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16 avril 2022 6 16 /04 /avril /2022 10:30

 

Parador de Alcala de Henares, Madrid.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Omniscience, théorie du tout

& ostéonirismologie :

 André Ourednik, Tom McCarthy

Julien Boutonnier,

romanciers et théoriciens

des science-fictions spéculatives.

 

 

 

 

André Ourednik : Omniscience, traduit du tchèque par Ondrej Sykora,

La Baconnière, 276 p, 19 €.

 

Tom McCarthy : Satin Island, traduit de l’anglais (Royaume-Uni)

par Thierry Decottignies, L’Olivier, 2017, 208 p, 20 €.

 

Julien Boutonnier : Les Os rêvent,

Dernier Télégramme, 2022, 736 p, 32 €.

 

 

 

 

       Combien notre connaissance est-elle limitée ! Et combien même peut-être l’intelligence artificielle[1] ne saura, d’origine humaine et trop humaine qu’elle est, parvenir à l’omniscience, non seulement d’une gigantesque base de données, mais de tous les phénomènes surgis des mains et des neurones de l’humanité, sans compter ceux de l’univers ? Dans le cadre de ce qui devient une science-fiction spéculative, deux romanciers, André Ourednik  et Tom McCarthy, quoiqu’éloignés dans l’espace, l’un Tchèque, l’autre Anglais, explorent les fils et rhizomes des informations et des réseaux événementiels. Tandis que parmi de lourdes pages intitulées Les Os rêvent, un secret Français, Julien Boutonnier, consacre des années à une science spéculative imaginaire : l’ostéonirismologie. Dans quel but ces romanciers hors normes et pour le moins décalés œuvrent-ils ?

      Serait-ce outrepasser Dieu que de plonger dans l’Omniscience d’André Ourednik ? Goan Si travaille au « Service la mémoire », comme « data scientist ». Plonger dans l’océan de l’archivage et de l’information n’est pas une métaphore, il y faut un scaphandre sans faille. Là, en suivants des fils narratifs, il est possible de lire aussi bien « la découverte d’une nouvelle planète, ou le secret cochon d’une sénatrice ». Nous sommes quelques deux siècles en avant, quand le papier et le numérique ont été remplacés par un immense réseau dans un dangereux bassin, peut-être sans fond, comme en un gigantesque bocal à connexions neuronales, où erreurs, fantasmes et folies feraient leurs lits.

      Autour, ils sont une dizaine de personnages à croiser leurs histoires, entre banalité du quotidien et effroi de ce nouvel univers, dont un « archéologue clochard », un « ver de métal » qui use de la parole. Turmdjik chapeaute le Service en physicien familier du Big bang et des trous noirs, dont l’Omniscience est l’équivalent. Un autre révise le statut de l’œuvre d’art qui pourrait en être, quoique partiel, un autre équivalent. Parmi les minces péripéties il faut compter la satire de tous ceux qui ne pensent qu’à « accéder à la direction ». S’agit-il d’accéder à un pathétique statut divin ?

      Méditation philosophique plus qu’intrigue, tableau kaléidoscopique de l’intellect étendu à la dimension du monde plutôt que drame, cet étrange roman spéculatif étonne, séduit, jusque dans ses contes emboités, venus du glacier ou du désert. On s’interroge : « Une traduction d’une œuvre en numérique était-elle encore l’expression d’une même œuvre » ? Qui sait en effet si la dématérialisation du livre est une alchimique transmutation sans risque pour son intégrité, tant esthétique qu’intellectuelle ? Lors, cette équivalence du monde humain n’est-elle plus ce dernier mais une gangrène quantique sans fin…

      André Ourednik, né en 1978 à Prague, géographe enseignant à Neufchatel en Suisse, a quelque chose de l’auteur de Stalker[2], dans ses explorations de zones inconnues, fantastiques et science-fictionnelles. Avec un rare talent rhétorique, il multiplie les descriptions concrètes autant que les allusions cultivées (une bibliographie ferme le livre), par exemple à « La bibliothèque de Babel » de Borges : « Ta vie, la mienne : chacune n’est qu’un échantillon infime des combinaisons potentielles de l’univers ».

      Dans Les Cartes du Boyard Kraienski[3] André Ourednik imagine un Joachim Brink qui s’attelle à publier en ligne une cartographie européenne révisée, tant ses confins oscillent. Mandatés par les hautes sphères européennes, il s’engage à scanner une monumentale collection de cartes, qui repose chez le Boyard-titre, ce aux lisières immédiates de la frontière dacène. Evidemment, là rien n’est simple, le fantastique s’immisce dans la réalité, les péripéties écroulent les certitudes, en un no man’s land post-apocalyptique. Une fois de plus, l’on ne sait s’il s’agit de lire un récit, un conte philosophique, un essai, à cheval sur les territoires du burlesque et ceux d’un espace non euclidien…

 

      La théorie du tout serait pour les physiciens le Graal qui réconcilierait physique quantique et relativité générale. Au cœur de Satin Island, lacunaire roman de Tom McCarthy, elle rendrait compte de toutes les interactions se produisant à la surface du globe terrestre.

      Lancé à la recherche de cette utopie conceptuelle, son personnage, laconiquement nommé U., est son propre narrateur : il nous fait voyager du négatif du Saint-Suaire de Turin à New-York, Staten Island, d’où le titre, qui en est une poétisation, car il s’agit d’un « grand dépotoir ». Anthropologue consultant pour une influente organisation internationale, dont le logo est une tour de Babel, employé pour sa « pénétration culturelle » au sein du « Projet Koob-Sassen », U. observe chaque détail d’un regard perçant et rêveur : écrans et « déversement de pétrole », « pli » deleuzien du jeans, comportements tribaux des individus, visite d’un musée allemand d’anthropologie, en vue de livrer « le Grand Rapport » essentiel et définitif sur notre temps. Ce passionné de Lévi-Strauss, qui a pour adamique mission de « nommer ce qui est en train de se passer en ce moment », est censé être au service du conseil aux entreprises et aux gouvernements que dirige Peyman, tête pensante des tendances, et comparé à une « déité », qui leur fournit la connaissance de ce qu’il y a « de politique, structurel et sacré » en tout produit, en toute société.

      Moins qu’un roman, il s’agit d’une sorte d’essai spéculatif sur « l’avenir du savoir », d’une discrète satire des exponentielles mégadonnées du big data, d’un vaste recueil de poèmes en prose, d’une mise en abyme de la totalité brisée en un micro-roman inévitablement partiel. L’écriture de Tom McCarthy est suggestive, précise et rêveuse. Peu d’action, hors l’étrange histoire de Madison, l’amie d’U., mais de borgésiennes strates méditatives s’élançant de toutes parts.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Pour quelques critiques d’outre-Manche, Tom McCarthy, romancier postmoderne né en 1969, serait rien moins que le Pynchon[4] anglais. Même s'il s'agit là probablement une exagération, il faut en effet se souvenir de son plus ambitieux roman, C[5], mais peut-être plus traditionnel, qui, dans une démarche passablement postmoderne, se présente comme le roman d’éducation de Serge Carrefax. Enfant sourd, Serge grandit entre son père, un excentrique inventeur, et sa sœur, tous préoccupés de science et de la manière dont la surdité pourrait ne pas empêcher la naissance de la parole. Suite au suicide de sa sœur aimée, il fuit l'Angleterre pour une ville thermale allemande, s’engage dans l'aviation anglaise durant la Première Guerre mondiale, plonge dans la débauche et l’opium à Londres, accompagne l'un des découvreurs de la sépulture de Toutankhamon, Lord Carnavon, cette victime d’une légendaire malédiction… Le romancier s'est inspiré d'Alexander Graham Bell, l'inventeur du téléphone, lorsque son héros s’intéresse aux fréquences radio, imaginant de « créer une machine assez sensible au moyen de laquelle il pourrait converser avec lui dans le cas où l'existence dans l'au-delà se révélait être non seulement une présupposition métaphysique mais également un fait physique ». La dimension faustienne du personnage, si elle est moins proche de la science-fiction que du bildungsroman germanique, voire du récit picaresque, est néanmoins prégnante.

      Depuis 1999, Tom McCarthy se targue d’être le Secrétaire Général d’une semi-fictionnelle organisation (co-fondée avec le philosophe Simon Critchley) : l’International Necronautical Society, agrègeant une poignée d’artistes et d’écrivains qui se proposent d’être aussi surréalistes avec la mort que les surréalistes l’étaient avec le rêve. Outre Tintin et le secret de la littérature[6], il a publié Les Cosmonautes au paradis[7], dans lequel, comme pour répondre au Pragois Ourednik, une bande de personnages excentriques recherche à Prague une icône volée, tout en déambulant dans des espaces burlesques, politiques et métaphysiques.


 

      Explorateurs, scientifique ou anthropologique, les héros inquiets d’André Ourednik et Tom McCarthy sont tous deux des avatars du Docteur Frankenstein, ou du Docteur Faust, outrepassant les prérogatives naturelles de l’humain pour atteindre un supplément de connaissance, de pouvoir et d’âme, voire d’éternité. Nos romanciers semblent cependant manquer de confiance envers la science, tant il se dégage de leurs étranges opus science-fictionnels une vanité ultime, un desengaño empreint de renoncement et de mélancolie devant l’irréductibilité de notre lilliputienne condition ? Perdent-ils volontairement pied devant les dangereuses potentialités de la technique et de la gestion de l’information ? Risquer la dilution de l’intelligibilité de l’univers humain et du cosmos est en effet un aporétique pari.

 

 

Quel scribe hiéroglyphique lovecraftien, quel copiste borgésien peut-il se consacrer à ce point à l’inactualité de sa fantastique étude ? Certainement une patience de plusieurs années a occupé Julien Boutonnier pour creuser le filon de sa science spéculative imaginaire : « l’ostéonirismologie ». Les Os rêvent est un de ces romans que l’on n’osera conseiller à personne. Pourtant il exerce une secrète fascination à destination de rares happy few.

Roman ? Peut-être, à moins qu’il arraisonne les parages des traités scientifiques ou parascientifiques, entre archéologie, anatomie, freudisme, oniromancie et quelque chose qui n’a pas de nom. Suivons l’itinéraire mental et initiatique de Giacomo Palestrina dont le nom rappelle irrésistiblement celui du compositeur italien de la Renaissance, maître de la polyphonie, qui au XVI° siècle composa force messes et autres musiques profanes. C’est à la lecture de la polyphonie des rêves que se livre notre héros, nous permettant ainsi de pénétrer le monde de l’ostéonirismologie, ou, pour le dire à l’usage des profanes, la science des rêves tirés de la lecture des os. Transcrire ces rêves amène à pouvoir lire chaque élément du monde.

Les ostéonirismologues forment toute une société : « Ce fut à Giacomo Palestrina que, le 17 janvier 2014, le Comité ostéonirismologique s’adressa pour étudier le rêve SBÞ de type Pānini. Les Institutiones en prévoyaient l’arrimage quatre cent sept jours plus tard, soit le 28 février 2015, quelque part dans les montagnes qui se dressent à proximité de Sary Tash dans le sud-ouest du Kirghizistan. Au terme de la période d’indécidabilité, dont la durée a depuis fort longtemps été fixée par la Tradition à cinquante-deux jours, le jeune ostéonirismologue de quarante-deux ans acquiesça avec un bel enthousiasme. C’était tout récemment qu’il avait clôturé son Voyage Sigle, lequel avait duré dix-sept ans, et se voir confier une telle étude était une reconnaissance certes pas exceptionnelle, mais néanmoins tangible ». Peut-on résister à une telle quatrième de couverture, qui donne sans faute le ton et ainsi lance le premier chapitre ?

Notre Palestrina est évidemment partie prenante de l’immense expérience : « Les rêves de son squelette participaient d’un gigantesque rêve articulé, composé de millions de rêves, aussi vieux que la matière même ». Aussi la quête se poursuit-elle de manière incessante et fractale, spiraloïde et soutenue par un irrépressible esprit de sérieux. Car, lecteurs curieux, nous voilà tiraillés entre le genre de l’essai et le roman feuilleton, dont les têtes de chapitres s’ornent d’effets d’annonces succulents. Prenons par exemple le chapitre onze titré « Le théâtre anatomique » : « Le désordre anatomique laissé par Gulgjigit. Désarroi de Palestrina. Les anatomies imputrescibles. Le protocole de Koprülü. Erection du théâtre anatomique de Palestrina. Effets thérapeutiques de ce travail ». L’on y croise, outre Palestrina, bien des personnages, bien entendu le fondateur, Pānini soi-même, Almazbek Dujshebaev, Mme Kurniavka ou encore Elijah Mwape au destin tragique ; et bien des comparses, ne serait-ce qu’une petite fille portant un chat mort dans ses bras. Mais à peu de choses près, ils ne se consacrent à rien d’autre qu’à leur science onirique, entre « caractéristiques spatiales d’une image-de-rêve » et les « six formations mélancoliques dans l’image-de-rêve ».

Nanti de récits emboités et autres « incises », parfois illustré de croquis, tableaux, de lettres ou radios d’humérus, clos par un utile « glossaire », le roman mime une rigoureuse scientificité, inventant de ci-de-là force bibliographie, telle que Borges ne l’aurait pas démentie, tout en s’aventurant dans une proximité envoûtante avec la magie, voire l’alchimie. À moins qu’il soit une immense parodie de la tradition de l’interprétation des rêves, des Oneirokritika du Grec du II° siècle Artémidore de Daldis[8], jusqu’au mieux connu Sigmund Freud[9], cependant guère plus scientifique, ce qui ne serait pas le moindre mérite de notre Julien Boutonnier, à la recherche de « la mémoire de notre corps éternisé ». En ce sens et en bien d’autres, Les Os rêvent ne doit manquer à aucune bibliothèque revendiquant à la fois la multiplicité et la singularité.

 

Les voisinages des sciences et de la littérature peuvent ainsi fomenter des œuvres singulières. Même si ces élucubrations peuvent ne paraître résider qu’aux abords ou bien loin de toute rationalité, n’est-ce pas aux territoires des spéculations qu’habitent les nœuds intelligents des romanciers et que se cachent les prémices de toute découverte scientifique réelle ?

 

Thierry Guinhut

 

Une vie d'écriture et de photographie

Les parties sur Ourednik et Tom McCarthy ont été publiées

dans Le Matricule des anges, octobre et juin 2017

 

[3] André Ourednik : Les Cartes du Boyard Kraïenski, La Baconnière, 2015.

[5] Tom McCarthy : C, L’Olivier, 2012.

[6] Tom McCarthy : Tintin et le secret de la littérature, Hachette littératures, 2006.

[7] Tom McCarthy : Les Cosmonautes au paradis, Hachette littératures, 2009.

[8] Artémidore de Daldis : Onirocriticon, La Clef des songes, Librairie Philosophique J. Vrin, 1975.

[9] Sigmund Freud : L’Interprétation du rêve, Points, 2013.

 

Squelettes et défenses de mammouths, Miño de Medinaceli, Soria, Castilla y Léon.

Photo : T. Guinhut.

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6 avril 2022 3 06 /04 /avril /2022 15:35

 

Palacio de Soñanes, Villacarriedo, Cantabria.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Mnémos ou la mémoire du futur :

les science-fictions de Leiber,

Zelazny & Strougatski.

Suivi par Ces Guerres qui nous attendent 2030-2060.

 

Fritz Leiber : La Guerre uchronique,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Thimothée Rey et autres,

Mnémos, 2020, 562 p, 35 €.

 

Roger Zelazny : L’Île des morts,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Alain Dorémieux et Ronald Bluden,

Mnémos, 2015, 480 p, 27 €.

 

Arkadi & Boris Strougatsky : Le Cycle du Midi,

traduit du russe par Victoriya et Patrice Lajoye,

Mnémos, 2022, 1294 p, 45 €.

 

La Red Team : Ces Guerres qui nous attendent 2030-2060,

Equateurs, 2022, 224 p, 18 €.

 

 

 

Mnémosyne, déesse de la mémoire, est l’une des Titanides, née des amours d’Ouranos et de Gaïa. L’on sait que pendant neuf nuits, Zeus s’unit à elle pour donner naissance aux neuf Muses, selon Hésiode. Venant des origines du monde, elle est l’inventrice des mots et du langage, donc celle qui conserve tous les récits. Et si l’on se projette non plus vers le passé le plus antique, mais vers le futur, nous trouvons cette dame vénérable au fronton d’une maison d’édition, ou plus exactement d’un vaisseau spatial de livres en orbite autour du temps, des guerres galactiques et des sciences imaginaires. Les éditions Mnémos, entre autres blasons de fantasy, ont une collection qui est leur fleuron, leur emblème : « Intégrale ». Il s’agit de rassembler des romans et nouvelles dispersés chez divers éditeurs, parus en un ordre erratique, voire inédits en français, grâce à des traductions révisées, pour retrouver la dimension hors norme d’auteurs qui ont résolu de travailler à des cycles ambitieux. Embarquons à bord de La Guerre uchronique de Frantz Leiber ; cédons à « l’astrofaçonneur » de L’Île des morts de Roger Zelazny ; parcourons la fresque effrayante du Cycle du Midi des frères Strougatsky. Et si ces science-fictionneurs imaginent des perspectives uchroniques, elles sont également technologiques, sanitaires, théologiques, politiques… Sans risques ni périls, puisque nous sommes de paisibles lecteurs, sinon celui de l’imagination prospective intimidante et tourneboulée. Ainsi l’on pourra savoir à quoi sert la science-fiction : connaître peut-être quelles sont « ces guerres qui nous attendent ».

Nous connaissions les uchronies de Philip K. Dick[1] dans lesquelles l’Amérique avait été vaincue par les Nazis et les Japonais, et dont les titres sont à cet égard révélateurs : Glissement de temps sur Mars, En attendant l’année dernière, par exemple. Ou celle de Dan Simmons qui voit les « tombeaux du temps » s’ouvrir parmi les pages de son excellentissime Hypérion[2]. Mais aussi de Philip Roth[3], quand l’Amérique est tentée par le fascisme, ce dans un contexte resté réaliste. Cependant, parmi La Guerre uchronique de Fritz Leiber (1910-1992), nous voici propulsés sans prévenir dans l’univers du space opéra, de la science-fiction à grand spectacle, la dimension spatiale étant aussi étendue que celle temporelle.

Cette Guerre uchronique en seize volets s’ouvre avec le roman séminal intitulé L’Hyper-temps dont Nul besoin de grande magie est le miroir, théâtralement bouillonnant. Il est cependant précédé par une nouvelle titrée « Quand soufflent les vents uchroniques », dans laquelle « le passé et le futur existent pour toujours ».

Parmi on ne sait quels centres et extrémités de l’univers, les « Araignées » et les « Serpents » guerroient et embrasent le temps en modifiant l'histoire de l'humanité, sans compter les autres espèces. Le plus profond passé, le plus prospectif avenir, le présent bien entendu - s’il en est - sont régulièrement et lourdement modifiés, et prioritairement de l’Antiquité à l'époque moderne. La narratrice, du moins l’une entre autres narrateurs, Greta Forzane, sert en tant qu’officier dans une « station de récupération », un local hors du temps, réservé au repos des soldats, comme une sorte de mess ou de cabaret. Ces membres d’une « Légion Etrangère du temps », cette « crème des damnés », venus d’horizons géographiques et historiques divers, sont fortement éprouvés par les missions auxquelles ils ont été affectés. Fatalistes, ironiques, ignorant de qui les commande, finalement gravement mélancoliques, ils savent que la guerre rongeant le continuum espace-temps, l’Histoire risque de tout simplement s’anéantir, leur interdisant tout séjour, toute vie, dignes de ces noms. Une mission de la dernière chance abolira-t-elle le Temps ? L’un de ces soldats, révolté, prend la décision de sceller le lieu de leurs agapes. L’affrontement gagne en étendue et en violence, entre huis-clos et espace-temps infinis, narré au moyen d’un registre épique survolté.

 

Une guerre des tranchées sur Mars, des « coléoptéroïdes martiens », un « Lunien aux tentacules d’argent et un satyre vénusien venus d’un milliard d’années dans le passé ou dans l’avenir... Mieux encore, « des Serpents sont en train de disposer des champs de mines dans le vide », en une absurde hypothèse au-delà de toute scientificité. À la puissance des forces extraterrestres répondent les allusions nombreuses à la tyrannie du Macbeth de Shakespeare, car la narratrice a vécu « pendant un an dans une loge shakespearienne », et plus particulièrement dans Nul besoin de grande magie où les costumes théâtraux jouent avec les temps culturels. Une lecture politique s’impose donc malgré l’apparent irréalisme romanesque et le ton par instants burlesque, qui fait parfois penser à une revue de cabaret, comme à l’occasion de la « Pavane pour les fille-fantômes ». Mais ne nous y méprenons pas, la dimension ludique, voire parodique du genre uchronique, puisque ne frappent à la porte que les échos des convulsions universelles, ne masque pas le tragique. Surtout si l’on se rend parmi les tranchées meurtrières de Mars, « auprès des dieux des ténèbres qui tiraient les ficelles ». Parmi le manège galactique règne « la Déclaration universelle de servitude ».

Plus loin, dans « Le matin de la damnation », une femme est « chargée des résurrections » : « J’extrais les corps du continuum espace-temps pour leur offrir la liberté de la quatrième dimension ». Mais tout cela n’est peut-être qu’un effet du délirium tremens ; auquel cas il faudrait ranger cette nouvelle dans le tiroir du fantastique.

Cette fois, le narrateur est un « Serpent dans la Guerre Uchronique ». La brève nouvelle « Essayez de changer le passé » montre que cette dernière tentative est vaine tant « la Loi de Conservation de la Réalité » est implacable.

Un autre « vent uchronique » a œuvré dans la nouvelle « Dernier Zeppelin pour cet univers ». Les alliés ayant écrasé Berlin dès 1918, un « excellent type de société mondiale » a permis l’alliance des sciences allemande et américaine. La conversation entre un fils est son père imaginant un cours de l’Histoire qui serait le nôtre révèle peu à peu qui est ce dernier, « Dolf », où l’on devine un Hitler que l’uchronie aurait changé pour le bien de tous…

Si Franz Leiber n’est pas le premier à mettre en scène la façon dont les voyages au travers du passé et du futur peuvent modifier le présent, à la suite de Jack Williamson dans Les Guerriers du temps en 1938[4] où deux factions venues de deux futurs possibles se font la guerre, il est celui qui, publiant entre 1958 et 1965, use du topos avec un brio tel que le vertige temporel est stupéfiant, au point qu’une perpétuelle instabilité menace l’espace-temps devenu un perpétuel chaos. Par contamination, tout son univers littéraire se voit affecté, y compris, dans la ville de la parfaite tranquillité, par « le monstre en vous », car « la folie est la seule aventure qui reste à l’homme dans une époque dépersonnalisante ». En cela, il n’est pas tout à fait loin de Lovecraft. Il est toutefois permis de s’interroger sur la cohérence de cet ensemble qui semble s’éloigner du cycle uchronique pour y adjoindre des nouvelles plus purement fantastiques…

À l’univers uchronique de Franz Leiber, Roger Zelazny répond en proposant une « histoire du futur », soit celle de l’expansion de l’humanité parmi les immensités de la Voie lactée, parmi deux millénaires à venir. Mythologue et science-fictionneur, l’américain Roger Zelazny (1937-1995) est un écrivain très prolifique. Toi l’immortel[5], son premier roman, emporte quelques humains sur d’autres planètes après une apocalypse nucléaire. Sa série Les Princes d’ambre[6] vogue du côté de la fantasy. Ce sont des « antimondes », à l’instar de L’Intersection d’Einstein[7], où notre univers se voit traversé par un autre univers aux lois scientifiques inconnues et où l’on croise autant le mythe d’Orphée que l’enfer chrétien.

L’incroyable Île des morts, s’il s’agit de son titre totémique, n’est que la première partie du diptyque formé avec Le Sérum de la déesse bleue, le tout augmenté et encadré par cinq nouvelles autant science-fictionnelles que philosophiques. C’est ainsi que l’on peut classer « Cette montagne mortelle », dans laquelle une ascension - qui n’est d’ailleurs pas loin de celle de René Daumal[8] - emmène un groupe d’alpinistes aux abords d’un sommet de soixante-mille mètres, « fragment de tonnerre congelé »,  où sévissent des anges à l’épée, un dragon et une jeune fille mourante. Le fantastique contamine les contrées planétaires : est-ce la montagne du purgatoire ? Dans « Les Furies », un peuple extraterrestre exterminé par l'humanité cherche à assouvir une vengeance inénarrable. En un récit miroir, « Clefs pour décembre », Jerry Dark et ses semblables changent une planète glaciale en mode habitable ; mais au détriment des créatures autochtones condamnées par l’élévation de la température. Voilà bien deux apologues sur la notion de génocide.

L’allusion au titre du tableau de Böcklin et le second titre romanesque laissent bien entendre la puissance des mythes et des religions, particulièrement grecs et hindous, dans la création de Roger Zelazny, placée sous le signe de la démultiplication des espaces et des temps mythiques. À cet égard L’Île des morts invente une mythologie, une religion que Roger Zelazny appelle « pei'enne », polythéiste et initiatique. Ses fidèles parviennent parfois à être investis par les divinités qui les ont élus. Au narrateur, Francis Sandow, advient une telle élection, mais au péril d’une divinité plus qu’étrange, effrayante, « Shimbo de l'Arbre Noir » ou « le Semeur de Tonnerre ». C’est grâce à cette métamorphose intérieure qu’il est devenu l’un des « vingt-six Noms vivants », de surcroit l’un des hommes les plus fortunés de la galaxie et le plus ancien sous un corps jeune : « À l’exception peut-être de certains séquoias, je suis la seule créature à avoir vu le jour au XX° siècle et à être encore de ce monde maintenant, au XXXII° siècle ».

Ce doyen de l'espèce humaine, qui, au long de divers voyages interspaciaux, a vécu de longues années en sommeil cryogénique, à l’instar des protagonistes d’Hypérion de Dan Simmons, est un héros ambigu. À sa dimension surhumaine, dont témoigne sa télépathie, s’ajoute un pouvoir digne des dieux, tel qu’il lui soit permis de façonner des mondes, à l’aide de « machines transformondes » : « il tourna quelques boutons et prépara la genèse d’un monde ». Et si Francis Sandow vit sur l’édénique « Terre libre », où les « crapaussignols » génétiquement programmés, chantent une « cantate de Bach », il ne doit pas refuser d’aller combattre les univers hostiles, tels « Vert Vert » et « H », où sévissent les dieux « Belion » ou « Harym-o-myra », parmi « les mille cinq cents mondes habités », et « dix-sept autres races intelligentes ». Or les « Pei’ens » ont fait « de la vengeance un mode de vie », au point qu’elle soit qualifiée de « plaisir esthétique ». L’on pense ici aux déesses grecques de la vengeance, Némésis et autres Euménides…

Cependant, en un oxymore typique du héros zelaznyen, c’est un solitaire sans amours, de surcroit terriblement angoissé par « la crainte de la mort et du néant ». Un tel démiurge ne pourra se départir de son épique et tragique destinée. L’affrontement avec un Péi'en  investi par une divinité hostile à Shimbo de l'Arbre Noir, est inévitable. N’a-t-il pas enlevé quelques-uns de ses amis ? C’est sur « L’Île des morts », créée en miroir au tableau d'Arnold Böcklin par Francis Sandow, que ce dernier doit livrer un combat ultime, dont le final évidemment apocalyptique est une explosion narrative, symbolique et métaphysique : le « Vert Vert » meurt, « un conte de fée se brise », l’épopée se délite : « L’Île des Morts s’enfonce lentement dans l’Achéron, et il pleut ».

Quant au Sérum de la déesse bleue, outre Francis Sandow, il recèle un personnage nommé Heidel von Hymack, autrement ambigu : selon les périodes de son cycle vital, ce dernier verse le poison d’une mortelle maladie ou sa guérison. À moins d’être une « arme vivante », peut-être est-il en mesure d’« enrayer la vague d’épidémie qui jusque-là avait ravagé deux continents ». D’autant que dans un « infra-espace » sa rencontre avec la déesse du titre à qui il fait « serment d’allégeance », lui promet de demeurer dans son « paradis personnel ». Le bien et le mal, comme dans toute épopée, ne cessent de s’affronter.

L’on survit à la mort grâce à un « coma de catharsis », le corps abrite un « générateur énergétique miniaturisé », Heidel est un « anti-corps ambulant, une source inépuisable de remèdes ». Lorsqu’il contracte une maladie, un sérum fait avec son sang « s’avère efficace contre le même mal ». Autrement dit, la science-fiction de Roger Zelazny se préoccupe d’un allongement presque infini de l’espérance de vie, de l’éradication de toute pathologie. Alors que par ailleurs, voire en toute logique, un personnage comme John Morwin « jouait à Dieu », préparant « la genèse d’un monde », la « restauration de la planète mère » accompagne le projet de guérison universelle.

Roger Zelazny est un géographe de planètes, doté d’une voix très picturale. Il sait unir la largeur de la conception architecturale à celle des forces religieuses, sans omettre la dimension dramatique du roman d’aventure.

 

Pas seulement américaine, la science-fiction peut être russe. Pensons à la première dystopie, Nous de Zamiatine[9] ; aux romans d’Alexéï Tostoï, dont Aélita[10]… Il faut compter avec les frères Strougatski dont Mnémos rassemble Le Cycle du midi. Ce sont rien moins que dix romans et une poignée de nouvelles, pour un tiers composés d’inédits. La vaste fresque d’un monde utopique couvre tout un XXIIsiècle, apparemment au sommet du développement de l’humanité. Les deux écrivains ont à quatre mains brossé une Histoire du futur, une société sans guerre ni argent, administrée par la bienveillance et partant explorer l’univers. L’on devine cependant que les rouages parfaits vont bientôt se gripper à l’occasion de quelque mystère cosmique…

Précédant Midi, XXIIe siècle, voici L’Epreuve du SIC, ce dernier acronyme étant celui de gigantesques fourmis mécaniques ou « centaures ». Un « Orang » assure la direction de chaque « Système d’Investigateur Cybernétique ». Leur mission consiste en l’exploration de nouvelles planètes. Le maître d’œuvre, Akimov, doit partir pour une mission d’au moins douze ans, au détriment de son bonheur personnel avec Nina. L’homme héroïque, formé dans une « Ecole supérieure de Cosmogation », doit choisir le devoir, en parfait homo sovieticus.

Peut-être le roman Il est difficile d’être un dieu est-il le plus étrange et signifiant de la science-fiction soviétique. Sur la planète féodale d’Arkanar, dont l’univers est à la lisière de la fantasy, pleine de ripailles, de nobles et de gueux, l’on suit le parcours du seigneur Roumata, de Kira, qui « croyait au bien », et dont le père « recopie tous les jours des dénonciations ». Parmi « la masse des traditions, des règles de l’instinct grégaire […] qui libèrent de la nécessité de penser », le préambule est un peu longuet, avant que l’on comprenne que ce Roumata est en fait un « Terrien, un observateur, l’héritier d’hommes de feu et de fer, qui ne s’épargnaient pas et n’épargnaient pas au nom d’un grand but ».

 Lorsque des observateurs découvrent Arkanar, il leur est interdit d’interférer dans son Histoire. Mais à un tel interdit s’oppose un impératif moral, au moment où l’on constate le fascisme incessamment régnant. Rester spectateur ? Intervenir pour installer la pax sovietica ? La chose est transparente : l’allusion au nazisme est patente. Au sein de la violence totalitaire, dominent les « Gris » des « Sections d’Assaut », qui assassinent les traitres, oppriment la population, alors qu’ils sont à leur tour massacrés par les fanatiques « Moines noirs » à l’occasion d’une « nuit des longs couteaux », la séquence rappelant les SA d’Ernst Röhm éradiqués par les SS hitlériens. Le « Ministère de la Sureté » d’Arkanar veille et censure : « Dorénavant, le peuple devra tenir sa langue, s’il ne veut pas la voir à une potence ! » Ou encore : « Ta langue est mon ennemie ». Ou pire : « Nous faisons la chasse aux lettrés en fuite ». Comme de juste, l’on organise un autodafé qui n’est pas sans faire penser à l’année 1933, la culture devant être exclusivement au service du régime, ce qui d’ailleurs ne déplait pas foncièrement au peuple en sa servitude volontaire. Car tous sont des « esclaves », du régime et de « leurs passions mesquines ». Le roman d’aventure, dans le bourbier d’une pittoresque et bruyante fresque médiévale, sur une « base féodalo-fasciste », n’est pas sans rappeler les intrigues et les violences ultérieures du Trône de fer de George R. R. Martin[11].

Le manichéisme saute aux yeux : au fascisme s’oppose la radieuse voie soviétique, en quelque sorte déifiée au vu du titre. L’on ne peut lire sans ironie un tel roman : dénonçant le fascisme avec un rien de naïveté, il dénonce en sous-main son versant communiste dont les frères Strougatski sont à leur dépens partie prenante, même si en 1964 ils ne pouvaient qu’avec discrétion cligner de l’œil vers le stalinisme.

La question de l’interventionnisme reste bien évidemment actuelle. Les Etats-Unis ont tenté d’imposer la démocratie au Proche-Orient avec un succès pour le moins foireux. L’Occident peut-il se permettre de jouer au pacificateur lorsque la Russie se ressent d’une velléité post-soviétique en Ukraine ? La connaissance du bien et du mal politiques peut-elle imposer son diktat à ceux qui font les frais d’un apprentissage par la tyrannie ? Une société de paix peut-elle pacifier par la violence une société totalitaire sans reconnaître le mal dont la frontière est en chaque individu ? En d’autres termes strougatskiens : peut-on comprendre et réguler toutes ces cultures dispersées sur cent planètes sans les dénaturer et y perdre son âme ? D’où la difficulté et la présomption d’être un dieu : « Quand un dieu entreprend de nettoyer une fosse d’aisances, il ne doit pas croire qu’il s’en tirera les mains propres ». Boudhak, le vieux médecin, confie : «  Le mal est indestructible ». Roumata pourrait-il amener sur la terre son innocente aimée Kira ?

Au centre de ce cycle des frères Strougatski s’élève la « trilogie Maxime Kammerer », dont ce dernier est le personnage central et récurrent, soit L’Île habitée, Le Scarabée dans la fourmilière et enfin Les vagues éteignent le vent. Dans le premier volet, L’Île habitée, un jeune homme échoue sur une planète lointaine. Maxime est le « Robinson » de cette île sur laquelle il avait espéré trouver « une civilisation puissante, antique, sage ». Hélas, sur une terre radioactive, sale, répugnante, son vaisseau est détruit par on ne sait quel projectile. La rencontre d’un autochtone laisse à désirer : « On voyait aussitôt que l’homme armé n’avait jamais entendu parler de la valeur suprême de la vie humaine, de la Déclaration des droits de l’homme, des merveilleuses et simples inventions de l’humanisme ». En effet règne ici une infecte dictature militaire, nanties de « tours radio » qui chapeautent toute la population. Etrangement, Maxime est insensible aux ondes de contrôle. Serait-il le seul à pouvoir être apte à la résistance ? Parmi une guerre perpétuelle et les colonnes de blindés, le personnage charismatique de « Pèlerin » lutte aux côtés de Maxime devenu « Mak », contre les « dégénérés, contre « l’Empire insulaire », la « dégénérescence de la biosphère », les « fascistes de l’Etat-major », qui pourrait tout aussi bien être communistes, si la censure soviétique ne veillait sur l’épaule des écrivains… La fin ouverte laisse peu d’espoir. L’évidente dystopie imagine une résistance, peut-être condamnée d’avance, au bénéfice des libertés individuelles et de la connaissance, ces miracles toujours menacés.

Au-delà du cliché du parfait surhomme tel que le magnifiait la science-fiction soviétique (dans La Nébuleuse d’Andromède d’Ivan Efremov[12] par exemple), les frères Strougatski sont plus réalistes : leurs héros sont humains et perfectibles. Cependant pour ne pas effarer le communisme totalitaire (un pléonasme !), ils sont les justes représentants de cette société aux visées utopiques, donc pétris d’idéologie. Pourtant les limites de cette dernière sont sensibles lorsque les personnages se heurtent à des civilisations extraterrestres qu’il est nécessaire d’amener à leur niveau de perfection. Ce dont témoignent les progrès technologiques, à l’instar des « zéro-cabines » au service de la téléportation. L’ode au progrès communiste n’a que les limites de l’utopie ; et de l’Histoire.

Passons hélas sous silence, car nous ne prétendrons pas avoir tout lu, Tentative de Fuite, Le Petit, L’Inquiétude, Un gars de l’enfer, Le Scarabée dans la fourmilière, L’Arc-en-ciel lointain, Les vagues éteignent le vent… L’ensemble du cycle formant un roman polymorphe et gigantesque, de près de mille deux-cents pages. La chose est bourrée de bizarreries technologiques prospectives, de personnages (des braves gars et quelques braves filles qui sont moins des individualités que des représentations d’un peuple idéal), de péripéties et de dialogues, parfois aux dépens de la vitesse de l’action et de la profondeur de la pensée. Pourtant, si l’on a voulu croire à l’achèvement de son modèle de société, maintenant qu’il est à son « midi » (d’où le titre), les héros se voient désorientés devant une direction et un sens introuvables. D’où l’aporie de l’utopie qui ne veut accepter sa probable dystopie, sinon chez ceux qui ont la barbarie de la méconnaître.

D’abord traducteur de l’anglais et du japonais pour l’un, astronome et informaticien pour l’autre, Arkadi et Boris Strougatski, (1925-1991/1933-2012) sont à l’aide de leur plume à la recherche d’un idéal politique, que l’on imagine avoir été censurée par le régime soviétique dès 1969, par exemple à l’occasion de L’Escargot sur la pente et La Troïka. Reste à compléter cette bibliothèque strougatskienne, considérée comme un opus classique en Russie, avec l’indépassable Stalker[13], dont le cinéaste Andreï Tarkovski offrit une adaptation passablement infidèle et néanmoins puissante de cette quête d’objets tombés de quelque univers extraterrestre…

À chaque fois, de passionnantes préfaces, des notes, jusqu’à des glossaires, animent ces volumes sommitaux de la collection « L’Intégrale ». Même si ces auteurs n’ont pas toujours conclu et rassemblé leurs productions, les voici magnifiés parmi ces volumes élégamment cartonnés, aux cahiers cousus, ornés d’un signet pour marquer la pause nécessaire dans l’immense l’immersion. Ici pourtant, nous ne faisons émerger qu’une partie de l’iceberg brûlant qu’est le monde de Mnémos. La science-fiction y est française avec Espace-temps K de Gérard Klein[14], encore américaine avec L’Histoire du Futur de Robert Heinlein[15]. Sans compter que cette digne maison d’édition offre un septuor de stèles à Lovecraft[16] en annonçant ses œuvres à peu près complètes, en sept volumes en cours de publication, récits, romans, essais, poésie, choix de correspondance : d’abord, Les Contrées du rêve, ensuite Les Montagnes hallucinées, bientôt L’Affaire Charles Dexter Ward, puis Le cycle de Providence et tous autres récits horrifiques…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelles sont « ces guerres qui nous attendent » ? La science-fiction peut-elle nous répondre ? Oui, s’engagent à la fois et avec fermeté le Ministère français des Armées et l’Université Paris Sciences et Lettres en convoquant la Red Team (un nom de code) constituée d’une dizaine d’individus, dont François Schuiten, Jeanne Bregeon, Colonel Hermès, Capitaine Numericus… Ils sont analystes et chercheurs, auteurs de romans noirs, de science-fiction et de dessinateurs. Les conflits à venir appartiennent à la richesse de leurs observations et de leur imagination. Peut-être à leurs désirs, à leurs peurs.

Au contraire d’auteurs qui, comme les frères Strougatski ne voulaient pas se prétendre futurologues, il y chez les participants de cet opus, réunis comme en un colloque survolté, un goût, voire une présomption pour les prédictions qui concerneraient les années « 2030-2060 ». Si les civilisations antiques consultaient des oracles[17] pour connaître l’avenir, le Ministère des Armées est peut-être plus sagace en consultant des écrivains de science-fiction. Même si là tout soit fictif, la pertinence peut jaillir.

Bien que l’éditeur présente cet ouvrage comme « un polar d'anticipation », il s’agit plutôt d’une série de brefs essais géopolitiques et technologiques futuristes, mâtinés de bribes narrative et immersives. Qui sait si une nation pirate va éclore, attaquant la base de Kourou où naitrait un « ascenseur spatial », si la montée des eaux générera des conflits aux causes climatiques, si une « république verte » sera offensive, si de nouveaux Barbaresques vont affluer, la Turquie quittant l’OTAN, usant d’attentats à la marée noire. Bien entendu le bioterrorisme jouerait aux dés les « pandémies virales ». « Une mort culturelle » est alors annoncée. Comment coordonner les armes, organiser la défense, vaincre enfin ? Comment contenir une nouvelle guerre de Troie hypertechnologique ? Boucliers défensifs à l’israëlienne ou « hyperforteresses » ? Maîtrise ou défection de l’espace satellitaire ? Saurons-nous encore si des implants neuronaux à usage militaire sont victimes de hackers, si des « unités robotiques » errent hors de contrôle, si une réalité alternative, une fragmentation du réel, voire des guerres cognitives juchées sur la propagande, la désinformation, le piratage du web, un  hypercloud… Cependant sans guère de doute, des hyper-missiles seront dotés d’intelligences artificielles, elles-mêmes se combattant entre elles. Elles seules peut-être sauront l’art suprême de la guerre. Qui sait si les guerres n’auront plus lieu que dans le Metaverse, avec pour sanction finale la prise en otage du réel. La Red Team fait dans le probable, l’impossible, l’imprévisible, le vertigineux et le réel anti-réel en approche furtive, le n’importequoitesque. Qu’importe s’il donne à penser, à fertiliser l’imagination pour se défendre du mal indestructible…

Nous le savions, la science-fiction est technologique, sinon elle ne serait pas. Mais elle est aussi uchronique avec Franz Leiber, sanitaire avec Roger Zelazny, et politique avec les frères Strougatsky ; et toujours géopolitique quelques soient les dimensions extragalactiques. Outre le divertissement du lecteur, le développement de son imaginaire, les perspectives scientifiques spéculatives (les ingénieurs des nouvelles technologies californiennes ayant été de jeunes dévoreurs de science-fiction), cette dernière n’est pas loin d’être la première des littératures conflictuelles à l’échelle, du moins pour encore un certain temps, de notre modeste planète, bien que cette échelle soit aussi celle de la fracture humaine du bien et du mal, en un roncier inextricable.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[4] Jack Williamson : Les Guerriers du temps, Patrice Granet, 2004.

[5] Roger Zelazny : Toi l’immortel, Gallimard, 2004.

[6] Roger Zelazny : Les Princes d’ambre, J’ai lu, 2015.

[7] Roger Zelazny : L’Intersection d’Einstein, Opta, 1977.

[10] Alexéï Tostoï : Aélita, Editions en langue étrangère, Moscou, sans date.

[12] Ivan Efremov : La Nébuleuse d’Andromède, Editions du Progrès, 1979.

[14] Gérard Klein : Espace-temps K, Mnémos, 2021.

[15] Robert Heinlein : Histoire du Futur, Mnémos, 2020.

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23 mars 2022 3 23 /03 /mars /2022 15:00

 

Palacio de Soñanes, Villacarriedo, Cantabria.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Les parfaites républiques féminines

des Filles d’Egalie & d'Herland,

par Gerd Brantenberg

& Charlotte Perkins Gilman.

 

 

Gerd Brantenberg : Les Filles d’Egalie,

traduit du norvégien par Jean-Baptiste Courseau,

Zulma, 2022, 382 p, 22 €.

 

Charlotte Perkins Gilman : Herland, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Yolaine Destremeau et Olivier Postel-Vinay,

Points, 2019, 224 p, 8,40 €.

 

 

 

Au moyen d’un gouvernement résolument composé de femmes, le monde serait-il plus juste, à tout le moins désarmé des injures du patriarcat ? Serions-nous, sans les hommes, débarrassées des guerres et des tyrannies de tous poils ? Lorsque la Norvégienne Gerd Brantenberg, avec Les Filles d’Egalie, livre un satirique et hilarant roman où règne un matriarcat oppressif, l’Américaine Charlotte Perkins Gilman propose avec Herland un territoire exclusivement féminin et plus apaisé. Il n’est cependant pas tout à fait certain qu’aucune de ces utopies puisse échapper à son destin dystopique. Une pincée de science-fiction, une nappe de société-fiction, voici les recettes de ces dames au secours de nos maux privés et politiques et au moyen d'un despotisme résolument féminin.

 

Le genre romanesque de l’inversion existe au moins depuis Jonathan Swift, dans Les Voyages de Gulliver (1721), où les chevaux deviennent des hommes et les hommes des bêtes. Will Self, en 1997, fit de ses Grands singes[1] une humanité simiesque. La Norvégienne Gerd Brantenberg a choisi d’inverser la domination masculine en tyrannie féminine, avec Les Filles d’Egalie.

Ainsi ces Messieurs, surtout s’ils sont ronds et jolis, sont les proies du bal des débutants, où ils sont « dépuceautés », harcelés par des viols, portent un « soutien-verge » malcommode, sont tourmentés par leurs « parties honteuses », restent à la maison pour s’occuper sans cesse des enfants et la contraception leur est réservée. Un tel matriarcat doute que son contraire ait jamais existé. L’inventivité du vocabulaire, à laquelle le traducteur apporte tous ses soins, est parlante : il s’agit de « gentes » et d’« êtres fumains », « goins » et « gangs de garses », « paterner » et « père-coq ». Sans omettre les « clitocrates »...

Il faut à tel univers des héros et anti-héros. Au nom révélateur, « Rut Brame », « directrice du Directriçoire de la société Coopérative d’Etat », est  la cheffe de famille, quand le jeune Petronius se voit capté par Rosa, pêcheuse de requins, qui malgré son amour se révèle une furieuse batteuse de son homme. Il est moqué lorsqu’il veut devenir « marine-pécheuse », et l’expérience à bord du bateau est peu concluante. « Mademoiseau Tapinois » est un enseignant dont les incursions hors de l’orthodoxie idéologique sont conspuées par ses élèves et tancées par la Proviseure, ce qui en fait un beau clin d’œil aux thuriféraires de la doxa. Ils se réuniront pour fonder un parti « masculiniste » avec une poignée d’acolytes, tenter des expériences homosexuelles et bouleverser les idées reçues par leurs actions publiques et souvent réprimées : les « soutien-verges » vont valser !

La grandiloquente cérémonie d’accouchement dans « Le Palais des naissances » et les « Grands Jeux menstruels » sont morceaux d’anthologie. L’ironie de la plume romancière est à son comble. Par ailleurs, en un ridicule achevé, les arguments biologiques utilisés pour justifier le régime retournent comme un gant ceux de nos pères. Comme de juste, l’utopie bascule vers la dystopie.

La narration s’essouffle enfin en s’éloignant des personnages pour passer au récit documentaire sur l’Histoire d’Egalie. Cependant une astucieuse pirouette ranime l’intérêt : Petronius a écrit et publié un roman qui met en scène une société dominée par les mâles !

Il est bien étonnant que ce livre paru en 1977, mais dont le premier jet en 1962 s’appelait Feminapolis, ait mis quarante ans à nous parvenir. Si l’on est en droit d’estimer que sa pertinence s’est un peu émoussée, dans la mesure où l’évolution des mœurs  contribuait à diminuer, voire effacer, les discriminations indues entre les sexes, il reste toujours aussi étonnant et ne manque pas de pouvoir faire réfléchir sur le bien-fondé de nos structures sociales et politiques. Méfions-nous donc, au travers du nouveau titre, des régimes qui prétendent à l’égalité. Et de son parti « amarraxyste », qui ne considère les inégalités sexuelles qu’au prisme de celles des classes, évidente parodie du marxisme.

Nanti d’une carte du pays d’Egalie borné par les montagnes de « Phallustrie » où triment les ouvriers mâles, comme un livre d’héroïc fantasy, le roman de Gerd Brantenberg est divertissant, hilarant, non sans être un apologue d’une efficacité redoutable. Or « 100% féministe », affirme le bandeau de couverture. Pas tout à fait, car la tyrannie de ces dames, aussi terrible que celle du patriarcat, voire pire, montre bien qu’il s’agit là moins d’une question de sexe que d’une pulsion tyrannique inhérente à la nature humaine. La satire, sans être à thèse univoque, est universelle.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      En 2017, Naomi Alderman avait donné Le Pouvoir[2] à un sexe féminin vengeur, tyrannique et d'une violence inouïe ; mais avant elle, dès 1915, une autre Américaine, Charlotte Perkins Gilman, avait imaginé un pays de femmes libres bien plus harmonieux, au-delà de montagnes aventureuses, dans un roman mystérieusement intitulé Herland. C’est là un des rares espaces féminins de l’utopie, imaginé comme un antidote par une auteure singulière, essayiste de surcroit. Cependant l’on est en droit de se demander si cette parfaite et délicieuse république autoproclamée des femmes est susceptible, comme toute utopie qui se respecte, de quelque tyrannie soigneusement celée.

      Comme l’entend le sous-titre d’Herland, quoiqu’il ne soit qu’un ajout discutable de l’éditeur, nous voici prêts à plonger dans un roman d’aventure pour adolescents : « Ou l’incroyable équipée de trois hommes piégés au royaume des femmes ». Cependant, outre que le récit tient sa promesse en termes de péripéties, il dépasse l’Eldorado, dans Candide de Voltaire, en sa qualité d’apologue et en termes de défis intellectuels.

      Nos trois jeunes gens font un voyage d’exploration en Amazonie, où l’on parle d’un dangereux pays des femmes. Aiguillonnés par la curiosité, et au moyen de leur petit avion, ils découvrent au-delà des montagnes, et à leur stupéfaction, une contrée pacifique où « tout n’est qu’ordre et beauté », reprenant ainsi le refrain de « L’invitation au voyage » en vers de Baudelaire. Les voici choyés dans une douce incarcération par ces dames aux cheveux courts. Gymnase, jardin, livres concourent à leur nouvelle initiation. Une tentative de fuite est un échec. Habitant une sorte de château, ils apprennent « l’herlandais » : vont-ils lire des romans « sans héros masculins » ? Pourront-ils être amoureux, vivre une sexualité ?

      L’Histoire d’Herland est précisément, voire encyclopédiquement, dépliée. Depuis deux mille ans, ces dames se reproduisent par « parthénogénèse », ne donnant naissance qu’à des filles, et par conséquent élèvent un temple à « Maaia, leur déesse de la maternité ». De plus, elles sont « profondément sages », « héritières de toute la bonté transmises par leurs aînées », sont pleines d’amour maternel et sororal et sont parvenues à l’excellence de la santé, de l’éducation, s’inspirant de la pédagogie Montessori, et à la prospérité par un travail soigneux. Le roman devient un dialogue philosophique comparant leur monde et celui des Etats-Unis, que nos compères doivent reconnaître moins heureux. Heureusement Charlotte Perkins Gilman a le rare mérite de ne pas choir dans un manichéisme outrancier. C’est avec intérêt et empathie que ses sages citoyennes accueillent les trois hommes ; c’est avec bienveillance et néanmoins fermeté qu’elles défendent leur modèle sociétal, voire avec une véhémence revancharde : « les femmes sont des coopératrices par nature, et pas les hommes ! »

      Cette civilisation exclusivement féminine affamée de savoir est évidemment idéalisée : comme un vœu pieux de la part de l’écrivaine. Malgré - ou plutôt grâce - à la disparition d’une moitié de l’humanité, elle nous propose un modèle riche de séductions, tant morales qu’esthétiques, donc une exceptionnelle et novatrice utopie littéraire, scientifique, écologique, politique et féministe. La nature foisonnante est exploitée avec sagacité et respect, les punitions n’existent pas, on y préfère « patience, douceur et courtoisie ». Plus exactement elles savent parmi les espèces cultivées et élevées éliminer les défauts, comme lorsque des personnalités montrent des velléités rebelles et agressives, alors rapidement exclues d’une communauté qui tient à la perpétuation de ses vertus civiques.

      Mais est-on sûr que la disparition de la sexualité soit un bien ? Aussi l’insistance d’un des jeunes hommes à épouser sa guide et à vouloir lui faire subir l’outrage du sexe est-elle condamnée, à juste titre, quoique l’on puisse deviner un dégoût partisan de la part de l’auteure. Parmi les trois aventuriers, Terry est celui dont le harcèlement amoureux, la prédation sexuelle est la marque ; en fait son union avec Alima est le signe du fiasco du machisme. Jeff au contraire sait parfaitement se fondre dans ce monde et trouver la sérénité avec son amie Celis. Le narrateur quant à lui s’adapte en gardant une position de sociologue et d’observateur attentif, tout en éprouvant une amitié et une admiration toutes spirituelles pour la « brune Ellador ».

 

 

      Reste qu’il est légitime de se demander si une telle parfaite république des femmes frise l’anti-utopie. Le narrateur, lui-même issu de la prudence de son auteure, s’interroge : « J’aimerais bien trouver une faille à tant de perfection ». Sa guide, Somel, assurant que les « criminelles » ont disparu, avoue que les « femmes défectueuses ont dû être privées de maternité ». Voilà qui est bel et bon. Cependant l’éducation des enfants étant collective, en cohérence avec les utopies communistes, et parmi ces « femmes qui œuvraient pour la collectivité », en un monde où la grossièreté avait disparu, faut-il penser que l’individualisme n’ait pas droit de cité, que la solitude, voire la dissidence paisible soient persona non grata ?

      La conséquence de cette perfection politique est que l’art herlandais a quelque chose, pour employer une image excessive, de totalitaire : « des grands spectacles fastueux, des processions grandioses, un rituel mêlant art et religion », des « fêtes éducatives et sociales ». San aucun doute « leur art dramatique était très ennuyeux. Pas d’attirance fatale, de jalousie, de pays en guerre, d’aristocrates ambitieux, de pauvres qui luttent contre les riches ». Est-ce le prix qu’il faut payer pour vivre dans la perfection ? Ainsi l’habileté de l’auteure ne se contente pas d’une apologie de son utopie, mais pose, par la voix du narrateur, qui, notons-le, est bien masculin, les questions indispensables. Pourtant une chose était « de critiquer la civilisation trop parfaite de ces femmes, mais nous ne pouvions nous résoudre à raconter nos échecs et nos débâcles ». Or le voyage que se propose Ellador pour accompagner le retour du narrateur et de Terry (car Jeff choisit de rester et d’être « herlandisé) risque-t-il, malgré les prodiges scientifiques à découvrir, d’être éprouvant, décevant. Comme le narrateur, faisons aveu d’humilité.

      L’herlandais apologue, quoiqu’il cache une satire de son revers, c’est-à-dire notre monde, est absolument irénique. En revanche, dans les années soixante, Monique Wittig présenta une autre communauté exclusivement faite de femmes, de surcroit lesbiennes, dans son roman expérimental Les Guérillères[3], dont la seconde partie conte l’épopée guerrière qu’elle livrent contre des hommes décidés à éradiquer leur liberté. Que les Herlandaises parviennent à pacifier leur nation, mais au prix du peu d’individualisme, soit ; mais que les hommes puissent tous supporter une telle sécession, c’est hélas peu probable, le cas du plus vindicatif des trois explorateurs est à cet égard symptomatique. Il reste à espérer que leurs montagnes les protègeront longtemps d’une intrusion de séides d’une tyrannie machiste, voire théocratique…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Injustement méconnue, Charlotte Perkins Gilman, dont le chef d’œuvre mérite d’être longuement dégusté et médité, née en 1860 et décédée en 1935, est en fait l’auteure de la Trilogie d’Herland, qui commence par Moving the Montain et s’achève avec With her in Ourland, dont Herland est le volet central, rédigé de main de maître (faut-il dire de maîtresse ?). Jeune fille à l’intelligence précoce, puisqu’elle apprit à lire seule à cinq ans et parcourut bientôt sciences et civilisations anciennes, elle batailla pour acquérir son indépendance en divorçant d’un premier mariage, ce qui était passablement rare en cette seconde moitié du XIX° siècle. Activiste féministe, elle propose des conférences engagées, publie en 1892 The Yellow Wallpaper, une nouvelle dont la narratrice raconte sa dépression post partum, sa mise au repos par son mari médecin et sa réclusion insupportable au point qu’elle arrache le papier peint de sa chambre où paraissent s’agiter des créatures féminines prisonnières… Ce qui fut chez nous fidèlement traduit sous le titre Le Papier peint jaune[4], mais aussi La Séquestrée[5]. Dans un magazine de sa création et éditée pendant sept ans par ses propres soins, The Forerunner, elle fait paraître son Herland en feuilleton. C’est une étonnante auteure, fort prolifique, aux milliers d’articles, aux 470 poèmes et 170 nouvelles, aux essais solides, dont Women and economics qui fait figure de référence théorique pour les mouvements féministes aux côtés de L’asservissement des femmes publié en 1869 par le très masculin John Stuart Mill[5]. On retiendra également son The Man-Made World (Le Monde fait par les hommes) dont on devine la dimension polémique. Restons plus prudent devant With her in Ourland, où l’on découvre la nécessité de séparer les différentes races en fonction de leurs développements culturels. Hélas, elle dut se suicider au chloroforme alors qu’un incurable cancer du sein la rongeait. Il n’est pas étonnant qu’Alberto Manguel, en son Voyage en utopie[7], et parmi vingt auteurs aussi prestigieux et essentiels que Thomas More et Fourier, tienne en bonne part ce remarquable Herland.

 

      Un siècle plus tard, la Française Caroline Fauchon, imagine qu’en un au-delà des neiges de Laponie, un monde vit Sans eux[8]. Comment est-ce possible ? L’espèce mâle se serait autodétruite, comme l’une de ces espèces que la nature ou les conquêtes et prédations anthropiques auraient condamnées à l’extinction… Là encore, un voyage lointain permet de dépasser une barrière géographique qui est aussi celle qui ouvre sur une autre anthropologie. À la terrible anti-utopie de Naomi Alderman, il faut alors opposer, non sans manichéisme, d’harmonieuses utopies exclusivement féminines, dont le modèle indépassé restera longtemps notre cher Herland, qui, bien qu’elles soient impraticables dans notre réel et peut-être nuisibles, restent des tensions de l’esprit humain. Il n’est pas indifférent de noter à cet égard que Charlotte Perkins Gilman n’aimait guère le terme partisan de « féminisme », sachons lui gré de préférer celui d’humanisme.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Les Filles d'Egalie a été publiée

dans Le Matricule des anges, février 2022.

 

[3] Monique Wittig : Les Guérillères, Minuit, 1969.

[4] Charlotte Perkins Gilman : Le Papier peint jaune, Éditions des Femmes, 1976.

[5] Charlotte Perkins Gilman : La Séquestrée, Phébus, 2002.

[6] John Stuart Mill : L’asservissement des femmes, Payot, 2016.

[8] Caroline Fauchon : Sans eux, Actes Sud, 2019.

 

 

Palacio de Soñanes, Villacarriedo, Cantabria.

Photo : T. Guinhut.

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12 décembre 2021 7 12 /12 /décembre /2021 11:33

 

Emmaüs Lescar-Pau, Pyrénées-Atlantiques.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Science-fiction publicitaire et utopie de qualité.

Les satires d’Andri Snaer Magnason &

Marc-Uwe Kling : Love Star, Quality Land.

 

Andri Snaer Magnason : LoveStar,

Traduit de l’islandais par Eric Boury, Zulma, 2015, 432 p, 21,50 €.

 

Marc-Uwe Kling : Quality Land,

traduit de l’allemand par Juliette Aubert-Affholder,

Actes Sud, 2021, 384 p, 22,80 €.

 

 

À moins de succomber aux fantasmes régressifs de la décroissance, à son utopie à rebours d’une pure nature, nous sommes tentés par le plus, le mieux, le meilleur, cédant aux sirènes de l’utopie technologique. S’il est indéniable que les technologies, des plus anciennes aux plus récentes, des roues dentées aux smartphones, ont considérablement amélioré la condition humaine, leurs excès et dérives, qu’elles soient guerrières ou numériques, risquent bien d’en finir avec la liberté. Ce pourquoi les science-fictionnistes sont des avertisseurs, jetant à la face du naïf un monde d’amour et d’étoiles pour l’Islandais Andri Snaer Magnason dans LoveStar, et de désirs tous exaucés pour l’Allemand Marc-Uwe King, dans Quality Land, mondes qui risquent de faire de nous de pâles mannequins manipulés. Au-delà des modèles incontournables, graves et tragiques, de la science-fiction et de la dystopie que sont Nous d’Ievgueni Zamiatine[1], Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley[2], ou 1984 de George Orwell[3], il y a place pour de loufoques apologues.

 

Aimeriez-vous devenir, parmi les constellations, une étoile ? C’est bien ce que nous propose, post-mortem, LoveStar, roman délicieusement étonnant du volcanique Andri Snaer Magnason (né en 1973), dans lequel une agréable tyrannie publicitaire mène - qui sait ? - le monde à sa perte. Est-ce un conte écologique, une réécriture de Roméo et Juliette, une anti-utopie politique ? Devant ce roman pour enfants gâtés de la science-fiction, nous hésitons à lui coller une abusive étiquette sur le dos. Jusqu’à ce que toutes soient finalement signifiantes, enlaçant les séductions du désir et celle de la répulsion. Qui ne voudrait en effet trouver, grâce à une science rigoureuse, l’âme-sœur ? Qui ne craindrait pas pour sa liberté devant l’omniscience de la publicité ?

Dans le cadre d’un récit aux prémices réalistes, deux intriguent alternent et se nouent : l’histoire d’un jeune couple amoureux, puis celle de « LoveStar », qui conduit son « idée » jusqu’à la réussite planétaire. Du même nom que son entreprise en expansion, il nous confie ses recherches sur les oiseaux, alors que sternes et mouches à miel envahissent les villes jusqu’à les détruire. Bientôt, la compréhension et l’utilisation des ondes aviaires rendent inutiles fibre optique et satellites. Chacun est connecté grâce à sa rétine, les « aires langagières » sont capturées ; ainsi Indridi devient « aboyeur de publicités », d’« annonces de rééducation ». « LoveStar », immense firme capitaliste permet qu’un mauvais enfant soit « rembobiné », donc crédité d’une nouvelle naissance. L’on consulte « ReGret » pour justifier son destin. Grâce à une autre succursale de « LoveStar », soit « LoveMort », les défunts envoyés dans l’espace deviennent des « étoiles filantes » : l’Islande est bientôt « à la fois le Gange, Bethléem, La Mecque et Graceland ». L’hyperbole mystique et œcuménique n’est pas sans ironie.

Cependant, le drame se noue entre les deux amants, lorsqu’ils apprennent par « InLove » que Sigridur a une « âme sœur ». En effet, « LoveStar se chargeait de l’amour autant que de la mort », en une entité totalitaire bénéfique. Conséquence : « les guerres et les conflits appartiendront au passé ». Magnason n’est pas dupe de cette niaiserie en sa satire : « Les fêtes calculatoires d’inLove étaient l’un des programmes télévisés les plus populaires » ; où l’on voit deux « moitiés » se rencontrer ; ce qui permet de citer Le Banquet de Platon… Mais où est passée le libre choix, quand ceux qui refusent d’être « calculés » sont les « dernières victimes de la liberté » ? De fait, Indrodi et Sigridur, sans « confirmation scientifique », sont des rebelles de l’amour. À moins qu’un pervers ait « falsifié les calculs »…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sous l’apparence d’une fantaisie, d’un récit d’aventure, la dimension morale s’affirme : « Il comprit que la faute n’incombait pas au service Ambiance, mais qu’elle était intrinsèque à la nature humaine ». À la faveur de la perspective ascendante du roman, l’on saura comment l’argent sépare l’au-delà entre paradis et enfer, comment « LoveDieu » peut devenir une tyrannie théocratique : jusqu’à l’apocalypse…

L’œuvre de Magnason unit le grandiose et le puéril, le grotesque et le métaphysique, le réalisme et le merveilleux, le poétique, l’économique et le politique, non loin des Cosmicomics d’Italo Calvino, de L’écume des jours de Boris Vian. Les échos littéraires et mémoriels fourmillent en ce volume : le roman rose et sentimental est caressé dans le sens du poil, le méchant loup technologique venu de Charles Perrault fait peur et beaucoup rire, le scientifique d’opérette a un air de Docteur Frankenstein, le conte emboité de « Medias » reprend le mythe de Midas, quand le « Big Brother » de George Orwell prend les couleurs du magnat LoveStar qui s’offre les services d’un écrivain-biographe indiscipliné…

Il est toujours délicat d’user d’une définition de la science-fiction ; ce dont témoigne la somme magistrale d’histoire littéraire, fort documentée, d’André-François Ruaud & Raphaël Colson : Science-fiction, les frontières de la modernité[4]. Cependant, l’on s’accordera sur des constantes minimales, quoiqu’incomplètes : anticipation et perspectives scientifiques. Car en un monde imaginaire futur, promesses et terreur de la science amènent à la réalisation d’une utopie ou d’une anti-utopie, ou plus précisément d’une dystopie. En un conte pour enfants devenus dangereusement adultes, ou un roman pour adultes fort sérieux restés quelque part enfants, Magnason met à la portée du plus simplet les chatoyantes et sombres complexités philosophiques et politiques de la dystopie.

Ne nous étonnons pas que Magnason, né à Reykjavik en 1973, ait d’abord publié pour la jeunesse, puis un documentaire sur « la crise écologique et financière » en son île. Premier roman étonnement réussi, comme un coup de jeune féérique et inquiétant sur le versant dystopique de la science-fiction, LoveStar, malgré son titre facile et gentiment racoleur, a tout pour nouer une histoire d’amour avec ses lecteurs. Surfant sur deux thèmes éternels de la littérature, amour et mort, captés comme il se doit par les nouvelles technologies, Magnason les renouvelle avec brio, grâce au relief troublant de la science-fiction et de l’apologue, comme un conte de Voltaire revu par la NASA, Google et Facebook.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

L’Autrichien Robert Musil avait publié dès 1931 L’Homme sans qualités[5], somme romanesque réaliste qui mettait en scène un personnage dont les caractéristiques s’effaçaient au-devant d’une société spéculative. Avec l’Allemand Marc-Uwe Kling (né en 1982) l’homme, dans tout ce qui fait son individualité et son libre arbitre est définitivement vaporisé. Nous sommes cette fois dans un roman de science-fiction, quoiqu’il soit bien proche de nous : Quality Land. L’on y vit dans un monde de qualité supérieure où les moindres désirs sont exaucés avant même que formulés. Y compris par « Crime as a service ».

Comme dans les classiques du genre utopique et dystopique, d’Ievgueni Zamiatine à Dan Simmons[6], l’on papillonne parmi une pléiade de personnages, tel le riche Martyn régenté par le système et cependant broyé ; mais aussi autour de « Peter le chômeur ». Son amie Sandra le quitte, ayant bénéficié d’une promotion et se voyant proposer un amant à sa hauteur. Car informatique et intelligence artificielle gèrent une pyramide sociétale où l’on est classé de zéro à cent. Où « Partner Care » vous permet sans faute de trouver le partenaire adéquat. Chacun est équipé d’un « ver d’oreille ». Les enfants sont éduqués selon les consignes et les injections d’un programme. Les « androïdes » remplacent les hommes assignés à des tâches répétitives, quoique l’on propose, d’une manière peut-être cohérente, de nominer l’une de ces créatures robotiques candidat à la présidentielle : en effet « les machines ne font pas d’erreur ». Pourtant, « Cuisinier », son concurrent, quoique raciste et réclamant « le droit et l’ordre », est perçu comme « plus drôle ». L’on devine l’acuité de la satire sociale, politique et de la démagogie.

D’où viendra le grain de sable pour gripper l’heureuse machinerie ? De la colère des « briseurs de machines » ? De l’androïde président qui « va faire passer la rationalisation de tous les mécanismes sociaux au niveau supérieur » jusqu’à un totalitarisme définitif ? Peut-être d’un « vibromasseur en forme de dauphin » qui échoit par erreur à « Peter le chômeur », lui qui conserve des machines déficientes et parlantes, qui préfère dire « non », y compris à un rapport sexuel au contrat fleuve, anti-héros et modeste dissident. À moins que ses rencontres avec « Kiki » et « le vieux » soient déterminantes, où qu’une machine développe « une conscience morale ». Mieux, notre Peter parvient à pouvoir réclamer devant les caméras d’une émission à succès de gérer par lui-même les algorithmes de sa propre personnalité. Ce qui lui vaudrait auprès de nos GAFA une victoire indubitable du libre arbitre face à ces nouveaux dieux…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au-delà d’un bonheur assuré et dangereux, la qualité dystopique du roman de Marc-Uwe Kling, aux péripéties entraînantes et divertissantes est sans cesse confirmée. Il y a là des formules mémorables : « Comme le gouvernement a bien fait d’avoir supprimé il y a quinze ans les cours d’histoire au profit des cours d’avenir ». Le langage a subi les modifications politiquement correctes d’usage : les soldats sont bien entendus devenus des « agents de qualité ».

L’omniprésence numérique, via intellect et corps connectés, intervient par encarts informatifs et publicitaires dans le roman, sur des pages noires, non sans des commentaires type Facebook. La littérature elle-même est brièvement réécrite selon les exigences de la facilité et du bonheur : Tolstoï n’est plus que Paix en cent pages, Anne Frank échappe aux nazis et « reçoit le poney dont elle a rêvé ».

Eminemment satirique, le roman déploie des aphorismes succulents, par exemple « le parlement est aujourd’hui ce que le monastère était autrefois : l’endroit où les classes supérieures peuvent se débarrasser de leurs fils superflus ». Il dénonce un capitalisme invasif qui n’a plus rien de libéral, via réseaux sociaux et médias télévisuels, confondu avec le projet politique.

Outre son intelligence, l’auteur de Quality Land est un ironiste. Au travers d’un futur technologiquement optimisé par les algorithmes, c’est notre présent qui est dénoncé, mais aussi notre désir d’une société hyperprotectrice et délicieusement bête, ou encore un nouveau « Dieu », robot omnipotent, dont nous serions les esclaves.

Le romancier allemand Marc-Uwe Kling est également auteur-compositeur et cabarettiste. Outre-Rhin, ses Chroniques du kangourou ont obtenu le Prix de la radio (Deutscher Radiopreis) et le Prix du livre audio (Deutscher Hörbuchpreis). L’on a compris qu’il est un humoriste affutant une satire irrésistible. Son futur que concoctent en toute certitude intellectuelle et mathématique les algorithmes et les artefacts robotiques est aussi aseptisé qu’aliénant. Les robots d’Isaac Asimov et de Philip K. Dick ont tout à coup quelque chose de désuet lorsque Quality Land, incroyable succès en Allemagne, sabote la légitimité de l’hyper-technologisation du monde et dénonce la dématérialisation des relations humaines.

Entre « LoveDieu » et un Dieu robot et omniscient, l’humour est encore une liberté dont les romanciers savent user avec poivre et sel, épice et piment. À ne pas trop prendre au sérieux, mais au moyen des omnisciences publicitaire et robotiques, Andri Snaer Magnason et Marc-Uwe Kling instillent un degré supplémentaire dans une ère de la suspicion et de la prudence, degré d’alerte qui doit rester en travers de la gorge de l’humaniste averti face aux séductions mensongères de l’utopie.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 La partie sur LoveStar a été publiée dans Le Matricule des anges, février 2014,

celle sur Quality Land, octobre 2021.


[4] André-François Ruaud & Raphaël Colson : Science-fiction, les frontières de la modernité, Mnémos, 2014.

[5] Robert Musil : L’Homme sans qualités, Seuil, 2004.

 

Emmaüs Lescar-Pau, Pyrénées-Atlantiques.

Photo : T. Guinhut.

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17 juin 2021 4 17 /06 /juin /2021 14:47

 

Emmaüs Prahecq, Deux-Sèvres. Photo T. Guinhut.

 

 

 

 

De la fantasy encyclopédique

à la science-fiction politique,

par Ursula Le Guin.

La Vallée de l’éternel retour,

La Main gauche de la nuit, Les Dépossédés.

 

 

Ursula Le Guin : La Vallée de l’éternel retour,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Reinharez,

Mnémos, 2020, 610 p, 35 €.

 

Ursula Le Guin : La Main gauche de la nuit,

traduit par Jean Baillache, Robert Laffont, 2022, 336 p,  22,90 €.

 

Ursula Le Guin : Les Dépossédés,

traduit par Henry-Luc Planchat, Robert Laffont, 2022, 400 p,  23,90 €.

 

Ursula Le Guin : Le Langage de la nuit. Essai sur la science-fiction et la fantasy,

traduit par Francis Guévremont, Aux Forges de Vulcain, 2016, 160 p, 12 €.

 

Ursula Le Guin de l'autre côté des mots,

Actu SF, 2021, 432 p, 30 €.

 

 

      Si la fantasy, ainsi nommée en 1949, est un genre littéraire qui aime à recréer un passé mythique et un monde médiéval agrémentés de merveilleux et de magie, Ursula Le Guin, en est une des plus prodigieuses représentantes, quoique décalée. Au-delà La Source au bout du monde de William Morris, du Seigneur des anneaux de Tolkien, du Monde de Narnia de C. S. Lewis, d’Harry Potter de J. K. Rowling, elle tire avec brio son épingle du jeu. Ce qui ne l’empêche en rien d’être une soprano brillante de la science-fiction. Polymorphe et polygraphe, telle est l’impressionnante Ursula Le Guin (1929-2018), brassant la science-fiction avec La Main gauche de la nuit, où règne la « précognition sur commande » ; mais aussi l’utopie et la dystopie avec Les Dépossédés. Probablement La Vallée de l’éternel retour est un roman plus proche de la fantasy, sans la puérile niaiserie qui peut saturer le genre d’elfes, dragons et autres magiciens. Non content de son talent de romancière, elle sait également se faire essayiste, théorisant son art dans Le Langage de la nuit, au langage plus rationnel que celui des rêves obscurs.

 

     Le roman commence lors d’une pérégrination familiale dans La Vallée de l’éternel retour, soit un paysage vallonné, paisible, où l’on croise villages et communautés accueillants du peuple Kesh, essentiellement constitué d’agriculteurs, sans industrie, même si progressivement apparaissent de ci de là électricité et informatique, traces enfouies d’une autoroute et pollution résiduelle. Cette société traditionnelle et utopique tient le partage pour parfait système. Peu à peu l’on devine que cela ressemble à la vallée de Napa (censée signifier l’endroit où l’on reviendra toujours, d’où le titre), en Californie, mais après un cataclysme qui l’inonda et en fit une île. Nous voilà projetés un demi-millénaire dans l’avenir, dans un espace un brin science-fictionnel, quoiqu’il ne soit guère technologique. Plus loin, dans les champs de lave, vit le peuple « Dayao », qui est l’opposé du précédent : le gouvernement monarchique du « Condor » est particulièrement autoritaire, le patriarcat est rigoureux, les castes compartimentées et l’on aime les guerres de conquêtes ; l’anti-utopie contribuant au manichéisme, quoique cependant utile à la démonstration.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      À notre étonnement, le fil romanesque se fend, pour se disperser en un fleuve de nouvelles, de poèmes, de biographies, de récits, comme les « quatre contes romantiques », d’« Œuvres théâtrales », comme « L’homme qui hurle, la femme rousse et les ours », dignes d’une culture animiste et chamaniste. Néanmoins, outre le récit autobiographique de « Roche Qui Raconte », une femme Kesh, le personnage récurrent de Pandora est une sorte de guide parmi les arcanes de cette riche société : ainsi elle « converse avec l’archiviste de la bibliothèque de la loge du Madrone à Wakwaha-na » ; où les livres sont copiés, circulent et « sont mortels ». Là, si règne l’absence de censure, l’on s’interroge : « Dans un Etat, et même une démocratie, où le pouvoir est hiérarchique, comment pouvez-vous empêcher le stockage de données de devenir une source supplémentaire de pouvoir pour les puissants – un piston de plus dans la grande machine ? »  Elle écrit également des poèmes : « Noble la Tour bâtie avec les pierres de la Volonté / sur le rocher de la Loi : éternelle cette habitation ».

      Les plages documentaires pullulent. L’on découvre les « animaux de l’Obsidienne » ou « de l’argile bleue », l’on prend connaissance des structures de la parenté (un peu comme chez Lévi-Strauss[1]), des « lois interdisant l’inceste », des « pratiques médicales » ; mais aussi des « loges, sociétés, arts ». Parmi le volume souvent illustré s’étalent des partitions, des cartes géographiques. Les instruments de musique sont décrits, la « littérature orale et écrite » est transmise, jusqu’à des tableaux de « l’alphabet » et de « la syntaxe kesh ».

      Cette édition, par rapport à celle parue chez Actes Sud en 1994, est enrichie d’une cinquantaine de pages, dont une belle « méditation kesh », lorsque l’on vient s’assoir dans « La Neuvième maison », celle « de la paix de l’esprit ». Au-delà du fameux cycle de Terremer, ce roman, que l’on peut lire de manière linéaire comme en libre arborescence, témoigne d’un art achevé. À la lisière de l’écoféminisme, de l’ethnofiction et de l’anthropologie que son père enseigna, l’œuvre d’Ursula Le Guin fait dialoguer les genres romanesques et celui de l’encyclopédie, répondant à une vocation borgésienne. Jusque dans ses plus infimes détails, elle sait efficacement construire un monde, certes imaginaire, mais qui peut être lu comme celui de nos démons et de nos aspirations, qui n'atteint jamais la complétude.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      « La Vérité est affaire d’imagination », commence Ursula Le Guin dans La Main gauche de la nuit. Surprenant paradoxe, qui ne peut que contrarier les lois de notre monde pour proposer celui, plus qu’alternatif, de « Gethen », la planète glacée, également appelée « Nivose ». Là où les gouvernements ne sont guère soucieux d’adhérer à l’organisation interplanétaire et interstellaire qui est censée fluidifier et unifier les échanges commerciaux.  La mission diplomatique du terrien du futur, Genly Aï, appelé « L’Envoyé », semble bien compromise.

      Assistant à une procession immense au cours de laquelle le roi scelle la dernière arche d’un gigantesque pont, il observe une étonnante société où l’humanité suivit un curieux destin génétique. Androgynes sont les habitants, recourant à telle ou telle caractéristique sexuelle au gré des circonstances, en une sorte d’identité de genre fluctuante, ce qui fait d’Ursula Le Guin un précurseur de tels questionnements individuels et sociétaux. Le plus souvent asexués, c’est à la suite de cette période de « soma » qu'une mensuelle « poussée hormonale » ou « kemma » fait apparaître un sexe, ou l’autre.

      Outre cette étrangeté sexuelle, le temps historique, « l’échiquier politique », les relations humaines, tout est pour Genly hors normes, alors que sa perpétuelle virilité passe pour une monstruosité, que son étrangeté passe pour une dangerosité dont les pouvoirs locaux se méfient. Cependant, à ses yeux, le « Palais d’Erhenrang » est « le produit de nombreux siècles de paranoïa délirante ». La disgrâce de son mentor, Estraven, le met dans une situation pour le moins inconfortable, face à un roi bougon, qui ne veut pas entendre parler de collaboration. Il ne lui reste qu’à traverser la planète vers les « citadelles »… Pour quelle destinée notre narrateur-personnage retrouvera-t-il Estraven le proscrit ?

      En un roman d’aventure et d’amitié trépidant, par-delà les conditions humaines, roman à la fois politique et sociologique, le style d’Ursula Le Guin, du moins au travers de cette traduction, est étonnamment coloré, d’une efficacité narrative et conceptuelle redoutable, au service d’une réflexion ouverte sur les différences sexuelles, morales et civilisationnelles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Autres proscrits, ceux de la planète Urras, envoyés vers sa lune Anarres, dans Les Dépossédés. Grâce au Docteur Shevek, physicien de son état, l’on voyage alternativement d’Anaress, où l’on vit selon un libertaire communisme, à Urras, où règne le capitalisme. Croit-on que le monde lunaire soit une parfaite utopie ? L’on risque d’être à cet égard déçu, ne serait-ce que parce qu’Ursula Le Guin qualifie son roman d’ « utopie ambiguë ». En effet, les velléités de prise de parole singulière du jeune Sherek sont remises en place au moyen d’un « Arrête d’égotiser ! ». On lui préfère « un récit commun, chacun parlant à son tour ». Pourtant, sans le savoir, il reprenait le paradoxe d’Achille et la tortue, venu de Zénon d’Elée.

      Depuis cent soixante-dix ans le monde parfait d’Anaress méprise celui d’Urras, où les classes possédantes sont des oppresseurs, quoique qu’ils ne sachent rien de son évolution. L’idéologie égalitaire est visiblement inspirée de l’anarchisme de Kropotkine, Murray Bookchin et Paul Goodmann. Alors que le physicien Sherek travaille à développer une théorie temporelle générale, dont nous découvrons quelques aspects, le roman joue avec les retours en arrière. Outre l’enfance du chercheur, c’est le passé presque mythique d’Anaress qui est enseigné, mettant en scène une femme charismatique, Odo, qui fut à la tête d’une sédition ouvrière et anarcho-syndicaliste, et donna son nom à la révolution « odonienne », emprisonnée, exilée avant de pouvoir donner vie à la société « anarrestie ».

      Quoique cette société ne soit pas censée comporter la moindre institution autoritaire et coercitive, l’on découvre comment une tyrannie s’installe insensiblement en l’éthique anarchiste[2]. Non seulement l’existence y est rude, les ressources sont chiches étant donné l’aride climat, mais encore le mensonge règne quant aux réalités politiques et économiques d’Urras, l’ennemie ignorée. Un organisme prévaut : « Coordination de la Production et de la Distribution ». La vie est communautaire, l’ambition individuelle est laminée par un sourd conformisme intellectuel et comportemental : « vous devez travailler avec les autres, vous devez accepter la loi de la majorité. Mais toute loi est une tyrannie. Le devoir de l’individu est de n’accepter aucune loi, d’être le créateur de ses propres actes, d’être responsable. Ce n’est que s’il agit ainsi que la société pourra vivre, changer, s’adapter et survivre ». C’est ainsi que Sherek défend son droit à quitter son monde sclérosé. En cette société qui le désapprouve sans empêcher son transfert, un esprit d’élite comme Sherek a du mal à se déployer, contraint qu’il est par l’égalitarisme, car « il n’avait pas eu d’égaux », alors que sur Urras, « au pays de l’inégalité, il les rencontrait enfin » !

      Grâce au voyage inédit de Sherek, qui a pour ambition de partager et de mettre à l’épreuve ses théories physiques, la société d’Urras est un perpétuel sujet d’étonnement, même s’il est un peu trop balisé par les autorités. Capitaliste et en conséquence extrêmement brillante, elle n’en exclut pas moins les femmes : « elles ne sont pas douées pour la réflexion abstraite […] ce que les femmes appellent penser, elles le font avec leur utérus ». Sur une planète qui cependant réunit différents Etats, des plus ou moins libres aux plus totalitaires, la prospérité est cependant générale. Et, ô surprise, « l’attrait et l’obligation du profit étaient de toute évidence un succédané de l’initiative beaucoup plus efficace qu’on le lui avait fait croire ».

      L’on retrouve dans Les Dépossédés ce qui contribue grandement à l’intérêt de La Vallée de l’éternel retour, soit la dimension encyclopédique : histoire de la planète et de son satellite anarchiste, systèmes politiques et économiques, jusqu’à l’urbanisme, sans choir dans un manichéisme qui eût été dommageable et eût nui à la dimension narrative et dramatique. Et enfin spéculation sur le temps, les années lumières, et surtout sur la liberté. Le didactisme n’empêche en rien la vivacité et la profondeur morale des personnages, en particulier de l’attachant héros.

Photo T. Guinhut.

      Le Langage de la nuit est celui des rêves et de l’imaginaire. Aussi, en ses « Essais sur la science-fiction et la fantasy » et autres conférences réalisées entre 1973 et 1977, selon le sous-titre, notre auteure a soin de réhabiliter la littérature fantastique et merveilleuse, autant de par les développements de leurs mythes que par sa réception chez les enfants. Car d’abord lectrice avant de devenir écrivaine, elle n’en n’oublie pas ses premières émotions, ses premiers emballements, face aux récits de Lord Dunsany par exemple. En ce sens ce recueil d’essais présente une dimension autobiographique bienvenue.

      Ecrire, pour Ursula Le Guin, c’est continuer « à inventer des mythes ». Inventer aussi des îles, des archipels, comme ceux de la trilogie de Terremer[3], quoiqu’ils naissent sans plan préparatoire, au dur et à mesure de l’écriture de nouvelles, puis des romans. Au fil des voyages d’un jeune magicien, nommé Ged, se dessine son itinéraire initiatique, parmi dragons, sorciers et « haute-prêtresse du temple des Innommables », donc son expérience créatrice, à l’image du Prospéro de La Tempête de Shakespeare. Ainsi l’auteure confie son processus de création, permettant à la fantasy, qui n’a pas d’âge et s’adresse autant aux enfants qu’aux adultes qui n’ont pas perdu leur capacité d’imagination, d’effectuer un voyage psychique et moral. Car il s’agit d’affronter notre part d’ombre,  comme dans le conte d’Andersen[4] : « L’ombre est l’autre face de notre psyché, le frère sinistre de notre pensée consciente. C’est Caïn, Caliban, le monstre de Frankenstein, Mr Hyde », dit-elle. De même, la conscience des contraintes et de la philosophie du genre est-elle réelle chez notre auteure : « Presque toutes les grandes œuvres de la fantasy se construisent sur la base d’une dialectique morale très forte, le plus souvent sous la forme d’un combat entre les ténèbres et la lumière ». Mais ici le mal et le bien ont quelque chose d’inextricable. En dépit d’une « méfiance profondément puritaine par rapport à la fantasy », cette dernière « s’approche de la poésie, du mysticisme et de la folie, beaucoup plus que ne le fait la fiction naturaliste ». Le plaidoyer trouve sa justification et son acmé dans les qualités des aventures et des univers mis en œuvre par la romancière.

      L’on ne s’étonnera pas que notre auteure s’intéresse à « la situation déplorable des femmes » dans ce genre littéraire a priori masculin qu’est la science-fiction, où « le mâle alpha trône au sommet ». De même le statut social du peuple n’y dépasse guère celui de la masse, les autres planètes étant de plus le plus souvent des colonies à exploiter. L’autre culturel ou racial est un alien dangereux à éliminer, faute de ce qu’elle souhaite être un « idéalisme humain ». Certes, ces remarques datent de 1975, et les choses ont passablement évolué à cet égard, grâce à des œuvres d’importance, plus somptueusement complexes, comme Hypérion de Dan Simmons, ne serait-ce que parce que Meina Gladstone y est la « Présidente de l’Hégémonie[5] ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Confiant au lecteur l’origine et les réseaux de son imagination, Ursula Le Guin avance, en citant Virginia Woolf : « je crois que tous les romans commencent par un personnage ». En effet, ils ne sont pas pour elle des espaces doctrinaux, des modules théoriques. C’est d’ailleurs ce qui rend si humain et si empathiques les romans de notre auteure. Quelque soit le monde dans lequel elle nous entraîne, elle s’écarte en cela de nombre d’œuvres science-fictionnelles où les personnages sont bien moins marquants que l’espace et les vaisseaux. Il y a pourtant de rares exceptions, comme dans Nous de Zamiatine[6], qu’elle sait remarquable, de par son héros qui tente d’échapper à sa destinée de numéro dans une société affreusement dystopique. Au-delà des stéréotypes et des archétypes, une petite « Madame Brown », venue de Virginia Woolf, doit pouvoir vivre en science-fiction. Jusqu’à ce qu’elle soit remplacée par une intelligence artificielle capable d’émotions ? Cependant, au secours d’un personnage qui traverse un espace et un temps science-fictionnel, rien ne remplace pour l’écrivain, qui doit l’animer en un temps et des espaces, une vaste culture, de vastes lectures, de Shelley à Wells, de Marx à Kropotkine, ce géographe russe et libertaire, tous auteurs qui sont le creuset de la créativité et de la cohérence de la romancière…

      Plus personnelle encore, Ursula Le Guin rapporte en confidence la visuelle impulsion qui accoucha de La Main gauche de la nuit : « deux petites figures, fort lointaines, perdues dans un immense désert de glace et de neige ». De là déboulèrent « tous les réagencements de la sexualité humaine, toutes les thématiques de trahisons, de solitude et de froid ». Deux titres nocturnes, romanesque et essayiste, se croisent…

      Nous rencontrons, en Ursula Le Guin, une rare praticienne et théoricienne de ces genres jumeaux et frères ennemis que sont la fantasy et la science-fiction. La première nait en ce pays des chevaliers et des elfes, dont les références originaires sont La Source au bout du monde de William Morris[7] et Le Seigneur des anneaux de Tolkien, aux personnages plus complexes qu’il n’y parait. La science-fiction embrasse Frankenstein de Mary Shelley[8], les robots de Karel Capek[9] et Philip K. Dick, dans une expansion bientôt intergalactique. Or notre romancière et essayiste sait penser son art aux deux ambitieuses plumes : « Le but de l’art n’est pas de se détacher complètement des émotions, des sensations, du corps, pour s’envoler dans l’éther de la pure signification, ni de se fermer à la pensée pour se vautrer dans une irrationalité et une amoralité insensées ». Elle est ainsi indubitablement une créatrice de mythologies modernes.

     C'est bien ce que confirme l'encyclopédique et enchanteur volume Ursula Le Guin. De l'autre côté des mots. De nombreuses entrées thématiques permettent d'explorer un univers décidément étendu, labyrinthique. Ecriture féministe, poésie et musique, questions de traduction ou réécriture de l'Enéide, l'on frétille d'intelligence parmi les essais de divers auteurs informés et les entretiens avec la grande dame. Réalisme, utopie, les catégories romanesques se fracassent et se caressent. Reste une question surprenante : « Ursula Le Guin est-elle la grand-mère d'Harry Potter ? »

 

      Si nous lisons de la fantasy et de la science-fiction, c’est probablement parce que notre monde n’est pas satisfaisant, et qu’en d’autres mondes serait le meilleur ; à moins que cela soit par peur d’y voir les reflets du pire en de monstrueux mondes en lutte les uns contre les autres. Il n’en reste pas moins que chez Ursula Le Guin, la frontière est ténue, voire poreuse ente fantasy et science-fiction, tant, par exemple, les contes s’intercalent dans le récit, parmi les pages de La Main gauche de la nuit. Plutôt que de se complaire aux pays des elfes et des vaisseaux spatiaux, elle choisit avec brio de construire des modèles et des contre-modèles sociétaux qui s’inscrivent entre utopie et dystopie, interrogeant nos capacités, nos abîmes et nos avenirs politiques.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur La Vallée de l'éternel retour a été publiée dans Le Matricule des anges, mai 2020.


[3] Ursula Le Guin : Terremer. L’intégrale, Le Livre de poche, 2018.

[4] Andersen : « L’ombre », Contes, II, Club des Libraires de France, p 79-90, 1954.

[7] William Morris : La Source de la fin du monde, Aux Forges de Vulcain, 2016.

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16 janvier 2021 6 16 /01 /janvier /2021 16:30

 

Bordeaux-Venezia. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Quand la science-fiction devient dickienne.

Philip K. Dick : Nouvelles complètes ;

Christophe Miller : L’Univers de carton.

 

 

Philip K. Dick : Nouvelles complètes,

divers traducteurs de l’anglais (Etats-Unis), direction Laurent Queyssi,

Quarto Gallimard, 2020, deux tomes sous coffret, 2464 p, 55 €.

 

Richard Comballot : Philip K. Dick, simulacres et illusions,

ActuSF, 2015, 402 p, 28 €.

 

Christophe Miller : L’Univers de carton,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claro,

Le Cherche-midi, 2014, 640 p, 23,80 €.

 

 

Maudit plumitif et beatnik psychédélique adonné à l’alcool, aux tranquillisants et amphétamines, voyageur temporel aux confins de la nuit de l’espace mental, tôt disparu à cinquante-quatre ans en 1982, Philip K. Dick n’en finit pas de féconder notre imaginaire, houspiller et déborder notre sens de la rationalité, sans compter celui du cinéma propulsant Minority Report ou Blade Runner. Ses romans sont devenus des légendes absolues de l’uchronie, comme Le Maître du Haut-château[1], et de la science-fiction : Ubik, À Rebrousse-temps ou Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Ils rebroussent le poil de la littérature jusqu’à mettre en question les fondements de la temporalité et de l’humanité. Car, passablement paranoïaque, traversé de crises mystiques et cependant férocement cultivé, souvent sans le sou, sauf les dernières années, il fallait à l’écrivain compulsif sursoir à ses angoisses en les rompant à l’épreuve de l’écriture et livrer une nouvelle à ses éditeurs ; ce pourquoi l’on a dit qu’il écrivait trop vite, cochonnant le travail. Cependant, après avoir créé le célèbre néologisme « kafkaïen », l’on dut se résoudre à imaginer que le monde puisse devenir « dickien ». Plus qu'un classique de la science-fiction, Philip K. Dick est celui qui l'a fait évoluer, depuis les vaisseaux spatiaux de l'anticipation, jusqu'aux paradoxes temporels et aux effets dystopiques de la paranoïa. Ce que l'on constatera en se plongeant à bras le corps dans ce coffret aux cent-vingt Nouvelles complètes (composées entre 1953 et 1981), dont l’on est contraint d’en reconnaître autant l’inventivité échevelée que la puissance. Au point qu’aux pieds du maître, Christophe Miller, parmi les pages de son Univers de carton, se mette à jouer au fidèle avatar de Philip K. Dick.

Comme son auteur, l’animal aurait selon « Roug » une sensibilité particulière à l’égard des extra-terrestres, fussent-ils cachés sous l’apparence des éboueurs. Animales semblent être les ailes de Richard Benton, à moins qu’il s’agisse de la dernière invention du futur. Voici, déjà impressionnantes, les deux premières nouvelles du jeune gribouilleur de clavier. Certes ces produits pour pulp magazines ne sont pas encore tous géniaux, usant souvent du topos du courageux humain confronté à d’incroyables planètes, à des guerres spatiales immenses et des robots menaçants. Bientôt cependant les meilleures mettent à mal l’identité et la réversibilité avec des créatures inattendues, lorsque Le père truqué dévoile au fiston une entité hostile, lorsque « l’humain se change en Gélate, et la Gélate, son ennemie, se change en humaine ». Ou encore, en l’ultime nouvelle, « L’Autremental », la confusion punitive du narrateur avec un chat étranglé et évacué du vaisseau spatial. Les animaux sont en effet d’ambigus compagnons : « Hibou ébloui » ou insectes, ils peuvent percevoir l’humanité comme un envahisseur qu’il est peut-être nécessaire d’éradiquer, comme dans « L’Homme sacrifié ». Un autre versant de l’inquiétude, métaphysique autant que technologique, est celui de la confrontation, parfois indémêlable, entre l’authentiquement humain et l’androïde.

 À l’instar de ses romans, les récits interrogent la nature trouble de la réalité ainsi que les disjonctions et retournements du temps : ainsi fonctionne « Un petit quelque chose pour nous les temponautes ». La distorsion de la science-fiction, d’abord au sens strict de l’anticipation, se déploie en des perspectives nouvelles, faisant de Philip K. Dick, au moyen de ses paradoxes temporels et de ses chaos neuronaux, un influenceur définitif du genre, qui porte de souterrains messages de pessimisme face au progrès et de contestation, contre la guerre au Vietnam, ou à l’égard d’un affrontement nucléaire en gestation. Cependant, dans « Les défenseurs », où les hommes vivent reclus dans des bunkers souterrains, à l’abri d’un conflit mené par les robots, la sortie révèle un espace que la guerre a déserté tant les machines ont perdu tout intérêt pour la guerre. Ce qui peut être lu comme une illustration de la paranoïa, au point que dans « Nouveau modèles » les machines ne cessent de se reproduire. Ainsi les illusions dévorent le réel qui devient au choix un espace de terreur ou un parc d’attraction, comme dans la « reconstitution historique d’un historien du XXII° siècle.

Parfois, Philip K. Dick préfère ruser avec les lisières du fantastique, en laissant apparaître parmi les habitants d’une banlieue pavillonnaire une horrifique altération de la réalité, ce qui ne sera pas sans influence sur un Stephen King. Ou encore une vie extraterrestre contamine les personnages pour les faire douter de leur réalité, voire les réduire à néant.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La plus célèbre nouvelle est sans doute Rapport minoritaire, dans laquelle la prescience d’étranges organismes permet d’éliminer toute probabilité de crime futur, quoiqu’elle n’échappe pas à la facilité des course-poursuites policières. Chacune est animée par de nouveaux personnages, précisément caractérisés, par de vivants dialogues, d’aventureuses péripéties menées à fond de train, des chutes souvent ironiques, tragiques. Au-delà du divertissement, l’on y lit de cuisantes occurrences de la satire politique : par exemple le « grand infoclown » sur « le réseau CULTURE », dans « Que faire de Ragland Park ? ». Plus souvent, en écho à la Guerre froide, ce sont les destins des empires et des planètes qui sont à la merci de l’inventivité du nouvelliste forcené. Ainsi « un jeu guerrier » venu de Ganymède semble inoffensif, jusqu’à ce qu’un de ses soldats disparaisse ; « masse critique », éducation stratégique, prélude à l’invasion ? Un autre jeu entraîne la régression dans l’enfance de celui qui enfile la tenue de cow-boy. Venue de quelque planète lointaine, une novatricee version du Monopoly, appelée « Syndrome » vise à éduquer les enfants à renoncer à tout capital, à éradiquer le capitalisme, donc à affaiblir radicalement l’humanité et la terre. Une telle nouvelle, absolument géniale, est non seulement d’une pertinence politique redoutable, mais une prescience de l’éducation idéologique postmarxiste qui a depuis infiltré les Etats Unis et au-delà…

À cet égard une nouvelle comme « La foi de nos pères » conduit Tchien à devoir vérifier « l’incorrection idéologique » de copies d’étudiants américains ». En d’autres termes, discerner la dissertation d’un « progressiste dévoué » de celle d’un individu nourrissant des « crypto-notions petites bourgeoises, impérialistes et déviationnistes ». Ce qui, venu de l’époque la Guerre froide et du communisme flamboyant, ne manque pas moins de conserver aujourd’hui une actualité acérée en nos temps d’anticapitalisme forcené. La paranoïa dickienne met en œuvre un monde totalitaire chinois dans lequel la réalité est manipulée, les esprits abreuvés par une drogue qui infiltre l’eau potable, dans lequel le leader du parti se révèle être une « limace convulsée » qui absorbe la substance vitale d’autrui, une « sphère » aux « milliards d’yeux », « Seul Vrai Dieu ». Etant donné qu’il est là question d’absorptions de drogues et du statut de la réalité, ne faut-il y voir qu’un effet de celles-ci sur la créativité de l’écrivain ?

L’intelligence prospective et prodigieuse de Philip K. Dick, lecteur autant de pulps que de Proust, Kafka et Stendhal (Le Rouge et le noir étant un roman qu’il tenait pour le plus grand), n’est plus à démontrer. Il prétendait cependant en 1974 qu’un « rayon rose » lui livrait des informations, des pages entières… Un rien provocateur, n’assurait-il pas que s’il rencontrait « une intelligence extraterrestre », il aurait « plus de choses à lui dire qu’à [son] voisin de palier » ?

Cette omnivore somme de nouvelles avait été déjà publiée chez Denoël en 1994, sous des couvertures esthétiquement plus excitantes, hélas épuisées. Cependant ce coffret aux deux volumes de la collection Quarto doit trouver une place de choix sur les étagères de la bibliothèque science-fictionnelle. En outre, l’éditeur, accompagné de Laurent Queyssi, préfacier avisé, a eu la judicieuse idée de faire précéder cette précieuse somme de deux dossiers illustrés : une scrupuleuse chronologie, enrichie de documents inédits provenant des archives du maître, dans le premier tome ; puis, dans le second, un joli ramassis de « Pertes, fragments et œuvres inachevées », suivi d’un catalogue des adaptations cinématographiques et télévisuelles. Soit une dickienne encyclopédie qui n’attend plus que d’être complétée par un coffret complice et consacré aux romans.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour un portrait kaléidoscopique du rebrousseur de science-fiction, encore faut-il consulter l’ouvrage dirigé par Richard Comballot : Philip K. Dick, simulacres et illusions. Ce bel objet soigneusement relié, dont la jaquette arbore un faciès barbu et des couleurs psychédéliques, bien dans le goût clinquant et désuet des années soixante, cumule entretiens avec le maître, critiques avisées et bibliographies, tout cela illustré de couvertures d’éditions diverses des œuvres, autant phares que secondaires. L’on y notera une étude particulièrement pertinente, « Pouvoir et dystopies temporelles chez Philip K. Dick », par Hervé Lagoguey. Car selon le mot de l’auteur d’Ubik, « le temps n’est pas réel ». L’un de ces précieux entretiens nous révèle que, selon notre nouvelliste et romancier, « la paranoïa est un système global, un super-système ». Un autre, quoique nous l’ayons deviné, que la science-fiction « n’a pas vraiment pour fonction de traiter de l’avenir, mais de jouer avec les diverses possibilités que nous offre le monde actuel ». Philip K.Dick serait aujourd’hui reconnaissant que la science-fiction, efficacement distordue par ses soins, ne soit plus considérée « comme un genre littéraire destiné aux adolescents [mais] qui soulève de graves problèmes sociaux, philosophiques, théologiques »…

 

À condition d’être un peu plus déglingué, Jorge Luis Borges aurait prodigieusement aimé un tel monstre littéraire intitulé non sans humour L’Univers de carton. Cette savante biographie, aux bons soins ironiques de Christophe Miller, est-elle consacrée à un auteur purement fantasmatique, ou à un clone d’un OVNI de la SF, qui l’était déjà bien assez ? Œuvre de fiction ou compilation universitaire, il y a là quelque chose de la poursuite de l’écrivain Archimboldi par les critiques dans 2666 de Roberto Bolano[2]. Il faut lire cependant l’objet polymorphe qu’est L’Univers de carton de l’Américain Christophe Miller (né en 1975) en se confiant à son humour.

Considérons qu’il s’agit d’un roman. Car les deux personnages, William Boswell et Owen Hirt, les deux maîtres d’œuvre de la monumentale biographie critique de Phoebus K. Dank, sont des sortes de jumeaux professionnels, frères ennemis sans cesse animés par une vivace rivalité. De plus, leur partialité est sans pudeur : le premier, en sa qualité d’ami de l’écrivain, admire inconditionnellement Dank, quand le second le déteste avec persévérance, qualifie ses écrits de « puérils » et « médiocres », au point que l’on puisse le suspecter d’avoir assassiné l’objet de leur prolixe étude. Ce qui entraîne un micro-roman policier. Le récit de la relation du trio s’intercale avec les éclairages sur la bibliographie dankienne.

Imaginons qu’il s’agit d’une thèse universitaire. Ouvrons alors ce pavé aux têtes de chapitres alphabétiques, comme une encyclopédie didactique. « Ouvrage de référence » et « essence concentrée du génie de Dank », il est doté d’une chronologie, d’un index, de notes, de résumés des œuvres plus ou moins introuvables. Ce sont, rangés par ordre alphabétique, les synopsis des nouvelles et des romans, parmi lesquels les deux compères introduisent leurs commentaires, leurs analyses, digressions et parties narratives. Sans oublier les entrées plus investigatrices, d’ « Agoraphobie » à « Pornographie », où l’on sonde indiscrètement les penchants intimes et les quatre mariages de leur idole obèse. Ainsi la cruauté de la dissection par l’indiscret biographe est-elle pourfendue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le plus réjouissant est enfin de lire L’Univers de carton comme une parodie. Sans cesse se déploie et s’aiguise la satire des tics et des travaux universitaires, des critiques qui s’emparent de leur écrivain et objet d’étude, fétiche et marotte, de leurs enjeux de pouvoir intellectuel et professionnel. Et « lorsque les deux auteurs se disputent pour savoir lequel a imaginé l’autre », le débat onirique s’élève entre Miller et Dank, entre le créateur et sa créature qui crée son créateur, comme le lecteur est à l’origine de la naissance de l’auteur. Ainsi l’esthétique postmoderne s’en donne à cœur joie au cours du ping-pong verbal entre les deux exégètes.

Jusqu’où faut-il prendre au sérieux un auteur à la vie désastreuse, qui voit des colonisations utérines par les Martiens, dont « l’addiction aux amphétamines » le mène à la paranoïa ? Il agite en ses pages, entre hallucination et science-fiction, un « scarabée mutant », un « concours de beauté » alternatif, « une épidémie de syndrome de la Tourette », des « taux de réalité » variables… Les titres, bien qu’imaginés, comme « La Fabrique de migraines » ou « Planète Adam », savent frôler les thèmes favoris de l’auteur aux mêmes initiales que le héros malheureux de cette fiction cannibale.

L’on aura compris qu’il s’agit d’une vraie-fausse biographie du « maître du haut-château » de la Science-Fiction : Philip K. Dick, tel qu’en lui-même le romancier et critique le change, le diffracte en facettes déjantées, en un « univers » parallèle. Lawrence Sutin avait commis en 1999 une fort sérieuse vie de ce dernier, intitulée Invasions divines[3]. Parodique, celle de Christopher Miller est un jeu de piste loufoque, magnifiquement monté, une psychédélique explosion d’ironie et de perspectives, mieux écrite que par Philip K. Dick, ce médiocre styliste aux idées géniales. Rappelons-nous en effet ses romans du retournement du temps, comme A rebrousse-temps ou En attendant l’année dernière[4], ses nouvelles science-fictionnelles et hallucinatoires, ses spéculations politiques, comme Rapport minoritaire[5], dans lequel « Précrime » punit avant le délit, son uchronie magistrale, Le Maître du haut-château[6], dans laquelle le Japon et l’Allemagne nazie se sont partagé les Etats-Unis…

 

Thierry Guinhut

La partie sur les Nouvelles a été publiée dans Le Matricule des anges, novembre 2020,

celle sur Miller, avril 2014

Une vie d'écriture et de photographie


[3] Lawrence Sutin : Invasions divines, Philip K. Dick, une vie,  Folio SF, 2002.

[4] Philip K. Dick : Romans 1965-1969, J’ai lu, 2013.

[5] Philip K. Dick : Nouvelles, tome II, Denoël, 2006, p 347-392.

[6] Philip K. Dick : Le Maître du haut-château, Opta, 1970.

 

Photo : T. Guinhut.

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8 août 2020 6 08 /08 /août /2020 12:01

 

Emmaüs Prahecq, Deux-Sèvres. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

Dystopies, Dyschroniques

 & Apocalypses :

une tempête de science-fictions philosophiques.

 

 

Damon Knight : Le Royaume de Dieu ; Poul Anderson : La main tendue ;

Franck M. Robinson : Vent d’est, vent d’ouest,

traduits de l’anglais (Etats-Unis)

par Nathalie Dudon, Maxime Barrière et Jean-Marie Dessaux,

Le Passager clandestin, 2014, 164, 96 et 80 p, 8, 6 et 5 €.

 

Coffrets Dyschroniques.

Quand les futurs d'hier rencontrent notre présent, 1950-1980, 1970-1980,

Le Passager clandestin, 2018, sept volumes chaque, 37 €.

 

Jean-Pierre Andrevon : Anthologie des dystopies, Vendémiaire, 2020, 346 p, 26 €.

 

Jean-Paul Engélibert : Fabuler la fin du monde, La Découverte, 2019, 240 p, 20€.

 

 

      Stupéfaits et émerveillés par les myriades de planètes et d’étoiles qui nous entourent, nous voilà également saisis d’effroi face à notre destin dans l’infini de l’espace et du temps. De la pluralité des mondes à celle des imaginaires littéraires, il n’y a qu’un pas. Probablement Mary Shelley, avec Frankenstein, Jules Verne, avec son Nautilus, et H. G. Wells, avec La Machine à explorer le temps, furent-ils les inventeurs de la science-fiction, alors appelée anticipation. Ce dernier romancier postula, dans Quand le dormeur se réveillera[1], la magnificence tyrannique d’une civilisation qui s’étendrait deux siècles plus tard. Déjà des « dyschroniques ».Trouvant sa source dans le dix-neuvième siècle, l’âge d’or de la science-fiction creusa au vingtième siècle un immense réservoir d’auteurs enthousiastes ou plus souvent effrayés par l’avenir. Si l’on n’oublie pas Huxley et Orwell, ni les cycles de Fondation par Asimov, de Dune par Frank Herbert ou celui d’Hypérion par Dan Simmons, ni encore les nouvelles de Philip K. Dick, il faut tenter de dépoussiérer des planètes oubliées. C’est la mission que se sont fixée les éditions du Passager clandestin en déterrant des bibliothèques science-fictionnelles tout un lot de courts romans. Dotés d’une élégante couverture grise, d’un graphisme rouge et noir avec vignette symbolique (menottes, salle de conférence, vaisseau spatial ruiné…) plus d’une douzaine de volumes de la collection Dyschroniques invitent à de vertigineuses aventures de la pensée, rien moins que le destin de l’humanité, future, voire présente ; ce en cohérence avec l’Anthologie des dystopies et Fabuler la fin du monde fomentée par Jean-Pierre Andrevon et Jean-Paul Engélibert. Menaces sur les civilisations, terreur et utopie bétonnées, crises politiques et religieuses, mais aussi catastrophes écologiques, font des récits de science-fiction les pièces d’un jeu d’échec interplanétaire, un tout-à-l’égout terriblement dystopique, post-apocalyptique et cependant prospectif...

      Utopies et dystopies se distribuent tour à tour parmi les titres des Dyschroniques, qui puisent leurs auteurs parmi les années cinquante et soixante-dix américaines. C’est avec une modeste curiosité que l’on lira La Tour des damnés ou Le Testament d’un enfant mort, quand Norman Spinrad, dans Continent perdu, nous entraîne dans les abîmes d’une civilisation américaine défunte : prédiction, punition, échec de l’orgueil ou de la sagesse humaine ? Les dernières livraisons de la collection sont peut-être les plus remarquables.

      Violences, criminalité pourront-elles disparaître ? C’est bientôt chose faite, grâce à l’empathie triomphante, au Royaume de Dieu de Damon Knight. Niaise rêverie ou maturation de l’humanité au moyen de l’éthique de réciprocité ? Une créature venue d’ailleurs, « monstruosité roto-stomachique », pousse par maintes péripéties l’humanité à comprendre le « Qu’il vous soit fait ce que vous faites ». Elle élimine toute cruauté, répand l’amour et la paix, aux dépens des tyrannies et des gouvernements, au profit de sociétés libertaires, en un peut-être trop facile irénisme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Plus dense est Poul Anderson. Il postule des races humaines venues de planètes exogènes, trapus Skontariens ou gracieux humanoïdes de Cundaloa, à qui, après des conflits meurtriers, s’ouvre La Main tendue. Mais à l’arrogant grossier n’est offerte aucune collaboration, quand la beauté recueille « une aide pratiquement illimitée » au cours d’une réunion des dirigeants Soliens. La morale et l’équité politiques sont-elles lésées ? Non seulement les psychologies séparent ces peuples, mais aussi leurs éthiques et esthétiques. Code d’honneur brutal pour les uns, hédonisme raffiné pour les autres. « le génie technicien » est celui des Terriens, quand les Cundaloiens sont « une race de poètes ». La culture de ces derniers devra se plier devant la loi de l’efficacité, disparaitre, grâce à « des campagnes d’information »,  une « modification du système d’éducation » et se convertir au « néopanthéisme », avant de devenir pâture à touristes, « aliénée au modèle solien ». Celle des Skontariens, isolée, compte sur ses propres forces pour prospérer et non se soumettre. Certainement devons-nous méditer ces enjeux et préceptes…

      Au-delà de l’anticipation, qui figure les siècles, voire les millénaires, à venir, l’on mesure combien la science-fiction est un reflet de l’époque où elle fut écrite. Ainsi, La Main tendue, publié en 1950, fait irrésistiblement penser à la guerre froide, aux affrontements diplomatiques entre les blocs de l’Est et de l’Ouest, à la colonisation. Le Royaume de Dieu, venu de 1954, lors du rejet de la guerre du Vietnam, reste à l’image de nos peurs, de nos désirs de paix et d’amour. La spéculation littéraire se double d’une réflexion civilisationnelle.

      L'on a souvent reproché, à juste raison, à la science-fiction d’agiter des aventures puériles au milieu d’une quincaillerie spatiale, et dans une langue peu soucieuse de richesses stylistiques et d’idées profondes. Ce n’est en rien le cas parmi la plupart des titres des Dyschroniques, variantes temporelles des dystopies, vade-mecum et apologues politiques. Car ces miniatures science-fictionnelles ouvrent sur le macrocosme philosophique.

      Autre auteur membre des Dyschroniques, Marion Zimmer Bradley, dans La Vague montante, imagine en 1955, et en rousseauiste impénitent, une société d’abondance frugale qui s’est débarrassée de l’empire des technologies. Libération ou cauchemar, cette utopie est certes aussi aimable que réactionnaire. Si la science est domestiquée pour se soumettre à cet idéal agreste, l’utopie a un fort parfum d’anti-utopie, de tyrannie enfin : « chacun d’entre nous mène une vie paisible, équilibrée, à l’intérieur du petit horizon de son village, où l’on est responsable de soi, et responsable envers son entourage. Et d’autre part, si on en est capable, on mène une vie élargie, en dehors du village, en travaillant pour d’autres, mais, encore et toujours, pour des individus et non des idéaux abstraits. »

      Marion Zimmer Bradley (rare femme science-fictionneuse) s’oppose alors radicalement à Franck M. Robinson, dont Vent d’est, vent d’ouest montre pour notre plus grand effroi un monde où la passion automobile, voire son fétichisme, l’emporte sur le besoin de respirer, où « le ciel vire au brun ». Certes, ce dernier auteur avait bien des excuses, lorsqu’en 1972, il écrivit ce triste apologue à thèse. N’est-on pas en train d’imaginer aujourd’hui que cette pollution va continuer de s’amenuiser, non par diminution du parc automobile, mais par évolution des technologies, moins énergivores, plus filtrantes, bientôt peut-être ne se nourrissant que d’hydrogène, d’air comprimée, d’eau…

      L'idéal est alors de se tourner vers les deux coffrets Dyschroniques, titrés Quand les futurs d'hier rencontrent notre présent, 1950-1980, puis 1980-1970, qui, en deux fois sept volumes, comme en sept jours d'une dé-création, balaient les excitants ravages de la science-fiction, pas seulement américaine et devenue folle, avec, dans le second, l’emballement des mots de Lino Aldani, Ben Boova, Isaac Asimac, l’homme des robots et des Fondations, mais aussi Jean-Pierre Andrevon, par ailleurs essayiste.

 

      Si l’on considère que le projet Dyschroniques, toujours en cours, est une anthologie des meilleures nouvelles ou novellas, courons vers la vaste Anthologie des dystopies concoctée par Jean-Pierre Andrevon. Curieusement, il ne s’agit en rien d’un « anthologie », qui serait faite des plus beaux extraits du genre - à moins que les mots perdent leur sens - mais d’un essai sous-titré « Les mondes indésirables de la littérature et du cinéma ». Car depuis plus d’un siècle le futur est, sur nos pages, nos pellicules et pixels, affreusement malheureux. Le ciel atomique s’écroule, la terre dévastée se dessèche et brûle, les tyrannies orwelliennes pèsent comme du plomb sur une population abrutie.

      C’est avec justesse que l’essayiste rappelle que les utopies classiques, de Thomas More[2] à Karl Marx[3] en passant par La Cité du soleil de Tommaso Campanella, visent à abolir « la propriété individuelle au profit d’un système collectiviste ». À n’en pas douter, là est à la fois la racine des tyrannies de l’Histoire et des dystopies imaginaires. En effet, ce qui serait la première dystopie, en 1846, Le Monde tel qu’il sera, d’Emile Souvestre (c’est oublier L’An 2440 de Louis-Sébastien Mercier[4] publié en 1770 !) présente en l’an 3000 une société utilitaire et vigoureusement réglée, aux races humaines spécialisées et inégales, soit la satire d’une industrialisation à l’américaine ; quoiqu’aujourd’hui elle n’a pas abouti à un tel résultat.

      Les projections totalitaires science-fictionnelles ont leurs modèles depuis Le Meilleur des mondes d’Aldous Huxley[5] et Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Les problématiques vertigineuses et effarantes de l’intelligence artificielle ont déjà leur acmé avec Philip K. Dick et le Blade runner qui en découle sous la caméra de Ridley Scott, alors que l’omniscience de la surveillance s’étale dans 1984 de Georges Orwell et dans la série télévisée Black Mirror de Charlie Brooker. Quant à l’épuisement des énergies fossiles, cependant loin d’être d’actualité, elles ont trouvé leurs conséquences désastreuses parmi les Mad Max de George Miller. Faut-il considérer que tous leurs successeurs livresques et filmiques ne sont que des variantes, plus ou moins inventives ?

      Il faut reconnaître à Jean-Pierre Andrevon la méritoire capacité à nous rappeler des dizaines de fictions dystopiques, justement célèbres, parfois un peu oubliées. Le Talon de fer, de Jack London, contant l’oppression de l’« Oligarchie » industrielle écrasant les révoltes socialistes des « troupeaux de carnivores humains », Nous de Zamiatine[6], contant l’oppression mathématique de « L’Etat unitaire », ou des auteurs à redécouvrir, comme José Moselli… Du côté du cinéma Fritz Lang est l’initiateur du genre avec son Metropolis, qui divise la splendide cité en hauteurs dirigeantes et profondeurs esclavagistes. Il faut également penser l’empreinte rouge de la lutte des classes, qui fomente une orwellienne Ferme des animaux humains, l’envahissante intrusion de la « connectivité », la robotisation galopante qui risque de faire de nous des « robots de chair », les théocraties récurrentes, qui renaissent tout armées, en particulier sous le croissant de l’Islam, la « société du spectacle », que les romanciers et cinéastes dévoilent comme un retour des gladiateurs, la menace de la surpopulation et son cortège d’euthanasies, le « temps des guerres atomiques », et « la ville-censure »… La « balade touristique au pays des dystopies », qui fait preuve de l’impressionnante et omnivore culture de l’auteur, n’est-elle qu’un présentoir de cartes postales de fiction ou les prémices de notre devenir ?

      Dommage qu’indigne d’un essayiste l’on trouve une telle énumération : « fascismes, nazisme, maoïsme, mondialisation capitaliste, retour au religieux totalitaire » ! C’est jeter un opprobre immérité sur cette mondialisation capitaliste (une reductio ad hitlerum en somme) qui nourrit cet auteur - et ses lecteurs - à la fois au regard de leur niveau de vie et de la capacité de publier un tel livre…

      Délicieusement fascinante, quoique en même temps affreusement douloureuse, et plus grande que notre finitude qu’elle aurait le mérite de remplacer en beauté et en toute horreur sublime, l’apocalypse n’est pas seulement une tradition religieuse, mais un fantasme laïc ardemment désiré tant il fait froid dans le dos. Ce dont témoigne l’étude de Jean-Paul Engélibert : Fabuler la fin du monde, sous-titrée « La puissance critique des fictions d’apocalypse ».

      Si le discours a bien trop tendance à se mettre au service d’une utopie politique anticapitaliste, il n’en reste pas moins que cet essai a le mérite de faire découvrir des romans oubliés, comme celui de Jean-Baptiste Cousin de Grainville, Le Dernier homme[8], publié en 1805, soit peu après la déception issue de la Révolution française et à l’orée de la Révolution industrielle. Roman dans lequel Omégare est le dernier né d’une longue période de stérilité, qui rencontre une femme splendide. Mais les enfants qu’il aurait d’elle sont destinés à s’entredévorer. Seul l’anéantissement assurera la résurrection, au-delà une régénération laïque impossible, la faute étant à la transgressive invention d’un élixir de jeunesse et de longue vie. Jean-Paul Engélibert  ne néglige pas de brasser une poignée de textes célèbres ou méconnus, qui vont de La Route de l’Américain Cormac McCarthy[9], en passant par L’Homme vertical de l’Italien Davide Longo, jusqu’à Malevil de Robert Merle, dans lesquels une catastrophe a réduit les hommes à errer et s’entredéchirer. Quant à The Leftovers, c’est une série télévisée, où s’évapore une partie de la population et se manifeste une secte apoclyptique : troubles psychiques et violences s’ensuivent. Ou encore la trilogie MaddAdam de Margaret Atwood[10]. Réparer et repeupler un monde où les « plèbezones » sont pleines de déchets est le souci des survivants, alors que les Jardiniers de Dieu forment une secte écologique radicale. Trois espèces para-humaines, dont des cochons, parviendront à se côtoyer en paix ; ainsi l’apologue de l’auteur de La Servante écarlate se veut parlant et moralisateur. Mais à réapprendre à lire et écrire, retrouvera-t-on les lois, l’Histoire, dont celles des guerres ?

 

 

      Série d’animation japonaise, Ghost in the shell, postule un avenir fait d’êtres humains augmentés et de cyborgs, où le nouveau statut du corps induit une nouvelle humanité. Ce n’est qu’une des ramifications de l’effondrement des civilisations. Il faut en ce sens « prévenir la fin des temps », quoiqu’il n’y ait « rien à sauver du passé », prétend l’essayiste. Jean-Paul Engélibert apprécie de « rompre avec l’ère du calcul qui fait de la valeur d’échange la mesure de toute chose » ; et ce sont là quelques-unes des thèses qu’il retient à la lecture de ces fictions qui nourrissent la peur et le désir d’apocalypses. Pour reprendre son titre avec ironie, voilà un philosopheur qui fabule.

      Le progrès, donc « l’anthropocène » et le « capitalocène » selon l’essayiste, signent la fin de l’humanité. C’est imposer un raisonnement à des auteurs pas toujours complices. Et vouloir recaser en sous-main l’espérance communiste en guise de nécessité : « l’utopie du commun », reprend-il par euphémisme. Certes, en cas de catastrophe l’entraide est nécessaire, mais atteindre l’indépendance et la liberté n’est-il pas le but idéal ? Il s’agit, l’avoue notre essayiste adepte de la « servitude volontaire » que dénonçait La Boétie, de « fabuler la sortie de la modernité […] rompre le lien à la technique » ; car « la table rase est le seuil de l’utopie ». Ne doit-on ouvrir les yeux sur la dangerosité d’une telle philosophie terroriste, et totalitaire in fine ?

      Le dix-neuvième siècle, volontiers scientiste, croyait au progrès. Le vingtième siècle en a vu à la fois l’incroyable perfectionnement au service de l’humanité, autant que les dérives nucléaires ou chimiques, par bombes atomiques et surpollutions interposées. Au point que notre vingt et unième siècle fasse de chaque jour nouveau un jour de science-fiction. Pire ou meilleur ? Il serait bon en effet les progrès scientifiques soient aux petits soins autant pour les hommes que pour la planète. A condition que les politiques  écologistes ne les entravent pas par la religiosité de leurs tyrannies étatistes et idéologiques[11]. Tant « les idées totalitaires ont pénétré partout la mentalité des intellectuels[12] », comme l’écrivait George Orwell. Qui sait si une nouvelle science-fiction, une nouvelle sagesse, sauront nous éclairer, ou nous tromper. Car, le savait déjà en 1830 Samuel Taylor Coleridge, « En politique, ce qui commence par la peur, s’achève souvent par la folie[13] ».

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] H. G. Wells : Quand le dormeur s’éveillera, Mercure de France, 1905.

[4] Louis-Sébastien Mercier : L’An 2440, France Adel, 1977.

[8] Jean-Baptiste Cousin de Grainville : Le Dernier homme, Payot, 2010.

[10] Margaret Atwood : MaddAdam, Robert Laffont, 2014.

[12] George Orwell : Lettre à Francis A. Henson, 6 juin 1949.

[13] Samuel Taylor Coleridge : Propos de table, 2018, p 37.

 

 

Photo : T. Guinhut.

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3 juin 2020 3 03 /06 /juin /2020 15:23

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

La science-fiction dystopique de Karel Čapek,

ou la menace totalitaire :

R.U.R. La Fabrique d’absolu

& La Guerre des salamandres.

 

 

 

Karel Čapek : R.U.R., traduit du tchèque par Jean Rubes et alii,

Editions de l’Aube, 1997, 288 p, 149 F.

 

Karel Čapek : La Fabrique d’absolu,

traduit du tchèque par Jean Banes, Ibolya Virag, 1998, 224 p, 15 €.

 

Karel Čapek : La Guerre des salamandres,

traduit du tchèque par Claudia Ancelot, La Baconnière, 2012, 320 p, 18 €.

 

 

      Les mots sont des inventions, qui parfois, comme les robots, échappent à leur créateur. L’on ignore trop souvent que l’écrivain tchèque Karel Čapek (1890-1938) inventa en 1920 le mot « robot », dans une pièce intitulée R.U.R. un acronyme de Rossum's Universal Robots, selon le sous-titre en anglais, et en tchèque Rossumovi Univerzální Roboti. Quoique ce soit son frère qui l’ait imaginé, depuis « rob » signifiant esclave, c’est indubitablement le dramaturge et écrivain qui est à l’origine de sa fortune universelle. Il ne s’agit cependant pas là du seul prodige de la science-fiction créée par un Karel Čapek qui n’eut pas besoin d’aller chercher ses extraterrestres au-delà de la terre, car il sut se renouveler avec de mémorables romans, comme La Guerre des salamandres et La Fabrique d’absolu, romans vigoureusement dystopiques et antitotalitaires.

 

      Aussi curieux que cela puisse paraître, cette œuvre iconique de la science-fiction est une pièce de théâtre, genre qui n’en est guère coutumier : il s’agit d’un « drame collectif en un prologue de comédie en trois actes ». Dans un futur imprécisé et sur une île - « patrie même de l’utopie[1] » selon Georges Gusdorf - Harry Domin (au nom programmatique) est directeur d’une usine de fabrication de robots R.U.R. qui en a déjà fabriqué plus de trois-cent mille. Car « un robot a exactement la productivité de deux ouvriers et demi ». C’est ainsi qu’il fait visiter en partie son usine à la jeune et belle Hélène, fille du président Glory et « représentante de la Ligue de l’Humanité ».

      Aujourd'hui l’on parlerait d'androïdes, voire de clones. Ces machines biologiques présentent une apparence humaine parfaite. Cependant les robots « ont une étonnante intelligence rationnelle mais ils n’ont pas d’âme », donc sont dénuées de sensibilité et de sentiments. Aussi Hélène, révoltée, aimerait qu’ils puissent être « plus heureux ». Alors qu’elle vient avec le projet de les libérer, conquise par ce monde et les ingénieurs qui la courtisent, elle reste dix ans. Pendant lesquels la révolte des ouvriers contre les robots a été matée par ces derniers. Mais il se pourrait qu’après une décennie de bons et loyaux services, la conscience de leur esclavage les conduise à leur tour à la révolte : « l’organisation universelle des robots » déclare « l’homme ennemi numéro un ». Même Harry Domin doit tirer la morale de son entreprise : « Si tu transformes des pierres en hommes, demain nous serons lapidés », comme par allusion au mythe de Deucalion qui changea les pierres en hommes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Ecoutons le message totalitaire de Radius, l’un des émeutiers : « Il faut que les robots aient leur espace vital », où l’on reconnait un slogan qui fera florès avec le nazisme. C’est bientôt chose faite et la leçon d’Histoire est d’une efficacité redoutable : « Il faut tuer et régner pour être comme les hommes ». Au troisième acte, une Hélène robotique, nouvel écho de celle d’Homère, a remplacé la précédente, quand l’humanité a été éradiquée. Au point que le secret de la fabrication de ceux qui voudraient se multiplier encore soit exigé de l’ingénieur Alquist désemparé : « Pas la moindre trace, rien sur la fabrication des robots ! Ça ne sert à rien ! Les livres sont muets comme tout ici. Ils sont morts, en même temps que les gens ». Deux robots deviennent « le premier couple qui a inventé l'amour », nouvel « Adam » et nouvelle « Eve ». L’humanité, réduite à Alquist, le dernier homme, leur transmet la responsabilité du monde. L’on a compris l’habile dimension mythique qui innerve le drame futuriste.

      Bourré jusqu’à la gueule de bruit et de fureur, de questionnements éthiques et métaphysiques, R.U.R est une réussite indéniable, une tonitruante tragédie shakespearienne. Mais aussi un cas d’école, certes discutable, à l’adresse de ceux qui n’étaient pas encore les artisans du transhumanisme, de la robotique et de l’Intelligence Artificielle[2] qui se développe aujourd’hui. Car rien ne prouve que ce modèle, inspiré par la peur, trouverait sa réalisation dans un futur encore à naître.

      Grâce au coup de maître inaugural de Karel Čapek, les robots allaient devenir un passage obligé, un topos de la science-fiction, jusqu’au cycle d’Asimov, Le Grand Livre des Robots[3], à partir de 1950. Voici, énoncés par ce dernier, les trois lois fondamentales : « Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, restant passif, laisser cet être humain exposé au danger. » ; « Un robot doit obéir aux ordres donnés par les êtres humains, sauf si de tels ordres sont en contradiction avec la Première Loi. » ; « Un robot doit protéger son existence dans la mesure où cette protection n'entre pas en contradiction avec la Première ou la Deuxième Loi ». À l’heure où les robots pullulent, les Intelligences Artificielles nous cernent, le transhumanisme est au menu du développement humain, qui sait si ces lois sont de rigueur ou dangereusement obsolètes ?

      La science-fiction de Karel Čapek est à la fois faussement ou justement prémonitoire, apocalyptique et anti-utopique, ou dyschronique. Sans guère de doute, et aux côtés de la dimension scientifique, l’on peut lire R.U.R. comme une satire anticommuniste, étant donné la communauté collectiviste formé par les robots. En effet Karel Čapek publia en 1924 un article intitulé « Pourquoi je ne suis pas communiste ». Ce qui lui valut d’ailleurs d’être mis à l’index dans les pays de l’Est de l’après-guerre…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      L’on ne saurait assez conseiller ce volume publié aux éditions de l’Aube, quoiqu’il soit épuisé. Outre R.U.R, il est permis d’y lire deux autres pièces, La Maladie blanche et surtout Le Dossier Makropoulos. Dans la première, une pandémie venue de Chine, « la maladie de Tcheng », dispense une lèpre terrible que personne ne guérit. Sauf le docteur Galen, aux méthodes peu orthodoxes et secrètes, qui ne donnera pas son traitement aux « souverains et chefs d’Etats de la planète […] tant qu’ils n’auront pas promis de ne plus jamais faire la guerre », et qui refuse de traiter les riches ! Quant à Sigelius, le chef de la clinique, il réagit vertement, renvoyant Galen et sa « peste pacifiste », malgré l’indéniable réussite thérapeutique. Il préfère proposer au grand producteur de matériel de guerre, Krüg, bientôt lui aussi atteint, l’isolement des lépreux : « Tout malade chez qui se déclarera la tache blanche sera interné dans un camp surveillé ». Entre le suicide de Krüg, la « tache blanche du Maréchal », qui se nomme lui-même « Son Excellence la Mort » et doit « mourir selon toutes les règles scientifiques », et un peuple fanatisé par la guerre, la « paix universelle » attendra, bien après la consommation de la tragédie. Dénonçant un totalitarisme en gestation, l’apologue satirique grinçant un rien burlesque, tant le Maréchal est un lointain cousin du Père Ubu d’Alfred Jarry, n’est sans faire penser aux actuels conflits d’intérêts et de personnalités autour d’un traitement du coronavirus, venu lui aussi de Chine[4]

      Quant à la seconde pièce, elle a son héroïne. Emilia Marty, cantatrice adulée, « inculpée d’escroquerie et d’usage de faux à des fins lucratives », se révèle être Elina Makropoulos, qui a le bonheur de bénéficier d’un élixir de vie : elle atteint, en toute jeunesse, l’âge estimable de 337 ans. Sauf qu’ennuyée de la vie, elle fait preuve de froideur et de cynisme. Le fameux « dossier », contenant le secret de trois cents ans de jeunesse, donné à Krista, plus jeune chanteuse, finira en cendres sous les doigts de cette dernière, qui refuse l’outrage temporel. La veine fantastique a provisoirement remplacée la science-fiction, en cette pièce qui a été rendue célèbre grâce à un brillant opéra de Leos Janacek, créé en 1926. Loin d’exalter cette aspiration à l’immortalité, le compositeur, lui-même âgé de 71 ans, en fait une méditation sur la nécessité de la mort et sur la vanité humaine.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      De la même manière que R.U.R, aussi abruptement et efficacement, La Fabrique d’Absolu, cette fois un roman publié en 1922, commence par la découverte d’un carburateur novateur capable de briser les atomes de charbon et de multiplier l’énergie, soit « la transformation de l’énergie des électrons en travail ». Le procédé inventé par l’ingénieur Maret, fort peu coûteux, fait la joie et la fortune de l’industriel G-H. Bondy, précédemment dévasté par « la crise charbonnière […] l’épuisement des gisements miniers ». Sauf qu’un étrange phénomène contamine celui qui l’approche : « Tu brûles un atome et tu as tout à coup ta cave pleine de Dieu, pleine d’Absolu ». La matière libère ainsi l’essence divine qu’elle est censée contenir, comme le prétendent Spinoza et Leibnitz. Maret lui-même a commencé à « prophétiser et faire des miracles » avant de s’extirper in extrémis de cette influence délétère ; il en conclue : « c’est le mal déchaîné ».

      Le succès considérable, les commandes et les ventes, tout va pour le mieux pour Bondy. Mais les mineurs sont au chômage. Et, commercialisés, les carburateurs diffusent l’esprit christique, contaminent leurs heureux possesseurs au moyen d’une mystique extase, permettent au travail, manuel ou industriel, de se faire tout seul, de guérir la tuberculose, maos également de pratiquer la lévitation, y compris les gendarmes qui s’élèvent de manière burlesque. Un manège à chevaux de bois atomique flotte au-dessus de la terre et diffuse des hymnes d’actions de grâce. Même le ministère de la guerre en vient à prôner « la paix perpétuelle ». Pourtant l’« épidémie de religiosité » n’est pas reconnue par l’église officielle qui se sent flouée. Que l’on soit membre du conseil d’administration de la « SOMETA », qui fabrique les prodiges énergétiques, ou banquier, l’on prône l’amour des pauvres, distribuant l’argent à flots ; chrétien ou juif l’on est touché par la foi : c’est « comme si on allait mourir de bonheur et d’amour » ! Quant à Hélène (toujours ce prénom symbolique), elle aussi contaminée, elle parvient sans peine à lire les pensées de Bondy, qui, prudent, sachant se préserver, reste lucide et cynique devant ce flot de religiosité.

      Cependant les conséquences vont de bien en pis : l’énergie « devint l’Ouvrier infini ». Aussi la surproduction pléthorique, encombrante, des clous, du drap ou de n’importe quels objets, jusqu’aux billets de banques, rend les ouvriers inutiles, entraîne la chute des cours de la bourse. Et « les usines sans Absolu arrêtent la production », quand d’autres, ayant tout distribué, se retrouvent démunis. L’inflation côtoie la catastrophe industrielle, la pléthore de produits s’adosse à la famine urbaine, ce qui permet de constater néanmoins : « les lois économiques sont plus fortes que les lois divines ». Heureusement préservé des carburateurs, seul « le paysan ne fit don de rien ».

      Chaque sphère de pouvoir, chaque secte, chaque idéologie se dispute l’Absolu, depuis les églises jusqu’à la Libre Pensée, depuis la meurtrière « insurrection islamique » jusqu’à l’Union soviétique qui décide de mettre au point un « Culte ouvrier de l’Absolu » !

      Ira-t-on là encore jusqu’au conflit mondial ? Car guerres civiles et religieuses fleurissent, l’on commet des destructions de générateurs d’Absolu, qui savent se défendre et attaquer avec une puissance colossale. Le conflit devient aussi terrible que grandguignolesque.

      Ce roman jubilatoire, que l’on lira avec entrain et une ironie amusée, annonce conjointement avec George Herbert Wells, dans La Destruction libératrice[5] publié en 1914, l’invention de l’énergie atomique. Notre écrivain tchèque prévoit une fois de plus les catastrophes engendrées par une hubris industrielle sans frein. Mais il laisse de toute évidence une large place à la satire des élans divins, ainsi que de l’intégrisme religieux, sans oublier « le communisme mystique ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      C’est sagement que commence le récit de cette Guerre des salamandres, comme un roman maritime à la Joseph Conrad, avec un capitaine haut en couleurs et en jurons. Jusqu’à ce qu’il découvre d’étranges salamandres à la taille et aux qualités presque humaines. Parmi les îles du Pacifique, une population a échappé à l’extinction et, grâce à la clairvoyance et aux couteaux fournis par le capitaine Van Toch, ils se protègent des requins et deviennent d’habiles pêcheur de perles, alimentant un commerce fructueux. Leur capacité de construction sous-marine permet au navigateur et commercial de s’allier à l’homme d’affaire Bondy, personnage récurrent déjà présent dans La Fabrique d’Absolu, et d’envisager l’exploitation et l’exportation de ce peuple. Comme en ce précédent opus, la satire de l’impérialisme d’un capitalisme prédateur et monopolistique fait long feu.

      Bientôt, le roman prend une dimension encyclopédique, lorsque les mœurs, « l’illusion érotique », l’intelligence de ces animaux capables de parler, de fonder des sociétés « collectivistes » qui n’ont rien à envier à celles des tyrans, sont exposées. L’on y trouve des rapports de savants sur l’évolution des espèces, mais aussi la satire du microcosme scientifique et politique, sans compter celle, corrosive, des milieux du cinéma et de la presse, des mécanismes commerciaux et entrepreneuriaux. D’abord paisibles et travailleurs infatigables, ces animaux presque humains se ressentent peu à peu de leur asservissement. Jusqu’à ce que ces batraciens veuillent étendre leur « espace vital » aux dépens des humains, où l’on reconnaît une fois de plus la rhétorique nazie… L’épopée tourne à la catastrophe mondiale, parmi les races nordiques de salamandres et d’autres plus disgraciées. Si la concurrence puis la guerre sans merci des races n’est pas sans être une allusion aux théories raciales du nazisme, le combat de l’impérialisme animal est digne des Soviétiques, alors que la veulerie humaine imaginant de pactiser avec les salamandres est soumise à l’accusation.

      Qui eût cru que ce livre d’abord si léger et fantasque allait peu à peu devenir un roman total aux frontières des genres, une fable impressionnante où les animaux parlent à l’imitation de ceux de La Fontaine, mais pour balayer l’humanité, mieux encore que ne le savent le faire les hommes ?

      Ecrit en 1935, La Guerre des salamandres est évidemment redevable de la menace du nazisme voisin, au pouvoir depuis 1933, soit trois ans avant le premier viol de la Tchécoslovaquie par les armées d’Hitler, douze ans avant l’imposition du communisme, et trente-trois ans avant l’invasion soviétique consécutive au Printemps de Prague. Ce pourquoi il n’est pas interdit d’apprécier sa dimension prémonitoire. L’Histoire rattrapa notre cher Karel Čapek lorsque les Allemands occupèrent Prague en 1939 : il fut le premier Tchèque que rechercha la Gestapo pour le traîner en camp de concentration. Ce fût son frère que l’on emmena, Karel était déjà mort d’un œdème pulmonaire, sinon de désespoir.

 

      Entre drame technologique et robotique, romans d’aventure aux perspectives scientifiques et dystopiques, à la lisière de Jules Verne et d’un fantastique loufoque, cependant presque crédible, mais aussi de l’orwellienne Ferme des animaux, le Tchèque Carel Čapek, antitotalitaire patenté, apparaît comme un écrivain majeur et trop méconnu. Il est un pionnier de ce qui, au-delà de l’anticipation, devenait en son temps la science-fiction. Il ose avec son bouillon de culture aux salamandres un conte philosophique attrayant et effrayant, en un mot : inoubliable. En quelque sorte prophétique, cet apologue d’une plus vaste portée que le bien plus populaire La Guerre des mondes d’Herbert George Wells, et dont les extraterrestres ne sont pas marins mais martiens, cache une réflexion sur le racisme, un antinazisme subtil, une charge féroce contre les totalitarismes de tous poils et de toutes peaux. Le bonheur de l’humanité aurait pu passer par l’exploitation de robots et d’une espèce mi-humaine mi-salamandre, et par la fabrique de l’absolu. Mais l’utopie, servie par des expériences politiques désastreuses, devient anti-utopie, à la lisière de Zamiatine[6], d’Huxley[7] et d’Orwell[8]. À moins de se demander si la peur, qui régente les achèvements catastrophiques de cette science-fiction, n’est pas, en même temps qu’un avertisseur providentiel, une pusillanimité devant des développements scientifiques qui ont fait et feront progresser le bien-être et la connaissance de l’humanité…

 

Thierry Guinhut

La partie sur La Guerre des salamandres a été publiée dans Le Matricule des Anges, juillet-août 2012

Une vie d'écriture et de photographie

 

Salamandre noire, Tällistock, Gadmental, Suisse.

Photo : T. Guinhut.

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15 janvier 2020 3 15 /01 /janvier /2020 16:25

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Uchronies, perspectives temporelles et politiques

 

chez Robert Silverberg :

 

Roma Aeterna, Shadrak dans la fournaise,

 

L’Homme stochastique.

 

 

 

 

Robert Silverberg : Roma Aeterna, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Jean-Marc Chambon, Pavillon poche, Robert Laffont, 544 p, 11,50 €.

 

Robert Silverberg : Shadrak dans la fournaise, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par Robert Louit, Pavillon poche, Robert Laffont, 496 p, 11 €.

 

Robert Silverberg : L’Homme stochastique, traduit de l’anglais (Etats-Unis)

par René Lathière, Pavillon poche, Robert Laffont, 370 p, 10 €.

 

 

 

 

 

      En 473 le dernier empereur romain dépose son pouvoir aux pieds d’Odoacre, un roi barbare, signant la fin d’un empire millénaire que l’on croyait pérenne. La peste et le petit âge glaciaire du V° siècle achèveront le travail en laminant la population et la civilisation des Césars[1]. Il est permis cependant de rêver. Car sous le clavier de Robert Silverberg une uchronie postule que l’empire romain est toujours vivant. Et non seulement les empires, mais les hommes, singulièrement leurs tyrans, comme Shadrak dans la fournaise, visent l’éternité. Or en toute logique, le futur peut être définitivement établi par L’Homme stochastique. Si l’inventivité temporelle ahurissante de la science-fiction et ses perspectives philosophiques affolantes devaient être prouvées, Robert Silverberg y suffirait à lui seul.

 

      Ce n’est qu’un jalon de Roma Aeterna : nous sommes en l’an 1203 de l’histoire romaine, soit 450 de notre ère chrétienne, et, si les Barbares menacent, ils sont bientôt repoussés et vaincus : « Les guerres nordiques de Maximilianus III se soldèrent par un franc succès. Rome n’aurait plus jamais à se soucier d’invasions barbares à l’avenir ». Il en est de même en 1365, alors que l’Histoire réelle a définitivement signé l’éradication du monde de Virgile et Cicéron. Le monde fonctionne toujours ainsi en 2723, quoiqu’il s’agisse d’une « Seconde république ».

      Organisé en une dizaine de séquences par son démiurge, Rober Silverberg, Roma Aeterna égrène de siècle en siècle ses personnages, le plus souvent dans les cercles du pouvoir, dressant de saisissants tableaux. Alors que meurt le vieil empereur, que son successeur parait incompétent, un opportun accident de chasse élimine ce dernier, au bénéfice d’un autre Maximilianus, qui préfère pourtant visiter les bas-fonds de l’Urbs avec un ambassadeur grec : ce sont des commerces de pharmacopées animales étranges, des orgies dans le temple de Priape, un devin particulièrement sagace quant au destin de l’Empire. Ce successeur, d’ailleurs, réussira bientôt à conquérir le nouveau monde, « au-delà des colonnes d’Hercule », soit au loin du détroit de Gibraltar.

      Prospérités et accidents de l’Histoire, comme « le règne de la Terreur », jalonnent le vaste récit, sans affecter réellement Rome. Néanmoins, en 2723, alors qu’affluent en Egypte les « touristes romains ou nippons », un érudit prétend achever un manuscrit relatant « la chute de l’empire romain » (selon le procédé d’interversion dans Le Maître du Haut Château par Philip K. Dick[2]). Cette réincarnation d’Edward Gibbon se voit contraint de rédiger un nouvel « Exode », car un certain « Moshe » a l’ambition de réussir là où les Juifs noyés en Mer rouge ont échoué des millénaires plus tôt. Il fomente la projection de son peuple vers « le nouvel éden qui nous attend sur une autre planète », au moyen de l’« Exodus », allusion transparente au navire qui emmena tant de Juifs vers la terre promise de Palestine, donc Israël, en 1947, tel que le conte  le romancier Leon Uris[3]

      Le plus remarquable héros de cette Roma Aeterna est peut-être le frère de sang de l’empereur Julianus, Horatius, exilé pour expier ses « regrettables péchés » en « Arabia Deserta ». Il y découvre la fournaise de la laide « Macoraba », alias La Mecque. Un riche marchand, nommé « Mahmud », intrigue et fascine par son charisme, prétendant qu’existe un dieu unique, au contraire du polythéisme romain, prêchant l’union des « guerriers d’Allah à travers le monde, incendiant le cœur des hommes avec la nouvelle croyance ». Comment retrouver les grâces de l’empereur, sinon en supprimant un tel danger pour Rome ?

      Pas de christianisme, comme dans Ponce Pilate, le roman de Roger Caillois[4], dans lequel le gouverneur romain gracie Jésus ; pas d’Islam, mais un polythéisme tolérant et divers. L’on se doute que les destinées du monde en eussent été diamétralement changées : moins de béatitudes, mais aussi moins de fanatiques tyrannies, malgré le joug romain. C’est avec un sens du récit dramatique et coloré que le romancier excite l’imagination, le vertige temporel, du lecteur qui se prend à douter de tout déterminisme historique, de toute théodicée leibnitzienne.

      À l’instar de Philip K. Dick ou Philip Roth, qui s’attaquent aux hitlériennes révisions temporelles et géographiques[5], Robert Silverberg est un maître virtuose de l’uchronie. Son impressionnante fresque romaine, parue en 2003, qui témoigne d’un solide travail documentaire et d’une subtile capacité d’user de riches allusions culturelles, dans le cadre de ce que l’on pourrait appeler un roman post-historique, est un univers à soi seul, grâce auquel le romancier se fait le redoutable concurrent alternatif de l’Historien, comme en une anticipatrice archéologie.

 

      Dès lors, l’on n’a qu’une envie : se plonger parmi les pages de Shadrak dans la fournaise. Après une éruption volcanique cataclysmique en 1991, suivie de pléthores de guerres, la planète entière plie sous le joug de « Gengis II Mao IV Khan », qui prétend conserver la jeunesse éternelle. Son nom triplice est évidemment une coagulation des plus fameux et horrifiques tyrans de l’Histoire de l’humanité. De Gengis Khan à Mao Tse Toung, la filiation des millions de morts asiatiques et évidente, sauf si l’on pointe l’ajout cosmétique d’une idéologie marxiste, tandis que le rejet du mot « Khan » à la fin de l’honorifique appellation glisse aux lisières des Mongols et des Islamistes.

      En Oulan Bator, capitale du monde reconstruit, nous sommes en 2012, soit une bonne trentaine d’années dans l’avenir, puisque le roman fut originellement publié en 1976. Le vieux Khan, potentat mondial chapeautant les représentations locales du « Comité révolutionnaire permanent », doit subir une énième greffe du foie, sous la surveillance experte et cependant inquiète du Docteur Shadrak Mordecai, héros éponyme et Noir américain aux techniques savamment folles, tellement indispensable au Khan que ce dernier songer à le nommer Pape. Se résoudra-t-il à transférer la personnalité du vieillard de quatre-vingt-douze ans dans un jeune corps, comme le postule le projet « Avatar » ? Mieux, le jeune corps serait celui de Mangu, « héritier présomptif » et charmant « substitut du président en public ». L’on se doute cependant qu’un corps rajeuni ne suffirait pas à inverser le cours de la sénilité mentale, d’où le suspens, médical autant qu’impérial.

      À l’intrigue scientifique et politique s’ajoute la liaison amoureuse de Shadrak avec Nikki Crowfoot, qui est à la tête d’« Avatar », et leur visite chez un « transtemporaliste ». À l’aide d’une « chronodrogue », il s’évade dans le passé, vers « la nuit du Cotopaxi », lors de laquelle un volcan géant a explosé, embrasant la terre de feux et de révolutions, sans oublier la fuite d’un virus depuis une usine bactériologique, entraînant « le pourrissement organique ». Nous étions à deux doigts de l’apocalypse et de l’extinction de l’humanité[6]

      Le problème moral n’est pas sans effleurer ce Shadrak qui a l’élégance de collectionner les livres et instruments médicaux anciens : servir un dictateur peut-il se soutenir ? Le serment d’Hippocrate excuse-t-il la servitude politique ? À moins que ce soit « lui ou le chaos ». L’on devine que la surveillance est plus qu’orwellienne, en une société totalitaire abominablement cohérente forgée avec sûreté par l’écrivain : les conspirateurs sont en conséquence envoyés aux « fermes d’organes ». Qu’importe si les arrestations torturent des innocents, tant que le pouvoir assied fermement son autorité, d’autant que Mangu est jeté du haut d’un immeuble. Attentat ou suicide ? Le sommet de l’empire vacillerait-il ? À moins qu’il ne s’agisse que d’un épiphénomène et que Shadrak soit à son tour destiné à être jeté « dans la fournaise » du projet « Avatar »…

      Ne reste plus qu’à basculer de Nikki à Katya, qu’à jouer contre la montre en prenant le temps dans l’espace, en voyageant, de Jérusalem à San Francisco, en passant par Rome.  Là où les vestiges du passé côtoient des populations frappées par la « tragédie du pourrissement organique », le voyage est une archéologie. Et d’accoucher du projet qui permettra à « Shadrak le guérisseur » de contrôler le cerveau du Khan, sa vie et sa mort…

      Là encore, l’écriture de Robert Silverberg est aussi précise que vigoureusement colorée, sensuelle et cruelle, ouvrant les pores de la pensée à profusion : « il est aussi amoureux de la mort, cette fin qu’il recule sans cesse et qui l’obsède, comme l’orgasme obsède l’homme qui s’échine à le différer ». Aussi l’écrivain invente-t-il « le pavillon de l’onirimort », où s’affichent les ornements et les cérémonies de l’Egypte antique, où Shadrak « tangue au vent eschatologique ». De même, chez les « transtemporalistes », un personnage, évacué des hautes sphères du régime, est « témoin des miracles » du Christ.  Une fois de plus, en ce beau roman, dont la chute est un habile retournement de situation et un message d’espoir sanitaire et politique, les strates des civilisations peuplent les univers du romancier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      De prime abord, plus contemporain et plus réaliste est L’Homme stochastique, paru en 1975 et qui se projette un quart de siècle en avant. Lew Nichols est un prévisionniste américain qui travaille pour nombre d’entreprises. Il préfère les quitter pour assister un obscur député, cependant charismatique et qu’il devine pouvoir être le prochain Président des Etats-Unis. Paul Quin devient d’abord maire de New-York, « une arène offerte à toutes les haines ethniques et raciales accumulées depuis trois mille ans », auprès de laquelle la statue de la Liberté est en ruines, accumulant cependant de beaux succès.

     Si Lew Nichols est à son service c’est pour mieux le contrôler : « il était mon alter ego, mon bouclier, celui qui allait tirer les marrons du feu, mon pantin, mon homme de paille. Je voulais gouverner, je voulais le pouvoir ». Jusque-là rien de bouleversant. Mais il est un expert de la stochastique, soit l’analyse des faits au service de la connaissance des lendemains, de façon à « bâtir l’Histoire ». Mieux - ou pire - la rencontre du bizarre Carvajal, richissime petit bonhomme d’apparence médiocre, va le propulser vers une connaissance de l’avenir autrement plus efficace. Son mentor prétend n’obéir qu’au futur dont il a une vision imparable. Et qu’il s’agisse de la progression ou des anicroches à la carrière de Paul Quin qui, ce faisant, progresse avec sûreté, des gains de ses spéculations boursières, de son divorce avec la belle Sundara qui préfère rejoindre les « Transitistes » (des sortes de bouddhistes prônant l’absolu détachement), tout lui est dicté par Carvajal puisqu’il sait ce que commande l’avenir ! Le vieil homme au don surnaturel, qui de multiples fois a vu sa mort, s’efforce de transmettre son sens de l’anticipation absolue, quoique partielle, au d’abord plus réaliste Lew Nichols, interprète des tendances et non prophète ; ce pourquoi il s’agit plus de fantastique que de science-fiction.

      Il n’en reste pas moins qu’un abîme philosophique s’ouvre sous nos pas. Si un avenir inexorable nie toute relation de cause à effet, que reste-t-il du libre arbitre ? N’y a-t-il pas une « terreur existentielle » à penser que le futur est un « registre déjà imprimé » ? Plus rien ne permettra alors de « bâtir son propre destin », sinon la passivité devant des faits qui doivent et vont s’accomplir, comme le craint tant Paul Quin… Autre inquiétude, qui rejoint la dimension de l’anti-utopie : si Paul Quin devenait « le prochain führer, le duce de demain » ? Peu à peu le don de « vision » est intégralement transmis à Lew, au point qu’il puisse répandre auprès de quelques élus « l’évangile post-stochastique », avant de permettre à l’homme de se hisser « au rang des dieux »…

      Robert Silverberg, auteur de science-fiction américain fameux, né à New-York en 1935, fut à juste titre bardé de prix, dont le titre de « Grand maître de la science-fiction » en 2004. Dès 1978, il occupait une soixantaine de références dans l’index de l’Encyclopédie de la science-fiction préfacée par Isaac Asimov[7]. Sa trilogie, écrite à partir de 1980, Le Cycle de Majipoor, dont le premier volet parmi huit, Le Château de Lord Valentin, est son titre-phare pour ses lecteurs passionnés jusqu’à l’adulation. Plus charpenté de fantasy que de science-fiction (ce pourquoi l’on parle de science-fantasy), il transporte les terriens sur la vaste planète « Majipoor », dont la colonisation, rencontrant la résistance des « Piurivars » ou « Métamorphes », passe par une guerre victorieuse, quoique provisoirement, alors qu’une flopée d’extraterrestres intervient dans le destin du nouvel empire, auquel il faut imaginer un système politique implacable, sous la forme d’une royauté bicéphale. Le « Pontife », nanti du pouvoir législatif, siège dans un labyrinthe fortifié souterrain, quand le « Coronal », main du pouvoir exécutif, préfère le « Mont du Château », métaphore des pouvoirs visible et invisible, voire conscient et inconscient, et parcourt les trois continents. En effet, outre les capacités télépathiques de maints fonctionnaires, le « Roi des Rêves » est, lui, chargé d’une omnisciente surveillance de la rare criminalité et, in fine, des sanctions et châtiments cauchemardesques. C’est au cœur de cet écheveau que Valentin, jongleur aux rêves prémonitoires, devra assumer son destin en la personne de Lord Valentin, véritable « Coronal de Majipoor ». Lira-t-on ce cycle pour vibrer à la quête et aux aventures de Valentin, escorté de créatures tentaculaires et vibrionantes, ou pour en savourer l’invention politique, confortée par l’immense « Registre des Âmes », et concurrente de Machiavel, Hobbes ou George R. R. Martin, l’auteur du Trône de fer[8] ?

 

      D’une certaine manière, l’on peut considérer qu’en dépit d’une production pléthorique, l’essentiel de l’œuvre de Robert Silverberg est bicéphale. Quand le cycle de Majipoor se déploie selon un dessein spatial, les trois romans attachés à Rome, au Khan et à la stochastique interrogent nos perspectives temporelles. Certes ce romancier n’est pas tout à fait à la hauteur des fondateurs en la matière d’anti-utopie que sont Aldous Huxley et George Orwell, mais il en est pour le moins un digne continuateur, capable de variations qui éclairent la psyché de notre temps. Comme l’a montré Jean Clet Martin, dans Logique de la science-fiction. De Hegel à Philippe K. Dick[9], il n’y a pas de bon science-fictionneur, sans qu’il soit un peu philosophe. Maîtriser le temps d’un mortel, allongé jusqu’à une désirable éternité, c’est aussi maîtriser l’Histoire universelle, voire en castrant sa liberté, si la stochastique devient la science exacte du futur. Il faut à cet égard noter combien la science-fiction aime jouer avec les dés de la religiosité et de la politique, fonder et détruire des empires et des dictateurs, des sectes, des religions et des papautés improbables. Elle sait alors se muer en roman philosophique. Il serait bon cependant que pour affronter son Histoire future, autant armée d'Historiens que d'écrivains de science-fiction, l’humanité sache assurer la pérennité des civilisations[10] douées d’une certaine justesse et efficacité.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Roma Aeterna a été publiée

dans Le Matricule des anges, novembre 2019

 

 

Piazza di San Marco, Roma. Photo : T. Guinhut.

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26 décembre 2019 4 26 /12 /décembre /2019 09:29

 

Abbatiale de Saint-Maixent-L’Ecole, Deux-Sèvres.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Philosopher la science-fiction et le cinéma

 

avec Jean-Clet Martin :

 

de Hegel à Philip K. Dick,

 

Ridley Scott et Gilles Deleuze.

 

 

 

 

Jean-Clet Martin : Logique de la science-fiction, de Hegel à Philip K. Dick,

Les Impressions nouvelles, 352 p, 22 €.

 

Jean-Clet Martin : Ridley Scott. Philosophie du monstrueux,

Les Impressions nouvelles, 272 p, 20 €.

 

Jean-Clet Martin : La Philosophie de Gilles Deleuze,

Payot, 368 p, 9,70 €.

 

 

 

 

      Le monolithe noir de 2001 L’Odyssée de l’espace pourrait être fait de lumière. Il irradie depuis la création en direction de multiples possibles. La chose et son essence spéculative n’a pas échappé à Jean-Clet Martin. Aussi lit il pour nous son irradiation science-fictionnelle, depuis Hegel jusqu’à Philip K. Dick. Mais que vient faire Hegel en cette galère, ou plutôt en ce vaisseau spatial ? Aux philosophes confits dans une vision traditionnelle de leur discipline, de Platon à Heidegger, et sacrifiant aux vieux dieux de l’ontologie, Jean-Clet Martin, qui commença sa carrière en exégète de Gilles Deleuze, préfère un pied de nez, un coup de pied dans le lit défait de la sagesse, et s’aventure à plaisir dans les territoires exotiques et dangereusement modernes d’une Logique de la science-fiction et du cinéma de Ridley Scott, le réalisateur de Blade Runner, pour en déduire une Philosophie du monstrueux. Il faut admettre que nous sortons un tantinet époustouflés de ces lectures qui conduisent aux destinées du transhumanisme et de cette intelligence artificielle qui acquiert peut-être une âme.

 

      Revenons à cette « logique » de Hegel ; ce que fait trop allusivement Jean-Clet Martin au début de son étude, quoique l’on parvienne bientôt à l’y deviner. L’impétrant lecteur peut bien s’interroger : que vient faire l’auteur de La Philosophie de l’Histoire, de l’Esthétique, le penseur de la dialectique au service du système des connaissances de son époque, auquel notre essayiste a déjà consacré un sérieux ouvrage[1], avec une science-fiction née un siècle après lui ? Ouvrons le premier volume de l’Encyclopédie des sciences philosophiques, publié en 1817, soit La Science de la logique : « La logique, dans la signification actuelle de philosophie spéculative, prend la place de ce qui était en d’autres temps nommé métaphysique [2]». Là où « l’être pur constitue le commencement [et] Dieu le concept inclusif de toutes les réalités[3] », il faut entendre l’origine de toute fiction spéculative.

      La dimension cosmologique de ce commencement ne fait pas de doute, qu’il soit théologique ou scientifique. Originelle, La Logique prédispose donc à toutes les possibles : « Elle est la carte de ses transformations possibles, de ses régions encore inconnues, à explorer ». Ainsi l’essai de Jean-Clet Martin cartographie son avancée selon le plan de Hegel lui-même : ses trois parties s’appellent « L’être », « L’essence » et « Le concept ». Or, souligne notre essayiste, « la science-fiction exerce sur nous une attraction inévitable, nourrie de métaphysique et de théologie expérimentale », au point que l’on y trouvera « une réécriture possible de la Logique, un goût pour l’absolu qui en constituera comme un terrain d’expérimentation supérieure, une entrée en des aventures fort paradoxales. » En effet, de Wells à Philip K. Dick, en passant par Asimov ou Van Vogt, cette littérature regorge de fondations de civilisations, de planètes vierges ou étrangement habitées à coloniser, de galaxies à explorer, sans oublier des structures religieuses et politiques parfois inouïes.

      Allégorique est pour Jean-Clet Martin, le parallélépipède originel de 2001 L’Odyssée de l’espace, aride et vierge, « sans aucune priorité chronologique », d’autant qu’il réapparait à la fin du film, et auprès duquel un singe lance un bâton, premier outil et première arme, qui devient en son envol un vaisseau spatial, vaisseau « encyclopédique des sciences », pour reprendre Hegel. Son « approche imaginative de Hegel » est faite de prospections, comme La Phénoménologie de l’esprit est une Histoire de l’humanité à partir d’un ex nihilo fondateur et en passant par la naissance de Dieu. En ce sens le devenir hégélien est le fil rouge de la science-fiction. Or les personnages du film de Stanley Kubrick, mais également ceux du livre de Clarke[4], oscillent sans cesse entre le néant et l’être, entre le vide spatial et l’éloignement de la terre, parfois invisible, entre la solidité de la planète originelle et celle du vaisseau dont l’ordinateur portant fait des siennes, menaçant de renvoyer au néant les astronautes.

    Cependant, dans Ubik, de Philip K. Dick, les morts ne sont pas tout à fait morts, suspendus dans un entretemps, entre le fini et l’infini. Il n’est pas étonnant que Jean-Clet Martin pense à cet égard au personnage de Néo, dans Matrix, le film de Lana et Lilly Wachowski, au moment de quitter la « matrice » et son monde programmé pour faire le saut dans l’inconnu du chaos, quoique cette dernière contienne un algorithme viral à cet effet. Autre rapprochement : Le Cycle de Fondation d’Isaac Asimov peut être compris comme un succédané de l’hégélienne Philosophie de l’Histoire, dont la téléologie anime par ailleurs cette propension des auteurs de science-fiction à composer des cycles, comme Van Vogt avec son Cycle du non-A, Frank Herbert avec Dune et Dan Simmons celui d’Hypérion, tous opus aux milliers de pages. Car ce genre a pour espace-opera tout ce qui va des quanta et des atomes aux plus vastes galaxies cheminant dans l’univers en expansion, l’œuvre empruntant alors le mouvement immense de son objet ; sans compter l’expansion de ses empires politiques et leurs belligérances continues. Mieux - ou pire - l’hyperespace se conjugue avec un trou noir temporel : au-delà de La Machine à explorer le temps de Wells, voguent Les Vaisseaux du temps de Stephen Baxter où l’on circule « transversalement entre les versions potentielles de l’Histoire ». Hegel parlait à cet égard des choses qui peuvent être et simultanément ne pas être. Les uchronies de Robert Silverberg, comme Roma aeterna ou de Philip K. Dick, comme Le Maître du Haut-Château[5] ne sont pas loin. Un espace non euclidien apparait dans La Maison de la sorcière, un conte de Lovecraft, maison et paysage aux propriétés physiques et gravitationnelles défiant toute explication.

 

 

      Alors que des écrivains de science-fiction n’hésitent pas à faire référence à Hegel, comme Van Vogt, dont Le Cycle du non-A forme une histoire « non-aristotélicienne », la Trilogie divine de Philip K. Dick n’est-elle pas une image d’un Dieu qui est à la fois Essence et Être de tous les possibles ? Ainsi répond Jean-Clet Martin : « La Logique de Hegel n’a d’intérêt que pour un lecteur qui saurait lire son déroulé dans la clarté d’un triptyque parfaitement intuitif en y réintroduisant le tour fictif d’une science qui pourrait rendre transparents les différents volets et les recouvrir l’un par l’autre sans les occulter ».

      Lorsque l’Être s’extrait du néant, le film de Christopher Nollan, Interstellar, louvoie entre trou noir et lumière, comme dans une chambre photographique. Ainsi la naissance et le déploiement d’une cosmogonie parcourt de manière obsessionnelle l’univers de la science-fiction. Une apparition lumineuse, « le spectre de son fondateur », ponctue sans cesse Le Cycle de Fondation d’Asimov. Dans lequel le personnage de Seldon est à l’origine d’une encyclopédie, comme le fut Hegel avec son Encyclopédie des sciences philosophiques. Cependant, l’identité voit son essence mise à mal, une différence polymorphe démultipliant les personnages.

      Reste que fondamentalement Philip K. Dick est le suprême maître hégélien, dont Le Maître du Haut Château ressortit d’une autre logique, opposée à la doxa, grâce à laquelle les Etats-Unis ont été envahis par l’Allemagne nazie et le Japon, là où un étrange auteur imagine en son livre circulant sous le manteau que l’Amérique aurait gagné la guerre. L’Histoire aurait plusieurs fleuves possibles, naviguant sur un Temps désarticulé, pour reprendre un autre titre de Philip K. Dick. « La limite virtuel / réel, sa frontière s’abîme, devient poreuse », la paranoïa est « une activation philosophique de systèmes possibles », comme dans La Vérité avant-dernière. La topographie subit le même sort dans Le Monde inverti de Christopher Priest, qui met en scène une cité nomade… Les Fictions de Borges[6], auquel notre essayiste a consacré un ouvrage[7], dont ses « Ruines circulaires », sont à l’affut.

      Des romans où les idées deviennent matière, quoique la réciproque y soit vraie, où l’on rencontre des « chose-esprits », des romans où la mythologie fusionne avec l’univers science-fictionnel, des machines qui deviennent cerveau et accèdent à la capacité de former un jugement, des personnages qui rencontrent leurs descendants du futur, des voyages qui dépassent la vitesse de la lumière, la rupture du principe de causalité, des « tombeaux du temps » qui s’ouvrent dans Hypérion de Dan Simmons ; tout est possible en cette Logique de la science-fiction. Y compris chez Poul Anderson, dont le vaisseau de Tau zéro affronte la contraction de l’univers, en une « intrigue métaphysique » où il est possible de toucher l’absolu…

      La démonstration de Jean-Clet Martin est probante, brillante, usant de nombreuses références issues d’un multivers romanesque hypertechnologique et hyperconceptualiste. Elle sait filer l’arachnéenne toile qui va de l’origine hégélienne aux vaisseaux de l’espace et du temps science-fictionnels. L’écriture de Jean-Clet Martin, virtuose, jonglant avec l’érudition, virevolte à l’intérieur et autour de son sujet. Métaphorique, informée, elle a peu ou prou les défauts de ses qualités : un rien verbeuse, un tout entraînante, elle ne ménage pas son lecteur, qui est censé déjà maîtriser bien des attendus philosophiques, de Platon à Gilles Deleuze, et s’y reconnaître dans la foule d’allusions et d’exemples venus d’auteurs, souvent américains, qui sont des références de la science-fiction, de Frank Herbert à Dan Simmons, le dieu presqu’omniscient inégalé du cycle d’Hypérion. Quoiqu’il ne prétende pas à « une histoire raisonnée » du genre, son balayage centrifuge n’en est pas moins fulgurant.

 

      De manière complémentaire, l’on retrouve le maître des dystopies et autres uchronies, Philip K. Dick lui-même, dans le dernier livre de Jean-Clet Martin : Ridley Scott. Philosophie du monstrueux. L’écrivain n’est-il pas l’auteur, en 1968, du roman Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? Roman réédité sous le titre de Blade Runner quoiqu’il n’apparaisse en rien dans le livre, à la suite du film de Ridley Scott, qui éclaboussa les écrans en 1982. L’histoire du « Blade runner » Rick, chasseur d’androïdes en situation illégale, d’ailleurs prétendument dépourvus d’empathie, se déroule sur une terre qui a été dévastée par une explosion nucléaire, où les animaux ont pratiquement disparus. Aussi le rêve de Rick est de remplacer son mouton électrique par une véritable chèvre. Hélas, cette dernière sera jetée du haut d’une maison par Rachael  qui aimait son androïde éliminé au point de coucher avec lui…

      Ridley Scott en offre une vision plus noire, apocalyptique, qualifiée de « cyberpunk », amplifiant l’inquiétude sur l’humanité des androïdes, « réplicants » qui font fonction d’esclaves en zones dangereuses, mais aussi du personnage principal. Le test « Voight-Kampf », destiné à mesurer le degré d’humanité est mis à mal et au bout du compte l’on arrive à se demander si tout un chacun n’est pas un androïde, ou une « Andréïde », ce dès le roman de Villiers de l’Isle-Adam, L’Eve future, en 1886[8]. Courses poursuites et meurtres agrémentent le film d’action, quoique aux questions d’humanité et de transhumanité technologique, entre eugénisme et clonage, s’ajoutent celle de la quête d’immortalité. Sans oublier la dimension d’anges déchus de ces réplicants aux pupilles rougeâtres dans la nuit, la puissance athlétique de ses femmes évoquant de sublimes machines, quoique plusieurs personnages s’identifient à des animaux. De nombreux films, et des jeux vidéo seront les descendants plus ou moins réplicants de Blade Runner, entre Terminator et Inception. Et maintenant un essai philosophique de Jean-Clet Martin.

      Car si Blade Runner est l’opus iconique de Ridley Scott, ses autres films contribuent avantageusement à cette Philosophie du monstrueux selon Jean-Clet Martin. Ainsi Alien confronte l’humanité en désarroi à une mutation quasi mécanique, les napoléoniens Duellistes se combattent jusqu’à dépasser leurs capacités physiques, comme pour annoncer Gladiator, Thelma et Louise pousse l’agressivité féminine jusqu’à la métamorphose, Prometheus invente un ingénieur issu d’une autre planète et qui offre son corps, son patrimoine génétique, à notre monde pour enfanter un nouveau règne vivant…

      Interrogeant les limites, les transgressions et les métamorphoses technologiques de l’humain, le philosophe se alors veut « chasseur d’androïde ». C’est avec pertinence qu’il le trouve chez Thomas Hobbes, dont le « Léviathan », monstre collectiviste et tyrannique fait de tous les corps de la nation, est également un « spectre fait de molécules ». L’on devine alors que la dimension corporelle poussée au-delà de ses possibilités est débordée par la dimension politique qui en découle. L’avenir de l’humain et de l’humanité horrifiés est en jeu.

      Depuis Métropolis de Fritz Lang, en passant par les possibilités ludiques et constructivistes, voir apocalyptiques, de l’image de synthèse, le cinéma, en particulier celui de Ridley Scott, pourtant maltraité par la critique, traite le corps comme une pâte à modeler, autant physique que conceptuelle. D’autant que le vertige mythique n’effraie pas le cinéaste, du titanesque et homérique combat qui anime Gladiator et Les Duellistes, aux parages cosmiques et démiurgiques d’Alien et de Prometheus ; ce dernier se permettant d’animer dans un couloir chaque particule élémentaire portant la mémoire d’une scène. La violence métaphysique trouve son anima cyberpunk dans les exacerbations technologiques, jusqu’à ce que l’androïde puisse s’assurer d’une nature qui sera celle d’un « automate spirituel », en une prométhéenne transgression insupportable à la tradition humaniste.

      La science-fiction transhumaniste[9], c’est déjà presque maintenant : homme augmenté par la technologie et les exosquelettes, chimères animhumaines… Un nouveau vitalisme déborde les cadres. Contrairement à bien des philosophes traditionnalistes, s’il préfère le posthumanisme au transhumanisme, Jean-Clet Martin ne porte de pas de jugement moral définitif. Il préfère s’intéresser au sublime de ce cinéaste « néoromantique », décrire et pousser à bout les phénomènes et les fantasmes mis en œuvre dans ses films, en particulier le rôle de la technique, destinée à permettre à la nature humaine de se dépasser, jusqu’à leurs implications métaphysiques, comme lorsque David, le héros d’Alien Covenant (cette « œuvre d’art totale », « wagnérienne ») croit en la mission qu’il s’est fixé, « hors de toute programmation, et qui consistera à tuer son créateur, son Dieu ». Ainsi le film « fait tomber la statue de l’Homme et des dieux, quand le cyborg s’enlise sous leur charme et en imite  désir d’éternité ».

      Une petite remarque s’impose, malgré l’immense qualité de l’essai, alors qu’il est question du film 1492 : Christophe Colomb de Ridley Scott : non, l’Eglise ne soutenait en 1492 pas « que la terre est plate » (p 18). Hors quelques farfelus incultes, l’Eglise connaissait avec Aristote, Bède le Vénérable et Saint-Thomas d’Aquin, la rotondité de la terre.

      Oublions cette bévue. Le philosophe se doit, au-delà de débats circonstanciels, qu’ils soient platement politiques ou religieux, de penser une mutation anthropologique sans précédent, brusque, lorsque l’homme-machine, et plus encore la machine-homme, cassent le contrat aristotélicien et adamique. Dans quels univers allons-nous entrer ? Dans quelle liberté, quel rapport au mal ? Dans une apocalypse inédite ? C’est ce que tente de penser Jean-Clet Martin, en un « cogito cybernétique », là où un hologramme, dans Prometheus, est plus qu’un fantôme : « cette image de synthèse, qu’en penser ? Comporte-t-elle une âme ? » Si le lecteur peut parfois se perdre dans les exhalaisons d’une pensée sinueuse, explosive, l’enthousiasme de l’analyse, le sens des correspondances inédites, la capacité à l’ekphasis, c’est-à-dire la description des images filmiques, sans oublier, last but not least, la virtuosité interprétative, sont communicatifs. Même si comparer Ridley Scott à Mary Shelley, Michel-Ange et Wagner est peut-être hyperbolique ; qui sait...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Il y a une cohérence - certes fractale - dans le parcours de notre essayiste esthète. Né en 1958, Jean-Clet Martin, agrégé et docteur en philosophie, avec sa thèse sur Gilles Deleuze (1925-1995), d’abord parue en 1993, est à la tête d’un parcours intellectuel impressionnant. Il fait partie de cette génération pour laquelle la triade Foucault, Deleuze, Derrida est incontournable. Son premier travail, sous l’égide du maître, fut consacré à Gilles Deleuze, tandis que Derrida fut associé à un démantèlement de l’Occident[10]. N’est-il pas ici fidèle à l’orientation de Deleuze qui étendit la main de la philosophie vers le cinéma, au moyen de son Image-temps et son Image-mouvement ? À cet éloignement des philosophies de système totalisant au bénéfice des marges, des différences ?

      La réédition de La Philosophie de Gilles Deleuze, permet un regard rétrospectif sur celui qui trouva son image séminale chez un maître, de façon à pouvoir ensuite parcourir sa propre trajectoire orbitale. Procédant par incandescence de mots clefs - « éthique et esthétique », « empirisme transcendantal » « nomadologie », « multiplicités » - l’essai n’ignore pas le goût de ces marges de la philosophie prisées par Deleuze que sont, outre  le cinéma, les grands textes littéraires, de Marcel Proust à Malcom Lowry, qu’il déplie en son dernier chapitre. Cependant, comme il le rappelle dans son élogieuse et reconnaissante « lettre-préface », Deleuze se veut un philosophe à système, au sens classique, et de l’univocité de l’être, ce qu’il ne s’agit pas condamner, comme le fit Alain Badiou[11], mais d’accompagner par une lecture amicale et didactique : c’est ce à quoi se tient scrupuleusement Jean-Clet Martin, sans omettre la difficulté qui consiste à affronter une écriture souvent à quatre mains, avec Felix Guattari à l’occasion des Mille plateaux, par exemple. Le vitalisme du maître est une affirmation de l’être, de l’immanence et du devenir. Qui trouve son acmé dans l’œuvre d’art, telle que la proposent les dernières pages de Qu’est-ce que la philosophie ? : « L’art n’est pas le chaos, mais une combinaison du chaos qui donne la vision ou sensation, si bien qu’il constitue un chaosmos, comme dit Joyce ». Ou encore : « L’art prend un morceau de chaos dans un cadre, pour former un chaos composé qui devient sensible, ou dont il tire une sensation chaoïde en tant que variété[12] ».

      L’historien de la philosophie, écrivant sur Hume, Spinoza, Nietzsche, puis Foucault et Leibniz, se mue en critique du capitalisme et de la psychanalyse, et surtout en faiseur de concepts, qui sont des systèmes de singularité, comme ceux de « rhizome » et de « déterritorialisation ». Fort peu hégélien, passablement poststructuraliste, essentiellement métaphysicien et immanentiste, Gilles Deleuze est un pluri-esthète, tant à l’égard du peintre Francis Bacon que du romancier Marcel Proust, sans compter les cinéastes, un interprète des signes ; et par-dessus tout, ce sur quoi insiste Jean-Clet Martin, un penseur de la vie et du concret. Il extravague « vers des architectures de pensée extra-philosophiques », au moyen de « constructions en variations ». En effet, « chaque livre de Gilles Deleuze constitue un dispositif où s’entrecroisent différentes composantes sémiotiques, des régimes de signes, d’affects, de percepts très différents selon les concepts qui en tracent la carte et en entrecroisent les variables diagrammatiques, transformationnelles et génératives ». Invitation à la lecture, boite de chemins selon le graveur Escher, l’essai de Jean-Clet Martin est autant un hommage qu’un bouillon de culture spirituel…

 

      Être un docte passionné de philosophie n’empêche en rien de se passionner pour les romans de science-fiction, pour le cinéma d’action combattif et futuriste. Au contraire, surtout s’il est armé des plis deleuziens. Là se joue une enquête sur les possibilités du futur et de l’humain dépassé par ses propres projections mentales et techniques. Le guère passéiste Jean-Clet Martin, qui traversa l'enfer de la philosophie[13] et anime un blog roboratif intitulé avec brillance et humour Strass de la philosophie[14] ne compte pas en rester là. Ce dont témoigne sa page Facebook : « Une année passée entre de nombreux films poursuivant un parcours dans la science-fiction qui s'est concentré non plus seulement autour d'un voyage vers l'Espace, comme dans les débuts du genre, mais entreprend une aventure dans la profondeur de l'image. Une immersion numérique notamment à partir des années quatre-vingts à travers la naissance des jeux vidéo. Je pense qu'il faudrait encore compléter le tableau par un dernier volume centré sur la BD pour déborder « L'image-mouvement » et « L'image-temps » vers « L'image-virtuelle » qui relancera le cycle spectral de l'Esprit. C'est en route pour l'année qui vient ». Voilà bien une sorte d’alien intellectuel dont il faut encourager le travail et qui tend à l’humanité un miroir aussi exaltant qu’inquiétant…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Jean-Clet Martin : Une Intrigue criminelle de la philosophie. Lire La Phénoménologie de l’esprit de Hegel, La Découverte, 2009.

[2] Hegel : La Science de la logique, Vrin, 1979, p 191.

[3] Hegel, ibidem, p 201.

[4] Arthur C. Clarke : 2001L’Odyssée de l’espace, J’ai lu, 2001.

[8] Villiers de l’Isle-Adam : L’Eve future, Charpentier, 1891, p 239.

[11] Alain Badiou : Deleuze, la clameur de l’être, Hachette, 1997.

[12] Gilles Deleuze : Qu’est-ce que la philosophie ? Minuit, 1991, p 193-194.

[13] Voir : Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

[14] http://strassdelaphilosophie.blogspot.com/

 

 

Schönruh, Gerlos, Tirol, Österreich. Photo : T. Guinhut.

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Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com.

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Maladie et métaphore : Wagner, Maï, Zorn

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Sonnets autobiographiques

Sonnets de l'Art poétique

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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