En effet il pense à une connivence dommageable entre l’Etat, mais aussi l’Europe avec les grandes entreprises capitalistiques, ce qui n’est plus de l’ordre du capitalisme libéral. Autre approximation, son approche des pays relevant de l’Islam, tout en soutenant les aspirations à la liberté, relève d’un certain irénisme, surtout lorsqu’il méconnait le caractère totalitaire de l’islam en prétendant ne pas vouloir encadrer le port des signes religieux. Si le principe directeur de cet essai, bourré d’observations nées de l’expérience, de contrariétés, de faits, de suggestions, est judicieux, le parcours argumentatif est parfois sinueux…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Absolutiste n’est-il pas également le mot pour tous ces monopoles étatiques, la plupart du temps déficitaires, refinancés en dérobant la poche du contribuable ? Ces monstres énormes, Sécurité sociale, Electricité De France, Société Nationale des Chemins de Fer, ne sont pas sujets à une saine et vivifiante concurrence (quoique grâce à une directive européenne cela soit en train d’évoluer pour la troisième). Une fois de plus, l’Etat est nuisible là où il devrait être utile, et, dans ce cas, là où il ne devrait rien avoir à faire. Car l’économie n’est pas de son ressort, sinon pour le gauchir, le casser.

Et, last but not least, n’avons-nous pas oublié le néoféminisme, le wokisme et sa délicieuse Cancel culture[6], qui use du décolonialisme et de l’antiracisme pour coloniser et raciser l’homme blanc, masque transparent une fois de plus de l’anticapitalisme, qui privilégie l’orientation sexuelle, le genre, au dépend du mérite, des compétences ? La propagation d’une telle idéologie en fait promptement un Etat dans l’Etat. Une minorité agissante, influente, comminatoire, ne fait-elle pas profession d’antilibéralisme, enlaidissant notre monde au moyen d’une propension à la tyrannie, comme s’il n’était pas assez laid ?

Car avec Philippe Nemo, nous pouvons penser le politique en termes de beauté et laideur, grâce à son lumineux essai : Esthétique de la liberté. Au-delà de la prémisse selon laquelle chez Platon, le vrai, le beau et le bien sont un, il montre que « la servitude enlaidit les existences humaines [et] que cela n’est pas seulement vrai de la certitude absolue instaurée par les totalitarismes, mais aussi de la demi-servitude instaurée par certaines sociétés réputées plus douces, les socialismes, qui sont nombreux dans le monde actuel ». En conséquence, seule une vie libre est créatrice de beautés et peut avoir un sens. Les vertus de justice, véracité, libéralité, esprit de paix, tolérance, prudence, tempérance, force, orientation positive des activités (en particulier l’innovation scientifique) fondent la beauté morale, donc politique, au sens où seule la participation de l’être libre leur permet d’accéder à la beauté de l’œuvre d’art. Rappelons-nous qu’avec Jean Petitot, Philippe Nemo signa une belle Histoire du libéralisme en Europe[7], ce dernier participant d’une indispensable esthétique de la politique.

 Nietzsche nous avait avertis : « Etat, de tous les monstres froids, ainsi se nomme le plus froid […] Sur terre rien n’est plus grand que moi ; de Dieu je suis le doigt qui ordonne[8] ». Très certainement cette hypertrophie de l’Etat et ce mépris des libertés ont pour source un centralisme et une verticalité politique hérités du Grand siècle Louis-quatorzième, de ce Colbertisme décisionnaire qui irrigua la tradition de droite, et bien entendu du venin marxiste et de sa pulsion de pouvoir totale, sans parler du keynésianisme, infiltré dans les artères gauchies de la pensée. De même la passion délétère de l’égalité se cristallise en une furia de dénonciation des inégalités, contre-productive en tant qu’elle arase les différences, les innovations, les perspectives d’enrichissement. Le constructivisme politique français est comptable d’une dette approchant les 3000 milliards d’euros et d’une islamisation dévorante. Le constructivisme économique, écologiste, est coupable de désindustrialisation, de chômage récurrent, de fermetures d’entreprises accablées par l’envolée des prix des énergies que notre Etat sut interdire de prospérer et plus simplement de naître, d’appauvrissement enfin. Cet Etat que Peter Sloterdijk qualifiait de « mère métaphorique supérieure », de « chirurgien des peuples[9] », dont on pourrait dire que la volonté de guérir contribue à la mort du malade. Il existe également un constructivisme sociologique, intellectuel, si ce dernier mot a encore un sens, fauteur d’obscurantisme, qui propose et dispose de lentes nuits de la pensée et de naufrage de la prospérité au tréfonds de notre avenir, si rien ne vient infléchir la tendance.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Joseph Aloïs Schumpeter : Capitalisme, socialisme et démocratie, Payot, 1979.

[2] Friedrich August Hayek : Droit, législation et liberté, PUF, 2007.

[5] Jean-François Revel La Connaissance inutile, Grasset, 1988.

[7] Jean Petitot & Philippe Nemo : Histoire du libéralisme en Europe, PUF, 2006.

[8] Friedrich Nietzsche : Ainsi parlait Zarathoustra, Gallimard, 1971, p 61-62.

[8] Peter Sloterdijk : Dans le même bateau, Rivages, 1997, p 40, 41.

 

Emmaüs, Ligugé, Vienne. Photo : T. Guinhut.

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23 décembre 2022 5 23 /12 /décembre /2022 14:47

 

Machaon ou Grand porte-queue, Niort, Deux-Sèvres.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Jean-Henri Fabre, prince de l’entomologie.

Avec le concours

d’En regardant voler les mouches.

 

 

Jean-Henri Fabre : Souvenirs entomologiques,

Le Pommier, 2022, 336 p, 14 €.

 

Henri Gourdin : Jean-Henri Fabre l’inimitable observateur,

Le Pommier, 2022, 288 p, 21 €.

 

En regardant voler les mouches. Arts, littérature et attention,

La Baconnière, 2022, 144 p, 20 €.

 

 

 

La cigale et la fourmi du fabuliste Jean de La Fontaine étaient le produit, certes d’un amateur des champs et des bois, mais aussi d’un anthropomorphisme aimable. Si les naturalistes du XVIII° siècle, dans le sillage de Buffon, pouvaient observer les insectes de manière plus objective, aucun n’atteint l’abnégation, l’attention infinie comme Jean-Henri Fabre, né en 1823, dans les montagnes de l’Aveyron, mort en 1915 après une longue vie d’étude et d’écriture. Entomologiste scrupuleux, il dédia sa vie aux hyménoptères et coléoptères, non sans une carrière d’instituteur attentif à la transmission. Cependant, la rigueur scientifique de l'observateur n'a d'égal que l'écriture jubilatoire. Et s’il écrivit des milliers de si belles pages au service de ses précieuses bestioles, il est aujourd’hui loisible d’en découvrir quelques-unes parmi les plus étonnantes et sensibles, dans une anthologie, intitulée Souvenirs entomologiques, et choisie par Henri Gourdin, qui parallèlement nous propose une biographie de son maître, Jean-Henri Fabre, dont on pourrait fêter le bicentenaire de la naissance. Au moyen de sa poétique insectophilie, n'a-t-il pas tant à nous apprendre sur la multiplicité des vies miniatures, sur les beautés et les cruautés de la nature? Alors qu’une poignée d’essayistes d’aujourd’hui n’aime rien tant qu’écrire avec attention En regardant voler les mouches, ces dernières, bien qu’irritantes, ayant également tant à nous apprendre, nous surprendre, parmi les fantaisies des Arts et des Lettres.

 

Faut-il commencer, en quelque sorte chronologiquement, par la vie ou par les écrits ? Si nous laissons in fine notre lecteur seul juge, c’est l’œuvre qui nous parait première, en une justification de la vie, voire une assomption. C’est au pied et jusqu’à la cime du Ventoux que se situe le théâtre des opérations. En 1865, sa rude et rocailleuse ascension est l’un des axes essentiels de ce recueil, car « une demi-journée de déplacement suivant la verticale fait passer sous les regards la succession des principaux types végétaux du sud au nord, suivant le même méridien ». L’on passe ainsi du thym méditerranéen au pavot velu alpestre. Le récit est vif, animé par le « coup de baromètre » (entendez une gorgée de rhum à chaque consultation de l’instrument par les compagnons de l’auteur) le goût de l’oseille. Une brève nuit à l’abri d’un « Jas de pierre » à 1500 mètres d’altitude permet de préparer la dernière montée pour assister au lever de soleil sommital. Une brume pluvieuse insistante les avait surpris au soir, cependant le matin permet d’élargir la vue jusqu’au Rhône. Le dramatique suspense, les descriptions lyriques donnent au récit un charme prenant. Les « douces joies » du naturaliste culminent lorsqu’il peut observer le Parnassius Apollo, ce papillon « à ailes blanches avec quatre taches d’un rouge carmin », « hôte élégant des solitudes des Alpes » !

Lisons ces pages lumineuses en pensant également au premier ascensionniste écrivain au Ventoux, le poète Pétrarque[1] lui-même, qui, en l’an 1336, fit son épuisante ascension, mais dans une perspective moins scientifique que philosophique, au-dessus de « la vallée de tes péchés » et « vers « la cime de la béatitude[2] ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Chaque objet de l’observation de l’entomologiste ne peut se séparer de son milieu, de ses prédateurs et de ses proies. Car ici point de pitié : le sphex aux ailes jaunes se gorge des femelles chargées d’œufs de l’éphippigère des vignes et ramène des grillons pour les enfermer avec ses rejetons qui s’en nourriront ; les ammophiles dévorent des chenilles et seront dévorés à leur tour par des oiseaux migrateurs. Ainsi va la chaîne de la vie et de la mort nécessaire.

Plus loin, apparaissent des créatures emblématiques, la « tarentule au ventre noir » et le « scarabée sacré ». La première est un « expert tueur » qui, grâce à sa morsure, paralyse le malheureux insecte qui s’est laissé surprendre. Non seulement elle est active sur le terrain, mais observée dans un large flacon préparé par le soin du patient narrateur et analyste. Le second accourt au fumet du crottin pour travailler avec ardeur à « la pilule sphérique, simples vivres que l’insecte cueille pour son propre usage et achemine vers une salle à manger creusée en lieu propice ». L’étude de ses mœurs va jusqu’à sa métamorphose, de larve à nymphe, afin de découvrir ce « bijou » que les Egyptiens divinisaient, voyant dans la boule excrémentielle roulée un symbole cosmique.

Sans oublier de plus théoriques observations sur l’instinct, son « discernement » et et ses « aberrations », notre entomologiste aime à quitter parfois le monde de ses bestioles favorites, mais jamais bien loin, pour guigner « l’hirondelle et le moineau », dont les nids sont tout un ouvrage, où l’on ramène mille proies miniatures à ses insectivores oisillons.

Parnassius Apollo, Valle Aurina, Prettau / Prédoi, Südtirol.

Photo : T. Guinhut.

 

Et si l’on s’attend à un froid exposé scientifique, l’on sera heureusement démenti. En effet, outre une exactitude scrupuleuse, la plume avisée, lyrique, de Jean-Henri Fabre use sans relâche d’un sens de la description contrasté, coloré, et d’une remarquable vivacité du récit. Au point que les activités, les combats de ces minuscules héros paraissent des épopées grandioses et pleine d’intérêt. Avec raison Victor Hugo, pourtant trop amateur d’hyperboles, l’appelait « Homère des insectes » ; dans cette lignée, Edmond Rostand préférait le qualifier de « Virgile des insectes ». Cette modeste anthologie, judicieusement concoctée, ne peut que donner envie de se plonger dans les dix fort volumes de ses Souvenirs entomologiques, écrits entre 1879 et 1907, dont l’édition définitive fut publiée à partir de 1924[3], et dont les textes sont accessibles chez Bouquins[4], moins les illustrations. À ce propos, il est dommage que l’anthologiste et l’éditeur n’aient pas songé d’inclure quelques illustrations, dessins et photographies qui ajoutent bien du charme et de l’intérêt scientifique à l’œuvre complète de notre réel écrivain. Il n’en est que pour preuve, au-delà de l’évident bonheur de lecture qui nous transporte dans un incroyable univers, que les treize langues où il fut traduit ; le Japon lui vouant un véritable culte. Au point que quelques Japonais à l’esprit curieux viennent visiter les musées qui lui sont consacrées à Saint-Léons en Aveyron et à Sérignan-du-Comtat dans le Vaucluse…

En sus de sa qualité d’entomologiste, nous rapporte Henri Gourdin, il était enseignant et poète, auteur de divers manuels scolaires, illustrateur de ses ouvrages et aquarelliste de 660 planches de champignons : un aimable monstre de patience et de travail. « Inimitable observateur » selon Charles Darwin, qui l’honore dans son Origine des espèces, Jean-Henri Fabre ne reconnaissait pourtant guère l’évolutionnisme, ne rendant pas la politesse à son confrère anglais. En précurseur cependant, notre naturaliste associe l’écologie, science des relations avec milieu naturel, avec l’éthologie, science des comportements. Ce précurseur ouvre la voie aux recherches sur le phylloxera, qui s’attaque à la vigne, sur les sauterelles invasives, sur les chenilles processionnaires et les pucerons invasifs, dont les coccinelles sont friandes. Soit à une agriculture raisonnée, loin de la pureté revendiquée par bien des écologistes, qui voudraient laisser faire une invasive nature aux dépens de l’homme.

Ainsi, c’est avec enthousiaste qu’Henri Gourdin consacre une biographie documentée au « poète des hannetons » : Jean-Henri Fabre l’inimitable observateur. Tandis que son choix de Souvenirs entomologiques figure dans une déjà généreuse collection des « Pionniers de l’écologie » chez le même éditeur. Elle compte des volumes consacrés aux oiseaux du peintre et naturaliste américain Jean-Jacques Audubon, au philosophe également américain Emerson[5], aux Steppes et déserts d’Humboldt, au géographe Elisée Reclus. La mode de l’écologisme ayant ceci de bon qu’elle permet de se pencher sur de beaux et précieux textes. Pourtant il faut se rappeler que Jean-Henri Fabre était farouchement opposé au « progrès hostile à la nature, qui en déforme la beauté ». Que dirait-il aujourd’hui, effaré par l’industrialisation et l’urbanisation conquérantes ? Prenons garde cependant que si la belle nature est indispensable, tant sanitairement qu’esthétiquement, elle ne doit pas avec les thuriféraires de l’écologisme ramener l’humanité à un désastreux état de nature, mais pactiser avec les progrès scientifiques et techniques salvateurs.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour le moins curieux, voici un volume à la mystérieuse couverture bleutée qui semble être la figuration des repères visuels d’un volatile en mouvement. Reste à savoir s’il fait mouche. Deux siècles après Jean-Henri Fabre, scientifiques et essayistes exercent leur polymorphe attention : En regardant voler les mouches réunit, entre Natacha Allet et Jean-Philippe Rymann, huit auteurs qui, loin de jouer aux mouches du coche (pour reprendre la fable de La Fontaine) confrontent arts et littérature au phénomène de l’attention.

Qu’est-ce alors que notre attention face aux qualités de l’œil de la mouche, dont on sait qu’elle s’enfuira toujours plus vite que la main qui voudrait l’abattre ? Par ailleurs, distraits par son bourdonnement, savons-nous rester attentifs face au monde ? Voire rester béat « en regardant voler les mouches », soit céder au désœuvrement, à la paresse, quad les yeux à facettes du diptère devraient être notre modèle en termes de connaissance du monde…

Dans la continuité de l’Eloge de la mouche[6], fameux éloge paradoxal du philosophe grec du II° siècle, Lucien, une trentaine de petits essais explore les occurrences du diptère dans les Lettres et parfois la peinture. Qui eût cru qu’allaient défiler en cet inventif exercice rien moins que Blaise Pascal et Georges Bataille, Lautréamont et Roland Barthes, Rabelais et Paul Valéry, Francis Ponge et Claude Simon, Nathalie Sarraute et Robert Musil, en tant que métaphore démultipliée de l’attention et de l’inattention ! Sans oublier l’inoubliable Nabokov dont le filet à papillons emprisonne parfois quelque mouche et dont l’autobiographie, Autres rivages[7], porte la trace mobile sur le front de Mademoiselle, sa gouvernante. Autre dérision, « la mouche sur le nez de l’orateur », qui ramène l’emphase rhétorique, voire politique, à la viande que nous sommes…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Trompe-l’œil favori des peintres, de l’antique Zeuxis au Carlo Crivelli du temps de la Renaissance, elle se pose sur le parapet d’une Vierge à l’enfant. Ironie et scrupule scientifique du temps de l’humanisme font bon ménage Toutefois sa petite taille se voit multipliée à taille humaine dans l’œuvre de l’artiste contemporain Francisco Tropa, de façon à acquérir une inquiétante monstruosité, cassant nos repères. Les ouvrages des naturalistes venus des siècles précédents avaient cependant, à l’aide de précises gravures, puis de photographies généreuses, grandi ces minces créatures à la lisière du fantastique.

L’œil aux 3000 facettes intrigue non seulement le scientifique, mais cinéastes et « acteurs, au moyen de « l’effet-mouche », lorsque Charlot tente de chasser l’intruse et provoque sans tarder le rire. L’on ne pouvait enfin rater l’auteur d’un film impressionnant, coruscant : La Mouche de David Cronenberg[8], cinéaste horrifique et romancier vigoureusement obsédé par les biologies science-fictionnelles et le transhumanisme[9]. Dans la tradition des Métamorphoses d’Ovide, un téméraire expérimentateur voit son corps, sinon son esprit, subir une progressive transition vers celui de l’insecte. Le « bellâtre joue le rôle d’un scientifique » : ses expériences de téléportation sont perturbées par l’intrusion d’une mouche dont l’ADN interfère avec le sien, gonflant son corps de protubérances charnues, d’yeux globuleux, d’ailes bientôt, sous le regard fasciné de sa maîtresse, la journaliste Véronica. La tératologie de Cronenberg n’est jamais innocente…

Un étrange et beau cahier central de photographies souvent en couleurs, rien moins que 32 pages - auquel on aurait pu emprunter quelque gravure pour une couverture plus attirante - anime cet ouvrage décidément original, à la perspicacité redoutable, auquel ne manquent pas les analyses subtiles, pour reprendre l’adjectif du titre de l’entomologiste Ernst Jünger[10]. Et si l'on veut poursuivre cette exploration entomologique, en revenant à notre cher Fabre, sachons qu'il existe, quoiqu'épuisée, une autre anthologie de ses souvenirs[11], vêtue d'une élégante couverture aux scarabées, sphex et mante religieuse...

 

Tout comme il n’y a de cabinet de curiosité sans insectes, il n’y aurait guère de vie sur notre planète sans eux. Le bousier ne dévore-t-il pas les excréments, en grand nettoyeur, les oiseaux ne se nourrissent-ils pas de leur fourmillement ? Qui sait si, en imaginant l’éradication de l’humanité au moyen de quelque catastrophe nucléaire, l’homme ferait place nette à une entomocratie…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[2] Pétrarque : L’Ascension du Mont Ventoux, Séquences, 1990, p 34-35.

[3] Jean-Henri Fabre : Souvenirs entomologiques, Delagrave, 1924.

[4] Jean-Henri Fabre : Souvenirs entomologiques, Bouquins Laffont, 1989.

[6] Lucien de Samosate : Eloge de la mouche, Œuvres, II, Hachette 1874, p 267.

[7] Vladimir Nabokov : Autres rivages, Gallimard, 1989.

[10] Ernst Jünger : Chasses subtiles, Christian Bourgois, 1969.

[10] Jean-Henri Fabre : Souvenirs d'un entomologiste, Club des Libraires de France, 1955.

 

Jean-Henri Fabre : Souvenirs entomologiques, Delagrave, 1924.

Photo : T. Guinhut.

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17 décembre 2022 6 17 /12 /décembre /2022 15:49

 

Museo Casa Natal de Cervantès, Alcala de Henares, Madrid.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Salman Rushdie

ou les libertés de l’imagination :

Quichotte, Langages de vérité

& Penser Salman Rushdie.

 

 

Salman Rushdie : Quichotte,

traduit de l’anglais (Royaume Uni) par Gérard Meudal,

Actes Sud, 2020, 432 p, 24 €.

 

Salman Rushdie : Langages de vérité,

traduit de l’anglais (Royaume Uni) par Gérard Meudal,

Actes Sud, 2022, 400 p, 25 €.

 

Penser Salman Rushdie,

coordonné par Daniel Salvator Schiffer,

L’Aube, 2022, 248 p, 20 €.

 

 

Pourquoi condamner un écrivain ? Pour érotique obscénité façon Lady Chatterley, atteinte baudelairienne aux bonnes mœurs, éloge sadien du crime, blasphème enfin… Voilà qui, à l’exception de l’incitation au meurtre, pourrait se traduire par un seul mot : l’imagination. En tout état de cause c’est bien ce qui fut, ce qui est, qui sera, reproché à Salman Rushdie, lorsqu’une iranienne fatwa, en 1989, commanda de l’assassiner au service et au nom du prophète de l’islam. Comme un seul homme, la théocratie et les masses de ses affidés hurlèrent au blasphème, ne brulèrent que de porter la main du crime sur la gorge de l’écrivain, siège de la parole, de séparer de son corps sa tête, siège de l’intelligence et de la liberté. Les Versets sataniques était-il un roman si indécent ? Il n’en reste pas moins qu’il continua de conter ses histoires, au travers d’ouvrages comme Haroun ou la mer des histoires ou L’Enchanteresse de Florence, de composer avec brio de nouvelles Mille et une nuits et un Quichotte échevelé, non sans confier sa réclusion pour échapper au totalitarisme islamique dans Joseph Anton[1]. Mais aussi de rédiger entre 2003 et 2020 divers essais sur le pouvoir d’imagination de la littérature, réunis aujourd’hui sous un titre peut-être discutable : Langages de vérité. Le merveilleux des contes invoquerait-il la vérité ? Cette vérité qui serait insupportable aux yeux des fondamentalistes. Ce pourquoi il faut, avec rien moins que vingt-six auteurs divers, Penser Salman Rushdie, au nom d’un libre humanisme et de la dignité, tant de l’individu que de la civilisation.

 

L’inénarrable roman de chevalerie intitulé, en 1605 puis 1615, Don Quichotte, n’a pu que fasciner notre Salman Rushdie. Au point de vouloir en découdre avec le modèle inégalé. Double décalé de Cervantès, Sam DuChamp n’est qu’un piètre auteur de romans d’espionnage qui se concocte un alter ego romanesque, Ismail Smile, au nom révélateur. Aussi Salman Rushdie fait-il de son Quichotte un représentant de commerce en produits pharmaceutiques frelatés, amateur forcené de télévision, rêveur impénitent et cependant un poil raffiné. Quelle drôle de lubie le pousse à tomber amoureux de Miss Salma R, actrice sur le retour, animatrice de talk show, star de l’écran de ses songes ? Sancho n’est que son fils imaginaire et pourtant il l’accompagne au long cours d’une quête picaresque parmi les espaces immenses des Etats-Unis. Les aventures sont sans cesse dédiées à la dulcinée qui habite l’illusion du petit écran, faisant s’entrecroiser les vies à la manière fabuleuse de Salman Rushdie.

N’en doutons pas, la chose est intensément satirique. Le personnage affirme « son intention de s'attaquer à la sous-culture abrutissante et destructrice de notre époque tout comme Cervantès était parti en guerre contre la sous-culture de son temps ». Le road trip, pour user de l’anglicisme, décrit un pays en déshérence, dégringolant les échelons du spirituel, tant la drogue, les réseaux sociaux, les violences sexuelles, la pop culture, le racisme gangrènent pêle-mêle le pays. Bouillonnant, sans cesse en mouvement, le roman amuse, inquiète, tant il est à craindre qu’au bout de la quête de ce Quichotte improbable, malgré d’hilarants moments, de cette épopée déglinguée, ne se dessine qu’un vide apocalyptique.

Hélas, l’avatar rushdien a plus triste figure que son modèle. Si la verve ébouriffante  de Salman Rushdie n’est pas en reste et peut ravir un lecteur complice, changer Rossinante pour une Chevrolet, Dulcinée pour une actrice, Sancho Pansa pour un ami imaginaire dont le nez s’allonge comme celui de Pinocchio, malgré l’incessante intertextualité, ne suffit pas à égaler le modèle du XVI° siècle. De plus, surcharger la fresque de péripéties et de personnages secondaires, de surcroit éphémères, finit par lasser. Sans compter que la charge contre le bric à brac peu culturel américain, les errements de la politique à l’occasion l’Amérique de Trump, n’est ni nouvelle, ni forcément nuancée. Il n’en reste pas moins que si le héros de Cervantès confondait l’illusion et la réalité[2], celui de Salman Rushdie tente de ne pas confondre une réalité peu flatteuse avec le mensonge médiatique et propagandiste. En ce sens la prouesse romanesque truculente n’est pas sans mérite.

L’on ne s’étonnera pas qu’outre Don Quichotte, Les Mille et une nuits ait également fourni la trame d’une réécriture : Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits[3]. Ce n’est évidemment pas un hasard si ces deux chefs-d’œuvre de la littérature mondiale se composent, entre autres qualités narratives, de multitudes d’histoires emboitées, technique dont est friand notre écrivain anglo-indien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il ne s’agit pas seulement, dans Langages de vérité, d’une collection d’essais divers. Bien qu’issus de cours donnés dans diverses universités américaines, de préfaces pour des catalogues et autres discours, et bien entendus des articles publiés dans des magazines, ils forment un tout cohérent. Comme une sorte d’infra-roman de formation, il s’agit là d’un récit des origines, tant fictionnel qu’autobiographique ; mais aussi une entreprise critique.

Comment devenir Salman Rushdie ? En vénérant le dieu indien de la littérature, l’éléphant Ganesh, scribe du Mahabharata, qu’il découvrit dès l’enfance. En trouvant dans le réservoir immense des contes une stimulation permanente, de prolixes sources d’inspiration. En s’abreuvant aux Mille et une nuits, où l’on apprécie « l’absence presque totale de la religion », et dont Shéhérazade est le modèle révéré. Sans oublier tout un corpus indien, dont le Somadeva. Océan de la rivière des contes inspira le titre d’Haroun et la mer des histoires[4]. Mais en rencontrant également la partition de l’Ide et du Bengladesh, de l’hindouisme et de l’islam, lorsqu’au passé laïque de Bombay succède un « présent amer, porté à l’oppression, la censure et le sectarisme ».

Dans le panthéon de Salman Rushdie, Cervantès côtoie un autre géant mort à quelques jours d’intervalle, en 1616, William Shakespeare, dont la « liberté de forme » le stupéfie. Dans leur « truculence », tous les deux « se refusent à moraliser, et c’est en cela qu’ils sont beaucoup plus modernes que beaucoup de leurs successeurs ».

Il faut en conséquence à l’appétit omnivore de notre romancier autre chose qu’un piètre réalisme. Ce dernier dominant les Lettres et les appauvrissant, il est l’objet du dédain, voire du mépris du prince du récit, Salman lui-même, non sans raison. Il lui faut le merveilleux, quoiqu’il emploie à cet égard le terme « fantastique » qui n’est valable que pour Kafka, dont La Métamorphose permet l’irruption du surnaturel dans un contexte réaliste. Plutôt qu’au conseil  généralement donné à l’aspirant écrivain, « Parle de ce que tu connais », le développement de l’imaginaire est le credo de notre auteur qui préfère « injecter le fabuleux dans le réel pour le rendre plus vivant, et, curieusement, plus véridique ». Car « l’animal fabulateur » que nous sommes trouve dans les mythes, les fables, les contes, une raison de vivre, une morale, une évasion. Parmi le triangle formé par « l’amour, l’art, la vie », le réalisme magique peut se déployer en toute liberté.

En ce sens, l’on ne s’étonne pas que son personnage mythologique, allégorique et emblématique soit Protée. Car la vie, multiforme, monstrueuse, sans cesse changeante, doit trouver dans la forme et le sens romanesque, un reflet, une extrapolation de cette protéenne dimension. Ce pourquoi cette littérature « est plus réaliste que le réalisme, parce qu’elle correspond à l’irréalité du monde ».

Au côté de ce versant de la formation et surtout de l’esthétique de l’écrivain, figurent quelques belles pages plus autobiographiques, contant son enfance à Bombay, sa prodigieuse famille, ses lectures, puis son émigration vers les universités anglaises.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une seconde partie s’intéresse à la génération de l’écrivain, ses contemporains, voire ses complices. Philip Roth[5] par exemple, dont les romans mettent en scène les Juifs américains, le maccarthysme, le racisme et la montée du wokisme : « nous vivons une époque où les événements publics affectent si directement notre vie privée que le rôle de la littérature à présent est de montrer comment fonctionne cette relation ». Qu’il s’agisse du Complot contre l’Amérique ou de La Tache, il est « un Cassandre de notre temps, nous mettant en garde contre l’avenir sans être pris au sérieux ». Sauf qu’en faisant à cet égard allusion à Donald Trump (sans le nommer), Salman Rushdie ne fait guère preuve de pénétration[6]. C’est aussi Kurt Vonnegut qui regarde la guerre « avec le masque de la comédie », dans son Abattoir 5. Faisant « face à la mort », les romans de Samuel Beckett fascinent ce lecteur prolixe, qui appelle affectueusement Gabriel Garcia Marquez « Gabo », alors qu’il était le grand ami de Fidel Castro ! Toutefois l’on reconnaît  notre auteur dans cet éloge d’Harold Pinter : « un adversaire déclaré et passionné du sectarisme, des préjugés, de la censure et des abus de pouvoir commis par les puissants ». À ce égard, Slaman Rushdie ne prend-il pas fait et cause pour l’artiste chinois Ai Weiwei, arrêté par le pouvoir communiste ?

Malgré la multiplicité des vérités qui courent de par le monde, le romancier a pour but de « reconstruire la croyance de nos lecteurs dans la réalité, leur foi dans la vérité. Aussi faut-il bien du courage aux écrivains, qu’ils soient anglais ou chinois, pour affirmer la vérité de la liberté et infirmer la vérité des pouvoirs qui nous oppriment. Comme il en fit preuve à l’occasion d’un congrès du Pen Club en 1986, où il mania « la plume et l’épée ». Lors de houleuses controverses que l’on imagine, Saul Bellow répondit : « Nous n’avons pas de tâches, mais des inspirations », ce qui est remettre les pendules idéologiques à l’heure de la vitalité de l’écrivain face au monde qui nous entoure, face à ces pays où « l’imagination libre est toujours considérée comme un danger », où la censure s’impose, quoiqu’elle sache s’infiltrer dans les pays qui se prétendent libres. Y compris aux Etats-Unis où l’on peut furieusement souhaiter effacer la théorie de l’évolution de Darwin, voire la sorcellerie de J. K. Rowling et de son Harry Potter. Y compris en Inde où le fanatisme hindou concurrence celui de l’islam. Conclusion : « Se détacher des dieux, c’est la naissance de la liberté de l’individu et de la société ».

Si le titre peut être discutable tant les vérités au pluriel peuvent être le champ du relativisme, ces « vérités » restent néanmoins des défenses contre la vérité religieusement (ou politiquement) autoproclamée : « une religion définie comme la capacité pour ses adeptes de commettre des violences sur terre au nom de leur mystérieux dieu céleste ». L’allusion à l’islam étant assez claire et nous ramenant à la fatwa prononcée contre l’auteur des Versets sataniques, qui vient d’ailleurs cet automne de subir une grave agression au couteau, la férocité de ces détracteurs faisant preuve d’une mémoire têtue, depuis trois décennies. Or c’est avec pertinence que Salman Rushdie récuse le terme « islamophobie[7] » : étant donné le concours de violences et de tyrannie afférentes, « il est juste d’éprouver une véritable phobie sur de tels sujets ».

Cependant dans un pays comme l’Inde où les dieux sont pas moins de trois cents millions, le réalisme de l’écriture est quasiment impossible. À moins qu’il s’agisse de réalisme magique, comme dans Les Versets sataniques, qui est d’abord un livre sur l’immigration, où trois déesses antéislamiques pointent le bout de leurs nez, pour le plus grand mécontentement des monothéistes furieux, qui sont à l’origine de cette furie s’abattant sur New-York, dans le roman du même nom[8]. Ainsi Salman Rushdie, et on le comprend, préfère les polythéismes, où les histoires « sont bien meilleures » et laissent la liberté s’ébattre, alors que dans les monothéismes, « ces policiers de l’âme », elles sont « inhumaines ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Il est évident que le rapport entre « autobiographie et roman » dépasse de loin le seul cas de notre romancier, en un temps où l’on soupçonne sans répit que l’écrivain représente ses proches, ses amis, ses connaissances dans les pages de ses romans : « De nos jours, la supposition qui prévaut c’est que tout roman est en fait une autobiographie déguisée ». Il suffirait alors de connaître l’identité de la personne pour tout savoir sur le personnage, ce que Marcel Proust ne cesse de récuser[9]. Ce qui compte, « c’est le saut imaginatif, et non les éléments de la vraie vie ». Et notre Salman de donner de nombreux exemples, y compris dans sa famille, dont les membres ne deviennent personnages qu’en changeant de personnalité, de vie, dans Les Enfants de Minuit [10]ou Furie. La solution est-elle d’éviter les narrateurs à la première personne ? Ainsi Shalimar le clown[11] et L’Enchanteresse de Florence[12] échappèrent-ils à ce déterminisme…

Il est cependant difficile de convaincre une immense part du public que l’art est supérieur à la reproduction réaliste du vécu, ce dont témoigne le succès d’un Karl Ove Knausgaard[13].

Pour Salman Rushdie, comme certainement pour Shakespeare, quoiqu’il soit risqué de les comparer, « l’anglais est l’or des langues », tant il est malléable. Si nous le lisons seulement en français, hélas, tant sa langue est touffue, nous avons conscience de cette aisance à sculpter la pâte des phrases et des mots, d’une manière particulièrement évocatrice. Même si au long cours de ses romans une lassitude peut empreindre le lecteur, lorsque que s’enchaîne la pâte du récit sans cesse renouvelé par des histoires séductrices, mais dont on ne ressent pas toujours la nécessité morale et esthétique.

Véritable boite aux trésors, même si parfois inégaux, Langages de vérité recherche par exemple celle de « l’adaptation », soit le passage d’un livre à un film, le plus souvent médiocre, quoiqu’il existe de notables exceptions, comme Le Guépard de Luchino Visconti. La réflexion est de bric et de broc, comme l’exige l’exercice de la réunions d’interventions diverses, mais rarement sans sagacité. Comme à l’occasion de « Notes sur la paresse », qui entrechoque le classique Russe de Gontcharov, Oblomov, avec les films de Fellini, un anti-héros de Thomas Pynchon et le mannequin Linda Evangelista : ainsi le lecteur saura s’il peut être « pour ou contre la paresse[14] ». Le recueil s’achevant sur des textes rendant hommage à des artistes, peintres comme Francesco Clemente ou photographe comme Sebastiano Salgado, l’éclectisme et l’ouverture d’esprit sont au rendez-vous d’un intellectuel nécessaire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voilà bien « quelqu’un qui ne croit ni en Dieu ni au diable », alors qu’il était né dans une famille sunnite et auprès de l’hindouisme. Insupportable apostasie, que la cohérence coranique et ses sbires se jurent de châtier. Aussi faut-il penser la tolérance, les droits de l’homme et de l'irréligion, autrement dit Penser Salman Rushdie, selon le titre d’un hommage, plus exactement d'un recueil de brèves et pertinentes mises au point, sous les plumes croisées de vingt-cinq essayistes engagés, dont les interventions ont été coordonnées par Daniel Salvatore Schiffer.

 Ils viennent d’horizons divers et sont de vifs défenseurs du « cou de Salman Rushdie », comme Eric Fottorino en son poème en vers libres, de son athéisme, comme Catherine Clément, voire de vigoureux procureurs d’un « islam inexistant », pour Guy Sorman. Remarquons des argumentaires appréciables, à la manière de Véronique Bergen : « La danse de la plume contre le couteau », le réquisitoire contre les « fanatiques de Thanatos » par Robert Redeker : « Humilier la liberté de penser est le seul blasphème », voire d’inquiétantes complicités : « Un nouveau négationnisme : l’islamo-gauchisme face à l’islamo-fascisme » sous la gouverne de Nathalie Heinich. Enfin le pertinent préfacier se fait, si l’on nous pardonne le néologisme, postfacier, en traçant une ligne directe depuis l’affaire Calas, rendue célèbre par Voltaire, jusqu’à notre écrivain si menacé, en passant par l’affaire Dreyfus. Être condamné à mort pour une fiction, au nom d’une autre fiction, l’une romanesque, l’autre religieuse, devrait pourtant dépasser tous les sommets de l’improbable et du ridicule. Mais Dieu est si souvent un tel vice humain…

Si le Coran n’avait été composé que de versets sataniques, et c’est l’hypothèse formée par le roman incriminé, les portes du polythéisme et de l’interprétation n’auraient pu être fermées. Dans la même perspective, et au-delà du seul cas Rushdie, ce volume multiplumes se propose d’être une ardente plaidoirie en faveur de la liberté, « contre toute tentation fasciste », pour reprendre les mots de Daniel Salvatore Schiffer, préfacier de ce courageux ouvrage.

Ce dernier n’échappe pas hélas à l’approximation. En effet Stéphane Barsacq cite en défense d’un islam tolérant un verset célèbre (V 32) qui s’adresse aux Juifs : « Voici, qui tue quelqu’un qui n’a tué personne ni semé de violence sur terre est comme s’il avait tué tous les hommes. Et qui en sauve un est comme s’il avait sauvé tous les hommes ». Mais il ne faut pas, au prix d’une grave erreur, omettre la suite : « Mais voici, après cela, il est sur terre un grand nombre de transgresseurs. Mais ceux qui guerroient contre Allah et ses envoyés, semant sur terre la violence, auront pour salaire d’être tués et crucifiés[15] ». Il faut alors se garder de ne prendre le verbe guerroyer qu’au sens militaire, ce que confirment de nombreux versets virulents, affirmant ainsi la dimension génocidaire d’une telle religion et l’affreuse cohérence de la condamnation à l’égorgement de notre écrivain, à l’instar d’un Samuel Paty. Malgré une telle approximation l’ouvrage mérite d’être médité, goûté. Il est à craindre cependant que de telles pages restent lettre morte, inaudibles, sinon proprement scandaleuses aux oreilles dans lesquelles a coulé le fiel de l’islam…

 

Pourquoi condamner un écrivain ? Il serait naïf de ne voir dans le péché capital de blasphème[16] que la condamnation aux mains d’une religion séculaire et de ses mortifères affidés. D’autres engeances ont aujourd’hui le doigt sur la gâchette de la reductio ad hitlerum, de l’anti-progressisme, du crime de lèse woke[17], lèse anticolonialisme, anti-néoféminisme, anti-écologiste, en somme pléthore de grigous obscurantistes violents. Certes ce sont des groupuscules ; mais en somme tous des tenants d’un activisme forcené empreint de religiosité bouffie : ils sont bien plus redevables de la pulsion tyrannique, de la pulsion de mort, que de la raison et de l’humaniste tolérance qui devraient nous conduire et libérer l’humanité.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[4] Salman Rushdie : Haroun et la mer des histoires, Bourgois, 1991.

[8] Salman Rushdie : Furie, Plon, 2001.

[10] Salman Rushdie : Les Enfants de minuit, Stock, 1983.

[11] Salman Rushdie : Shalimar le clown, Plon, 2005.

[12] Salman Rushdie : L’Enchanteresse de Florence, Plon, 2008.

[15] Traduction André Chouraqui, Le Coran, Robert Laffont, 1991, p 226-227.

[16] Voir : Eloge du blasphème, de Thomas d'Aquin à Salman Rushdie

[17] Voir : Pour l'annulation de la Cancel culture

 

Museo Casa Natal de Cervantès, Alcala de Henares, Madrid.

Photo : T. Guinhut.

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Art et bauté, de Platon à l’art contemporain

Laideur et mocheté

Peintures et paysages sublimes

 

 

 

 

 

 

Beckett 

En attendant Godot : le dénouement

 

 

 

 

 

 

Benjamin

Baudelaire par Walter Benjamin

Conscience morale et littérature

Critique de la violence et vices politiques

Flâneurs et voyageurs

Walter Benjamin : les soixante-treize sonnets

Paris capitale des chiffonniers du XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

Benni

Toutes les richesses, Grammaire de Dieu

 

 

 

 

 

 

Bernhard

Goethe se mheurt et autres vérités

 

 

 

 

 

 

 

Bibliothèques

Histoire de l'écriture & Histoire du livre

Bibliophilie : Nodier, Eco, Apollinaire

Eloges des librairies, libraires et lecteurs

Babel des routes de la traduction

Des jardins & des livres, Fondation Bodmer

De l'incendie des livres et des bibliothèques

Bibliothèques pillées sous l'Occupation

Bibliothèques vaticane et militaires

Masques et théâtre en éditions rares

De Saint-Jérôme au contemporain

Haine de la littérature et de la culture

Rabie : La Bibliothèque enchantée

Bibliothèques du monde, or des manuscrits

Du papyrus à Google-books : Darnton, Eco

Bibliothèques perdues et fictionnelles

Livres perdus : Straten,  Schlanger, Olender

Bibliophilie rare : Géants et nains

Manguel ; Uniques fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

 

Blake

Chesterton, Jordis : William Blake ou l’infini

Le Mariage du ciel et de l’enfer

 

 

 

 

 

 

 

Blasphème

Eloge du blasphème : Thomas-d'Aquin, Rushdie, Cabantous, Beccaria

 

 

 

 

 

 

Blog, critique

Du Blog comme œuvre d’art

Pour une éthique de la critique littéraire

Du temps des livres aux vérités du roman

 

 

 

 

 

 

 

Bloom

Amour, amitié et culture générale

 

 

 

 

 

 

 

Bloy

Le désespéré enlumineur de haines

 

 

 

 

 

 

 

Bolaño

L’artiste et le mal : 2666, Nocturne du Chili

Les parenthèses du chien romantique

Poète métaphysique et romancier politique

 

 

 

 

 

 

 

Bonnefoy

La poésie du legs : Ensemble encore

 

Borel

Pétrus Borel lycanthrope du romantisme noir

 

 

 

 

 

 

 

Borges

Un Borges idéal, équivalent de l'univers

Géographies des bibliothèques enchantées

Poèmes d’amour, une anthologie

 

 

 

 

 

 

 

Brague

Légitimité de l'humanisme et de l'Histoire

Eloge paradoxal du christianisme, sur l'islam

 

 

 

 

 

 

Brésil

Poésie, arts primitifs et populaires du Brésil

 

 

 

 

 

 

Bruckner

La Sagesse de l'argent

Pour l'annulation de la Cancel-culture

 

Brume et brouillard

Science, littérature et art du brouillard

 

 

 

 

 

 

Burgess

Folle semence de L'Orange mécanique

 

 

 

 

 

 

 

Burnside

De la maison muette à l'Eté des noyés

 

 

 

 

 

 

Butor

Butor poète et imagier du Temps qui court

Butor Barcelo : Une nuit sur le mont chauve

 

 

 

 

 

 

Cabré

Confiteor : devant le mystère du mal

 

 

 

 

 

 

 

Canetti

La Langue sauvée de l'autobiographie

 

 

 

 

 

 

Capek

La Guerre totalitaire des salamandres

 

 

 

 

 

 

Capitalisme

Eloge des péchés capitaux du capitalisme

De l'argument spécieux des inégalités

La sagesse de l'argent : Pascal Bruckner

Vers le paradis fiscal français ?

 

 

 

 

 

 

Carrion

Les orphelins du futur post-nucléaire

Eloges des librairies et des libraires

 

 

 

 

 

 

 

Cartarescu

La trilogie roumaine d'Orbitor, Solénoïde ; Manea : La Tanière

 

 

 

 

 

 

 

Cartographie

Atlas des mondes réels et imaginaires

 

 

 

 

 

 

 

Casanova

Icosameron et Histoire de ma vie

 

 

 

 

 

 

Catton

La Répétition, Les Luminaires

 

 

 

 

 

 

Cavazzoni

Les Géants imbéciles et autres Idiots

 

 

 

 

 

 

 

Celan

Paul Celan minotaure de la poésie

Celan et Bachmann : Lettres amoureuses

 

 

 

 

 

 

Céline

Voyage au bout des pamphlets antisémites

Guerre : l'expressionnisme vainqueur

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

 

Censure et autodafé

Requiem pour la liberté d’expression : entre Milton et Darnton, Charlie et Zemmour

Livres censurés et colères morales

Incendie des livres et des bibliothèques : Polastron, Baez, Steiner, Canetti, Bradbury

Totalitarisme et Renseignement

Pour l'annulation de la cancel culture

 

 

 

 

 

 

Cervantès

Don Quichotte peint par Gérard Garouste

Don Quichotte par Pietro Citati et Avellaneda

 

 

 

 

 

 

Cheng

Francois Cheng, Longue route et poésie

 

 

 

 

 

 

Chesterton

William Blake ou l'infini

Le fantaisiste du roman policier catholique

 

Chevalier

La Dernière fugitive, À l'orée du verger

Le Nouveau, rééecriture d'Othello

Chevalier-la-derniere-fugitive

 

Chine

Chen Ming : Les Nuages noirs de Mao

Du Gène du garde rouge aux Confessions d'un traître à la patrie

Anthologie de la poésie chinoise en Pléiade

 

 

 

 

 

 

Civilisation

Petit précis de civilisations comparées

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

 

 

 

 

 

 

 

Climat

Histoire du climat et idéologie écologiste

Tyrannie écologiste et suicide économique

 

 

 

 

 

 

Coe

Peines politiques anglaises perdues

 

 

 

 

 

 

 

Colonialisme

De Bartolomé de Las Casas à Jules Verne

Métamorphoses du colonialisme

Mario Vargas Llosa : Le rêve du Celte

Histoire amérindienne

 

 

 

 

 

 

Communisme

"Hommage à la culture communiste"

Karl Marx théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

 

 

 

 

 

 

Constant Benjamin

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Corbin

Fraicheur de l'herbe et de la pluie

Histoire du silence et des odeurs

Histoire du repos, lenteur, loisir, paresse

 

 

 

 

 

 

 

Cosmos

Cosmos de littérature, de science, d'art et de philosophie

 

 

 

 

 

 

Couleurs
Couleurs de l'Occident : Fischer, Alberti

Couleurs, cochenille, rayures : Pastoureau

Nuanciers de la rose et du rose

Profondeurs, lumières du noir et du blanc

Couleurs des monstres politiques

 

 

 

 

 


Crime et délinquance

Jonas T. Bengtsson et Jack Black

 

 

 

 

 

 

 

Cronenberg

Science-fiction biotechnologique : de Consumés à Existenz

 

 

 

 

 

 

 

Dandysme

Brummell, Barbey d'Aurevilly, Baudelaire

 

 

 

 

 

 

Danielewski

La Maison des feuilles, labyrinthe psychique

 

 

 

 

 

 

Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

Requiem pour la liberté d’expression

Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

Editeurs

Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

Mnémos ou la mémoire du futur

 

 

 

 

 

 

Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

« Courage », l'engagement en question

 

 

 

 

 

 

 

Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

L'Enfer, mythologie des lieux

Enfers d'Asie, Pu Songling, Hearn

 

 

 

 

 

 

 

Erasme

Erasme, Manuzio : Adages et humanisme

Eloge de vos folies contemporaines

 

 

 

 

 

 

 

Esclavage

Esclavage en Moyen âge, Islam, Amériques

 

 

 

 

 

 

Espagne

Histoire romanesque du franquisme

Benito Pérez Galdos, romancier espagnol

 

 

 

 

 

 

Etat

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Constructivisme versus démocratie libérale

Amendements libéraux à la Constitution

Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

La pandémie des postures idéologiques

Agonie scientifique et sophisme français

Impéritie de l'Etat, atteinte aux libertés

Retraite communiste ou raisonnée

 

 

 

 

 

 

 

Etats-Unis romans

Dérives post-américaines

Rana Dasgupta : Solo, destin américain

Bret Easton Ellis : Eclats, American psycho

Eugenides : Middlesex, Roman du mariage

Bernardine Evaristo : Fille, femme, autre

La Muse de Jonathan Galassi

Gardner : La Symphonie des spectres

Lauren Groff : Les Furies

Hallberg, Franzen : City on fire, Freedom

Jonathan Lethem : Chronic-city

Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

Rick Moody : Démonologies

De la Pava, Marissa Pessl : les agents du mal

Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com.

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Maladie et métaphore : Wagner, Maï, Zorn

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Sonnets autobiographiques

Sonnets de l'Art poétique

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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