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24 décembre 2016 6 24 /12 /décembre /2016 08:16

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Eloges gourmands

des librairies et des libraires,

jusqu'à leurs lecteurs ;

par Jorge Carrion, Maël Renouard,

Vincent Puente,

Shaun Bythell & Alan Bennett.

 

 

Jorge Carrion : Librairies. Itinéraires d’une passion,

traduit de l’espagnol par Philippe Rabaté, Seuil, 2016, 320 p, 22 €.

 

Vincent Puente : Le Corps des libraires, La Bibliothèque, 2015, 128 p, 12 €.

 

Maël Renouard : Eloge des librairies,

Rivages poche, 2022, 128 p, 7,50 €.

 

Shaun Bythell : Petit traité du lecteur,

traduit de l’anglais (Ecosse), par Laurent Cantagrel, Autrement, 2021, 160 p, 12 €.

 

Alan Bennett : La Reine des lectrices,

traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Pierre Ménard,

Denoël, 2010, 176 p, 12 € ; Folio, 4,40 €.

 

 

 

      Même si nous n’en avons pas conscience, à chaque page, nous voilà en relation plus ou moins lointaine avec une librairie, ancienne, moderne, voire virtuelle. L’essayiste espagnol Jorge Carrion le sait plus que tout autre, puisqu’il sait en faire les « itinéraires d’une passion », d’une quête intemporelle et de tous continents. En un merveilleux capharnaüm, comme parmi les étagères d’un improbable magasin aux livres de la mémoire et du désir, celui qui, né en 1976 à Tarragone, est également l’auteur d’une trilogie romanesque[1] inédite en France, nous prend par la main pour un voyage aux pays du papier ; mais du papier le plus lettré. Cependant, si nous pourrions reproduire l’itinéraire de l’auteur de Librairies, nous voilà réduits à l’impuissance devant Le Corps des libraires de Vincent Puente : jamais nous ne rencontrerons en chair et en os ses libraires. Qu’importe, car c’est pour le plus savoureux des plaisirs : unir le fantasme bibliophilique et le rire. Laissons cependant parler un libraire, Shaun Bythell, qui ne fait pas toujours l'éloge de ses lecteurs ; mais aussi une reine des lectrices...

 

      Toutefois, au premier temps conceptuel de l’introduction de Jorge Carrion, il n’y pas la moindre boutique : le « bouquiniste Mendel » de Stefan Zweig n’a qu’une table de café pour confier sa mémoire des catalogues : « En vérité, Jacob Mendel n’oubliait jamais un titre ou une date. Il connaissait chaque étoile, chaque plante, chaque infusoire, dans l’univers toujours mouvant et changeant de la bibliographie[2] ». Quant aux bibliothécaires de Babel, chez Jorge Luis Borges, ils errent parmi des millions de livres illisibles, parce qu’emplis de la totalité des possibilités combinatoires des lettes de l’alphabet…

      Viennent ensuite « les plus anciennes du monde », comme Bertrand, à Lisbonne, depuis 1732. Puis ces mythiques librairies qui se font éditrices, comme Shakespeare & Company qui, à Paris, promut Ulysse de Joyce. Là, George Whitman déclara que « son grand œuvre était la librairie : toutes ses pièces seraient les chapitres distincts d’un même roman ».

      En toute évidence, ces nids de la pensée que sont les librairies ne peuvent être que « politiques ». Entre Russie, Allemagne et Espagne, elles fomentent l’insurrection ou subissent la censure totalitaire, voire les passions des futurs « génocidaires » et autres « révolutionnaires », qui commirent des succès de librairies et les emplirent de stèles reliées ou brochées déplorant leurs victimes pléthoriques : Hitler, Mao, Lénine, Che Guevara... Alors qu’aujourd’hui « les pays islamiques œuvrent précisément à un système de répression de la lecture », Jorge Carrion ne perd pas l’occasion de rappeler la fatwa qui s’abattit sur Salman Rushdie[3]. D’où « l’importance des librairies indépendantes, comme instruments de la démocratie », selon un libraire de Malaga, si tant est qu’elles puissent être idéologiquement indépendantes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Lieux de passages et de rencontres, tel « Les Colonnes » à Tanger, les librairies s’ouvrent entre Occident et Orient. Elles fascinent jusqu’en Chine, berceau du papier au IIème siècle, et à Tokyo, même si le voyageur reste étranger à leurs idéogrammes. Elles sont le mince couloir d’un petit propriétaire, font partie d’une chaine comme Barnes & Noble, ou se vantent, telle Strand à New-York, « de disposer de deux millions et demi de titres ». Et l’on aime, outre leurs fauteuils, leurs labyrinthes, leurs lecteurs et lectrices, là où il « n’est pas surprenant que le coup de foudre dans une librairie soit un important topos littéraire et cinématographique ».

      Poussant la porte de ses temples des Lettres, Jorge Carrion a ses écrivains favoris : Borges et ses conférences gratuites, Bolano est ses auteurs nazis[4] fournissant ainsi mille anecdotes. Vila-Matas assistant aux « derniers râles » de Margurite Duras, fournissant ainsi mille anecdotes. Voilà comment, entre Buenos Aires et « City Lights »  à San Francisco, le « fétichiste » voyageur sait faire rêver son lecteur. Malgré -ou faut-il dire grâce à ?- une composition erratique, sinueuse. Tout y passe, des artisans du livre à l’époussetage des rayonnages. En dépit de son titre, qui, il est vrai, est difficile à respecter stricto sensu, cet essai, « fils bâtard de Montaigne », glisse vers l’histoire de l’édition, les « trafiquants de livres scandaleux »,  les oscillations de la censure, entre le « satanique » Harry Potter, selon certains Américains, et l’affaire Rushdie. Si l’on « lie la liberté à l’achat d’un livre », cet éloge communicatif mérite de voisiner avec l’Histoire de la lecture et La Bibliothèque la nuit, titres tous deux fondamentaux d’Alberto Manguel[5].

      La déambulation mentale, reflet de celle physique de son auteur, est ornée, comme il est de mode après Sebald[6] (sur lequel Carrion a écrit un essai), de photos en noir et blanc, vitrines, rayons, cartes de visite, peu lisibles, peu esthétiques, pas toujours légendées. De plus, si l’on avait une ultime réserve à faire, il faudrait regretter que notre amateur de déambulations librairesques (si l’on nous pardonne le néologisme) ne fasse pas assez la distinction entre librairies de neufs d’une part et d’anciens d’autre part. Prolixe et gourmand, notre auteur semble à cet égard oublier ces boutiques occasionnelles que peuvent être brocantes et vide-greniers, Ebay. Quand des librairies sont remplacées par la « restauration rapide », il rend un hommage doux-amer à celles virtuelles et planétaires, dont Amazon. Dématérialisées sur nos écrans, mais sans l’âme du libraire pour les animer, les enchanter - ou les rendre désagréables - elles multiplient les possibilités de nos bibliothèques. C’est à point que Jorge Carrion a conclu son généreux volume avec, outre un index et une bibliographie, une « sitographie » bienvenue.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Maël Renouard aime les éloges, ce qui est plus agréable que les blâmes, pourtant parfois nécessaires. Il a fait celui de Paris[7], voici son Eloge des librairies. Ce modeste et cependant agréable volume est à la fois géographique et autobiographique : « C’est un portrait de l’auteur, presque une esquisse d’autobiographie, en flâneur des librairies ». Ses années d’étudiant sont à cet égard profuses. D’abord Rennes, avec un bouquiniste du nom de « Corre », où il fouine inlassablement. Bien entendu Paris, où Joseph Gibert est roi, entouré par une foule de demeures des rayonnages profus en pages infinies. Mais aussi Nice, Marseille, Nantes où il acquiert La Forme d’une ville de Julien Gracq, consacré à cette même cité bretonne. Plus tard le cercle s’élargit jusqu’à l’île grecque d’Hydros, jusqu’à Lisbonne. Il ne manque pas un lieu sans fouiner en ses librairies, de neuf ou d’occasion, principalement à la recherche de volumes philosophiques et sans réel souci bibliophilique, la soif de lecture et de pensée étant son guide, y compris au détour de l’agrégation ou de la préparation de ses propres livres. Peu d’anecdotes ici. Mais par exemple un savoureux moment où il compare l’ex-librairie allemande de l’Occupation, avec des vendeuses en « Walkyries », et « certaines vendeuses des PUF à l’allure d’inamovibles kolkhoziennes qui ne souriaient jamais ». Cette géographie des librairies ne peut échapper à la dimension temporelle, lorsque l’ouverture d’un volume de la bibliothèque de Maël Renouard ranime le souvenir de son achat ; mais aussi lorsque à ces librairies est trop souvent associé l’adjectif « disparue ». En ce sens une sensible élégie s’élève de ces pages…

      Jorge Carrion et Vincent Puente font tous deux allusion à la librairie Mollat, la plus grande de France à Bordeaux. Le premier en souhaitant visiter ses généreux et pléthoriques rayons d’ouvrages neufs. Quant à Vincent Puente, parlant de la « National Bookstore de Detroit », qui n’a pu, comme sa consœur  bordelaise acheter les boutiques adjacentes pour s’agrandir, le voici nous entraînant dans un local démesuré, labyrinthique, qui a du s’étendre en acquérant des appartements incommodes à rejoindre, d’où un malheureux employé qui faillit mourir oublié dans un lointain recoin. C’est bien Le Corps des libraires qui est en cause.

      Pire, à Dobostorta, « un hôtel pour bibliophiles », aux prix exorbitants et aux réservations plus exigeantes que le festival de Bayreuth, est sis dans la « Librairie Trakl », qu’une inondation et une coulée de boue ont envahie. On y déguste des « champignons Hetzel […] cultivés sur les restes des œuvres de Jules Verne ». Il faut s’armer d’une tenue et du matériel spéléologiques pour espérer excaver une édition originale, une rareté insigne, dont l’état n’est pas garanti et dont la facture sera, elle, garantie hors normes. Ce qui peut rappeler une librairie « spécialiste en livres défectueux », comme ce « très bel exemplaire de La Vie de Fibel, de Jean-Paul[8] , illustré d’un cahier hors-texte de photographies de Fidel Castro » ! Alors que les exemplaires du « Luceval » frappés au combat par une lame ou une balle, sauvant ainsi leur propriétaire qui les gardaient sur leur cœur, sont fort recherchés pour leurs « vertus protectrices »…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      L'on sait que les pires ennemis des livres, sinon les hommes, les rats et les insectes, sont le feu et l’eau. Que penser alors de ce libraire, tant obsédé par l’explosion d’une bombe lors du blitz en son officine, qui s’assure contre le feu au point de tenter le diable en incendiant lui-même son deuxième magasin ? Des fêlés, nous direz-vous... Ajoutons à ces folies une « Société » lettrée qui développe « une théorie inattendue des grands auteurs qui consiste à dire que le génie littéraire rend aveugle et repose sur l’idée que, lors des moments de grandes inspirations, les yeux de ces grands écrivains se révulseraient inconsciemment, jusqu’à virer au blanc complet pendant la composition d’un chef d’œuvre ».

      Gibraltar, Strasbourg, Saint-Germain-des-Prés, Halifax, sont mis à contribution pour ce voyage bibliophilique hors normes et mental. Les boutiques s’appellent la « Librairie de Jonas », « L’Ectoplasme, Librairie idéale » où l’on ne vend que des « factices », « Le Pinçon violet » à Angoulême… Souvent, le caractère revêche des tenanciers décourage le moindre achat : il faut une opiniâtreté diplomatique et combattive pour en sortir « victorieux ». À Saragosse, on prescrit le livre « à la tête du client » : « Royo, Murga et Meoca sont bien entendu tout à fait capables d’enterrer un livre ou de faire la fortune d’un auteur »…

      Ailleurs, pas le moindre rayonnage : les libraires savent (peut-être) où cueillir le volume convoité par la patience du client, cet importun qui n’espère pas un instant pouvoir fouiller parmi les piles instables, pyramidales et menaçantes, tous « monolithes de livres », susceptibles de s’écrouler comme des dominos… On ne sait où, il y a des « librairies fantômes », dont un collectionneur raffole des volumes qui en proviennent, une autre qui ne vend qu’un livre unique, une autre où l’on peut compléter son exemplaire défaillant… voilà qui est au choix surréaliste, ou ubuesque. Où commande-t-on un livre qui n’existe pas ; et que l’on reçoit ?

      Le titre de ce florilège d’originaux improbables, voire absolument fantastique, vient de ce « Corps des libraires », qui sur les champs de bataille, fut chargé d’apporter contre toute circonstance militaire indésirable, le ou les livres exigés par le Prince ou l’officier. La fiabilité historique d’une telle information, pourtant nourrie d’anecdotes, est soumise à caution…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Vérification faite, quoique nous devions nous en douter, aucune de ces librairies, et libraires a fortiori, n’existe ; hors dans l’imagination savoureuse de Vincent Puente. Amateur de supercheries littéraires, comme Umberto Eco en sa Guerre du faux[9], il commit une Anatomie du faux[10], que l’on présume délicieuse, avant de céder au Corps des libraires. Histoire de quelques libraires remarquables & et autres choses. Entraîné par cette énumération nourrie de marchand lettrés perdus corps et bien pour le réalisme, le lecteur hésite entre la stupéfaction, l’incrédulité, avant de céder avec la meilleure grâce du monde à l’humour, au burlesque du conteur, un rien borgésien.

      Reste que « pouvoir toucher de vieux livres est une des rares expériences tactiles où vous pouvez atteindre le passé ancien ». Il faut alors imaginer, qu’au retour de ses pérégrinations, Jorge Carrion, par ailleurs auteur de récits de voyage, range soigneusement ses trouvailles dans sa bibliothèque-monde, reflet, certes plus modeste, néanmoins fascinant, des milliers de librairies, que de Sidney au « bazar des livres d’Istanbul », il a visité, en quête de la perle rare, de la curiosité endémique, du livre durablement imprégné du passé et du « génie du lieu », pour reprendre le titre de Michel Butor[11]. Quant aux libraires de Vincent Puente, il est hélas avéré que l’on ne puisse toucher leurs livres imaginaires, tant ils sont sous la garde de personnages fantastiques, des libraires de l’au-delà et des Enfers peut-être. Ne faudrait-il pas candidater à ces lieux derniers pour avoir le droit de fouiller livres impossibles et interdits, blasphèmes croustillants et curiosa affriolants…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alors qu’enfin les librairies sont officiellement essentielles, amusons-nous de la taxonomie de leurs lecteurs sous la plume d’un libraire un brin facétieux et digne d'éloges : Shaun Bythell, qui entrepose et vend des livres d’occasion quelque part en Ecosse et nous confie son édifiant Petit traité du lecteur.

Comme dans la classification du naturaliste Linné, ces lecteurs sont classés en huit « genres » et quatre ou cinq sous-catégories, en latin, comme « Homo peritus (l’expert) » ou « Viator non tacitus (le voyageur non silencieux) ». Evidemment il y a le raseur qui prend l’officine pour un défouloir, le docte qui déverse sa science et sa cuistrerie, alors que le pauvre libraire doit subir sans sourciller. Les uns y posent leurs enfants comme dans une garderie, les autres sont des adeptes de la magie noire ou des conspirationnistes verbeux, d’autres encore reniflent ou pètent sans vergogne, à moins qu’il s’agisse de collectionneurs compulsifs harassant le maître des lieux de leurs exigences répétitives. En un mot, des casse-pieds aux plus charmants en passant par la « cohorte monstrueuse des flâneurs » ; jusqu’au dernier, hélas remplacé par « la génération Amazon », soit « le client parfait » : « lui qui comprenait qu’en achetant l’équivalent d’une livre de papier il pouvait se perdre dans les mondes imaginaires ».

Les bibliothécaires ont la Classification de Dewey pour convenablement et utilement ranger leurs mètres et kilomètres d’étagères. Les libraires ont ici un moyen commode, enrichi d’anecdotes significatives, pour faire entrer leurs clients dans des portraits types, en vous laissant le loisir de savoir, comme l’instille le sous-titre, ce que le vôtre pense tout bas, de façon perfide ou amène. Reste à deviner dans quel sac à malices vous jette votre marchand de livres, surtout si vous pérorez sans faire aucune emplette.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         Qu’irait faire la Reine d’Angleterre dans un bibliobus ? Seulement y suivre ses chiens emportés par une banale indignation. La politesse voudra qu’elle s’en excuse et qu’elle emprunte un livre, elle que « la lecture n’avait jamais beaucoup intéressée ». Ainsi commence un conte, dont l’humour léger va cependant jusqu’à la qualité d’un apologue. Au point qu’Alan Bennett pourrait marcher dans les traces de Voltaire…
 
         Être reine, c’est remplir une fonction, suivre une étiquette ; eh bien, imaginez vous que cette étiquette va être mise à mal. La soudaine passion de la lecture va la conduire à bouleverser son comportement, à choquer son entourage, voire le pays entier. N’ira-t-elle pas jusqu’à demander son avis au Président de la République Française, bien embarrassé, au cours d’une réception officielle, sur le sulfureux et homosexuel Jean Genet ?
Grâce à Norman, jeune client du bibliobus et employé à la cuisine du palais, elle s’initie au monde des livres en de féconds dialogues. Le voilà qui passe de la vaisselle à l’emploi officiel de « Tabellion », ou assistant littéraire de sa Majesté. Elle découvre avec stupeur les œuvres des auteurs qu’elle a croisés, s’étonne d’apprendre que le service de sécurité a fait exploser un volume laissé dans le carrosse : « une véritable bombe pour l’imagination ». Bien que sur le tard (elle approche les 80 ans), elle lit en toute occasion et voit sa vision du monde considérablement évoluer. Au point que les tomes de Proust soient « aussi appétissants que les gâteaux de chez Fuller». Evidemment, une sourde réprobation l’entoure. Et, jalousé, le pauvre Norman se verra écarté. Quant à la Reine, on la soupçonne d’être atteinte de « la maladie d’Alzheimer » au prétexte qu’elle prend sans cesse des notes. Ecrirait-elle à son tour un livre ? C’est ainsi qu’elle parvient à « découvrir » sa vie et agir enfin. Son discours final d’abdication, qui est aussi le point de départ de sa carrière littéraire, est aussi surprenant qu’hilarant.
 
         Fort connu en Grande Bretagne, pour ses romans, pièces de théâtre et séries télés, Alan Bennet signe ici une satire aigre douce et un éloge de la lecture qui nous montre tout ce que nous avons à gagner non seulement en connaissances, en ouverture au monde, mais aussi en humanité, en ouvrant les bons livres. Dont, bien sûr, on n’exceptera pas cet habile petit conte philosophique qui n’est pas si loin de ceux des auteurs des Lumières. Ainsi notre ironiste préféré, Voltaire, dans « De l’horrible danger de la lecture
[11] », imagina un « Mouphti du Saint-Empire ottoman » qui défendit de « jamais lire aucun livre ». En effet, « Il se pourrait que de misérables philosophes, sous le prétexte spécieux, mais punissable, d’éclairer les hommes et les rendre meilleurs, viendraient nous enseigner des vertus dangereuses dont le peuple ne doit jamais avoir connaissance. » Il est évident qu’on n’y verra pas la moindre allusion à la libéralité intellectuelle de nombre de nos concitoyens, voire de régimes politiques et de cultures religieuses de notre temps…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Carrion a été publiée dans Le Matricule des anges, octobre 2016,

celle sur Bythell, avril 2021,

celle sur Bennett, juillet-août 2009.

 
[1] Jorge Carrion : Los Huérfanos, Los Muertos, Los Turistas, Galaxia Gutemberg, 2014, 2014, 2015.

[2] Stefan Zweig : La Peur, traduit de l’allemand par Alzir Hella, Grasset, 1935, p 231.

[6] W. G. Sebald : Austerlitz, traduit de l’allemand par Patrick Charboneau, Actes Sud, 2002.

[7] Maël Renouard : Eloge de Paris, Rivages poche, 2019.

[8] Jean-Paul Richter : La Vie de Fibel, traduit de l’allemand par Robert Kopp, 10/18, 1967.

[9] Umberto Eco : La Guerre du faux, traduit de l’italien par Piero Caracciolo, Grasset, 1993.  

[10] Vincent Puente : Anatomie du faux, La Bibliothèque, 2011.

[11] Michel Butor : Le Génie du lieu, Grasset, 1958.

[12] Voltaire : « De l’horrible danger de la lecture », Mélanges, Pléiade, Gallimard, 1995, p 713-714.

 

Librairie La Belle aventure, Poitiers, Vienne.

Photo : T. Guinhut.

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26 novembre 2016 6 26 /11 /novembre /2016 16:39

 

Petite bibliothèque romantique. Photo T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Bibliophilie et bibliomanie,

 

de Charles Nodier à Umberto Eco,

 

en passant par Apollinaire.

 

 

 

 Charles Nodier : Le Bibliomane, à Passage, non paginé, 1985.

 

Nicolas Malais : Bibliophilie et création littéraire (1830-1920),

Cabinet Chaptal, 448 p, 35 €.

 

Peter Read : Apollinaire. Lettres, Calligrammes et Manuscrits,

Textuel / BNF, 264 p, 55 €.

 

Umberto Eco : La Memoria vegetale e altre scritti di bibliofilia,

Bompiani, 240 p, 11,90 €.

 

 

 

      Mania est en grec la folie. On imagine alors un bibliomane, hâve, les reins courbés sur ses reliures fétiches, ses manuscrits abscons, ses papiers crasseux, plongé dans une maladive extase, une addiction dommageable. Quoique ne manquant pas de donner une hilarante satire du bibliomane, Charles Nodier appartient à la plus noble espèce du bibliophile, il en est l’un des maîtres, voire des pères. Nous n’oublierons pas que sa passion favorite contribue à son écriture, comme il arrivera à nombre d’écrivains du XIX° et du XX° siècle, au point que Nicolas Malais ait pu consacrer à de telles relations un bel essai : Bibliophilie et création littéraire (1830-1920). Reste que notre contemporain est loin d’être insensible à cet art et amour du livre, ce dont témoigne la parution  d’un volume consacré aux Lettres, Calligrammes et Manuscrits d’Apollinaire, mais aussi notre regretté Umberto Eco, avec La Memoria vegetale e altre scritti di bibliofilia, en une étonnante et rassurante continuité.

 

      Folie en effet que celle de Théodore, Le Bibliomane de Charles Nodier (1779-1844), dont les habits ont « des poches in quarto », dont les cauchemars voient de « funestes ciseaux [qui] mordaient d’un pouce et demi sur les marges de [ses] aldes[1] brochés ». Bientôt il est atteint de « monomanie du maroquin, ou de typhus des bibliomanes ». Nostalgique des temps d’abondance, il ne voit plus sur les quais de la Seine que « littérature bien digne en effet de l’encre de charbon et du papier de bouillie ». Plongé dans l’adulation du passé ancien, comme bien de nos thuriféraires du « C’était mieux avant », il brocarde haineusement le présent : « Comme si la France avait eu de la poésie depuis Ronsard et de la prose depuis Montaigne ». Obsédé par la perfection des livres introuvables et vendus à sa barbe, il se voit ainsi diagnostiqué par le narrateur du Bibliomane : « Le cher homme avait poussé trop loin dans les livres la vaine étude de la lettre, pour prendre le temps de s’attacher l’esprit ». Il mourra d’un accès d’« un tiers de ligne » en moins dans son Virgile de 1676 bousillé par le relieur ! Ainsi le bibliomane, chagriné par une insatiable obsession du livre le plus ancien, le plus parfait dans son authenticité originale, ne lit qu’à peine et furieusement hait les modernes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      C’est en 1652 que le néologisme « bibliomanie » fut inventé par le médecin et écrivain français Gui Patin (1601-1672), dans une lettre adressée à Charles Spon, également médecin à Lyon : « Vous avez assez d’autres peines et corvées de moy, sans qu’il soit besoin que vous vuidiez votre bourse pour mes fantaisies et ma capricieuse bibliomanie. » Ensuite vint l’Oratio de bibliomania, publié à Utrecht par A. van Megen, en 1739, sous la plume de Johann Frederik Reitz (1695-1778). A-t-on cru qu’il s’agissait d’une pathologie si grave, d’une passion si destructrice, comme s’en amuse Charles Nodier ? Le véritable bibliophile est un doux bibliomane, s’il reste un lecteur lettré.

      Au début du XXème siècle, Aldous Huxley déplorait une bibliophilie devenue vulgaire mode. Pour cette « manie furieuse » il n’a pas le moins du monde sympathie ni indulgence : « sa norme de valeur me parait fausse ». Qu’importent les trop nombreux exemplaires numérotés sur papier plus ou moins précieux, si le texte est fautif. De plus « personne ne peut prétendre que Vénus et Adonis soit plus délectable quand on le lit dans un exemplaire à quinze mille livres que quand on le lit dans un exemplaire qui a coûté un shilling». Huxley va jusqu’à s’indigner que l’on puisse « avilir un livre au point d’en faire un coûteux objet de luxe[2] » !

      Au risque de déplaire à l’auteur du Meilleur des mondes[3], nous le prétendons : l’édition originale, l’exemplaire bellement illustré et relié est fort délectable, car chargé du poids de l’Histoire, imprégné de l’époque qui l’a vu naître, des mains qui l’ont fait, voire de la main de l’auteur… De surcroît il faut craindre chez notre maître de l’anti-utopie un dommageable préjugé envers l’argent et le luxe, qui n’empêchent par ailleurs en rien d’acquérir et d’apprécier son œuvre en livre de poche. Sans compter que l’on peut se construire une jolie bibliothèque, y compris fournie en livres anciens, avec un budget assez modeste, mais non sans goût esthétique ni culture…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

    Plus efficace est donc la satire nodienne, plus incisive, quoiqu’avec la secrète tendresse de l’auto-ironie. Charles Nodier n’était-il pas lui-même un grand bibliophile ? On guette en effet dans les plus prestigieuses ventes aux enchères les rares exemplaires portant son bel ex libris. « La bibliophilie est codifié au début du XIXème siècle sous l’impulsion d’un écrivain comme Nodier et de bibliographes comme Jacques-Charles Brunet et Gabriel Peignot », nous confie Nicolas Malais dans son essai aussi touffu que délicieux et érudit : Bibliophilie et création littéraire (1830-1920).

      Truffé de vignettes en couleurs (quoique souvent trop exigües) présentant de rares pages de titres, typographies, gravures et reliures, le volume frappe par la beauté de son papier verger, l’abondance informé du texte, la précision des notes. Seules la couverture, d’une claire sobriété minimaliste, et l’absence de cahiers cousus, mais collés (sacrifie-t-on à la modicité de la facture), peuvent un tantinet froisser le bibliophile exigeant. Restent la générosité documentaire, et last but not least, l’originalité et la pertinence de la thèse, de l’angle d’étude : les écrivains se nourrissent de la bibliophilie quand la bibliophilie se nourrit de leurs chefs-d’œuvre et autres curiosités mineures.

      Pensons d’abord à Charles Nodier, par ailleurs bibliothécaire, puisqu’en vénérant Le Songe de Poliphile, il commit un charmant récit de quête bouquinistique et intellectuelle : Franciscus Columna[4], que -amusant vocable- « Les Bibliolâtres de France » rééditèrent en une belle plaquette illustrée de quelques-unes des gravures juxtaposées des premières éditions italienne (1499) et française (1546), en 1949. Mais, Charles Nodier, par ailleurs auteur de Contes fantastique, comme « Smarra ou les démons de la nuit », qu’une étonnante gravure de Tony Johannot illustra en 1845[5], est bien plus qu’un collectionneur de livres rares. Car, selon Joseph Techener, « chacun des bijoux qu’il avait jugé digne de figurer dans ses rayons était un trésor nouveau et devenait pour lui l’occasion de réflexions délicates, originales et philosophiques ». Son récit de voyage sur La seine et ses bords fut en 1836 illustré de vignettes par Marville et Foussereau. Son Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux datait de 1830, illustrée par Tony Johannot, non sans que le « facétieux » Nodier y flirte avec la « poésie typographique » et le pastiche de l’école rabelaisienne, « tour à tour fantastique, grotesque, romantique ».

      Qu’ils s’appellent Stéphane Mallarmé -illustré par Manet- Marcel Schwob ou Rémy de Gourmont, ils savent allier amour et quête du livre ancien avec une contemporaine invention littéraire, a fortiori avec la conception de plaquettes et autres in-octavo aux graphismes typographiques et illustrations impeccables et innovants. Sans oublier les travaux imaginatifs et raffinés des relieurs.  Le poète José Maria de Heredia notait alors : « Les livres sont comme des êtres vivants, vêtus de peau, ils frémissent sous la caresse ». Quant au potache Alfred Jarry, il n’en est pas moins conscient des enjeux de la publication : « L’édition originale d’Ubu roi est marquée par la conscience parfaite de toutes les étapes de la création matérielle de l’ouvrage par l’écrivain : choix de la typographie, page de titre travaillée, illustration par ses soins, mise en page surveillée, choix de la justification et des étapes du livre ».

      Avec succès, Nicolas Malais a « tenté d’approcher, de Charles Nodier à Blaise Cendrars, les constantes d’une poétique bibliophile ». C’est en effet par la Prose du Transsibérien que se referme cet essai, érudit et sensuel, par son édition originale de 1913 sous la forme d’un vaste dépliant, illustrant les 445 vers « composés typographiquement en dix corps de caractères et de couleurs différents, illustré de tout son long par Sonia Delaunay ». Ainsi des objets bibliophiliques si dissemblables, depuis le cœur du romantisme jusqu’au monde nouveau de 1913, où se croisèrent également Stravinski et Picasso, depuis la passion nodienne pour les incunables et les poètes du XVIème, en passant par les frontispices de Félicien Rops, témoignent de l’explosion de la créativité d’un univers du livre en pleine efflorescence.

      Il n’est alors pas impossible que cette exceptionnelle édition d’une thèse de doctorat, soit à conserver aux côtés d’un ouvrage aujourd’hui fort recherché, en ses deux tomes sous coffret : le Manuel de bibliophilie de Christian Galantaris[6].

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Nicolas Malais n’oublie pas de mentionner Apollinaire, pour lequel « Le Songe de Poliphile [sut] marquer son esthétique, du Bestiaire d’Orphée aux Calligrammes. Les rencontres fortuites de l’édition voient paraître conjointement l’impressionnant volume compilé par Peter Read, dont le nom est si éloquent, aux Lettres, Calligrammes et Manuscrits du poète d’Alcools. Une myriade de documents irremplaçables constelle ce catalogue. Que diriez-vous d’une carte postale bleutée, sur laquelle Apollinaire a calligraphié les quatrains de « Spectacle » et de « Saltimbanques », à l’adresse de Picasso, « artiste-peintre » ? Ces archives de la création permettent de s’immerger dans le bouillonnement intellectuel de l’« Orphée de « L’Esprit Nouveau », ce mouvement poétique contemporain du cubisme. Ebauches, brouillons, biffures, ajouts, épreuves corrigées, lettres, poèmes adolescents depuis ses quatorze ans (en 1895), premières versions parfois inédites, comme celle de « Zone », ébouriffante clef de voûte du modernisme, accompagnent le premier des Calligrammes, « Lettre-Océan », jamais vu jusque-là et calligraphié avec un collage ; ce que leur inventeur qualifiait joliment d’ « idéogrammes lyriques ». Sans compter l’émouvant calligramme en forme de « Croix de guerre », à l’occasion de la médaille qui lui fut décernée en 1917 parmi les tranchées. On sait qu’avant de mourir en 1918 de la grippe espagnole, le poète vit son front frappé par un éclat d’obus : « Une étoile de sang me couronne à jamais », écrit-il dans « Tristesse d’une étoile[7] ».

     Spécialiste d’Apollinaire, Peter Read est un universitaire anglais, éminemment francophile. Après avoir travaillé sur sa relation à Picasso, puis sur sa correspondance, il nous offre une  boite aux trésors où fouiller avec bonheur pour se retrouver en toute intimité avec l’opiniâtre créativité de l’auteur de « La Chanson du mal aimé » et des Poèmes à Lou. Il semblerait que le mot « manuscriphile » n’existe pas, pourtant il serait bien digne de Peter Read. Faut-il imaginer ce néologisme pour le différencier du bibliophile, quoique ce dernier ne dédaigne pas -au contraire !- d’insérer dans une reliure précieuse la trace manuscrite de l’auteur ainsi magnifié… Il semble cependant qu’à certains égards deux cohortes de collectionneurs peuvent arguer des avantages de leur passion : les uns préféreront le feuillet, fût-il d’apparence banale, recouvert par la graphie unique de l’écrivain, du politique, du scientifique, irremplaçable témoignage de la main de l’esprit. Les autres  préféreront l’ensemble polymorphe que forme le livre, typographie, illustration, reliure, voire ex-libris, là encore relique d’une époque, des mains qui l’ont façonné, des tourments et des pensées qui l’agitent pour longtemps…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Un fameux bibliophile, nous quitta récemment, rejoignant le bucher de son Nom de la rose, où brula le manuscrit de Poétique d’Aristote consacré à la comédie et aux pouvoirs du rire[8]. Entre autres merveilles, il possédait un exemplaire de ce fabuleux incunable de 1499 : Le Songe de Poliphile. On ne s’étonnera pas qu’il soit allé jusqu’à consacrer un livre à la plus pacifique des passions, hélas chez nous pas encore traduit : La Memoria vegetale e altre scritti di bibliofilia. Il s’agit d’une petite vingtaine d’essais et articles, consacrée à la « mémoire végétale », qui est notre réelle mémoire, notre Histoire, notre culture, assise sur le papier, voire le parchemin ou le papyrus. On y trouve, pêle-mêle, Les Très riches heures du Duc de Berry, les opus historiques, scientifiques et abracadabrants d’Athanasius Kircher, les prétendants au nom de Shakespeare… Mais aussi le « Monologue intérieur d’un e-book », qui, un brin amer, constate que « la vie d’un livre papier est si belle, parce qu’il passe sa vie concentrée sur le monde de son propre texte ». Animé par la prosopopée qui le fait parler, hanté par les personnages de la littérature mondiale, l’e-book défend sa « mémoire supérieure [9]», mais il a bien conscience que, dépourvu d’alimentation électrique, il n’est plus rien.

      Dans la tradition de Charles Nodier, Umberto Eco distingue bibliomanie et bibliophile ; ce en s’appuyant sur l’improbable découverte d’un exemplaire, celé jusque-là, de la « Bible à 42 lignes de Gutenberg » : « Un bibliomane garderait secrètement pour lui seul son exemplaire […] Un bibliophile voudrait que tous voient cette merveille[10] ». Egoïsme, avarice et ladrerie affligent le maniaque, alors que générosité, partage animent le bibliophile. À l’indispensable réserve que ce dernier, néanmoins, doit fuir comme la peste le « biblioclaste fondamentaliste [qui] ne hait pas les livres comme objet [mais] craint le contenu et ne veut pas que les autres le lisent[11] ». Refuge ultime de la beauté et de la connaissance, la bibliophilie est tout autant un refuge contre la vulgarité et la violence de la rue, de la foule, que contre les tyrannies de toute arme et de toute barbe…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 


[2] Aldous Huxley : En Marge, Les Editions Universelles, 1945, p 65-70.

[4] Charles Nodier : Franciscus Columna, Le Promeneur, Gallimard, 2004.

[5] Voir photographie supra.

[6] Christian Galantaris : Manuel de bibliophilie, Editions des Cendres, 1998.

[7] Guillaume Apollinaire : Calligrammes, Œuvres poétiques, La Pléiade, Gallimard, 2001, p 308.

[9] Umberto Eco : La Memoria vegetale e altre scritti di bibliofilia, Bompiani, 2011, p 184, traduit de l’italien par mes soins.

[10] Umberto Eco, ibidem, p 32.

[11] Umberto Eco, ibidem, p 34.

 

Petite bibliothèque nodienne. Photo : T. Guinhut.

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3 avril 2015 5 03 /04 /avril /2015 18:10

 

Boileau Despréaux, éd. De Saint-Marc, Changuion, Amsterdam, 1772.

Photo : T Guinhut.

 

 

 

 

 

De la bibliothèque perdue

 

aux bibliothèques de fiction,

 

jusqu’à leur crépuscule :

 

Walter Mehring, Daniel Ménager & Virgile Stark.

 

 

Walter Mehring : La Bibliothèque perdue, traduit de l’allemand

par Gilberte Marchegay, Les Belles Lettres, 2014, 272 p, 15 €.

 

Daniel Ménager : Le Roman de la bibliothèque, Les Belles Lettres, 2014, 336 p, 25,50 €.

 

Virgile Stark : Crépuscule des bibliothèques, Les belles Lettres, 2015, 210 p, 17 €.

 

Virgile Stark : Les Miscellanées d’un bouquineur,

Les belles Lettres, 2022, 160 p, 17,70 €.

 

 

      Tuer un homme c’est tuer un livre, dit-on. Qu’en est-il du meurtre d’une bibliothèque ? N’est-ce pas un génocide, comme celui de six millions de Juifs effacés, avec une égale constance, par la barbarie nazie… Walter Mehring, narrateur et polémiste brillant, a réchappé d’un autodafé qui n’a pas acquitté la bibliothèque paternelle perdue, pourtant apogée d’une civilisation. Comment la retrouver, sinon en érigeant un livre à sa mémoire ? À moins d’avoir recours, comme Daniel Ménager, aux bibliothèques de la fiction, celles que recèlent les romans, sous les yeux et les doigts de leurs personnages. Quoiqu’il soit à craindre que nous n’ayons plus rien sous les doigts, à l’occasion de la révolution numérique, et que s’éteigne jusqu’au Crépuscule des bibliothèques, pour lesquelles le pamphlet de Virgile Stark, bouquineur impénitent, n’est qu’une triste et revigorante alarme-incendie. Bibliothèque charnelle ou immatérielle ?

 

       La remémoration autobiographique de Walter Mehring, en sa Bibliothèque perdue, est à la fois nostalgique, tragique et enjouée. L’évocation du père, haute figure d’intellectuel socialiste et progressiste incarne une éthique humaniste européenne. Son côté didactique et donneur de leçons est traité avec une tendre insolence, mais finalement avec vénération : « assuré par le pacte qu’il avait conclu avec le socialisme d’être respecté des forces obscures issues des bas-fonds de la société, il s’était promis d’exorciser les cieux étoilés aussi bien que cette infernale contrainte morale qui l’habitait ». Lorsqu’il décède d’un coup, l’édition originale de la Critique de la raison pure de Kant à la main, Walter parait d’abord ne guère se soucier de l’héritage ; mais avec la montée de ce national-socialisme qu’est le fascisme, la conscience du trésor volubile, accumulé comme à la parade, pour protéger l’humanité se fait plus prégnante : « j’avais été chassé du domaine de la culture à son apogée par des barbares méthodiques, des cannibales en uniforme,  des adorateurs de l’idole la plus basse que le XIXème eût stigmatisée et contre laquelle mon père avait donné libre cours à son ironie ». Comment tromper les douaniers quant au contenu des caisses déménagées de Berlin à Vienne, sinon en exhibant les Grecs et les Latins, pour mieux dissimuler les volumes anathèmisés par le Troisième Reich : livres écrits par des Juifs, des poètes « dégénérés », des philosophes libéraux…

      Autant qu’un récit, ce volume polymorphe est cependant une sorte d’essai : les pages dévorées par les flammes revivent grâce à la fébrilité et l’enthousiasme de l’écriture de Mehring ; même si, non sans raison, il n’est pas toujours indulgent envers ceux qui n’échappèrent pas à l’autodafé : « Les marxistes et les freudiens refusent également à l’art la joie de vivre », ce qui s’applique de surcroit aux nazis, dont il disloque l’argumentation simpliste avec vigueur.

      De « l’abbaye de Thélème » venue de Rabelais, en passant par La Bataille des livres chère à Swift, sans oublier ni « Babel » ni la « vanité littéraire », les rayonnages encombrés de richesses, comme alvéoles du cerveau de la culture humaine, suscitent un flot de références, d’allusions et de métaphores. Malgré la relative modestie de la pagination du volume mémoriel de Mehring, il ambitionne « le livre universel ». La « chute aux enfers de la bibliothèque », constituée de bien des classiques, d’ouvrages érotiques, « anticapitalistes, anticléricaux »,  mais aussi de l’antisémite Protocole des sages de Sion, précède alors une résurrection, non des corps, mais des âmes des livres.

      Paru en 1951 dans une traduction anglaise, puis en allemand en 1952, et en français en 1958 dans une édition depuis longtemps épuisée (Les Lettres nouvelles) ce volume mémoriel est l’acmé de l’œuvre de Walter Mehring (1896-1981), d’abord dadaïste et poète. Collaborateur de la revue Der Sturm (La Tempête), il fut un des ténors de l’expressionisme, avant de se livrer à une critique ardente du national-socialisme incarné par Hitler. Guère en odeur de sainteté auprès du régime, il ne dut son salut qu’à son exil, en 1933. Et son salut littéraire avec ce livre profondément original, écrit aux Etats-Unis, qui parvient avec brio à malaxer en sa prose les talents de l’autobiographe et de l’essayiste ; ce que souligne le sous-titre : « Autobiographie d’une culture ». La vivacité du ton exhume l’urgence d’une mémoire qui doit rétablir la vérité autant que ramener au présent l’entier d’une bibliothèque, allégorie d’une civilisation humaniste à réinvestir.

      Il y a un présent éternel pour les bibliothèques, même détruites, dans la mémoire des livres, essais ou romans. Ainsi, Daniel Ménager, dans Le Roman de la bibliothèque, ne peut évoquer, en sa page 116, celle perdue de Mehring que comme, désormais, une fiction.

      Les bibliophiles, outre leurs trésors reliés, n’aiment rien tant que retrouver les livres dans les catalogues de libraires ; mais aussi dans les fictions qui foisonnent au rayon littérature. Et maintenant parmi un essai dans lequel Daniel Ménager explore ces bibliothèques imaginaires habitées par les personnages ; où se jouent parfois des épisodes cruciaux.

      Comment sont rangés les volumes que fréquentent les romanesques héros ? Chez Céline et Rabelais se trouve un « désordre jubilatoire ». En revanche, l’ordre est source autant des plaisirs de l’accessible connaissance que de dangers, surtout si l’on y cache « les fruits défendus ». Ainsi les jeunes gens de Stendhal, les jeunes amoureux d’Ada ou l’ardeur de Nabokov savent que là se rencontrent les corps et les mots, unissant « amour et bibliothèque ». En revanche, Hoffmann, Nodier ou France « montrent que la bibliothèque n’est vraiment fascinante que grâce à des figures féminines rêvées, fantasmées, et souvent sorties des livres eux-mêmes ».

      Deux figures incontournables attirent l’attention sur ce qui menace le plus les bibliothèques : le feu. Chez Elias Canetti, dans Auto-da-fé, le professeur Kien, rattrapé par la populace pré-nazie, voit brûler ses milliers de volumes ; chez Umberto Eco, dans Le Nom de la rose, l’aveugle bibliothécaire Jorge incendie le blasphématoire traité d’Aristote sur le rire et par voie de conséquence l’abbaye entière.

      Aux confins du voyage parmi l’histoire littéraire, l’essayiste se penche sur un romancier très contemporain : Murakami, qui permet dans Kafka sur le rivage, qu’un « jeune garçon fugueur découvre une bibliothèque commémorative ». La culture encyclopédique et la sensibilité de notre universitaire font sans cesse merveille, tant son écriture est fluide, tant son érudition est amicale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      À moins que ni Walter Mehring, ni Daniel Ménager ne soient plus lus par personne, parmi Le Crépuscule des bibliothèques. Car, cela n’a pas échappé à Virgile Stark, bibliothécaire de son état, qui a passé dix ans dans les soutes de la parisienne BNF (on admirera l’acronyme vidé de son sens), on n’y vient plus guère lire. Il s’agit là des bibliothèques publiques, dont les halls ne sont bientôt plus que fauteuils joliment avachis et nouvelles technologies aux brillantes obsolescences vitrées. Quelques « usagers » se servent des lieux comme d’un cyber-café où l’on vient consulter Internet, brancher son IMac, surfer sur son ordi ou tripoter son smartphone. Au point même que « le taux d’utilisation des ordinateurs est étonnamment faible ». Le suréquipement a conduit à une fortune jetée par les fenêtres des lieux de savoir qui ne savent plus pour grand monde. Entre les lointains rayonnages, où s’ennuient les volumes inconsultés, quelques tables reçoivent des étudiants révisant leurs cours. Par fugitive exception, un antédiluvien feuillette des pages encrées et rassemblées sous un cartonnage de format approximativement carré (une encombrante vieillerie certainement). Ce qu’a constaté le modeste auteur de ces lignes parmi les bibliothèques universitaires de La Rochelle et Poitiers, celle municipale de Poitiers encore, si vilainement nommée « Médiathèque François Mitterrand » (où l’on thèque les médias et où il n’existe même pas de catalogue exhaustif du fonds ancien, et du nom d’un mauvais plumitif à l’idéologie suspecte), celle parisienne enfin où officia Virgile Stark, parmi les quatre tours à l’architecture soviétisante, heureusement dotée de belles salles de lectures aux rayonnages généreux et cependant solitaires…

      Car Le Crépuscule des bibliothèques, au fil des pages autodégradables du pamphlet que l’on ne veut pas entendre, c’est abandonner sans regret, avec jubilation, le vieux livre pour s’engouffrer dans le jeunisme numérique, wikipédiesque et jeuvidéastique… Pour l’essayiste virulent, c’est le technocrate du numérique qui vandalise les bibliothèques : « ce geek rebellocrate » […] se proclame engagé, militant de l’accès démocratique au savoir dans un monde ouvert et connecté, et instigateur d’un nouvel esprit de partage des connaissances au sein de la Communauté virtuelle. » Détenteur d’un langage informatique aux acronymes cryptés aussi pédants que ridicules, il phagocyte l’espace du livre, et l’évacue.

      Ce nouveau Virgile se défend-il ne pas vouloir être le nouveau guide au sortir de l’enfer des bibliothèques et à l’avènement du paradis du tout écran ? Pour lui, un livre est un objet sensuel, apte à la possession, quand un texte numérique, il n’est qu’un vide effaçable sur écran éphémère, y compris des mémoires : « Ainsi s’étendent peu à peu les ruines de la lecture, pilonnée par l’image stérile et captivante des écrans de toutes sortes. » En effet, on lit de moins en moins, particulièrement nos jeunes -les garçons surtout- et des lectures de divertissement (surtout science-fiction facile et fantasy) plus que de culture savante et sérieuse. Les statistiques ici fournies sont cruelles, augurant d’un avenir d’illettrisme exponentiel : « la lecture chez les 18-24 ans s’effondre aux Etats-Unis […] En France, dans la même tranche d’âge, 41% étaient ce que l’on nomme des gros lecteurs en 1973, alors qu’ils n’étaient plus que 16% en 2008 ». Notons qu’un « gros lecteur » ne l’est plus que pour 21 livres par an ! De plus en plus d’enfants préfèrent lire sur support électronique. On lit ses sms, ses tweets et ses notifications Facebook, les news, à la rigueur Millenium et Le Trône de fer (ce qui n’est pas méprisable), mais pas les classiques : Montesquieu, Pline l’Ancien, Nietzsche et La Fontaine sont au mieux wikipédiés et braconnés, y compris par des étudiants en Lettres qui butinent à peine gallica.fr ou google-book. Exit la lecture suivie et son argumentation complexe, battue à plate couture par le pillage, le babillage et le zapping : « le picorage éphémère s’est substitué à la meditatio ».

       Bien des bibliothèques publiques anglo-américaines ferment ou fusionnent, le nombre des bibliothécaires diminue en France, qui plus est remplacés par des informaticiens et des web-spécialistes. En conséquence de la « jacklanguisation de la culture », les halls où ne finissent de palpiter que quelques magazines deviennent des « garderies ». Films, cédés, médias numériques, clubs de jeux vidéo, « discovery centers », locaux et animations cools ont gazé les étagères trop lourdement chargées de Cicéron, de Jules Verne, de Kafka, de Melville et d’Hannah Arendt tout empoussiérés, qui, au mieux, iront se pétrifier dans les réserves implosées. On a su se soumettre au nouveau public, au « diktat de la masse », des « moutons de Panurge élevés en batterie ». Aussi le bibliothécaire, scotché aux « ressources électroniques », n’est plus guère recruté en fonction de sa goûteuse bibliophilie et de sa connaissance des textes fondamentaux : il devient un geek de l’information, un « mangaphile, videophile et gamer ». La satire de celui qui ne se souvient pas « d’avoir donné une seule fois un conseil de lecture à quiconque » est acide.

 

Bibliothèque municipale, Poitiers, Vienne.

Photo : T Guinhut.

 

      Certes le texte est toujours le texte : Shakespeare et Borges gardent sous le verre des « liseuses » leurs mots, leurs sens, quoique si tristement encagés. Or la navigation la plus experte sur écran ne remplace pas les avantages immédiats de la manipulation aventureuse et studieuse d’un volume aux pages amicales, encore moins le grain d’un papier vergé, d’un maroquin ancien, la texture d’une gravure, l’éclat du papier glacé. Même si ce site a été comparé par un indulgent web-lecteur et surfeur (qu’ici je tiens à remercier) aux pages luxueuses d’une livre d’art. Ma petite vanité caressée n’a pu s’empêcher de rêver un instant d’imprimer avec luxe ce site entier en un livre splendide, rare retour du juste : le web accouchant enfin d’un livre-papier aux cahiers cousus, relié avec jaquette. Rare occurrence qui a cependant permis à La Maison des feuilles de Danielewski[1] d’exister.

      Notre pamphlétaire, au demeurant fort documenté, n’est-il qu’un ringard ? Certes non. Il concède avec grâce que nos nouvelles bibliothèques nous permettent, grâce à leurs ressources en ligne, de feuilleter sans se mouiller le doigt maints ouvrages rares, dont l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert. Il se souvient qu’en vain Platon pestait contre l’écriture, prophétisant la perte de la mémoire individuelle. Que donc la nouveauté n’est pas forcément évacuation de l’ancien. Bien qu’en 2010 naisse à l’Université de San-Antonio, au Texas, « la première bibliothèque sans livres imprimés » : l’on ne peut s’empêcher alors de penser fuir ce lieu qui emprunte abusivement le nom noble de « bibliothèque » pour n’y voir pétiller que des écrans et vagir que des fantômes… Car « l’objectif est de dématérialiser livres et bibliothèques » (c’est l’ordre du jour de l’Ecole nationale des sciences de l’information et des bibliothèques). En un génocide culturel qui n’attend plus que son définitif autodafé virtuel, lorsqu’une vaste panne électrique, un hyper bug balaieront les pixels…

      L’archaïque réquisitoire du « renégat sans-gêne de la bibliophilie » contre « la grande déchèterie numérique » peut paraître excessif. Concédons néanmoins que l’océan du web aux milliards de poissons mollement culturels peut n’aboutir qu’à une pêche vide de sens parmi des millions de contributeurs, qu’à une déshérence de l’autorité du savoir et de ses hiérarchies : « Comment ne pas être saisi de vertige face à cette frénésie de participation dénuée de toute autorité spirituelle et hiérarchique ? » La « barbarie à visage numérique » peut-elle aller jusqu’à être « l’ennemi mortel de la culture » ? Il n’est pas impossible en effet que les écrans rendent « difficile d’aller au-delà d’une lecture d’information vers une lecture d’étude ». Quant à lire encore les livres anciens…

      Le cri d’alarme sera-t-il entendu ? Et surtout sur papier ? Etrange ironie du sort lorsque sur écran ce site défend un livre qu’un éditeur courageux, d’un élitisme ouvert et accessible, ose encore publier sous forme maniable entre les doigts… Le N’espérez pas vous débarrasser des livres[2] d’Umberto Eco n’était-il qu’un vœu pieux, qu’une nostalgie démentie par les faits, par la marche inexorable de l’Histoire des technologies et des mœurs ? Virgile Stark enfonce le clou : « racontez-vous la belle histoire du livre immortel, pendant que nous préparons son éviction définitive ».

      En 1993 Karl Popper notait que « la violence, le sexe, le sensationnel sont les moyens auxquels les producteurs de télévision recourent le plus facilement[3] ». Que dirait-il aujourd’hui, quand la baveuse toile d’images s’étend pour nous coaguler ? Certes ces mêmes sujets existaient dans le livre, mais avec la distanciation du récit et de la syntaxe, de l’imagination et de la pensée, en un mot avec la hauteur philosophique. Il est à craindre que ce recul de la liberté intellectuelle soit dommageable pour la démocratie. Ce que les cadres de Facebook, Apple et Google ont cependant aux Etats-Unis compris : ils savent envoyer leurs enfants dans des écoles sans le moindre équipement numérique. Pour y apprendre à lire, à penser, à créer.

      Virgile Stark semble cependant ne pas voir que ces géants de l’Internet sont également sources de libertés de publication inouïes. Qu’Amazon n’est pas qu’un concurrent dévastateur des bibliothèques publiques et des librairies. Grâce à ce dernier, grâce à EBay, Price Minister, l’on trouve à acheter en ligne des auteurs classiques, des livres épuisés, anciens, à des prix souvent modestes, ce qui diminue la dépendance aux bibliothèques publiques et contribue aux bibliothèques personnelles. Bientôt, sur Kindle, on n’achètera plus seulement un fichier-livre, mais on le louera pour une brève période : à quoi bon s’encombrer de papier s’il ne s’agit que de lire ou de consulter une fois ? Sans oublier que les éditeurs papiers, sélectifs, mais pas toujours judicieux, sont déjà dépassés par des éditeurs numériques, dont les e-books permettent des auto-publications pourquoi pas talentueuses, qui atteignent parfois des chiffres de vente fort confortables, tout en assurant des droits d’auteurs plus rémunérateurs. Une telle mobilité du livre, du matériel à l’immatériel, stimulante pour l’esprit, ainsi que pour une nouvelle économie, condamne-t-elle à le papier au recyclage et à la poussière ? Sans doute ouvre-t-elle des portes insoupçonnées vers la créativité et la connaissance…

Mais à l’amateur passionné de livres papier et carton, qui verront peut-être face au virtuel leur retour en grâce, comme les disques vinyles sont de nouveaux objets de collection, il reste l’indéfectible quête et goût du bouquin, pour user du mot venu du néerlandais. Ainsi Virgile Stark titre-t-il son modeste volume : Les Miscellanées d’un bouquineur, alliant un terme familier à un autre spécialisé, les miscellanées étant des mélanges, des mosaïques littéraires, glanées de ci de là. Sans ordre, n’obéissant qu’à sa fantaisie, et à son humeur didactique, il réunit des notes sur l’histoire et les techniques du livre, de l’Antiquité à nos jours, de la bibliothèque perdue du Titanic à celles du général de Gaulle et de François Mitterrand, bibliophile avisé, de la censure à la « bibliomanie », divaguant des boites vertes des bouquinistes des quais de Seine au quartier immense des volumes d’occasion à Tokyo.

Voici quelques-unes de ces miscellanées. Au moyen d’une liste noire, les Nazis prévoyaient d’interdire près de trois mille auteurs en Angleterre en cas de victoire. « Chez les piétistes rhénans ashkénazes des XII°-XIV° siècles, l’encre utilisée pour écrire le mot « Dieu » sur les manuscrits ne pouvaient être réutilisée pour écrire les mots profanes ». Un « livre entièrement blanc », qui fit un succès, un indéchiffrable « manuscrit Voynich », mais aussi « un bibliothécaire idéal », qui, le soir venu, quitte sa bibliothèque pour aller combattre des idées, dont il a veillé, dans la journée, à ce qu’elles soient représentées dans les collections ». Un régal, vous dis-je !

      Puisque ces quatre volumes sont chacun à leur manière une mise en abyme des bibliothèques, on ne peut que se pencher avec amour sur leur apparence, leur emballage et design de papier, de carton. Ce pour avoir le plaisir de les retrouver et non de les perdre. Si la couverture du Mehring (et à moindre degré celle du Stark) est passablement laide, comme l’ensemble de la collection, « Le goût des idées -odyssées », à laquelle il appartient, celle du Ménager est nettement plus élégante au toucher et à la vue. Qu’est-ce que cette alliance du crabe et du papillon bleutés qui lui sert d’emblème ? N’est-ce pas l’aureus du « Festina lente » (« Hâte-toi lentement »), cet adage 3001 parmi ceux d’Erasme[4], publiés avec tant de soin par ce même éditeur, à qui il faut sans tarder ménager une place d’honneur dans nos bibliothèques, s’il en reste…

 

      À moins que la sauvegarde soit en de rares bibliothèques privées ? On se souvient de l’amusante caricature dans laquelle un homme invite une femme à découvrir sa bibliothèque : vastes rayonnages vides où ne trône qu’une liseuse, ou un Ipad. Tout Dostoïevski, tout Platon, peut-être toutes les sciences naturelles, tout Emily Dickinson… Rien si la lumière de l’esthétique objet technologique s’éteint. Rien dans l’esthétique, dans l’ordre et le désordre d’un mur de livres aux dos colorées et parlants, rien dans le feuilleté sensuel. Tout ce qui fait qu’une bibliothèque réelle aux livres choisis est un cerveau réalisé, une civilisation, en fait une civilisation diverse et libérale. Pouvons-nous gager qu’après l’ivresse consumériste et créative aux mille gadgets informatiques, dont nous serons le dernier à nier, par la vertu de ce site, l’utilité et la beauté, un nouveau luxe nécessaire revienne à la mode : comme reviennent en force les disques vinyles noirs, les beaux et bons livres, neufs et anciens, objets charnellement concrets, une culture un rien exhibitionniste, à confier entre initiés et pourtant ouverte au partage…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[3] Karl Popper / John Condry : La Télévision : un danger pour la démocratie, Anatolia, 1995, p 27.

[4] Voir : Erasme et Aldo Manuzio, pères des adages et de l'humanisme

 

Anthony Rich : Dictionnaire des antiquités romaines et grecques, Firmin Didot, 1873.

 Pline le jeune : Lettres, chez la veuve de Claude Barbin, 1702.

Photo : T Guinhut.

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9 novembre 2013 6 09 /11 /novembre /2013 08:43

 

Boccace : Contes, Londres, 1779. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Des Prestigieuses bibliothèques du monde

 

à L'Or des manuscrits.

 

 

 

Jean-François Blondel, avec la collaboration de Sophie Huvier :

Prestigieuses bibliothèques du monde, Oxus, 240 p, 39 €.

 

Christel Pigeon, Gérard Lhéritier,

avec la collaboration de Pascal Mateo et Jean-Noël Mouret :

L’Or des manuscrits, Cent manuscrits pour l'Histoire, Gallimard, 240 p, 29 €.

 

 

 

 

Mnémosyne était chez les Grecs la Déesse de la Mémoire. On sait qu’unie à Zeus, ou à Apollon, selon les traditions, elle donna naissance aux neuf Muses. Alors que les dieux ont à peu près disparu dans l’oubli des fictions, à moins que certains ce soient crispés dans de trop humaines tyrannies, où pourrons-nous retrouver Mnémosyne, sinon dans les bibliothèques, ces gages de la mémoire et de la connaissance ? Pour ce faire, les rencontres involontaires de l’édition nous proposent un guide des Prestigieuses bibliothèques du monde, mais aussi de L’Or des manuscrits qui  ont marqué l’Histoire...

Naïvement, l’on aurait pu imaginer que ces vastes et splendides temples du livre n’auraient surtout essaimé que sur le vieux continent. Erreur, au-delà de l’Europe, certes magnifiquement pourvue, les Etats-Unis, sans même parler du Congrès de Washington avec ses  32 millions de volumes, ont la part belle, avec Seattle, Yale ou New-York. Australie, avec Victoria, Israël avec Jérusalem, mais aussi la Chine ou le Japon, foisonnent de richesses. Un vertige saisit alors le lecteur : vertige de beauté, de connaissances, des vies dont nous n’aurons pas la jouissance pour parcourir tous ces haut-lieux de l’humanité, pour ne serait-ce que feuilleter ces milliards de pages, parfois précieuses au point d’être interdites aux mains profanes…

Les bibliothèques sont follement baroques à Melk et Admont, en Autriche, construites comme en un graphisme géométrique et moderniste à Tokyo, Pékin, Toronto ou Salt Lake City, majestueuses et feutrées comme la Bibliothèque Nationale de France ou celle du Sénat, cette dernière ornée d’une coupole peinte par Delacroix. On aimerait aussitôt s’envoler vers l’Angelica de Rome, l’Hermetica d’Amsterdam. Et consulter des pièces mythiques, les codex mixtèque et Mendoza de la Bodleian Library, le Virgile réalisé vers l’an 400, à la Vaticane, le cabinet de la « Salle du trésor » de Saint-Gall… Ou encore parcourir les incunables (imprimés avant 1500), les mappemondes anciennes, auxquels est consacré un chapitre entier.

Il serait trop aisé de compter les bibliothèques absentes de ce volume, malgré ses soixante cavernes d’Ali Baba, et sa dimension synthétique bienvenue. Nous les tairons donc, quoiqu’en pensant à l’Amalia baroque de Weimar. Nous nous consolerons en remarquant en la bibliographie la trace de « La bibliothèque de Babel » de Borges et de celle du Nom de la rose d’Umberto Eco, qui, selon le romancier cachait l’essai sur le rire d’Aristote, resté introuvable.

Ce beau livre enfin se paie le luxe mélancolique d’évoquer les « Bibliothèques disparues » : Alexandrie, brûlée par accident par les Romains, et brûlée délibérément par les conquérants barbares de l’Islam, Ephèse, en Turquie, dont il ne reste qu’une façade, matières à rêver sur les sciences et les mythes que recelèrent les papyrus sacrifiés par les cruautés de l’Histoire. Ainsi, plus récemment, « une saisie de tous les livres et l’enfermement, puis souvent l’assassinat des membres de la bibliothèque » de Strahov (Tchéquie) pendant « les années communistes »… Comme ceux, évêques et papes, princes et mécènes, qui ont fondés et doté ces lieux fabuleux, sommes-nous encore assez convaincus de leur absolue nécessité pour le soin de nos libertés ?

Un seul regret pour ce format à l’italienne aux accents cosmopolites et universalistes : la riche iconographie est hélas entachée par quelques illustrations à l’impression plus floue. Et peut-être, parmi les nombreuses images de bâtiments aux coupoles impressionnantes, aux architectures hyperboliques, aux étagères chargées de trésors reliés surabondants, comme Le Livre de Kells à Dublin, ne nous montre-t-on pas assez de photographies, ou parfois lilliputiennes, de ce pourquoi on va dans les bibliothèques : les livres, les manuscrits. Il faudrait alors se tourner vers la Fondation Martin Bodmer et sa bibliothèque genevoise, dont le beau livre de Charles Méla propose en ses Légende des siècles[1] et en sa parfaite iconographie les plus étonnants et marquants livres de l’humanité, en leurs manuscrits, leurs premières éditions, qu’il s’agisse d’Histoire, de littérature, roman, théâtre, poésie, de religion, ou de politique…

C’est également en parcourant de nombreuses bibliothèques du monde que L’Or des manuscrits[2] nous offre ses trésors « pour l’Histoire ». Classés par ordre chronologique, depuis les papyrus d’Egypte, jusqu’à La Belle et la bête de Cocteau, ce sont cent raretés, de mains d’anonymes ou de célébrités, qu’il s’agisse de Mozart ou de Magellan, de Rimbaud ou de Darwin. Documents toujours émouvants, à l’instar des « paperolles » de Proust ou de la « lettre du suicide » de Baudelaire. On n’est pas sûr d’ailleurs qu’en ce concert de génies qui ont marqué l’humanité, les plus contemporains et derniers de la liste, les Beatles, avec le manuscrit de la chanson « Yesterday », soient à la hauteur ; à moins qu’il s’agisse là d’une giclée de démagogie envers le populaire. D’autant que les droits de reproduction n’ont pas pu être accordés à l’éditeur, ô ironie…

Reste que le parcours, époustouflant, qui permet de côtoyer Cicéron et Lewis Carroll, Copernic et Léonard de Vinci, Michel-Ange sonnettiste ou le rouleau des Cent vingt journées de Sodome du Marquis de Sade, permet de s’interroger sur les fantaisies, les fantasmes, les spéculations et les découvertes, autant que sur la dimension politique de notre humanité. Un papyrus du Ier siècle, hébergeant la Constitution d’Athènes, attribuée à Aristote, l’Edit de Nantes « décisif pour le pluralisme religieux », l’ « Habeas corpus » anglais  qui signe la fin des arrestations arbitraires par les despotes, le « Bill of Right » qui fait émerger la démocratie parlementaire, ces préludes aux Lumières…

Une « Bible secrète des papes », le diabolique Codex Gigas, un « évangéliaire en lettres d’or », un « Livre d’heures noir », la  Mishné Torah du XVème, des « prophéties aztèques » et « trois codex mayas », un « Coran ancien et controversé », voilà qui fait saliver l’intellect un rien frondeur du lecteur dont la culture religieuse ne demande qu’à se multiplier. D’autant plus fasciné que des palimpsestes, des lettres et des carnets où la main de l’auteur est encore toute chaude, côtoient quelques œuvres littéraires indépassables en de rarissimes exemplaire : la Divine comédie de Dante, rédigée en gothique italienne, dotée de miniatures colorées et dansantes… Et que penser, en cette iconographie impeccable, de raretés alchimiques, comme le Picatrix, grimoire de magie talismanique », ou le Splendor solis ?

 

 

 

 En ces deux volumes pour le moins intrigants, qui feraient rêver jusqu’au délire, ou plutôt jusqu’à la sagesse, le modeste collectionneur et bibliophile, on trouve quelques points communs, incontournables. Tels les enluminures soignées pour l’éternité ou les premiers jets éphémères des écrivains inspirés. A moins d’interroger les pages d’astronomies méconnues et menacées de Tombouctou.  Ou de rester démesurément perplexe devant le « manuscrit Voynich », peut-être venu du XVème siècle, dont la langue, peut-être venue de l'hébreu médiéval, reste en grande partie impénétrable, garni de peintures botaniques abracadabrantes, de jeunes filles nues baignant dans une eau verte ; traité de pharmacologie, de cosmographie, qui sait… À l’image de notre mystère. Car, dans les bibliothèques, les livres et les manuscrits du monde, est notre humanité, notre mémoire et notre dignité. Trésors moins fragiles, peut-être, que la bibliothèque virtuelle d’internet, de ce modeste site, noir tapuscrit cependant coloré, sans la chaleur des mains qui le composent, vague nuage de pensée peut-être déjà disparue…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Charles Méla : Légendes des siècles, Parcours d’une collection mythique : Fondation Martin Bodmer, Cercle d’Art, 2004.

[2] Qui fait suite à L’Or des manuscrits, les cent manuscrits les plus précieux, Gallimard, 2013.

 

Cypriani : Opera, Officina Hervagiana, 1540.

Manuscrit Voynich, Bibliothèque de l'Université de Yale. Fac simile, Hades, 2013.

Photo : T. Guinhut.

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23 mars 2013 6 23 /03 /mars /2013 12:48

 

Biblioteca, Abadia de Viaceli, Cobreces, Cantabria.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

George Steiner, bibliothécaire des tragédies

 

et des réelles présences du langage.

 

George Steiner : Œuvres, divers traducteurs de l’anglais,

sous la direction de Pierre-Emmanuel Dauzat,

Quarto Gallimard, 1216 p, 25 €.

 

George Steiner : Fragments (un peu roussis),

traduit de l’anglais par Pierre-Emmanuel Dauzat,

Pierre-Guillaume de Roux, 96 p, 13,90 €.

 

 

 

 

       Traduire après Babel la langue des dieux, qu’ils soient grecs ou de la Bible, lorsqu’auteurs ou spectateurs absents de nos tragédies ils fustigent notre condition humaine ou notre judéité, est chose impraticable. Traduire avec la cristallinité requise les langues européennes reste presque aussi difficile. Pourtant c’est  autant sur les ruines de l’Histoire que sur les solides pavois des œuvres d’art que George Steiner fonde sa réflexion. Jusqu’où accueillir alors la validité du langage ? Mettant la vérité à l’épreuve des dramaturges antiques, de Shakespeare, d’Hitler ou de Celan, l’essayiste érudit et brillant qu’est George Steiner s’avance infatigablement à la recherche du sens, de l’énigme du mal, de la transmission des grandes œuvres, guettant l’étrangeté de la rupture entre les mots et le sens, là où s’engouffre la barbarie du XX° siècle et peut-être d’aujourd’hui. La parution de ce volume d’Œuvres, en un choix partiel, affirme avec une rare hauteur de vue que tragédie, judéité, langage en ses traductions, sont les trois axes d’une quête intellectuelle inspirée.

 

       Les dieux sont-ils tragiques ? Il est évident que ceux de la Grèce antique, souvent arbitraires et injustes, accablent d’innocents mortels, tels Hippolyte aimé par la passion incestueuse de sa belle-mère Phèdre et massacré par le monstre de Neptune, ou les enfants assassinées par la vengeance de Médée. Cependant, observe George Steiner dès l’ouverture de La Mort de la tragédie, la Bible et la théologie judéo-chrétienne, ne font aucune part à la tragédie, le Dieu des deux Testaments étant fondamentalement juste, qu’il agisse à l’égard d’Abraham, de Job ou de Jésus. Sauf à l’occasion de la mort de Dieu et de la Shoah. « La tragédie est cette forme d’art qui exige l’intolérable fardeau de la présence de Dieu. Elle est morte à présent parce que Son ombre ne tombe plus sur nous comme elle tombait sur Agamemnon, sur Macbeth, ou sur Athalie. » (p 250) Tragique est également le mythe d’Antigone, non seulement à travers Sophocle, mais à travers son actualité. Suivant la trace des Antigones, de leurs généalogies, George Steiner écrit là au plus près de la philosophie politique, lorsque viscéralement convaincus de devoir enterrer leurs morts, elles sont les résistantes inéluctables aux tyrannies. En ce sens Paul Celan serait le poète d’une Antigone contrariée, quand en sa célèbre « Fugue de mort », il assigne « une tombe dans les airs[1] » au peuple juif laminé.

        Que penser alors de celui qui vit sans ciller son peuple élu alimenter les fumées d’Auschwitz ? A-t-il laissé mourir le langage ? C’est vers Langage et silence, quoique absent de ce volume, qu’il faut se tourner : « Le monde d’Auschwitz déjoue la parole, tout comme il déjoue la raison. Accepter une part d’innommable, c’est mettre en péril la vie du langage, créateur et porteur de vérité humaine et rationnelle.[2] » Et se tourner vers la prescience de la loi incompréhensible, injustifiable, du Procès, et de La Métamorphose de Kafka : « le mot même de « vermine », Ungezeifer en allemand, est un trait de clairvoyance tragique, car c’est ainsi que les nazis devaient appeler ceux qu’ils destinaient à la chambre à gaz »[3].

       Celui qui s’essouffle devant cette aporie de l’Histoire et « témoigne pour le témoin[4] », Paul Celan, fut, pour George Steiner parmi les premiers, une bouleversante révélation autant qu’une énigme de l’hermétisme et des voix de la traduction : « Que ces poèmes existent est tout à la fois un genre de miracle de nécessité ultime et une sorte de cruel outrage. Celan était possédé jusqu’à s’en déchirer par cette contradiction, l’intuition que son génie propre s’employait à nier le néant de la parole et de la métaphore qui auraient dû suivre l’Holocauste. (Pourquoi, en effet, l’art et la poésie ne se sont-ils pas mis en grève ?)[5] » Si la poésie de Celan exprime « le sentiment d’une situation inauthentique de l’homme dans un milieu de langage érodé » (p 652), elle ajoute à la difficulté de la « rupture du contrat classique entre le mot et le monde » (p 654) celle du défi à la traduction (Celan, affirme George Steiner, fut un merveilleux traducteur des Sonnets[6] de Shakespeare). Ce dans le cadre de « La bénédiction de Babel », qui restitue en ce volume d’Œuvres deux chapitres rescapés d’Après Babel. Une poétique du dire et de la traduction[7]

       « Notre patrie, le texte »[8], affirme celui qui, comme nous tous, plus que le Juif qui transporte avec lui partout la maison de la Torah (sauf sous les fumées d’Auschwitz) a sa cosmopolite patrie dans les grands textes de la culture. En ce sens sa réflexion sur les langues est autant réflexion sur la judéité et son peuple du Livre qui, « après Babel » perdit sa langue originelle, puis après Auschwitz perdit le yiddish, trop mâtiné d’allemand qu’il était, pour créer, presque de toutes pièces, l’hébreu moderne. De plus réflexion sur la langue de Goethe qui s’épanouit à Weimar, alors qu’à quelques pas au-dessus d’elle s’élevèrent les puanteurs des corps brûlés de Buchenwald.

       Restent les fils épars et en pointillés de la traduction, entre poésie et philosophie, pour hésiter entre sésame et labyrinthe parmi les langues. On sait d’ailleurs que Georges Steiner s’adonne parfois à des traductions qu’il ne publie pas. On serait pourtant curieux de goûter ses transmutations, en français peut-être, de peut-être Celan…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       C’est entre « silence » et « réelles présences[9] » (quoique les titres qui examinent ce vide et ce plein soient douloureusement absents de ce volume d’œuvres) que George Steiner bâtit son œuvre au long cours, comme une traversée inquiète et confiante à la fois de la culture occidentale. Pour lui, n’en doutons pas, Babel, en sa séparation des langues, est une catastrophe délicieuse.

       Pourtant, une catastrophe plus sombre menace la culture. Lorsque s’efface « le caractère religieux de la vraie civilisation » (p 318), lorsqu’avec l’ennui « des miasmes montaient du vide et du dégoût, se fixaient sur les centres nerveux de la culture » (p 305), lorsque ne reste plus que le vernis des œuvres d’art, le kitsch, la « retraite du mot » est inéluctable : « Si nous ne pouvons rendre dans nos journaux, nos lois et nos actes politiques une certaine clarté et une certaine précision du sens des mots, nos vies se rapprocherons de plus en plus du chaos. (…) Périr par le silence : cette civilisation qui n’est plus veillée par Apollon ne durera guère. » (p 426) Pessimisme réactionnaire ou salutaire avertissement ?

       Le sens de la culture, Dans Le Château de Barbe-bleue, est à mettre en regard avec celui exprimé dans « Une lecture contre Shakespeare », extrait de Passions impunies[10] : « pratiques discursives philosophiques et poétiques (…) sont toutes deux des sollicitations de l’ordre qui cherchent à détacher une forme intelligible de l’anarchie suggestive du phénoménal ». (p 271). En ce sens, George Steiner tente de réfuter Wittgenstein qui n’aime guère Shakespeare, reprochant à son tableau des passions, fait de l’étoffe des rêves et des cauchemars, de ne pas émaner du Dichter, ce poète au sens éthique incomparable qui fit les beaux jours du classicisme et du romantisme, jusqu’à Paul Celan, celui dont « l’intellect aimant (…) parle l’être » (p 283). La question suivante mériterait d’être posée à la conscience de tout auteur : « Les personnages de Shakespeare sont-ils plus vrais que des nuées magellaniques d’énergie verbale, des nuées qui tournent autour d’un vide, autour d’une absence de vérité et de substance morale ? » (p 285). Si « Wittgenstein lit mal Shakespeare », la démonstration de notre essayiste reste là partielle, même si l’on devine que dresser une telle fresque cathartique de la nature humaine suffit au lecteur de bonne intelligence pour y répondre par des questions morales implicites. Ainsi l’éthique du sens reste l’exigence majeure de George Steiner.

       A sa manière, pour reprendre le titre de Calvino, il répond à la question « Pourquoi lire les classiques ? », ces « livres qui exercent une influence particulière aussi bien en s’imposant comme inoubliables qu’en se dissimulant dans les replis de la mémoire par assimilation à l’inconscient collectif ou individuel (…) un livre qui, à l’instar des anciens talismans, se présente comme un équivalent de l’univers (…) ce qui tend à reléguer l’actualité au rang de rumeur de fond, sans pour autant prétendre éteindre cette rumeur »[11]. Parce qu’ils disent la vérité sur l’atavisme de nos interrogations métaphysiques, existentielles, psychologiques et intellectuelles, par-delà le mur du temps et de l’espace. Parce que revenir aux grandes œuvres de la culture et de l’art est retrouver l’humain dans son essentialité.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       Ce volume d’Œuvres, dont il est peu aisé de saisir la cohérence, quoique composé par Steiner lui-même et son traducteur préféré, Pierre-Emmanuel Dauzat, prend en écharpe un demi-siècle d’écriture et de création, depuis La Mort de la tragédie, de 1961, jusqu’aux Fragments (un peu roussis), parus en 2012. On peut imaginer que les livres ici absents appartiennent plus spécifiquement au volet philosophique qui pourrait faire l’objet d’un second Quarto Gallimard. Et que choisir de n’offrir que quelques pages du Transport d’A. H. et deux chapitres d’Après Babel vise à la quête de l’essentiel, en ces pavés souvent fondamentaux que sont les livraisons de la collection Quarto, qui pourtant, au sein de leurs fragiles couvertures, auraient tendance à apparaître avec douleur comme des sous-Pléiades…

       Cohérence entre le sens et les « errata », sinon la gamme de l’écriture, la traversée des genres : l’essai bien sûr, symbiose de critique littéraire, de gnose et de philosophie politique, l’aphorisme, grâce aux Fragments (un peu roussis), l’apologue biblique, le récit personnel au moyen d’Errata

       Cette autobiographie intellectuelle est celle d’une enfance avide de culture européenne multilingue, entre allemand, anglais et français. Les anecdotes familiales, les années scolaires et universitaires, depuis la naissance en 1929, permettent alors d’assumer le « je » (parfois jeté dans les pages des essais). Mais ce sont surtout les lectures, les professeurs qui balisent cette tentative d’osmose avec les langues. Même si « avec un venin onctueux », ce « shibboleth hargneux des idéologies racistes, nationales et tribales », on lui murmura que « le polyglotte ne possèdera jamais cette aisance de somnambule dans une seule langue qui marque non seulement l’écrivain (d’abord et avant tout le poète) mais aussi le lecteur et critique réceptif d’un texte littéraire. » Ce à quoi il répond que « Clairvoyant face à la montée menaçante du nationalisme, Goethe déclare sans ambages qu’aucun monolingue ne connait vraiment sa langue. » (p 1043)

       S’interrogeant sur le lien entre le « progrès général et la créativité de premier ordre », il suppose qu’un « authentique déclin de l’analphabétisme accroitra le nombre de ceux qui, au sein de la collectivité, sont sensibles à la pensée, aux arts, à la littérature », dans le cadre « de la pédagogie libérale des Lumières ». Il reste cependant dubitatif : « Quelle preuve existe-t-il que l’on puisse atteindre cet idéal sur autre chose qu’une éche1le limitée ? (p 1061) Et parmi « une culture de fast-foods » (p 1075), rejoignant ainsi l’interrogation d’Hannah Arendt[12] 

       En compagnie de ce Juif errant au cosmopolite pays des textes, nous avançons parmi une quête de sens jamais achevée, faite d’ « errata », d’errances et de fautes, de confessions après celles de Rousseau, sans la grâce augustinienne réservée à l’élu du sens, mais avec le soin de celle de la démocratie de l’intellect et de « la démocratie de la grâce, ou de la damnation » (p 1107). D’autant que son cheminement au cœur d’un continuel rayonnement littéraire et philosophique est confronté à l’inqualifiable erratum de l’Histoire : ces « Vents de l’homicide de masse » (p 1055). Repris en ce court essai, « la longue vie de la métaphore. Une approche de la Shoah » : « La question d’Auschwitz dépasse de loin celle de la pathologie politique ou des conflits économiques et socio-ethniques, aussi importants qu’ils soient. C’est de la possibilité de concevoir l’existence ou la non existence de Dieu, du « Personne » qui nous a faits ; qui, quand soufflait le vent de la mort, n’a pas parlé, et qui est maintenant en procès. Dans ce procès, qui est celui de l’homme dans l’Histoire, comment le langage parlé pour l’accusation ou la défense, pour le témoignage ou le démenti, peut-il être un langage dont Son absence est absente, dans lequel aucun psaume ne peut être dit contre Lui. » (p 473).

       Le morceau de ce volume d’Œuvres qui pose le plus de problèmes tient évidemment en ces quelques pages orphelines de l’unique roman de notre essayiste et professeur : Le Transport de A. H[13]. Il y a deux réquisitoires en ce texte hallucinant qui voit un groupe d’hommes retrouver dans les marais d’Amazonie un vieillard pisseux. Nous avons deviné que ces initiales qui marquèrent le centre du XX° siècle, entre les Kolyma du communisme et la bombe d’Hiroshima, sont celles d’Adolf Hitler, échappé à la mise en scène de son suicide, virus absolu du mal radical dans les jungles, comme le fut le Kurtz du Cœur des ténèbres de Joseph Conrad[14]. Notre volume choisit de publier le réquisitoire que constitue « Le monologue de Lieber », dans lequel il entreprend une charge contre le charisme de l’ex-Führer, « une éloquence sans pareille » (p 435) au service de « Mauthausen Drancy Birkenau Buchenwald Theresienstadt » (p 439), et dans lequel il abjure les siens : « Cherchez le poison dans ses dents et enduisez ses furoncles de pommade. Veillez sur lui plus tendrement que les fils de Jacob. » (p 441) Fiction romanesque éprouvante qui cependant laisse au lecteur le soin de regretter qu’elle soit la seule de son auteur. Mais fallait-il, alors que George Steiner en refuse la traduction en allemand et en hébreu, donner l’ultime réquisitoire qui voit A. H. lui-même pointer la responsabilité des Juifs : « j’ai appris. De vous. Tout. Choisir une race. La préserver pure et sans taches. Placer devant ses yeux une terre promise. Purger cette terre de ses habitants ou bien les asservir. (…) Mon racisme ne fut que parodie du vôtre, qu’une avide imitation. Qu’est-ce qu’un Reich de mille ans comparé à l’éternelle Sion ?  (…) Ce sont des hommes et des femmes, créature de chair, que le Nazaréen a abandonnés à cet infernal chantage du châtiment éternel. Que sont nos camps comparés à cela ? » Poursuivant, il minimise ses forfaits face à ceux de Staline, (venus du Juif Marx), d’Hiroshima et du napalm du Vietnam, non sans jeter un dernier fiel : « Ce fut l’Holocauste qui vous donna le courage de l’injustice, qui vous fit chasser l’Arabe de chez lui. (…) Peut-être est-ce moi le Messie, le véritable Messie, le nouveau Sabatai dont les abominations furent permises par Dieu pour ramener son troupeau au bercail. [15] »

      Le risque encouru par le Juif George Steiner n’est-il pas de charger la barque de la détestation d’Israël, de l’antisionisme, de l’antisémitisme ? A moins de considérer avec plus de justesse que la mauvaise foi d’A. H., son argumentation spécieuse, soient le verrou d’une inacceptable confusion entre le nazisme criminel, la Bible et la seule démocratie, malgré ses inévitables failles,  libérale et tolérante, du Proche-Orient…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       En marge de ses vastes essais sur les Réelles présences du langage, sur la traduction et les Grammaires de la création, George Steiner est en ses Fragments un peu roussis saisi par la plume de l’aphorisme. Utilisant l’artifice romanesque du manuscrit retrouvé, celui qui, De la Bible à Kafka, sait déchiffrer Le Silence des livres, imagine en son prologue que ces écrits « figuraient sur un des rouleaux roussis récemment exhumés à Herculanum ». S’agirait-il alors d’une uchronie qui aurait permis à quelque érudit romain d’être capable de parler des Sonnets de Shakespeare et d’Auschwitz…

      C’est par l’esthétique du « fragment » que se dessine sa qualité de « déchiffrement » devant les gouffres de la pensée, les fêlures de l’être et de notre temps. Sur la dangereuse proximité de « l’amitié tueuse d’amour », il est désabusé. Sur le mal, il se demande s’il est « incisé dans la psyché humaine ». Quant à l’argent, cette « Déesse », alternant éloge et blâme, il finit, en moraliste traditionnel, par dénoncer un « culte du veau d’or », sans deviner s’il est préférable à celui de la pauvreté… Sur le pouvoir de la musique et de la mort, il est enchanteur, puis pathétique, sans illusion et sans fard. Stimulant, il se risque à pointer « la tartufferie du politiquement correct », lorsqu’il explore les inégalités de la beauté et de l’intellect : « Où l’on retrouve les vieilles questions des facteurs génétiques et environnementaux ». S’il défend « l’accès aux arts et aux sciences pour tous », il constate avec désabusement qu’une « incalculable majorité fera du football la religion mondiale ».

      Pourquoi « un peu roussis » ? Par le passage de l’éclair inquiétant de la pensée, des chambres à gaz du nazisme qui offensent la judaïté et la religion du livre de Steiner, des autodafés de la culture philosophique. Il y a plus d’idées, de fulgurance poétique en ces quatre-vingts pages qu’en maints tomes besogneux, plus d’interrogations fondamentales, d’intensités conceptuelles vigoureusement argumentées et colorées…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

       Certes l’homme Steiner, fascinant, enjoué, parfois cabotin, érudit impressionnant, styliste brillant, capable des embûches retorses du Transport de A. H. et des lumineuses analyses de ses Grammaires de la création[16], peut agacer : « Lire une page de Platon quand on a un Walkman sur les oreilles ? Cela me fait très peur[17]. » Gageons que notre passeur des cultures, serait effrayé en apprenant que l’auteur de ce modeste article écrit en écoutant L’Olimpiade de Vivaldi… Il a dit quelque part qu’aucune œuvre digne de ce nom ne pouvait naître d’un traitement de texte. Son approche d’internet reste vieillotte, quoique justement prudente : « Les textes qui passent à l’écran sont en un sens, provisoires, inachevés. (…) Et l’écran ne possède jamais cette vie que Platon et Lévinas jugent indispensable dans toute rencontre féconde entre maître et disciple »[18]. Il vitupère sans nuance et avec la lourdeur des clichés contre « le hurlement sadique et sauvage de l’argent du capitalisme tardif[19] » Il regrette et conspue le déclin de la culture européenne, voire la fin de l’humanisme lettré, malgré de pétillantes lueurs d’espoir de renaissance culturelle, tout en plaidant au soir de sa vie, de façon fort moderne, pour la liberté de l’euthanasie dans le huitième et dernier des Fragments (un peu roussis) intitulé « Mort amie » : « Le suicide incarne la liberté (…) La gériatrie, les reliquats de théologies obsolètes cherchent à nous priver de cette liberté fondamentale. Est-il chose plus cruelle que le diktat qui maintient en vie l’homme dont le cerveau s’est éteint, le paralysé alimenté par des tubes » (p 1202)…

       Par-delà nos morts, individuelles et collectives, qu’elles soient naturelles ou du scandale politique et herméneutique de la Shoah, il s’agit dans tous les cas de traduire le sens, de délivrer le « sens du sens[20] ». Dans les mots, le secret du poème, qu’il soit de Celan, de Shakespeare ou de Wallace Stevens, l’articulation entre morale et culture reste fondamentale. Un nazi peut-il écouter Die schöne Müllerin de Schubert avant d’aller tuer ses Juifs ? Quelle est alors le sens de la culture ? A moins que, au-delà des brutes qu’étaient la plupart de ses comparses, que leur usage de l’auteur des lieder soit de l’ordre du kitsch et non de cette plus haute culture qui élève les sens, l’esprit et les mœurs, dans la continuité éthique de la Bible et des Lumières.

 

       Car à George Steiner, à cet humaniste du don des langues européennes, il faut reconnaître une irremplaçable fonction, celle de passeur. Est-ce celle du Dichter, ce terme allemand qui n’est qu’imparfaitement traduit par poète, mais avec une dimension éthique, comme Goethe ou le Beethoven de la Neuvième symphonie ? Comme le dit le titre que l’on devine choisi avec soin, il n’y a pas seulement là une brassée d’études sur les œuvres d’autrui, mais une, des Œuvres, celle d’un penseur qui tente de retisser le lien, qui fut brisé par la Shoah, entre le livre juif, les livres de l’histoire intellectuelle européenne et un présent de la compréhension de l’éthique de l’humanisme et des Lumières, séminal pour notre futur. Pourtant, me direz-vous, George Steiner n’a pas tiré de son chapeau une œuvre poétique personnelle, tout juste un roman passablement effrayant, quelques apologues et aphorismes brûlants, il n’est qu’un commentateur. Mais à ce commentateur encyclopédiste, à ses qualités d’inquiétude, de finesse et de Lumières, à ces « réelles présences, et grâce à elles, peut-être faut-il reconnaître la dimension du Dichter…

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Paul Celan : Pavot et mémoire, Christian Bourgois, 1987, p 85.

[2] George Steiner : Langage et silence, Seuil, 1969, p 131.

[3] Ibidem, p 129.

[4] Paul Celan : Renverse du souffle, Seuil, 2003, p 78.

[5] Georges Steiner : « Nord du futur », Lectures, chroniques du New Yorker, p 293.

[7] George Steiner : Après Babel. Une poétique du dire et de la traduction, Albin Michel, 1998.

[8] George Steiner : De la Bible à Kafka, Hachette Littératures, 2002, p 199.

[9] George Steiner : Réelles présences. Les arts du sens, Gallimard, 1991.

[10] George Steiner : Passions impunies, Gallimard, 1977.

[11] Italo Calvino : La Machine littérature, Seuil, 1984, p 104 à 108.

[13] George Steiner : Le Transport de A. H., Julliard L’Age d’homme, 1981.

[14] Voir : Juan Asensio dans « Conrad et Steiner. Autour du Transport de A. H. », L’Herne Steiner, 2003, p 261.

[15] Georges Steiner : Le Transport de A. H., p 241 à 250.

[16] George Steiner : Grammaires de la création, Gallimard, 2001.

[17] Entretien avec Georges Steiner : Télérama, 12-12-2011.

[18] George Steiner : Maîtres et disciples, Gallimard, 2003, p 40-41.

[19] Entretien avec George Steiner : Le Point, 24-1-2008.

[20] George Steiner : Le Sens du sens, Vrin, 1988.

 

Photo : T. Guinhut.

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19 janvier 2012 4 19 /01 /janvier /2012 13:58

 

Carnets de blog. Photo : T Guinhut.

 

 

 

 

 

Du Blog comme œuvre d’art.

 

 

 

      Lorsque l’anonyme artiste d’Ampurias sculpta son Aphrodite, probablement dans la tradition de Praxitèle, il élevait la nature au-delà de la reproduction du réel - en ce cas un corps féminin - pour lui offrir une dimension synthétique, universelle, pour dire des canons esthétiques révélateurs de la géométrie intime du corps et de l’univers, ainsi que pour obéir à la nécessité d’une idéalisation surhumaine, de l’ordre de la transcendance. L’art a depuis bien d’autres fonctions, plus modestes : la précision du bonheur visuel, intellectuel et plastique peut se suffire d’un panier de fraises des bois par Chardin ou d’une simple botte d’asperges par Manet. Sans compter que le comble de la bassesse, un urinoir, pût être, dans sa dignité monacale et blanche, qualifié d’œuvre d’art par la seule décision du regard de Marcel Duchamp… Outre les romans de Stendhal et les Cantates de Bach, les photographies de Gursky et les aphorismes de Nietzsche, l’objet sans objet qu’est l’iconicité d’un écran internet peut-il parvenir à la dignité de ces derniers ? Comme un sonnet de Shakespeare ou de Brodsky peut être une œuvre d’art miniature, un blog, un site internet peut-il être considéré comme une œuvre d’art ? Qu’il s’agisse de son visuel, de son architecture ou de son contenu de pensée, sans compter son public, donc de ses qualités esthétiques, intellectuelles et morales, il ne faudra plus en douter.

      Le projet esthétique du blog est primordial. Séduction immédiate, beauté classique ou surprenante, convulsive ou apaisante, beauté lovecraftienne et rock métal, il va retenir l’œil, le laisser glisser et s’accrocher. Couleurs baroques, vides cisterciens, mise en page aux marges respirables où se distribuent les icones de l’index, ingéniosité de l’imagination, les possibilités sont infinies, sans devoir obéir à un canon prédéterminé, sinon une lisibilité répondant aux fonctionnalités du média, aux capacités cognitives de l’esprit humain, ainsi qu’aux attendus toujours trop restrictifs d’un public visé…

      Ainsi les photographies, vivantes et colorées, venues d’IPhone et carré frangé, répondent aux articles, aux essais, aux sonnets et aux romans : illustratives, abstraites, allusives, symboliques ou ironiques, elles vont des plages de l’Ile de Ré aux Alpes suisses, des musées de Roma, de Paris, de Bilbao, de Sevilla et de Leon, des architectures de Luzern et de Grenada, du bric-à-brac d’Emmaüs au raffinement des villas Borghèse et d’Este, du nuage au bol à thé japonais, du jardin aux graffs urbains, des montagnes d’Aragon aux cathédrales de Bourges et de Poitiers, de l’infime pétale et insecte au paysage cosmique, en passant de toute évidence par l’immensité temporelle et spirituelle de la bibliothèque…

      Retable aux multiples volets, de culture et d’esthétique, de par sa construction logique, aux chemins labyrinthiques, le blog est un espace plié qui se déplie au gré des doigts du lecteur cliquant sur une si bien nommée icône, sur un lien, au sens affectif autant que du synapse. L’architecture du web est déjà, depuis une longue histoire qui parait rejeter les autres esthétiques dans une préhistoire, un vaste champ des possibles où la navigation du regard, les choix, les clics de souris ou les caresses tactiles de l’IPhone vont entraîner le voyageur en des sites nouveaux, en des langues nouvelles, en des services divers, de par une arborescence qui peut aller jusqu’aux fractales multiplicités de nouveaux univers. Un seul blog est alors la mise en abyme du web entier. Un modeste projet d’infini peut alors naître sous les doigts du créateur, comme une bibliothèque potentiellement ouverte en chacune de ses pièces, de ses rayons et de ses pages…

 

Carnet de blog. Photo : T. Guinhut.

 

 

      Malgré la fragile impermanence du net qui nous délivre d’éphémères photons -tant que l’électricité, la technologie informatique et le réseau mondial fonctionnent- ce type d’architecture inédite au livre, cette liberté du publiable et de l’ailleurs impubliable (sauf à recourir aux servitudes et aux coûts du compte d’auteur et malgré la plus sûre pérennité de l’encre, du papier et du livre) sont un équivalent de la cité idéale du politique. Non pas au sens où une utopie platonicienne ou marxiste déboucherait sur sa suite logique tyrannique et totalitaire, mais au sens de la libéralité et de la disponibilité démesurées de l’information, de l’intellect et de l’esthétique, à condition de recourir à la curiosité du disciple et de l’impétrant autant qu’au respect du sage.

      Au-delà de la vulgaire fonction de réaction quotidienne voire épidermique aux événements publics et privés, aux mouvements d’humeur qui risquent d’entraîner l’obsolescence programmée sinon immédiate du contenu, le blog doit présenter comme un cerveau réalisé, ouvert sur la toile. Un minimum d’ambition intellectuelle se doit de présider à cette liberté politique et religieuse, à ce libéralisme en acte et en interface, qu’il s’agisse du lyrisme absolument désengagé d’un vers aux métaphores sensuelles et pétillantes de pensée, ou de l’argumentation de la critique littéraire ou philosophique…

      Ainsi, en ce blog, l’on tentera de ne pas avoir d’opinions, mais des convictions, appuyées sur des faits, des connaissances, sur les sources lettrées et philosophiques de l’humanité, sans ignorer notre condition d’être erroné, ni que ces dernières sont sans cesse révisables, en vue d’œuvrer parmi un chemin de justice et de vérité. Car, disait Mirabeau, « la plupart des citoyens, énervés par l’influence du gouvernement, aveuglés, soit par ignorance des faits, soit faute d’examen, soit faute de prévoyance et de sagacité, embrassent plutôt une opinion, qu’ils ne suivent des principes fixes et réfléchis[1] ».

 

      Dans le cadre d’une hyperbole nécessaire, il s’agit enfin de beauté esthétique, par la photographie et la mise en page, de beauté intellectuelle et de beauté morale, de par la fidélité éthique au libéralisme des Lumières et du « Ose savoir » kantien. Il faut alors se garder de toute immodestie devant de telles ambitions à demi surhumaines. Narcissique et exhibitionniste, limité dans ses moyens et sa portée, un blog est forcément une vanité : le mien parmi les premiers. Qu’importe si la critique d’auteurs plus ou moins reconnus, les micro-essais de naïve philosophie politique, voire les commentaires et dissertations destinés aux lycéens et étudiants, recueillent incomparablement plus de lecteurs que l’incompétence de mon œuvre personnelle, tant romanesque que poétique. Qu’importe si ce que je parais offrir à autrui n’est que le masque du manque affectif ou de la suractivité petitement intellectuelle, le blog est prise de risque et bouteille à la mer, invitation au dialogue et aux îles de la pensée : là où l’arbre de ma connaissance cache la forêt de mon ignorance… Il est et peut contenir ce que l’on peut dire à tous et à personne, ce qu’il n’aurait pas valu la peine d’écrire sans éditeur disponible et sans lui, ce qui n’intéressera personne, qui restera invisité, secret et cependant disponible, mais qui trouvera peut-être, parmi les milliards de possibilités exponentielles du net, son secret lecteur dans l’espace, sa secrète lectrice dans le temps.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 


[1] Gabriel-Honoré Riquetti-Mirabeau : Essai sur le despotisme, Le Jay, 1792, p 69-70.

 

Carnets de blog. Photo : T. Guinhut.

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10 février 2011 4 10 /02 /février /2011 16:09

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Destins du livre et des bibliothèques,

du papyrus à Google books :

Robert Darnton, Umberto Eco.

 

 

Umberto Eco : De Bibliotheca, traduit de l’italien par Eliane Descamps-Pria

L’Echoppe, 1985, 31 p, 7,70 €.

Robert Darnton : Apologie du livre, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-François Sené,

Gallimard, 2011, 240 p, 19 €.

Umberto Eco et Jean-Claude Carrière : N’espérez pas vous débarrasser des livres,

Grasset, 2009, 312 p, 18,50 €.

 

 

 

Nolens volens, l’avenir du livre est en question, voire jusqu’à la condamnation sans appel de ce média papivore et topophage, tant il encombre par ses accumulations avalancheuses nos lieux de vies, nos bibliothèques privées et publiques. Devant la catastrophe inévitable, allez hop, on numérise tout le fatras, on regarde défiler toute la culture du monde sur nos IBooks et autres IPads ; nous voilà tranquilles pour l’éternité… Est-ce si prudent ? Chacun à leur manière, Robert Darnton, directeur de la Bibliothèque de Harvard, et Umberto Eco, le sémiologue et l’écrivain du Le Nom de la rose, répondent à nos interrogations, sans anti-modernisme ni nostalgie excessive, mais en se faisant les ardents défenseurs de ce livre qui, résolument, a encore un large avenir devant lui.

La perte irréparable de la médiévale bibliothèque incendiée du Nom de la rose amène son auteur à veiller sur nos bibliothèques contemporaines. Un instant, Umberto Eco délaisse les essais érudits aux perspectives fascinantes, comme L’œuvre ouverte, et les sommes romanesques visionnaires, pour s’interroger sur les destinées fatales de nos livres et de leurs écrins. Ce pour commettre, le temps d’une allocution, une plaquette aussi mince qu’encyclopédique. Que l’on retrouvera peut-être dans La Memoria vegetale et altri scritti di bibliofilia[1], lorsque ce recueil sera enfin traduit.

En ce De Bibliotheca, au charmant titre latin, Eco s’appuie sur deux bibliothèques mythiques : celle d’Alexandrie et celle borgésienne de Babel. Mais aussi sur deux lieux exemplaires : la bibliothèque de l’Université de Toronto et la Sterling Library de Yale. Car ces deux entrepôts, aussi réels que magiques, disponibles et abondants sont « ouverts ». On ne se rend pas en ces temples laïques en vue d’un seul livre, mais dans l’état d’esprit de qui vient fouiller les rayons des bouquinistes et tend à élargir son univers par le biais des surprises, des découvertes impromptues ; quand ce qui était non-savoir se fait soudain savoir…

Les pires ennemis des livres et des bibliothèques privées et publiques ne sont pas seulement les insectes, le soleil, l’humidité… Ce sont leurs consommateurs et producteurs mêmes : lecteurs et éditeurs. Les lois économiques contraignent aux mauvais papiers, aux brochages collés et non cousus, et à des prix prohibitifs quand les livres sont noblement conçus et destinés à un rare public. On ne prendra comme exemple à cet égard que les beaux volumes des Belles Lettres, consacrés aux classiques bilingues, grecs et latins, allemands et italiens[2]. Hélas, trop souvent, le livre est fait pour être consommé, maltraité  et jeté, ou vous ne lèguerez que des liasses de miettes à vos petits-enfants… Trop cher, il sera photocopié, dans le cadre de ce qu’Eco appelle la « xérocivilisation », ou pis encore mis sur microfilm, et (ce qu’Eco ne peut signaler, car il écrit en 1993) sur des sites internet pour être balayé dans le défilement stupide et sans écho de l’information pléthorique, éphémère. À moins qu’il y trouve une nouvelle vie pour un nouveau lecteur, grâce à l’impression à la demande, grâce à un nouvel éditeur exhumant un trésor autrement perdu…

 

 

Tout beau texte vaut pourtant par son support. La machine, l’écran, le smartphone stockent la quantité sous un moindre volume. Quoique la page web puisse être fort esthétique, permet-elle de lire avec la même intensité de méditation, comme avec le simple écrin du livre entre les mains ? A notre sens, rien ne vaut la bibliothèque que l’on se constitue pour soi -non sans le concours des sites (comme Gallica.fr) et des blogs[3]- pour quelques happy few, que l’on « déballe » (pour employer le mot de Walter Benjamin[4]) pour développer sa curiosité, multiplier ses connaissances, son empathie -voire ses antipathies- envers le monde et ses personnages.

Qu’on se rassure, ce De Bibliotheca est publié sur papier vergé, sous une couverture qui a la pure sobriété de la beauté minimale. Texte et objet-livre s’unissent pour flatter le bibliophile que nous sommes, et pas seulement le « bibliomane » moqué par Charles Nodier[5]. Lire Eugène Sue dans une édition du XIXème illustrée par Gavarni, Aristote bientôt dans La Pléiade, Umberto Eco compilant l’Histoire de la beauté et l’Histoire de la laideur, sous les dehors parfait du livre d’art chez Flammarion, voilà qui décuple le plaisir du sens. Car le surhomme des bibliothèques, en sauvant les livres, sauve le monde…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Passant par les contraintes (dont le coût du papier) des éditeurs du XVIII°, mais aussi les lectures « segmentaires » des recueils de citations, Darnton s’inscrit dans une « histoire de la lecture ». Les auteurs médiévaux et des Lumières s’empruntaient les uns aux autres, en ancêtres du copié-collé, sans compter les éditions pirates : « autant d’éléments que l’on a tendance à croire aujourd’hui constitutifs du seul problème numérique. » En ce sens, l’avenir « passe par la connaissance des circuits du livre dans le passé ». De plus, invention de l’écriture, rouleau, codex, imprimerie, Ibook, rien n’assure la véracité des faits et du texte : notre essayiste s’appuie sur le Folio, ou 1ère édition complète, de Shakespeare, aussi sujet à caution que Wikipedia et autres buzz : « la stabilité textuelle n’a jamais existé avant internet ». Dès la première loi sur le copyright en 1710 en Angleterre jusqu’au pillage textuel contemporain, les bibliothèques restent pour lui l’assurance de la conservation des livres : une nouvelle technologie, un bug géant, peuvent rendre Google Book obsolète, l’effacer. La « mégabibliothèque numérique » doit alors être une chance, mais pas au prix de la disparition des imprimés, démembrés et microfilmés en vain. La démocratisation des savoirs ne se fera pas, souhaite-t-il, au prix d’une privatisation entrepreneuriale, mais d’une juste rétribution entre les parties : auteurs, bibliothèques et numériseurs. Quant à l’omniscience du cyberespace, elle est illusion : le livre numérique, ou hyper-livre, « viendra compléter la grande machine Gutenberg, non s’y substituer ». Certes, il s’agit d’un ouvrage érudit (une compilation de six articles) mais il est, de bout en bout, clair et stimulant. « Adepte enthousiaste de Google », Darnton reste inquiet de ses « tendances monopolistiques » : monstre vorace, inquisiteur, censeur, ou outil de liberté ?  Qui restera incomplet, virtuel, sans les délices de l’objet, les parfums de son papier, la texture de sa reliure, cette parfaite prise en main du volume, du lutrin à la poche, cette magie sensuelle du feuilletage. Quoique l’on puisse également défendre la sensualité cristalline de la lecture et de l’image sur nos IPhone et nos ordis portables carrossés luxe par Apple ou Ferrari, il faut claironner haut et fort avec Umberto Eco : « N’espérez pas vous débarrasser des livres ».

 

C’est avec un autre passionné, bibliophile et collectionneur également, que l’auteur de ce Nom de la rose, où l’on cachait une œuvre perdue d’Aristote, vient ici converser : Jean-Claude Carrière, scénariste nombreux (pour Le Tambour, d’après Gunther Grass, par exemple) et polygraphe heureux, ne serait-ce que dans son Dictionnaire amoureux du Mexique. Certes, ils plaident la cause de leurs reliques chéries : incunables, comme ce merveilleux Songe de Poliphile[6] de 1499, ou les « incontournables » d’Eco : les éditions originales de ce Jésuite encyclopédiste et parfois délirant du XVII° : Athanasius Kircher… Tous volumes plus durables que les formats éphémères de nos outils numériques. Sans compter que lorsque le lecteur sur écran peut croire posséder aussitôt l’objet de son désir, il n’a, hors la connaissance qui est bien le premier but recherché, que des pixels fluides et prompts à s’évanouir. Autant collectionneur que navigateur de la connaissance, le bibliophile est « davantage intéressé par la quête que par la possession ». Souhaitons que les banquiers ne supplantent les vrais lecteurs et afficionados du livre ancien dans les ventes aux enchères… Reste que l’on peut collectionner des volumes bien plus modestes, mais délicieux au plaisir de l’intellect autant que du sens esthétique.

Mort du livre ? « Le propre des prophètes, vrais comme faux, est toujours de se tromper. » De la lecture à haute voix, en passant par le papyrus antique, par la rustique « bibliothèque bleue » des colporteurs, par la précieuse reliure armoriée en veau mort-né, jusqu’à l’hyper-circulation des textes entre blogosphère, Facebook et autres bases de données, reste le problème du choix par l’historien du livre. Mais la « labilité » de l’information et des techniques contemporains est plus dangereuse encore : saura-t-on conserver ce qui mérite d’être conservé, alors que ne le protège plus cette reliure inventée par les Iraniens de l’époque médiévale ?  

Ajoutons aux passionnants, clairs, vifs, ponctués d’anecdotes et cultivés échanges d’Umberto et de son compère que le livre n’a pas besoin de batteries, de prise électrique. On le lira partout et toujours, malgré la puce cervicale qui nous connectera au réseau mondial, parce qu’aucune technologie n’est nécessaire entre lui et son lecteur, parce qu’on le cachera dans des bibliothèques que de faux murs escamotent, dans des caves, des grottes et des sables, si un Big Brother local ou mondial parvient à éteindre une branche ou l’arborescence entière d’internet…

 

Non, Google Books ne remplacera pas le livre. La photographie n’a pas tué la peinture, non moins le cinéma la radio ; les noirs vinyles menacés reviennent dans l’affection des auditeurs les plus déjantés et fétichistes. Un in quarto dix-huitième orné des textes de Voltaire et des gravures de Gravelot restera irremplaçable, les Clubs du Livre des années cinquante et les cartonnages NRF sont des objets parfaits. Aujourd’hui, quelques éditeurs courageux, outre la collection de la Pléiade, plutôt que des paquets de papier tranché et collé, nous proposent l’indispensable union du beau texte et du beau livre : Zulma avec ses deux coffrets jumeaux de Nouvelles du jour et de la nuit[7]aux délices fantastiques mêlés d’effrois et de merveilles, par Hubert Haddad, ou encore Toussaint Louverture dont le Livre du Chevalier Zifarou le Zuleika Dobson de Max Beerbohm savent réconcilier la beauté plastique, à l’ancienne ou rouge fantasque, avec des curiosités littéraires savoureuses.

 

Thierry Guinhut

A partir d’articles publiés dans Art Press, mars 1985

et Le Matricule des anges, février 2011

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Umberto Eco : La Memoria vegetale e alti scritti di bibliofilia, Bompiani, 2007.

[4] Walter Benjamin : Je déballe ma bibliothèque, Rivages, 2000.

[5] Charles Nodier : Le Bibliomane, A Passage, 1985.

[7] Voir : Hubert Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

 

Collection Privilèges, Club Français du Livre, années soixante.
Photo : T. Guinhut.

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29 janvier 2011 6 29 /01 /janvier /2011 18:43

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Pour une éthique de la critique littéraire.

 

 

 

Que lire ? Et comment lire ? C’est à ces questions que, sur la grève érodée du temps littéraire, l’autorité et la modestie de la plume ou clavier du critique doivent répondre. Autorité, pas au sens de la posture brutale autoproclamée, fût-ce par ses pairs, mais au sens où l’on serait autant autorisé par ses compétences et sa culture que par la curiosité et la complicité de quelques happy few. Modestie, car il faudrait des siècles de lecture et de relecture pour épuiser la qualité d’une bibliothèque choisie avec perspicacité, sans compter les nouveaux volumes qui viendraient l’augmenter sans cesse. Quelle sont donc cette perspicacité, ce savoir et cette pénétration dont voudraient se targuer nombre de professionnels ou d’amateurs, sans compter le peu de poids de l’auteur de ces lignes ? Au-delà de la guerre au cliché, il faudra appréhender en un livre sa position générique et sa filiation, son amitié avec des productions qui ont marqué l’histoire littéraire, mais aussi sa posture de langage, sa capacité à renouveler le monde tel que nous le voyons et le vivons. En un mot se demander en quoi il est digne d’approcher, peu ou prou, les grandes œuvres de l’humanité.

Au-delà des clichés. Voilà le premier des commandements impératifs du critique. Il est évident que pour cela il faut avoir suffisamment lu, parmi des espaces, des temporalités littéraires suffisamment diverses, pour espérer sortir de la nasse des clichés où s’engluent bien des auteurs, quelques soient les époques, et où se complaisent leurs lecteurs.

Il serait discourtois ici de nommer des faiseurs de clichés, qui n’ont d’ailleurs pas forcément conscience d’en être. Cependant le lecteur avisé les reconnaîtra du premier coup de paragraphe. Nous connaissons tous -du moins quelques-uns parmi nous- cette sensation nauséeuse qui nous saisit lorsque ce que nous lisons s’affiche de soi-même comme du déjà-lu, du déjà-vu. Phrases creuses, consensuelles et plates, métaphores qui sont du copié-collé du langage courant et trivial du quotidien et de la rue, comme si le mince microcosme qui a la velléité de s’afficher sur la page était transparent. Mais au mauvais sens du terme : il n’y a rien à voir au travers de cette transparence. Il n’y rien à lire ni à vivre d’original, ni de surprenant parmi cette pauvreté narrative, cette absence d’idées, hors celles toutes faites, resucée d’assertions politiques ressassées sans aucun recul critique, de psychologie convenue, d’intimités pauvrement narcissiques, d’aventures en cascades explosives pour berner et assommer, comme un électro-disco-rap de rave party, l’espace de cerveau disponible… Ainsi, au travers de l’encre et du papier, seul le vide est bouche bée. Qu’on se rassure, il y une vaste et renouvelable clientèle pour ce genre de congruité avec le plat horizon d’attente du lectorat. Sans compter ceux qui les abreuvent au premier chef, la plus vaste cohorte des éditeurs et des critiques eux-mêmes.

Peut-être est-on moins clicheteux dans le domaine des essais que dans celui du roman et de la poésie, le lectorat étant un peu plus restreint, plus exigeant et savant. Hélas, on a connu les pires exemples de clichés en cette matière. Pensons au colossal succès de L’Horreur économique de Vivianne Forester. Il suffisait d’ouvrir les yeux autour du monde contemporain pour constater que le système économique capitaliste -mieux s’il est libéral et non d’état et de connivence- et malgré ses imperfections, était un formidable pourvoyeur de services et de libertés. Pourtant on accueillit, en enfant gâté-pourri, en adolescent boutonneux du ressentiment, en cégestiste blanchi sous la pauvreté neuronale, ce volume pas plus construit que le déversoir d’une poubelle, répétitif, pétri d’une cécité et d’une inculture béantes, avec des concerts d’admiration. Fort heureusement, il y eut des exemples d’excellents essais politiques et philosophiques, malgré leurs difficultés, qui rencontrèrent un succès estimable : pensons à La Fin de l’histoire et le dernier homme de Francis Fukuyama et à la Critique de la raison cynique de Peter Sloterdijk[1]. Reste que ce fut aux Etats-Unis et en Allemagne, qui pourtant n’auraient guère de droit à se réclamer de la virginité devant la pénétration du cliché. C’est d’ailleurs en ce dernier pays que Thilo Sarrazin vendit deux millions d’exemplaires de son iconoclaste essai sur la démographie et l’immigration islamique, L’Allemagne disparait[2] ; quand la castration du silence l’accueillit en France. Comme l’originalité, la vérité dérange le confort intellectuel des oreilles qui se recroquevillent, au point d’atrophier le cerveau qui croit se jucher entre elles. En ce sens, le cliché intimiste est complice du cliché idéologique.

 Il faudra également au critique littéraire tenter d’identifier le genre d’un livre, voire ses subversions génériques, les liens qu’il entretient avec ses confrères et devanciers. Qu’un roman soit d’initiation ou de société, d’aventure ou philosophique, psychologique ou satirique, lyrique ou polémique, voire parvienne jusqu’à l’enviable et rare qualité de la somme romanesque, doit être immédiatement dicible dans une recension critique, dans un analyse plus fouillée. La relation qu’il entretient avec ses devanciers, par l’allusion, le pastiche ou la parodie, le mouvement d’écart qu’il a su exercer par rapport à ces derniers, tout ceci doit compter pour beaucoup dans le recul conceptuel qui nous anime. Il n’est pas indifférent qu’un volume ait moins l’affection népotique de ses pairs germanopratins et médiatiques, la complicité d’une génération, plutôt qu’un fil invisible avec Borges ou Boccace, avec Musil ou Fuentes…

 

Photo : T. Guinhut.

Qualifier le style et la richesse d’idées, autrement dit le goût et la culture, du romancier, de l’essayiste, du poète reste primordial. En effet, qu’est-ce qu’un bon livre sinon celui dont toutes les phrases sont goûteuses, dont l’abondance et la finesse rhétorique, mais sans lourdeur, sont un bonheur intuitif, mais aussi déductif lorsqu’il s’agit d’en déplier les tropes si nous avons en mémoire les outils des Rhétoriques d’Aristote et de Cicéron ? Qu’est-ce qu’un bon livre sinon celui dans lequel au moins une idée nouvelle, dont on fait son miel intellectuel, surgit au détour de chaque page, pour nous surprendre, nous enrichir ? C’est ainsi que changent les perspectives de nos sensibilités aussi bien que de notre raisonnement, ce dont le critique doit être le garant. Au point qu’un nouveau livre engendre l’horizon d’attente du lecteur, au contraire de la posture courante qui voudrait que ce dernier soit le premier.

 Identifions alors  la capacité d’un livre à nous aspirer dans un univers inédit, à nous proposer une nouvelle image de la moindre chose quotidienne comme de la plus vaste société, une nouvelle lecture du monde et du moi, un « que vivre et comment vivre » ; ce dans le cadre d’une identification, d’une projection, ou d’un ailleurs inatteignable de soi, mais rendu visible par le prisme d’abord inconnu de l’écrivain. Ainsi, La recherche du temps perdu de Marcel Proust nous aspire dans l’éventail de la connaissance d’un monde qui appartient autant au passé d’une société qu’au présent du moi ; quand 2666 de Roberto Bolano[3] nous aspire dans l’inconnaissance autant du mystère du mal coupable de centaines de meurtres de jeunes mexicaines que des vaniteux critiques littéraires fascinés par le grand écrivain absent…

Est-il possible, si l’on commet une note, une chronique, un article, une étude, sur tel ou tel romancier, poète, essayiste, qu’il soit ancien ou nouveau venu, de ne pas déroger à cette éthique du critique littéraire ? Faillible, nous le sommes assurément. Derrière les quelques arbres de notre connaissance, se cache l’ogresque forêt de notre ignorance. Pire encore, nous ouvrons entre nos mains impatientes un chef d’œuvre que nous ne saurions, faute de capacité d’accueil sensible et intellectuel, de par notre horizon d’attente trop étriqué encore, apprécier ; nous l’avons donc manqué sans le savoir. Que nous soyons lecteur, éditeur, écrivain ou critique, il est en nous un devoir sans pitié : chasser l’ingratitude et la coquille vide des mauvais livres. Mais aussi une éducation à l’humilité : peut-être ce livre, ce blog - car à l’encre d’imprimerie s’adjoint le territoire nouveau des pixels des écrans - recèlent-ils un livre marquant que nous ne savons pas encore accueillir comme il le mérite...

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

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Tyrannie écologiste et suicide économique

 

 

 

 

 

 

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De Bartolomé de Las Casas à Jules Verne

Métamorphoses du colonialisme

Mario Vargas Llosa : Le rêve du Celte

Histoire amérindienne

 

 

 

 

 

 

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"Hommage à la culture communiste"

Karl Marx théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

 

 

 

 

 

 

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Histoire du silence et des odeurs

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Dandysme

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Danielewski

La Maison des feuilles, labyrinthe psychique

 

 

 

 

 

 

Dante

Traduire et vivre La Divine comédie

Enfer et Purgatoire de la traduction idéale

De la Vita nuova à la sagesse du Banquet

Manguel : la curiosité dantesque

 

 

 

 

 

 

Daoud

Meursault contre-enquête, Zabor

Le Peintre dévorant la femme

 

 

 

 

 

 

 

Darger

Les Fillettes-papillons de l'art brut

 

 

 

 

 

 

Darnton

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Destins du livre et des bibliothèques

Un Tour de France littéraire au XVIII°

 

 

 

 

 

 

 

Daumal

Mont analogue et esprit de l'alpinisme

 

 

 

 

 

 

Defoe

Robinson Crusoé et romans picaresques

 

 

 

 

 

 

 

De Luca

Impossible, La Nature exposée

 

 

 

 

 

 

 

Démocratie

Démocratie libérale versus constructivisme

De l'humiliation électorale

 

 

 

 

 

 

 

Derrida

Faut-il pardonner Derrida ?

Bestiaire de Derrida et Musicanimale

Déconstruire Derrida et les arts du visible

 

 

 

 

 

 

Descola

Anthropologie des mondes et du visible

 

 

 

 

 

 

Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

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Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

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Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

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Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

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Constructivisme versus démocratie libérale

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Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

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Lauren Groff : Les Furies

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Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

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Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

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Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

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Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

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Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

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Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

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Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

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Ferry

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Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

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Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

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France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com.

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Maladie et métaphore : Wagner, Maï, Zorn

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Sonnets autobiographiques

Sonnets de l'Art poétique

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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