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1 mai 2020 5 01 /05 /mai /2020 16:36

 

Collegiata dei Santi Gervasio e Protasio, Bormio, Brescia.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Les livres dans l’Histoire ou dans la peau.

 

Martin Puchner,

 

Erin Morgenstern & Gunnar Kaiser.

 

 

 

 

Martin Puchner : Ecrire le monde. La formidable épopée des livres qui ont fait l’Histoire,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Odile Demange, Fayard, 2019, 432 p, 25 €.

 

Erin Morgenstern : La Mer sans étoiles,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Julie Sibony, Sonatine, 2020, 656 p, 23 €.

 

Gunnar Kaiser : Dans la peau,

traduit de l’allemand par Yasmin Hoffmann, Fayard, 2020, 512 p, 24 €.

 

 

 

 

      À quoi mesure-t-on la valeur d’un livre ? À son contenu, son récit et son argumentaire, ou à sa parure, la peau de sa reliure ? Hors de toute appréciation subjective, certainement à son importance dans l’Histoire de l’humanité et des civilisations, comme ceux que présente Martin Puchner dans Ecrire le monde. Il y a des livres fondateurs, mythologiques, angéliques et saints, d’autres qui nous emportent sur la mer des rêves, d’autres encore sur les voies de la liberté ou du crime politique. Ou plus simplement ils sont redevables de valeurs subjectives, là où ils collent à la peau du lecteur, comme un miroir, d’où la quête d’Erin Morgenstern, dans La Mer sans étoiles. Nombreux sont ceux qui vont jusqu’à faire basculer leurs lecteurs dans le labyrinthe de la personnalité et des mondes parallèles en les glissant dans la peau d’un personnage troublé. Pire, comme le postule Gunnar Kaiser, avec son roman Dans la peau, ceux dont la peau est à prendre au sens cutané, pour vêtir les meilleurs, ou les pires livres de l’humanité…

      Il en va de l’Histoire des livres comme de l’Histoire du monde, telle qu’analysée par John M. Roberts et Odd A. Westad[1] : « J’ai cherché d’emblée à repérer, là où c’était possible, les éléments qui par l’influence générale qu’ils exercèrent, eurent l’impact le plus large et le plus profond […] et mettre en valeur les processus historiques majeurs, ceux qui ont affecté une quantité considérable d’êtres humains et laissé un héritage substantiel aux générations futures[2] ». C’est ce qu’a tenté avec brio Martin Puchner dans Ecrire le monde, narrant « la formidable épopée des livres qui ont fait l’Histoire » ; même si une certaine pusillanimité ne permet pas au lecteur d’être tout à fait convaincu.

      L’ingénieux prologue de Martin Puchner est situé dans l’espace, là où l’on se livre une « guerre froide littéraire ». Car Borman à bord d’Apollo 8 lisait la Genèse[3], partie inaugurale de la Bible, pour célébrer la vision de la terre depuis son hublot, alors que Gagarine n’y voyait aucun dieu, se référant à l’auteur du Manifeste communiste. Ce sont bien là deux livres d’inspiration presque universelle, quoiqu’antagonistes.

      Auparavant, Alexandre le Grand emportait toujours avec lui, lors de ses conquêtes, de l’Egypte jusqu’à l’Inde, un manuscrit de l’Iliade d’Homère, qui plus est annoté par son maître Aristote, et qu’il glissait sous son oreiller. Ainsi l’épopée était son modèle. Celui qui fut à l’origine de la bibliothèque d’Alexandrie contribua également à diffuser l’alphabet grec, qui à la différence de son ancêtre phénicien, ajouta les voyelles aux consonnes, d’où l’influence considérable d’une littérature couplée à une écriture.

      Mais à cet amateur et inspirateur de récits épiques, qui n’eut pas la chance d’avoir à son service un poète à la hauteur d’Homère, échappait un texte déjà disparu, et qui ne réapparut qu’au XIX° siècle, lors de fouilles anglaises à Ninive : l’Epopée de Gilgamesh, venue des années 1200 avant notre ère, quoique ses origines fussent plus anciennes. Grâce aux signes cunéiformes, « pour la première fois, la narration, domaine oral des chantres, croisa l’écriture, sphère des diplomates et comptables ». Le roi Gilgamesh avait pu dompter le sauvage Enkidu, en faire son ami, dont il dut pleurer la mort... Mais le plus étonnant et que, répondant à la Bible, un déluge voisinait avec un navire salvateur échoué sur une montagne ! L’universalité des mythes rencontrait l’Histoire. Le souverain de Ninive, et maître d’une bibliothèque d’argile, Assurbanipal, « n’ignorait rien de l’importance stratégique d’un texte fondateur », confie Martin Puchner, même s’il devinait que le déluge du temps aurait raison de son empire.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Plus vivantes sont encore les saintes écritures, établies au sixième siècle avant Jésus Christ et sous les doigts d’Ezra et de ses scribes araméens : « pour la première fois, le peuple adora son dieu sous forme de texte ». C’est en hébreu que la Torah fut écrite pour devenir un texte sacré fondateur, soit ce que nous appelons l’Ancien testament. Mais gare à ce que l’essayiste appelle justement « l’intégrisme textuel » ! La suite, historique sinon logique, est l’éclosion du Christianisme.

      Pour Martin Puchner, les sutras bouddhistes, les entretiens de Confucius, les dialogues de Socrate et les Evangiles ont un point commun : « un maître et ses disciples ». Ce qui était un enseignement oral devint une « littérature de maîtres », fondant une philosophie, une morale, une religion, donc une civilisation du livre. Affranchi des attachements terrestres, Bouddha est le guide suprême vers le nirvana. Confucius, plus exactement Maître Kong, est à l’origine du « canon de la littérature chinoise », qui fut longtemps à la base du recrutement des fonctionnaires. Socrate fit de sa mort une mise en scène, qui lui permit de devenir le philosophe de la remise en cause et du questionnement ; et paradoxalement son refus de l’écriture lui valut d’être immortalisé par la graphie de Platon. Jésus également fut rédimé par ceux qui écrivirent le récit de sa vie et de sa mort, recueillant son enseignement : les évangélistes. À des degrés divers, des millions d’individus sont encore aujourd’hui redevables de leurs enseignements, et portent à la main leurs livres, de manière talismanique. Cependant cela ne se passa pas sans « guerres de traduction », sans que l’évolution des supports, du papyrus au parchemin, du rouleau au codex, ne contribue à la diffusion des textes. Alors que les adeptes de Bouddha et de Confucius accédaient les premiers à l’invention du papier et de l’imprimerie, quoique par un système de blocs de bois gravés et non de caractères.

      Plus surprenant, quoique fort justifiée, est la présence ici d’un roman, mais de Dame Murasaki Shikibu, Le Dit du Genji[4], écrit vers l’an 1000 à la cour du Japon, racontant une immense histoire de pouvoir et d’amour contrariée, émaillée de près de huit cents poèmes. Ce premier roman psychologique de l’histoire littéraire, texte raffiné, abondamment lu et illustré au cours des siècles, dans lequel le « Prince radieux, ou Genji, enlève sa jeune aimée pour faire son éducation littéraire et calligraphique, est à la fois un manuel de cour et le canon d’une esthétique japonaise fondée sur le dialogue poétique. Mieux encore il permit de renforcer « l’identité culturelle «  du Japon face à la Chine.

      Une autre femme lui répond au Proche-Orient, c’est Shéhérazade, la conteuse des Mille et une nuits, celle qui a l’art d’inventer et de compiler des centaines de récits venus de Perse, de Chine et d’Inde, voire d’Egypte et de Grèce, mais si peu d’Arabie, quoique le livre qui nous reste, écrit en arabe, soit probablement originaire de Perse. L’arabisation du texte coïnciderait avec la Bagdad d’Haroun al-Rachid, qui vit également l’expansion du papier et la création d’une bibliothèque au VIII° siècle. Martin Puchner omet cependant de préciser que les Arabes ont depuis le IX° siècle négligé ce livre, au point qu’il aurait disparu, si le Français Antoine Galland ne l’eût recueilli et traduit en français au début du XVIII° siècle…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Un souffle nouveau emporta la Bible lorsqu’en 1454 Gutenberg en fit le second livre imprimé avec des caractères mobiles (après sa plus modeste grammaire latine de Donatus) ; alors que Luther la traduisant en allemand invitait chaque Protestant à lire son volume propre. Et surtout Luther, imprimant ses Quatre-vingt-quinze thèses s’opposant à la vente des indulgences, « avait inauguré l’ère de la polémique publique, une ère où un auteur isolé pouvait publier sous son propre nom ».

      Mais avec la découverte des Amériques un texte maya allait pouvoir révéler ses glyphes. Ce qui, imprimé sur papier et en caractères romains, donna le Popol Vuh[5], dans lequel on peut lire un mythe de la création par la main du « Souverain Serpent à plumes », mais aussi un déluge ; encore une fois ! Ce récit aujourd’hui largement ignoré avait pourtant fait l’Histoire de la Mésoamérique. L’Espagne ayant détruit la civilisation Maya, l’on se console avec le Don Quichotte de Cervantès[6], de 1605. Non seulement, il inventa largement le roman moderne, qui « mobilisa la réalité contre le roman de chevalerie » bien trop idéalisé, mais il connut une aventure de « piraterie littéraire », qui le conduisit à écrire une seconde partie, dans laquelle le plagiat et l’imprimerie jouent un rôle non négligeable.

      Plutôt que l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert - qu’il n’oublie pas - Martin Puchner a choisi les activités et les écrits de Benjamin Franklin, qui prospéra en se faisant « imprimeur de la République des Lettres ». Ses journaux propagèrent la déclaration d’indépendance américaine, qui fut une conséquence des Lumières et un prélude à la constitution de 1787. De l’autre côté de l’Atlantique, entre Weimar et l’Italie, Goethe promeut le concept de Weltliteratur, soit littérature mondiale. Outre ses romans et son théâtre considérables, il écrivit, inspiré par le poète persan Hafez, tout un cycle de poèmes, le Divan occidental oriental. C’est en lisant de rares traductions de romans chinois qu’il forgea cette expression, qui offrait à la littérature une dimension aussi novatrice que planétaire.

      L’on ne pouvait rater (faut-il dire hélas ?) le Manifeste communiste qui eut l’honneur trouble de multiplier ses fidèles et ses propagandistes, de voir son programme adopté de la Russie à la Chine et au-delà. Marx et Engels eurent avec ce brûlot prolétarien un succès d’abord timide puis considérable, prétendant libérer les peuples alors que le texte contient les préceptes du totalitarisme qui allait s’ensuivre[7], avec Lénine, Mao, qui fit de son Petit livre rouge un autre bréviaire, et Castro, ce que ne dit pas notre essayiste ; quoiqu’il note avec pertinence que le genre du manifeste allait faire école jusqu’au sein des mouvements littéraires et artistiques. Peut-on conclure ce chapitre sur une telle formule obscène : « Peu d’écrits ont su, au cours des quatre premiers millénaires de la littérature, façonner aussi efficacement l’Histoire ? » S’agit-il de l’efficacité du goulag et du logaï…

      Heureusement, ensuite, il est question d’« écrire contre l’Etat soviétique », avec Akhmatova et Soljenitsyne. Car écrire des poèmes en dehors du réalisme socialisme est forcément subversif ; Anna Akhmatova[8] pouvant à cet égard être associée à Marina Tsvetaïeva et Ossip Mandelstam, tous pourchassés par le stalinisme. Face à l’omniprésence de la censure, elle dut recourir à l’oralité du poème, que des amies apprenaient par cœur, comme si l’on revenait à la culture orale préhistorique. Après la mort de Staline, son œuvre circula sous forme de samizdats ; et c’est à Soljenitsyne qu’elle lut son Requiem. De la machine à écrire de ce dissident tombait alors Une Journée d’Ivan Denissovitch, découvrant l’horreur et l’immensité du goulag, qui devint par la suite un « archipel ». Comme Primo Levi, il est un de ces écrivains qui « témoignent contre les horreurs du fascisme et du totalitarisme ».

 

      Il faut s’attendre à quelques surprises à la fin de cet essai décidément bouillonnant. Le modeste critique auteur de ces lignes dut avouer son ignorance abyssale en y découvrant l’Epopée de Soundiata. Elle raconte la fondation de l’empire mandingue (englobant Mali et Guinée) à la fin de notre moyen Âge. Longtemps transmise oralement, elle attendit 1994 pour être transcrite par un scribe. À ce récit précolonial (quoique colonisé précédemment par l’Islam), répond une littérature postcoloniale, celle du poète de Sainte-Lucie, Derek Walcott, un « Homère caribéen ». Son épopée des Amériques s’appelle Omeros ; et si elle n’a pas encore été traduite en français, car écrite en un anglais teinté de créole, d’autres pans, magnifiques, de son œuvre sont ici connus[9]. Le poète a su « exprimer pour la première fois un lieu, une culture et un langage sous une forme littéraire ». La dernière étape (mais n’est-elle pas provisoire au regard des évolutions de la littérature et de l’Histoire) ?) va « De Poudlard à l’Inde ». Sans préjugés, après avoir arpenté de prestigieux millénaires de littérature, notre professeur de Harvard, se plonge dans le monde d’Harry Potter. Certes il trouve l’œuvre répétitive et la traite de « fatras », de « méli-mélo médiéval et de roman d’internat » ; mais il ne peut que reconnaître, sans le dire explicitement, combien une génération a pu être formée par ce roman de fantasy et d’initiation à la sorcellerie, à cet archétypal combat du bien contre le mal. Notre essayiste à la curiosité sans limite va jusqu’à se demander si des « archéologues de l’avenir » sauront parmi Internet « dénicher des chefs-d’œuvre oubliés comme l’Epopée de Gilgamesh »…

      Qu’avant les grands textes politiques les grands textes religieux soit ici présents, rien d’étonnant, entre la Bible juive, les Evangiles et les enseignements du Bouddha ; mais quid du Coran ? N’a-t-il pas « fait l’Histoire » ? Notre essayiste n’y fait allusion qu’à l’occasion de « son intégrisme textuel », alors qu’un milliard de croyants le révèrent. Que des livres fassent l’Histoire, soit, mais d’une manière positive ou délétère ? Il faut bien, au-delà de Martin Puchner, élaborer des jugements de valeurs. Si l’influence de la Bible et des Evangiles n’a pas généré que des conséquences heureuses, malgré le message intrinsèquement pacifique du Christ, celle du Coran tient en quatorze siècles de soumission, de guerre de conquête et de tyrannie[10]. De même, les textes profanes ont des influences diverses : on ne mettra pas dans le même plateau de la balance l’Encyclopédie et le Manifeste communiste.

      Malgré de tels manques criants, l’essai de martin Puchner mérite plus que le détour. C’est un parcours historique non sans largeur de vue, associé avec un art du récit et de la vulgarisation agréable et entraînant, quoiqu’il présente et résume abondamment tel ouvrage en négligeant un peu tel autre - n’est-il pas permis d’avoir des préférences enthousiastes ? Il va jusqu’à voyager à Jérusalem ou Alexandrie pour accréditer son enquête dont il nous rend complice. Cependant, et en dépit de ses indéniables qualités, ne fait-il pas preuve d’un certain degré de politiquement correct ?  Si la traînée sanglante du Manifeste du parti communiste et du Petit livre rouge est ici pointée, pourquoi ne pas avoir livré à un tel examen le Coran et Mein Kampf [11] ? Qu’un texte ait marqué l’Histoire ne signifie pas expressément qu’il s’agisse d’un excellent livre, tant au regard des critères esthétiques que moraux. Reste que chacun aurait beau jeu d’ajouter des grands textes à l’exposé de l’essayiste, comme les récits des mythes fondateurs que sont les Métamorphoses d’Ovide[12] pour le monde gréco-romain ou le Ramayana pour le sous-continent indien, sans compter Shakespeare et 1984 d’Orwell.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Voici un roman d’un intérêt somme toute modeste, qui de toute évidence n’a rien de la puissance des œuvres fondatrices présentées par Martin Puchner, sans compter qu’il confond à plusieurs reprises « tranche » et « dos ». Cependant, au lieu d’un regard qui revendiquerait une pertinente objectivité dans le choix des livres qui ont fait l’Histoire, toute subjective est la valeur accordée au livre par le personnage d’Erin Morgenstern, dans La Mer sans étoiles. C’est en effet lui-même qu’il quête en partant à la recherche d’un volume de la bibliothèque de sa ville. Car quelle ne fut pas la surprise du jeune Zachary Ezra Rawlins de découvrir en un roman sans auteur, intitulé Doux chagrins, « dans un livre qui a l’air beaucoup plus vieux que lui », parmi des séquences abracadabrantesques, le récit exact d’une scène de son enfance ! Une quête doit s’ensuivre, où une épée et une abeille forment un indice récurrent, alors que le livre est perdu, volé, retrouvé, dissimulé, de façon à découvrir le mystère de l’identité du jeune homme. Les péripéties abondent, entre un bal où devoir rencontrer une mystérieuse inconnue et un « Club des collectionneurs ». Cependant elles alternent avec des épisodes recueillis dans le volume mis en abyme, de l’ordre du merveilleux et de la fantasy, par un étonnant labyrinthe, avec « des disciples sans langue dans une bibliothèque souterraine », jusqu’à « la mer sans étoiles » du titre : « Il y a toutes sortes de portes dans toutes sortes d’endroits. Dans des villes grouillantes et des forêts lointaines. Sur des îles, au sommet des montagnes et au milieu des plaines ». Il faudra également passer par le « Journal secret de Katrina Hawkins » pour accéder à ce qui n’est « pas la fin de l’histoire ».

      Au critère historique et planétaire qui préside au choix d’un livre - ceux que se doit de présenter toute bibliothèque digne de ce nom, publique ou privée - s’oppose, sans que cela soit en rien indigne, la subjectivité du lecteur et sa capacité d’imaginaire ouverte sur « un monde fantastique biblio-centré ». N’importe quel livre est grand s’il est élu par son lecteur, s’il est notre miroir personnel et intime, sans que cela puisse cependant tendre à un relativisme niveleur. Il faut alors souhaiter que ce lecteur, sans abandonner son fétiche, puisse un jour accéder à quelques-unes des grandes œuvres, non de son petit moi, mais de l’humanité, telles que celles d’Homère ou de Cervantès, et connaître les grands textes religieux et politiques. Non pour se placer face à eux en position de sujet et d’assujetti, mais de façon à mesurer leur implication dans l’Histoire et leur dimension morale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Faire coïncider bibliophilie et roman policier parait une gageure ; à moins de penser à des vols de livres précieux. Egalement philosophe, le romancier allemand Gunnar Kaiser, né en 1976, va bien plus loin dans l’élaboration de son imaginaire, alternant en son Dans la peau deux romans d’initiation, dont il entrelace les fils de son intrigue, sensuelle, intellectuelle, haletante et terrible. Ce sont, dans un cruel premier roman venu d’Allemagne, les noces de la reliure et du crime.

      Voici un romancier qui a le diable dans la peau selon l’expression familière consacrée : Gunnar Kaiser, avec son roman dont le titre laisse longtemps planer une avide interrogation. C’est en 1969 que l’étudiant Jonathan rencontre à New York un étrange homme mûr, Josef Eisenstein. Très vite ce dernier devient son initiateur, d’une part dans la séduction des jeunes filles dont il observe les copulations avec un Jonathan ravi, d’autre part devant sa bibliothèque aux rares volumes soigneusement reliés. Peu à peu les aventures érotiques, et parfois amoureuses, de l’étudiant qui cherche « la fille définitive », ses lectures et ses velléités enthousiastes d’apprenti écrivain, cèdent le pas à une inquiétude récurrente : qui est véritablement son mentor ?

      En un habile contrepoint, Josef devient le narrateur de sa propre adolescence, qui se déroule dans un tout autre contexte : l’Allemagne des années trente et la montée du nazisme. Malgré son ascendance juive, Josef, recueilli à Berlin chez une famille allemande et ainsi appelé Schwarzkopf, traverse l’époque sans autre souci que l’hallucinante beauté des livres anciens, comme une Germania de Tacite qu’il vole aux dépens de la délicieuse  fille d’un bouquiniste, désespérée au point de se jeter dans la rivière. Bénéficiant lui aussi d’initiateurs, le libraire Abramsky et le relieur Cornelius, sans oublier un tanneur, il n’aura de cesse de faire coïncider ces deux beautés en réalisant des reliures parfaites ; car « ces livres étaient sirènes et Lotophages à la fois », voire « le livre que tu ouvres et [qui] enlève le péché du monde ». Aussi, en une montée soigneusement disposée, en un enchaînement épicé jusqu’à l’horreur, devine-t-on qu’il est « L’Ecorcheur », qui sème les cadavres jeunes et féminins au service de son art exigeant et cruel. La piste passant par l’Allemagne de l’Est, Israël, enfin l’Argentine en 1990, l’enquête policière devra mettre sous le nez de Jonathan l’évidence pourtant niée.

      Dès son premier roman, Gunnar Kaiser excelle dans le thriller intelligent, dépeignant des caractères opposés et divers, une amitié contrecarrée par un abîme éthique, fouillant des passions délétères, non sans érudition bibliophilique, réalisant « les noces du papier et de la peau », surtout avec le concours des classiques de l’Antiquité. Ainsi l’épiderme d’une danseuse acquiert plus de valeur : « Elle aurait pu danser pendant quelques années et enchanter le public par son art. Mais quel art éphémère cela aurait été comparé à celui qu’elle rendait possible à présent ! ». Comme le suggère son titre ambivalent, Dans la peau, il s’agit d’entrer dans celle du personnage, dont le livre-confession du même titre est une habile mise en abyme. Et si le récit de Jonathan parait plus faible, manquant parfois de tension et de concision, l’on comprend que, frappé « d’impuissance narrative » face à son fantasme de « Grand Roman Américain », cela soit intentionnel, face à la puissance et à l’autorité de celui du criminel, d’ailleurs calligraphié en « Centaur » dans un exemplaire unique.

      L’on ne peut s’empêcher de penser à un autre romancier allemand, certes fort différent, Patrick Suskind, dont Le Parfum a marqué à bon droit les esprits. Un tueur poursuivait les jeunes filles pour extraire leur essence enivrante. Ici la perversion ne recule pas devant la réalisation d’un bel exemplaire de Mein Kampf relié « dans la peau » de la fille d’un officier, qui, bien sûr ignore la nature et la provenance d’une si suave reliure à lui vendue. Cependant, si le roman de Gunnar Kaiser est digne d’être relié, lui faudra-t-il une moins inhumaine peau ?

      Faut-il alors penser à la reliure comme à une peau animale, que les défenseurs de la cause des quatre pattes et autres végans verraient avec horreur ? Pourtant elles habillent si bien les chefs-d’œuvre…

      Louis-Sébastien Mercier publiait en 1801, dans l’Almanach des prosateurs, une charge acide contre les relieurs, « profession inutile », et la reliure, qui est la « plus cruelle ennemie » de la lecture. Ce sont « carton doré et surdoré […] peaux de bêtes bien polies, dont on couvre les productions du génie, et que l’on vend à l’ostentation et à l’ignorance […] C’en est fait, on ne l’ouvre plus[13] ». Avouons que nous ne sommes pas le moins du monde en accord avec l’auteur de L’An 2440[14], d’ailleurs étonnante œuvre d’utopie et de science-fiction avant l’heure. Certes une précieuse et fragile reliure doit se traiter avec rare respect qui ne supporte pas le continu feuilletage, mais une reliure esthétique et bien en main encourage au contraire à l’amour du livre, elle est ainsi un tentatrice du lecteur. Unir les dimensions esthétique et morale, tant dans la reliure que dans le contenu du roman ou de l’essai religieux ou politique, reste le gage de l’excellence du livre. Et s’il est indispensable de conserver en sa bibliothèque les grands livres évoqués par Martin Puchner, nous ne nous résoudrons pas à les relier tous de la même manière. Car la « peau » d’un livre doit révéler son âme.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Dans la peau a été publiée dans Le Matricule des anges, mars 2020.

 

[2] John M. Roberts et Odd A. Westad : Histoire du monde, Perrin, 2017, p 19.

[4] Murasaki Shikibu, Le Dit du Genji, Diane de Selliers, 2007.

[5] Popol Vuh, VLB / Castor astral, 1987.

[13] Louis-Sébastien Mercier : Des relieurs et de la reliure, Almanach des prosateurs, 1801, p 267.

[14] Louis-Sébastien Mercier : L’An 2440, France Adel, 1977.

 

Reliures en veau glacé sur :

Linguet : Histoire des révolutions de l'empire romain, Desaint, 1766.
Photo : T. Guinhut.

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25 octobre 2019 5 25 /10 /octobre /2019 17:38

 

Völlan / Foiana, Südtitol, Trentino Alto Adige.

Photo : T. Guinhut.

 


 

 

 

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer ;

 

avec le concours d’Erasme

 

et des Traités de l’art militaire.

 

                                                                                                                

Guerre et paix. Sous la direction

de Pierre Hazan et Jacques Berchtold, Nicolas Ducimetière, Chtistophe Imperiali.

Fondation Martin Bodmer / Gallimard, 336 p, 39 €.

 

 

 

 

      Jeu d’échec stratégique ou boucherie sans pitié ni lois, depuis au moins l'Iliade d'Homère, la guerre est selon Clausewitz, en 1832, « un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté[1] […] pas seulement un acte politique, mais un véritable instrument politique, une continuation des relations politiques, un accomplissement de celles-ci par d’autres moyens[2]». Donc une barbarie au service de la civilisation, ou le contraire. À moins qu’elle soit l’ultime surexcitation de la testostérone, l’empire érotique de la pulsion de mort indéracinablement sise en l’être humain. Ce qui ne veut pas dire que Clausewitz fût un belliciste à tous crins, mais un réaliste. Cependant Erasme l’humaniste, en 1516, préférait un Plaidoyer pour la paix ; car « la grande majorité des peuples déteste la guerre et appelle la paix à grands cris[3] ». L’opposition, ou l’équation, trouve son acmé dans un immense roman, celui de Tolstoï, Guerre et paix. Ce qui est également le titre d’une mémorable exposition de la Fondation Martin Bodmer, sise à Genève, mêlant documents, affiches, manuscrits et livres prestigieux. Mais si l’on sait à peu près lire les conflits du passé, à moins que la relecture idéologique s’en mêle, sait-on, munis de ce précieux savoir, être en mesure d’éviter ceux du futur ?

 

      Connaitre et ligoter la guerre, construire la paix, tel est le leitmotiv, le mot-clef, le vœu pieux peut-être, la dimension éthique de cette exposition et de son catalogue, établis sous la direction de Pierre Hazan, Jacques Berchtold, Nicolas Ducimetière et Christophe Imperiali. Si de nombreux volumes de théoriciens, d’agitateurs bellicistes et, mieux, d’historiens s’intéressent à la mise en œuvre de la pulsion guerrière, et s’ils sont un peu moins à valoriser la paix, qui a quelque chose de moins épique, moins haute en couleurs, peu assument le choc des deux notions : d’où l’originalité de ce Guerre et paix, dans lequel les documents claquent comme le son des trompettes et des bombes, et, heureusement, s’apaisent en faveur de la vie et de la prospérité. C’est, en d’autres mots, ceux de Jacques Berchtold, « la plume et le glaive », qui associe en de belles oppositions « bibliothèques et arsenaux, salles de lecture et casernes ». Il y eût été amusant à cet égard de penser à l’oxymore de Swift : La Bataille des livres, dans laquelle « la Guerre est fille de l’Orgueil[4] ». Mais elle est aussi mère de nombreux chefs-d’œuvre, comme l’archétypale Iliade d’Homère. La Guerre des Grecs contre les Troyens, où « tous brûlèrent de s’égorger dans la mêlée[5] », est de toute évidence présente ici grâce à un manuscrit grec du XIII° siècle.

      Forcément l’Antiquité est grande pourvoyeuse d’épopées, de célébrations héroïques, qu’il s’agisse de l’Enéide de Virgile ou de La Pharsale de Lucain : la poésie s’enivre du cliquetis des glaives et du fumet des charniers. Le pire étant peut-être un vaste poème qui eût mérité de figurer en cette exposition, Le Livre des sabres de l’Arabe du X° siècle Mutanabbî : « Mon sabre scintillant occultera l’éclair céleste / Et le sang répandu lui tiendra lieu d’averse[6] ».  Mais le théâtre antique sait soudain rire avec Aristophane, dont la présence ici est indispensable : Lysistrata, en édition princeps de 1532, est celle qui convainc les Athéniennes de faire la grève du sexe pour que ces messieurs cessent de guerroyer contre Sparte. Il n’est pas sûr pour autant que les femmes soient toujours pourvoyeuses de paix. Humour encore avec la Batrachomyomachie, du Pseudo Homère, c’est-à-dire « Le Combat des grenouilles et des rats ».

      L’Ancien testament postule que « l’Eternel est un guerrier[7] ». Pourtant la guerre, qui ponctue sans cesse l’Histoire du peuple d’Israël, s’y doit d’être juste. Ce qui apparait autant dans la Somme théologique de Saint Thomas d’Aquin au XIII° siècle que dans les gravures de Gustave Doré illustrant au XIX° siècle la Bible. Revient à Hugo Grotius, en 1625, de réunir les opposés avec Le Droit de la guerre et de la paix, basé sur le respect de la souveraineté des Etats. L’on devine que tous ses ouvrages, en des éditions rares, voire originales, tapissent les vitrines, comme le dissuasif Léviathan de Hobbes, avec son célèbre frontispice arborant un roi dont le corps est fait de la multitude de ses sujets. Il y faut bien, en une telle matière, des livres abominables, comme Mein Kampf, d’Adolf Hitler[8], qui plus est dédicacé par son auteur de sinistre mémoire ! Auquel répond un illustré, un magnifique, incontournable livre pour enfants d’Edmond-François Calvo : La Bête est morte ! La guerre mondiale chez les animaux, publié en 1944-45.

      Or, en ce panier de crabes des questions de paix et de guerre, l’on songe à se demander si les jeux vidéo banalisent la tuerie, combien l’éthique des samouraïs contribua au jusqu’auboutisme japonais lors de la Seconde Guerre mondiale. Y compris, sous la plume avisée de Nicolas Ducimetière cette surprenante lecture de la suspecte poésie du XVI° siècle, qui put être autant politique que propagandiste, depuis les bastions catholiques et protestants de la guerre de religion. L’on « taquine la muse » autant pour engager au combat, que pour déplorer et ridiculiser.

 

 

      La satire est une ennemie redoutable des exploits guerriers, en outre délicieusement vexatoire pour les tyrans. Voyez Rabelais et ses guerres « picrocholines », Voltaire et son Candide, et en 1912, Louis Pergaud jouant à La Guerre des boutons. Ceux qui pleurent et ne peuvent en rire préféreront la déploration du farouche Agrippa d’Aubigné, au XVII° siècle, fustigeant les guerres de religion dans les âpres pages de ses Tragiques.

      L’indispensable, le nec plus ultra, est un chapitre manuscrit du roman de Tolstoï où le Prince André dénonce avec véhémence un « immense et repoussant mensonge » guerrier. Qui peut faire écho à la prolifération des mensonges d’Etat, de Troie aux régimes totalitaires du XX° siècle, sans compter ceux des médias, des réseaux sociaux, aujourd’hui affreusement sommés d’être des « fake news » par la vulgarité de l’anglicisme, auquel Jean-Paul Marthoz préfère visiblement « infox », mot-valise plus judicieux, sauf qu’il ne peut éviter de parler à cet égard de Donald Trump, alors que le recul de l’Histoire n’a pas fait son œuvre… Lire George Orwell[9] et Hannah Arendt reste le meilleur antidote aux totalitarismes qui s’attaquent autant au langage, aux livres qu’aux individus.

      À la guerre entre le vrai et le faux, répond celle de l’affiche, rapidement propagandiste : « Engagez-vous ! » disent-elles haut et fort. Mais attention à celles qui prétendent vouloir la paix, comme la colombe de Picasso pour le « Congrès mondial des partisans de la paix », en 1949, alors qu’elle fait le nid du communisme. Heureusement, moins manipulatrices sont celles de la Croix rouge.

      Si l’on peut regretter de ne pas trouver un index qui aurait été utile au catalogue, ne manquent pas les fondamentaux. L’Art de la guerre de Machiavel, qui prétend en 1521 à un humanisme militaire et un retour aux doctrines antiques venues d’Alexandre et de Jules César au service de la civilisation : « tous les arts qu’on a introduits dans la société pour le bien public […] seraient des choses entièrement inutiles, si la république était sans défense : & quand les armes sont en bon état, elles peuvent même tenir en sûreté un peuple, dont les autres lois ne seraient pas d’ailleurs fort bonnes[10] ». Non loin, L’Art de la guerre de Sun Zi, en ses feuillets chinois, et l’édition originale de l’opus de Carl von Clausewitz, De la guerre, publié de manière posthume à Berlin en 1832. Les incontournables en fait. On attend encore un Art de la paix qui fasse référence, même si le titre est déjà pris par Bernie Glassman[11], amateur de bouddhisme zen, ou Morihei Ueshiba[12], le fondateur de l’Aïkido, un sport de combat japonais…

Histoire de l'Ancien et du Nouveau Testament, Blaise et Belin-Leprieur, 1825.

Photo : T. Guinhut.

 

      Des guerres antiques, entre celle du Péloponnèse narrée par Thucydide (par un papyrus du III° siècle) et la Gaule de Jules César, aux bombes atomiques jetées sur Hiroshima et Nagasaki, bienheureux qui est encore vivant dans un monde de paix et de culture. Infiniment malheureuses furent les dix millions de victimes de Tamerlan le Mongol, dont rend compte un superbe manuscrit persan illuminé de 1522 : le Chant de Timour. De Vauban à Napoléon Bonaparte, en passant par Stendhal et Bloy, le vertige de l’énumération nous saisit devant tant de pertinence et d’émotions, entre effroi et ravissement ! Mais un volume en maroquin rouge mutilé par les balles serait peut-être l’allégorie de cette exposition… 

      Etonnante est l’illustration de couverture du catalogue, due à Yang Yongliang, qui nous offre l’esthétique cauchemar d’un champignon atomique s’élevant d’une ville qui a tout l’air d’une tour de Babel. Il n’est d’ailleurs pas impossible qu’il s’agisse d’un clin d’œil à une précédente exposition et à son catalogue babélien, intitulé Les Routes de la traduction[13].

      Babélien est également ce Guerre et paix, car les livres et documents sont en toutes langues, du grec au latin, du français à l’allemand, de l’anglais au chinois… Mais aussi de toutes natures, lettres, cartes géographiques indispensables aux stratèges, photographies, et même un « masque à gaz de la Wehrmacht, modèle 1938 », qui fait froid dans le dos. Les conséquences des conflits mondiaux et génocidaires deviennent palpables avec de modestes livres qui ne payent pas de mine ; mais il s’agit de l’originale du Journal d’Anne Franck, en 1947, alors que cette petite avait rejoint les anges par un conduit de cheminée, ou de celle de Si c’est un homme, de Primo Levi, à la même date, et qui ne fut accueilli que par un silence gêné, tellement l’horreur des camps d’extermination était encore imprononçable.

      Bien plus de livres de guerre que de paix. Barbusse et Céline aux prises avec 14-18, Hemingway, Gracq… Et pourtant ! Les Evangiles et Confucius, Erasme et sa Querela pacis (soit le Plaidoyer pour la paix), Rousseau et Kant face à un Projet de paix perpétuelle, que l’on peut concevoir comme l’ancêtre de l’Organisation des Nations Unies, Gandhi et Camus, le premier certificat du Prix Nobel de la Paix, attribué en 1901 à Jean-Henri Dunant initiateur de la Croix-Rouge et de la première Convention de Genève, mais aussi les traites de paix, bardés de sceaux de cire rouges, comme s’il n’y fallait pas oublier le sang versé à seaux. Le rouge étant la couleur récurrente des affiches diabolisant à raison le bolchevisme, ou croyant honorer le communisme, ou appelant au désarmement. Alors qu’à Tolstoï répond un siècle plus tard, Soljenitsyne, dont La Roue rouge et L’Archipel du goulag sont des contre-épopées et pour ce dernier la signature indélébile de l’échec du communisme.

L’on ne sait encore où ranger, dans le camp de la guerre ou de la paix, les cyberguerres, les drones, les frappes intelligentes, l’Intelligence Artificielle de robots, soldats ou infirmiers, voire négociateurs…

      Punir les crimes de guerre, par un procès de Nuremberg ou d’Heichmann à Jérusalem, sous la plume impressionnante d’Hannah Arendt[14] dénonçant « la banalité du mal », ou pardonner l’impardonnable[15] ? Les unes de journaux hurlent les déclarations de guerre ou, toujours trop tard, pavoisent pour l’annonce de la paix. À laquelle doivent contribuer les cours de justice internationales et les commissions vérités contre les auteurs de violences de masse. À moins de désespérer de la réparation et de la dissuasion. Or l’on note avec la cinéaste Leila Kilani que « les salles d’audience de la Cour pénale internationale […] n’ont accueilli jusqu’ici aucun procès de « dictateurs arabes » ; l’on peut ajouter : guère de dictateurs communistes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Ainsi, les auteurs du catalogue savent problématiser cette fatalité ou cet accident de l’Histoire qu’est la déflagration armée sur toutes les faces et les temps du monde. « La guerre est-elle l’état naturel de l’homme ? » interroge Gilad Ben-Nun. « La guerre est-elle l’avenir de l’homme ? », demande non sans amertume Pierre Hazan, commissaire de l’exposition. Entre glorification et condamnation, cette sanglante combattivité est hélas à l’ordre du jour et de l’avenir. Ce dernier dénonce avec pertinence « la montée des régimes illibéraux et autoritaires », mais avec plus de pusillanimité envers la doxa bien-pensante, les « inégalités », les « fake-news », le « dérèglement climatique » et « une Europe vieillissante tentée de s’ériger en forteresse » face à la « crise migratoire ». Craignons cependant que la jeunesse islamique soit déjà la source d’un prochain conflit d’envergure… Quoique Pierre Hazan ne soit pas si naïf, ne relève-t-il pas avec justesse, qu’un groupe africain d’une violence inouïe se soit appelé « Boko Haram, « soit littéralement interdire les livres », plus exactement « livres impurs » au sens islamique du terme. Il s’inquiète, quand monte « une sourde colère », car « l’Histoire nous a appris vers quel destin funeste elle pouvait nous emmener ».

      Et surtout, le but de ces auteurs est de montrer que quelques soient les qualités et utilités de l’art militaire, en tant que dissuasion et défense, il y a bien des arts qui lui soient supérieurs, et principalement l’art du livre, qui réunit la pensée, le travail et l’esthétique. Cela dit, Nietzsche relevait, dans La Naissance de la tragédie, que la guerre chez les Grecs est un aiguillon de la créativité, tandis que la paix risque d’amollir un peuple, y compris dans le domaine artistique : « C’est le peuple des Mystères tragiques qui se bat contre les Perses. Mais, inversement, le peuple qui a fait ces guerres a besoin de la tragédie comme d’un philtre nécessaire à sa guérison[16] ».

      Cette exposition édifiante et brillante - ainsi que l’élégant catalogue - est conçue par la Fondation Martin Bodmer en partenariat avec le Comité International de la Croix Rouge, dont ce bibliophile fut le vice-président, gage apparent d’irréprochable d’éthique. Quant au partenariat avec l’Organisation des Nations Unies, alors qu’un pays comme le Koweït (qui finance le terrorisme islamique), fait partie de son Conseil de Sécurité, que des pays comme le Qatar (idem), l’Afghanistan, l’Arabie Saoudite, le Pakistan et la Chine sont des Etats membres de sa Commission des Droits de l’Homme, il y a de quoi rester pour le moins dubitatif… D’autant que lorsqu’il s’agit du monde arabe, à trois reprises (p 36-37, 62 et 279), la lecture du Coran est pour le moins biaisée et au pire relève du mensonge par omission, de la taqîya (dissimulation). On y dénonce « le mythe du bellicisme arabe » ! La conquête du pourtour méditerranéen et jusqu’en Indonésie se serait donc faite avec la persuasion de plumes de soie ? La traite esclavagiste arabo-musulmane ne serait qu’un mythe ? Quatorze siècles de violence, de tyrannie et de génocides ne compteraient pour rien ? En dénonçant l’Espagne qui chassa «  indigènes juifs et musulmans d’Al-Andalus », s’agit-il de céder à un irénisme déplacé imaginant que cette région vécut sans massacres perpétrés par l’occupant musulman (et non indigène) ? L’on s’étrangle de rire en voyant cité un verset du Coran qui préconise « le respect du pacte conclu avec eux [les polythéistes] » en glissant le voile sur tant et tant qui commandent le djihad guerrier et le meurtre. Entre autres le « verset de l’épée » qui abroge tous ceux qui lui seraient contraires : « Les mois sacrés écoulés, mettez à mort les idolâtres, partout où vous les rencontrez » (Sourate 9, Verset 5), ou les « associateurs » (Juifs et Chrétiens) ou les « polythéistes » selon les traductions…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Une telle entreprise bibliophilique, qui doit être l’occasion d’un abîme de méditations que l’on espère fructueuses, est à lire aux côtés de l'Histoire de la guerre de John Keegan[17], mais surtout comme une éducation à la paix. C’est non seulement une riche exposition de livres et documents rares, mais une réelle réflexion sur l'Histoire et une somme de philosophie politique. Elle peut cependant difficilement échapper aux idéologies. L’Histoire, et donc les grands livres de l’humanité que détient et défend la Fondation Martin Bodmer, dans le cadre d’une goethéenne weltliteratur (littérature-monde), devraient nous permettre de penser un tant soit peu le présent, voire l’avenir. Ainsi la lecture de l’Histoire de la décadence et de la chute de l’empire romain de Gibbon doit nous convaincre que les civilisations, romaine, chrétienne, voire occidentale, sont faillibles, au travers de l’effondrement de Rome[18] face aux barbares et de Byzance face à l’hydre islamique[19]. Les forces de la raison et du droit universel, pour reprendre les concepts de Kant, protègeront-elles la paix ?

      Parmi de nombreuses mythologies qui attribuent la création du monde à un ressort guerrier, comme dans la Théogonie d’Hésiode, où le sang versé d’Ouranos blessé donne naissance aux déesses de la vengeance, les trois Furies, seule la Chine assoie sa cosmogonie sur la paix, de par une mythologie confucéenne impériale et bienveillante. Non que le continent chinois fût épargné par les invasions et les campagnes militaires, ce dont témoigne le fameux Art de la guerre de Sun Zi. Mais ce dernier n’est pas le seul en l’espèce.

 

Civilii Caesaris, Adriani Wyngaerden, 1651.

Photo : T. Guinhut.

 

      Un éditeur curieux a eu l’excellente idée de réunir Les Sept traités de l’art militaire de la Chine ancienne[20]. Certes la limite de l’ouvrage est que l’on a recouru à des traductions anglaises, pour passer au français, et que, donc, du point de vue philologique cette édition ne vaut que par le soin apporté au volume relié sous un élégant coffret. Peut-être vaut-il mieux se confier à une édition de poche, sous l’égide du traducteur et commentateur sinologue Jean Lévi[21]. Entre 475 et 221 avant Jésus Christ, la Chine vit une période pour le moins troublée, celle des « Royaumes combattants ». C’est autour de cette ère sans cesse conflictuelle et brutale (quoique l’Empire du milieu en ait vu par la suite d’autres, ne serait-ce qu’avec le maoïsme, responsable de quatre-vingts millions de morts) qu’advient L’Art de la guerre de Sun Zi (554-496 av. J.C.). Mais aussi, dans l’ordre chronologique, Les Six arcanes stratégiques de Taigong, Les Principes du Sema, Le Traité militaire de Wu, L’Art du commandement de Liao, Les Trois stratégies de Huang Shigong et enfin les Questions de l’empereur Taieong des Tang au général Li Jing. Organisation des troupes, tactiques militaires, soutien populaire sont à l’ordre de ces pages millénaires ; mais aussi techniques de reconnaissance, topographie, logistique et espionnage. Plutôt que la force brutale, les stratèges savent privilégier la discipline et la furtivité des combattants, donc la cavalerie. Tout ceci n’empêche pas qu’apparaissent de nombreuses questions de métaphysique et de philosophie, la sagesse étant de bonne guerre. Selon Les Principes du sema : « En général les plus sages en appellent aux racines [les vertus essentielles] alors que leurs aides recourent aux branches [les autres vertus]. La guerre est la mise en œuvre de stratégies visant à préserver la subtilité. Les racines et les branches ne sont qu’un moyen d’exploiter l’équilibre des puissances ». Si ces textes, qui constituaient la matière des examens des officiers sous les Song du nord, devinrent des classiques obligés des écoles militaires chinoises à partir du XI° siècle, ne doutons pas qu’ils restent encore d’actualité, non seulement par respect des traditions mais aussi pour leur sagesse, si tant en est que l’on puisse appliquer le concept de sagesse à autre chose qu’à une guerre défensive et pacificatrice. L’on doute à cet égard que le régime chinois actuel ait ce dernier objectif en tête, face à Hong Kong et Taïwan.

 

      Revenons au Plaidoyer pour la paix d’Erasme : « Pendant qu’on veillera au bien commun, chacun verra par là même son sort s’améliorer ; le règne des princes verra sa noblesse augmenter en dignité parce qu’ils gouverneront des hommes pieux et heureux, et assureront la suprématie des lois sur les armes ; les grands jouiront d’une dignité plus assurée et plus authentique, les clercs d’une retraite plus paisible et plus profonde, le peuple d’une tranquillité plus prospère et d’une prospérité plus sûre[22] ». C’est ainsi que le grand humaniste européen de la Renaissance conclue son traité, modeste par la taille et grand par la sagesse, alors que dans un de ses adages il commente Végèce : « La guerre paraît douce à ceux qui n’en ont pas l’expérience », en dénonçant « cette passion de rois et de peuples fous[23] ». Cependant, en faisant l’éloge d’Aldo Manuzio[24], célèbre imprimeur vénitien au tournant des XV° et XVI° siècles, son ambition était avec lui, à l’instar de Martin Bodmer, « de construire une bibliothèque qui n’a pas de murs, sauf ceux du monde lui-même[25] ».

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie


[1] Carl von Clausewitz : De la guerre, Minuit, 1955, p. 51

[2] Carl von Clausewitz : De la guerre, Librairie Académique Perrin, 1999, p. 46

[3] Erasme : Plaidoyer pour la paix, Arléa, 2013, p 101.

[4] Swift : La Bataille des livres, La Pléiade, Gallimard, 1995, p 538.

[5] Homère : Iliade, XIII, 337.

[6] Mutanabbî : Le Livre des sabres, Sindbad, 2012, p 41.

[7] Exode, XV, 3.

[10] Machiavel : L’Art de la guerre, Œuvres, t 6, Volland, 1793, p 210-211.

[11] Bernie Glassman : L’Art de la paix, Albin Michel, 2000.

[12] Morihei Ueshiba : L’Art de la paix, Guy Trédaniel, 2000.

[16] Friedrich Nietzsche : La Naissance de la tragédie, Œuvres I, Gallimard, La Pléiade, 2000, p 113.

[17] Voir : Guerres d'Etats ou guerres anthropologiques ? John Keegan : Histoire de la guerre

[19] Voir : Du fanatisme morbide islamiste

[20] Les Sept traités de l’art militaire de la Chine ancienne, Guy Trédaniel, 2018.

[21] Les Sept traités de l’art de la guerre, Pluriel, 2018.

[22] Erasme : Plaidoyer pour la paix, ibidem, p 102.

[23] Erasme : Adages, 3001, t 4, Les Belles lettres, 2011, p 29.

[25] Erasme : Adages, 1001, t 2, ibidem, p 9.

 

 

Col dei Baldi, Alleghe, Veneto. Photo : T. Guinhut.

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31 janvier 2019 4 31 /01 /janvier /2019 15:31

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

Géographies des bibliothèques enchantées,
de Jorge Luis Borges à Mohammad Rabie.

 

 

Jorge Luis Borges : Fictions,

traduit de l'espagnol (Argentine)

par Roger Caillois, Nestor Ibarra et Paul Verdevoye,

Folio, Gallimard, 208 p, 6,80 €.

 

Mohammad Rabie : La Bibliothèque enchantée,

traduit de l’arabe (Egypte) par Stéphanie Dujols, 176 p, 19 €.

 

 

 

 

      Il ne suffit pas d’être un bâtiment, hébergeant des salles, des étagères, des rayonnages, encore faut-il avoir la dignité et le mystère de l’assemblée des livres. L’acmé du paradoxe, à savoir l’inventive pléthore de l’illisible, ayant été atteint par Borges dans son conte « La bibliothèque de Babel », et gravement parodié par Umberto Eco, il reste à ensemencer d’enchantement les bibliothèques réelles et imaginaires. Bien que Mohammad Rabie, écrivant non loin des sables de celle d’Alexandrie, ait la modestie de ne faire allusion au nom de Borges qu’incidemment, il ne peut cacher qu’il écrive dans son ombre, quoique sans démériter. Au point, qui sait, de pouvoir être son fils spirituel. Ainsi nous irons de  l'omniscience borgésienne au fantasme de traductibilté universelle de Rabie

      Sans vergogne, Jorge Luis Borges[1] fait profession d’omniscience : tout est dans ce tout qu’est la « bibliothèque de Babel ». La quête de sens trouve son réalisation dans la totalité, puisque tous les livres mathématiquement imaginables de par la succession, la combinaison et la dispersion des lettres de l’alphabet s’y trouvent, quoiqu’elle bute sur le relatif infini de la chose et la quasi-impossibilité pour l’homme-bibliothécaire d’y découvrir un seul livre entièrement lisible, pire un seul qui soit digne d’entrer dans une bibliothèque digne de ce nom, a fortiori d’un grand livre, qu’il soit de Dante ou de Kant. À l’omniscience idiote, car indifférenciée et relativiste du dieu borgésien non-dit et insituable, répond l’aporie d’une bibliothèque illisible.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Un « bibliothécaire de génie […] déduisit que la Bibliothèque est totale, et que ses étagères consignent toutes les combinaisons possibles des vingt et quelques symboles orthographiques (nombre, quoique très vaste, non infini), c’est-à-dire tout ce qu’il est possible d’exprimer, dans toutes les langues. Tout : l’histoire minutieuse de l’avenir, les autobiographies des archanges, le catalogue fidèle de la Bibliothèque, des milliers et des milliers de catalogues mensongers, la démonstration de la fausseté de ces catalogues, la démonstration de la fausseté du catalogue véritable, l’évangile gnostique de Basilide, le commentaire de cet évangile, le commentaire du commentaire de cet évangile, le fait véridique de ta mort, la traduction de chaque livre en toutes les langues, les interpolations de chaque livre dans tous les livres ; le traité que Bède put écrire (et n’écrivit pas) sur la mythologie des Saxons, ainsi que les livres perdus de Tacite[2] ». On devine qu’à ce vertige de la liste, pour reprendre le titre d’Umberto Eco[3], s’ajoute le gloubi-boulga de tous les ouvrages fautifs, qu’il s’agisse d’une seule faute d’orthographe ou coquille ou d’un fatras omnipotent d’erreurs, d’hérésies et de contre-vérités, scientifiques ou morales : tout et son contraire, tyrannie de la fausseté. La totalité associant une introuvable perfection philosophique et esthétique avec les marasmes de la vulgarité, de l’insulte et de la provocation au génocide, soit un Evangile de Luc fallacieux acoquiné avec un exact Mein Kampf… Plutôt qu’enchantée, cette bibliothèque ne manque pas d’exhaustivité maligne, comme dans le cas de l’hypermnésique qui retient tout, mais ne sait rien.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Sophiste stérile, essayiste des possibles, mathématicien des probabilités, ironiste distingué, érudit parodique, grand prêtre d’un culte babélique ? Tout cela à la fois. D’autant que Borges à l’habileté de disposer sa bibliothèque kilométrique comme un rubik’s cube exponentiel dans l’espace commode et mesuré d’un conte, lui-même dans un mince recueil de Fictions, dans une perpétuelle et vertigineuse mise en abyme, comme dans les boites d’oreilles de la Vache-qui-rit qui démultiplient à l’infini vers l’infiniment petit, au lieu que la démarche borgesienne se déploie en direction de l’infiniment grand. « Ce livre est fait de livres[4] », avouait le bibliothécaire de Buenos-Aires dans sa préface à l’édition de la Pléiade qui lui est consacrée.

      Nul doute qu’en cette Bibliothèque de Babel l’on lise l’article consacré à « Uqbar », dans cet unicum : « le tome XLVI de l’Anglo-American Cyclopedia », nanti d’une poignée de pages surnuméraires dévoilant une pure fantaisie géographique et historique. Ainsi que le livre de « Silas Haslam : History of the land called Uqbar[5] », aussi fictif que son auteur. Un monde est donc possible dans les brèches inédites du réel, ourdi par la facétie d’un auteur et d’un imprimeur, révélant parmi les territoires balisés de la connaissance encyclopédique une brèche où s’engouffrent le possible et l’impossible, nés des entrailles du vraisemblable, des conjectures et de l’imagination.

      L’on sait combien l’auteur bientôt aveugle de Ficciones fut parodié - en toute amitié bien entendu - par Umberto Eco, dans Le Nom de la rose : il devient un irascible Jorge de Burgos, également aveugle, au sens littéral et au sens figuré (sinon défiguré), qui veille jalousement sur la partie de la Poétique d’Aristote consacrée à la comédie, hélas disparue, et interdit, au besoin par la mort, à tout lecteur de feuilleter des pages qui laisseraient entendre que l’on peut rire de tout, donc de Dieu[6]. Au point d’être convaincu de crime par un avatar médiéval de Sherlock Holmes et de laisser lire le blasphématoire ouvrage, il préfère un gigantesque autodafé de la bibliothèque, où périra également sa chair. Ainsi cette bibliothèque monastique est-elle un autre avatar, celui de celle de borgésienne de Babel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Egalement menacée de destruction, La Bibliothèque enchantée de Mohammad Rabie parait être plus réaliste. Cette fois, ce n’est pas un autodafé religieux qui menace l’habitat des livres, mais quelque chose entre le despotisme politique et l’ignorance populacière[7] : l’urbanisme. Il s’agit de construire une ligne de métro dans la ville du Caire et donc de détruire l’encombrante construction. Aussi un fonctionnaire est-il chargé de rédiger un rapport. Le jeune Chaher découvre alors un vieil immeuble oublié, dans lequel, sur plusieurs niveaux, sont entreposés mille livres par pièce. Le rangement est incongru : il ne respecte que « l’ordre chronologique des publications », puis des arrivées. En l’absence de tout catalogue, l’on ne peut que piocher au hasard des yeux et de la main et en fonction de la date d’impression : les années trente au rez-de-chaussée, les années soixante au premier, et ainsi de suite en montant. En l’occurence aucun chercheur sérieux n’y peut travailleur, hors le « chercheur autodidacte ».

      Le récit laisse tour à tour la parole à deux narrateurs, Chaheb et le Dr Sayyib, un habitué, passablement au fait des mystères de la bibliothèque, qui joue en fait le rôle de l’initiateur un brin tortueux et manipulateur. Heureusement, un article de journal, extrait du dossier fourni à Chaheb, nous délivre l’origine de cette institution en passant par une sorte de conte enchâssé, non loin des Mille et une nuits. Voici une histoire d’amour entre un riche jeune homme et une modeste jeune fille, au talent poétique certain, ce qui convainc le père d’accepter un tel mariage : elle sera la créatrice de la bibliothèque, dans le but de « voir les mœurs des gens s’ennoblir grâce au savoir et aux belles lettres et leur vie s’enrichir par le dialogue et la critique constructive ».

      De loufoques et pathétiques personnages traversent le lieu éclairé par un « puits de lumière » : « Jean le copiste », travailleur compulsif qui est passé à l’appareil photo pour améliorer son rendement, Ali, persuadé qu’un document caché lui permettra de devenir propriétaire de la bâtisse, de ses livres et de ses précieux manuscrits…

      Outre la séduction de cette bibliothèque désuète aux rangements erratiques, Chaher est lui aussi enchanté en découvrant une traduction arabe du Codex seraphinianus[8], cette encyclopédie imaginaire, dont les illustrations fantasmagoriques, protéiformes, et l’écriture indéchiffrable le ravissent. Il y a évidemment une incongruité à traduire l’intraduisible en arabe, d’où l’infiltration du fantastique dans le récit de Mohammed Rabie. Jusqu’à ce que son personnage fomente de commettre un « larcin qui ait une portée cosmique et métaphysique », imagine une conjuration de traducteurs, des imprimeries souterraines et autres hypothèses fantasques…

      Le spectre de l’autodafé plane également parmi les volumes. Comme lorsque Chaher tombe sur une traduction en arabe de l’humaniste Etienne Dolet : ce dernier, pour avoir répondu « Rien du tout » à « la question rhétorique de Platon Qu’y-at-il après la mort ? » fut brûlé sur le bûcher ; mais aussi pour avoir été un traducteur fort infidèle. À cet égard la satire s’en donne à cœur joie, fustigeant les traducteurs bousilleurs, comme un certain Tharwat Okacha. Ce qui donne lieu d’ailleurs à des réflexions bien senties sur l’éthique de la traduction[9]. Mais aussi à une espérance folle de traductibilité universelle.

      On n’oubliera pas la satire de l’administration et de « l’opium du fonctionnariat » : sinécure et fainéantise, petitesse d’esprit et noircissage de paperasse inutile. Chaher ne se fait guère d’illusion sur sa mission : « préconiser la démolition ». S’il est un jeune employé du ministère des « Biens de Mainmorte », en conformité au réel ministère de ce nom qui gère les biens religieux et inaliénables, il faut probablement y voir une métaphore d’un Etat sous la férule duquel les biens et les livres sont des objets destinés à la mort.

      L’apologue a quelque chose de discrètement kafkaïen, de nettement borgesien, car cette « bibliothèque enchantée » au moyen de ses traductions en de multiples langues, dont les incroyables traducteurs resteront inconnus, est sous le couperet de ce réel sordide fait d’aménagement du territoire et de glaciales décisions administratives. Sous des dehors d’emblée anodins, se profilent de graves thématiques : l’avenir menacé des bibliothèques, la montée de l’ignorance, l’imbécillité de qui passe son temps « à glorifier son dieu - ou son gouvernement », les postulations de l’imaginaire babélique…

      Selon toute apparence, il s’agit là du premier livre traduit chez nous de l’Egyptien Mohammad Rabie. Roman surprenant, déroutant, attachant, apparemment neutre puis pétillant de malice. À ce titre, même si la dynamique narrative n’est pas immédiate,  plus l’on avance dans la lecture, plus l’ouvrage prend de l’ampleur, devient un festival de spéculations, de peur, de bouillonnement intellectuel, de spéculations enchantées et enchanteresses. À cet égard, nous laisserons au lecteur le plaisir de découvrir la fabuleuse révélation finale. Or notre curiosité s’allumant, l’on apprend que cet ingénieur, né au Caire en 1978, a publié deux autres romans : L’œil du dragon en 2012 et Otared, en 2014, qui est une infernale dystopie. Il n’est pas impossible qu’outre cette bibliothèque de fiction, ils doivent également dresser leur acte de naissance dans la langue de Molière. Faut-il, à la liste déjà généreuses des écrivains égyptiens d’importance, Naguib Mahfouz, Alaa El Aswany, ajouter le nom de Mohammad Rabie, disciple facétieux et inquiet de Borges ?

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 


[1] Voir : Un Borges idéal équivalent de l'univers : anthologie personnelle ou de l'art de poésie

[2] Jorge Luis Borges : « La Bibliothèque de Babel », Fictions, Œuvres complètes, tome I, Gallimard, La Pléiade, 2010, p 494.

[3] Umberto Eco : Le Vertige de la liste, Flammarion, 2009.

[4] Jorge Luis Borges : Œuvres complètes, T I, Gallimard, La Pléiade, 2010, p X.

[5] Jorge Luis Borges : « Tlön, Uqbar, Orbis Tertius », Fictions, Œuvres complètes, Gallimard, La Pléiade, 2010, p 453, 454.

[8] Luigi Serafini : Codex seraphinianus, Rizzoli, 2013.

[9] Voir : Aux pieds de Babel : les routes de la traduction et de l'iconographie

 

Cheykh Êl-Mohdy : Contes, traduits de l’arabe par J. J. Marcel, Dupuy,

1835. Photo : T. Guinhut.

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2 janvier 2019 3 02 /01 /janvier /2019 15:57

 

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences des arts et des métiers.

Par une société de gens de Lettres. Mis en ordre & et publié par M. Diderot ;

& quant à la partie mathématique par M. D’Alembert, Pellet, Genève, 1778.

Photo : T. Guinhut.
 

 

 

 

 

Les Lumières encyclopédiques
de Robert Darnton :
Un tour de France littéraire.
Le monde du livre à la veille de la Révolution.

 

 

Robert Darnton :

Un Tour de France littéraire. Le monde du livre à la veille de la Révolution,

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jean-François Sené),

Gallimard, 400 p, 25 €.

 

 

 

      Incontestable succès de librairie, néanmoins controversée, l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert est l’arbre qui cache la forêt de l’édition au XVIII° siècle. Avec une aimable et précise érudition, Robert Darnton sonde les reins de la France à la veille de la Révolution, quand livres permis et livres interdits se partageaient les ballots des colporteurs, se cachaient ou s’exhibaient, depuis les imprimeries jusqu’aux librairies. Au voyage dans le temps, s’ajoute un périple géographique, au cours duquel Robert Darnton suit la trace de ces livres qui nourrissent l’édification, le divertissement, et par-dessus tout l’éducation aux libertés morales et politiques des lecteurs français au siècle des Lumières.

 

      Une sorte de marché noir occulte est à la fois l’envers et l’allié des Lumières. C’est justement à ces acteurs du livre, ces entrepreneurs et « intermédiaires loqueteux à la petite semaine » que rend hommage Robert Darnton. Un certain Noël Gille passa deux mois en prison pour « commerce de livres interdits », fourguant brochures de « piratage » et autres pages licencieuses. En effet, outre une pointilleuse censure, l’Etat versaillais ne cessait d’émettre des décrets, de créer de nouvelles corporations, « étendant l’autorité de la Police de la librairie […] augmentant ou réduisant les taxes sur le papiers » ; comme quoi l’Etat taxateur ne date pas d’aujourd’hui…

      Aussi curieux que cela puisse paraître, une immense partie des livres afférents aux Lumières étaient pour ces raisons mêmes publiée hors des frontières françaises, en ce que Robert Darnton appelle joliment « un croissant fertile » : aux Pays-Bas, souvent La Haye, parfois à Londres, ou encore en Suisse, à Genève et Neufchâtel, jusqu’en Avignon, alors territoire papal. La domination parisienne de l’édition qui est la nôtre, n’était pas, loin s’en faut, la règle, au siècle de Voltaire. Car si la capitale concentrait la production légale, soumise au regard des censeurs et au « Privilège du Roi », la province accueillait volontiers les productions étrangères, les contrefaçons et les livres sous le manteau, en particulier au voisinage des frontières, où sévissaient les douaniers, plus ou moins sévères, plus ou moins coulants, ou achetés. Ce pourquoi l’historien choisit de se consacrer à « la dimension provinciale du commerce du livre ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Un étonnant parcours est reconstitué par la patiente enquête et la sagacité de Robert Darnton : celui de Jean-François Faverger qui, entre l’été et l’automne 1778, entreprend un périple de plus de 1900 kilomètres, depuis la Suisse, par une ville du Jura, Lons-le-Saunier, en passant par Lyon, Toulon, Carcassonne, Bordeaux, puis Orléans, le tout au service de la Société Typographique de Neufchâtel. C’est un représentant en livres auprès des libraires, dont les archives sont intactes, parmi des milliers de lettres.

      Collant à ses talons, grâce à son « carnet de voyage », Robert Darnton nous conte les aventures et mésaventures de Faverger, ses rencontres, les chemins boueux entre La Rochelle et Poitiers, son cheval fourbu et blessé. Voilà un voyageur consciencieux, parfois picaresque : « En sueur pendant l’été dans le Languedoc et grelottant dans la bourbe automnale du Poitou, Favarger ne devait pas faire bonne figure sur la route ; il puait certainement quand il arrivait dans les auberges de campagne ».

      Les bouquinistes sont parfois des roués, les libraires achalandés font fructifier les marchandises ou commettent des impayés monstrueux, ont pignon sur rue ou établissent leur domicile « en l’air », profitent ou périclitent, à moins qu’ils se livrent au farniente, et meurent, laissant une veuve prompte à reprendre l’affaire. Une Comédie humaine à la Balzac en somme… S’en suit tout un peuple, plus ou moins fiable, de commissionnaires, colporteurs, voituriers et contrebandiers, qui portaient clandestinement les ballots de livres en feuilles ; à charge aux libraires de plier et coudre, avant de passer chez le relieur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Protestant et « agent des Lumières », Favarger vendit aussi bien la Bible que l’Encyclopédie, dont la société Typographique imprimait l’édition in quarto en 36 volumes, ce qui fit l’objet d’un « succès de vente spectaculaire ». L’entreprise commerciale vise d’abord à faire fructifier un capital, à gagner de l’argent, mais le livre n’étant pas une marchandise comme une autre, elle induit, vis-à-vis de la demande, de l’horizon d’attente des lecteurs, un réel opportunisme, aussi bien qu’une certaine dose de mission civilisatrice.

      Quels sont les livres les plus demandés par les lecteurs ? Robert Darnton nous fournit des listes et tableaux d’une précision inattaquable. Avec 1145 titres commandés à Favarger entre 1769 et 1789, l’on peut découvrir les ouvrages les plus prisées. Ce sont, outre les Psaumes de David (protestantisme oblige) premiers sur le tableau d’honneur, des recueils de sermons et de prières, des Mémoires sur l’administration du royaume, des dictionnaires, des comédies et « chansons gaillardes ». Beaucoup plus révélateur du vent d’esprit nouveau qui souffle sur la France et sur l’Europe occidentale, l’on trouve la Collection complète des Œuvres de Jean-Jacques Rousseau, probablement autant pour la dimension politique du Contrat social que pour le sentimentalisme préromantique des lettres de La Nouvelle Héloïse.

      Les ouvrages plus proprement philosophiques et historiques caressaient la curiosité et emportaient visiblement l’adhésion. Par exemple la considérable Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes, de Guillaume-Thomas-François Raynal, (œuvre à laquelle Diderot mit la main) et dans laquelle l’esclavage est conspué, la colonisation mise en doute, ouvrage qui fut brûlé « par le bourreau public le 29 mai 1781 », et qui n’est hélas aujourd’hui réédité que par bribes[1]. Ce que l’on peut rapprocher de l’intérêt des lecteurs pour Les Incas, ou la destruction de l’empire du Pérou de Marmontel. L’on lisait le sérieux Helvétius, qui, parmi les pages intitulées De l’Homme, de ses facultés intellectuelles et de son éducation, était fort critique envers « les fausses religions », dont le « papisme[2] ». Il est d’ailleurs un peu dommage que Robert Darnton ne dise le plus souvent pas grand-chose sur le contenu des ouvrages cités ; mais il est vrai que ce n’est pas son propos. Et surtout il faut considérer que ce travail a déjà été fait dans son précédent essai Edition et sédition[3] auquel il ne faut pas manquer de retourner.

 

Guillaume-Thomas-François Raynal :

Histoire philosophique et politique

des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes,

Gosse, La Haye, 1774.

 

      Plus surprenant, l’ouvrage-phare, mi-essai, mi-récit, de Louis-Sébastien Mercier, publié en 1771, fut un énorme succès de librairie. Trop oublié, aujourd’hui injustement dédaigné, L’An 2440, est une anticipation utopique. En effet, à peu près tous les maux ont disparu : luxe (Voltaire est loin d’être d’accord sur ce point dans son poème Le Mondain qui en est une apologie), privilèges de la noblesse, esclavage, exploitation des pauvres… Quoique l’on se demande si l’on ne glisse pas vers l’anti-utopie en découvrant, lors de la visite de «  la bibliothèque du roi », le récit d’un gigantesque autodafé[4] : « D’un consentement unanime, nous avons rassemblé dans une vaste plaine tous les livres que nous avons jugés ou frivoles ou inutiles ou dangereux ; nous en avons formé une pyramide qui ressemblait en hauteur et en grosseur à une tour énorme : c’était assurément une nouvelle tour de Babel. Les journaux couronnaient ce bizarre édifice […] Il était composé de cinq ou six cent mille dictionnaires, de cent mille volumes de jurisprudence, de cent mille poèmes, de seize cent mille voyages et d’un milliard de romans. Nous avons mis le feu à cette masse épouvantable, comme un sacrifie expiatoire offert à la vérité, au bon sens, au vrai goût[5] ». De fait, le Tableau de Paris de Mercier, ainsi que son Bonnet de nuit bénéficièrent également de tirages confortables.

      Parmi les romans un peu libres, l’on était friand du Compère Mathieu ou les bigarrures de l’esprit humain, volontiers picaresque, humoristique et anticlérical. Et du Paysan perverti ou les dangers de la ville, du sieur Restif de la Bretonne, imprimeur et écrivain compulsif, qui donnait dans les ouvrages prolixes destinés à n’être lus que d’une seule main et publiés sous le manteau, comme L’Anti-Justine

      L’on aimait la poésie un peu leste et anticléricale, comme La Pucelle d’Orléans, qui s’amusait de Jeanne d’Arc, anonyme bien sûr, mais l’on sut bientôt qu’elle était de Voltaire. Ses Lettres philosophiques étaient toujours demandées. Ses thèses afférentes au déisme, au rationalisme, à la tolérance, à l’exigence de justice faisaient leur chemin.  Quant à Candide, quoique d’abord paru sous le nom d’emprunt du « Docteur Ralph » et prétendument traduit de l’allemand, en 1759, il fut de nombreuses fois réimprimé au point de devenir un beau succès de librairie ; même si la Société Typographique de Neufchâtel n’en vendit guère, quoiqu’elle eût à son catalogue 1145 titres. Notons que l’on est dépourvu de sources équivalentes concernant d’autres marchands, éditeurs et libraires concurrents qui permettraient d’en savoir plus. Reste que « les hommes qui dirigeaient la Société Typographique de Neufchâtel avaient des opinions qui correspondaient en général aux idées des Lumières ».

      Les romans sentimentaux ravissaient leurs lecteurs et lectrices, ainsi Le Voyage sentimental de Sterne, ou Les Malheurs de l’inconstance de Dorat, dépassés en modernité par Les Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos. Si la poésie était de loin dominée par La Fontaine, l’on ne dédaignait pas le théâtre, lu même en dehors de toute représentation : toujours et encore Molière, mais aussi, plus novateur, Le Barbier de Séville de Beaumarchais…

      Plus épicées, il fallait compter sur de revigorantes productions pornographiques, à l’instar de Thérèse philosophe, dans lequel le « cordon de Saint-François[6] », joue un rôle priapique et orgasmique qui ravit spirituellement et physiquement Mademoiselle Eradice. Un tel titre pouvait passer pour ce qu’il n’était pas, car le terme « livres philosophiques » était souvent un euphémisme pour désigner des écrits pour le moins lestes, scabreux et obscènes, irréligieux, séditieux, voire diffamatoires.

Hobbes :  Œuvres philosophiques et politiques,

Société Typographique de Neufchâtel, 1787.

M*** : La Vie de Voltaire, Genève, 1786.

  Photo : T. Guinhut.

 

      Lire c’est voyager. Aussi les livres des grands voyageurs contemporains, comme Cook, Lapérouse ou Bougainville, emportaient les lecteurs vers des destinations lointaines et exotiques, vers d’autres mœurs, permettant à Diderot de rebondir dans son Supplément au voyage de Bougainville (très bien vendu par la Société Typographique de Neufchâtel) passablement utopique et irénique, en particulier en ce qui concerne la vie sexuelle. Ce qui ne fut pas sans contribuer au mythe du bon sauvage et à la critique des mœurs occidentales. La géographie, l’histoire, les sciences, la médecine, le droit, les manuels pratiques, la littérature pour enfants, voire la Franc-maçonnerie et la magie, il n’y avait guère de domaine qui échappât à la librairie, peignant un portrait intellectuel d’un siècle en bourgeonnement.

      C’est ainsi que l’on découvre l’esprit des Lumières, à travers des libelles à scandale et des textes à charge contre la monarchie (comme les Annales politiques de Simon Nicolas Henri Linguet), des « ouvrages qui attaquaient Louis XV, ses maîtresses et ses ministres », dénonçant la corruption et les abus de pouvoir. Mais aussi des ouvrages plus ambitieux, prônant la séparation des pouvoirs dans la lignée de Montesquieu, prônant le déisme de Voltaire, l’athéisme d’Helvétius, donc les ferments actifs de l’anticléricalisme et de la Révolution. À cet égard l’essai du baron d’Holbach, Système de la nature, était un propagateur d’athéisme fort demandé par les esprits forts et les curieux.

      Grâce à ce Tour de France littéraire, plaisant et didactique à souhait, de plus illustré de cartes, pages de titres et frontispices, ainsi que de vues de villes, l’on fouille les arcanes non seulement du commerce des livres, mais surtout de l’évolution des mentalités qui bouillonnent du désir de renverser la monarchie absolue et la censure, préparant ainsi le terrain d’une Révolution à venir, dont la disparition des privilèges aristocratiques et la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen furent les meilleurs symptômes ; hélas endeuillés par la Terreur républicaine. En ce sens, il est permis de placer cet essai profus aux côtés de celui de Jean Starobinski, L’Invention de la liberté, 1700-1789[7]. La seule et discrète réserve que l’on pourrait adresser au travail remarquable de Robert Darnton tient à sa louable méticulosité, qui, concourant à l’accumulation de scrupuleux détails, le contraint parfois à des redites qui ralentissent le propos.

 

      Voici complété un beau triptyque précédemment composé de L’Aventure de l’Encyclopédie[8] et d’Edition et sédition, soit sur la conception, la fabrication, les succès et les mésaventures du maître ouvrage de Diderot et d’Alembert, soit sur la littérature clandestine, pamphlets ou ouvrages érotiques. L’on connaissait l’historien et essayiste Robert Darnton (né en 1939 à New-York, il est le Directeur de la Bibliothèque d’Harvard) pour son Apologie du livre[9], pour son De la censure[10] qui s’aventurait jusqu’à notre contemporain. Mais cet éclairage sur le marché du livre au XVIII° siècle ne permet-il pas mieux de comprendre la fabrique de notre contemporain ? La contrefaçon est aujourd’hui à peu près inexistante, il n’existe plus, ou presque, de livres interdits, du moins dans nos démocraties libérales, mais une certaine conception de la liberté de publier et de lire est bien née parmi les Lumières, qui doivent être encore les nôtres.

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Guillaume-Thomas-François Raynal : Histoire philosophique et politique des deux Indes, La Découverte, 2001.

[2] Helvétius : De l’Homme, de ses facultés intellectuelles et de son éducation, Œuvres, t III, Londres, 1781, p 49-51.

[3] Robert Darnton : Edition et sédition. L’univers de la littérature clandestine au XVIII° siècle, Gallimard, 1991.

[5] Louis-Sébastien Mercier : L’An 2440, France Adel, 1977, p 158-159.

[6] Boyer d’Argens : Thérèse philosophe, in Romanciers libertins du XVIII° siècle, T I, La Pléiade, Gallimard, 2000, p 883.

[7] Jean Starobinski : L’Invention de la liberté, 1700-1789 suivi de Les Emblèmes de la raison, Gallimard, 2006.

[8] Robert Darnton : L’Aventure de l’Encyclopédie. Un best-seller au siècle des Lumières, Perrin, 1982.

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10 novembre 2018 6 10 /11 /novembre /2018 14:33

 

Unicum. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

Toute bibliothèque est unique :
Alberto Manguel, Allison Hoover Bartlett ;
Uniques et Singuliers
à la Fondation Martin Bodmer et à l'Imec.

 

 

Alberto Manguel : Je remballe ma bibliothèque,

traduit de l’anglais (Canada) par Christine Le Bœuf, Actes Sud, 160 p, 18 €.

 

Allison Hoover Bartlett : L’Homme qui aimait trop les livres,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Cyril Gay, Marchialy, 320 p, 21 €.

 

Uniques, Sous la direction de Thierry Davila,

Flammarion / Fondation Martin Bodmer, 340 p, 65 €.

Thierry Davila : Singuliers. Signes, traces textures,
IMEC, 2022, 126 p, 26 €.

 

 

 

 

 

      Toute bibliothèque est unique. Y compris si elle n’abrite qu’une poignée de livres, dès que son propriétaire et jardinier des Lettres y imprime sa quête, sa personnalité et son goût de collectionner un équivalent de l’univers ; voire de voler, surtout s’il s’agit d’un opus dont il n’existe qu’un exemplaire au monde. Et s’il est un bonheur renouvelé c’est celui de déballer sa bibliothèque, comme Walter Benjamin. Mais s’il s’agit de la remballer, voilà qui est moins drôle et qui mérite pour le moins une élégie, sous les doigts affligés d’Alberto Manguel. Autrement affligés sont les libraires à qui l’on a volé des livres rares, lorsqu’Allison Hoover Bartlett mène son enquête. Fort heureusement les précieux trésors de la Fondation Martin Bodmer de Genève sont bien gardés, y compris lors d’une rare exposition d’Uniques. Cahiers écrits, dessinés, inimprimésEgalement sous la houlette de Thierry Davila, ils rejoignent ceux de l’Institut de la Mémoire Contemporaine tant ils sont Singuliers. L’amour des livres a cependant plus de prix que le montant affiché à l’occasion des cartes de crédit qui crépitent à la rencontre de volumes introuvables.

      Tout amateur de lecture, tout bibliophile, ne peut qu’éprouver un pur plaisir parmi les pages de l’auteur d’une Histoire de la lecture[1]. Ce qui ne se dément pas avec Je remballe ma bibliothèque, même si ce plaisir est teinté de mélancolie. Ce que suggère le sous-titre, « Une élégie & quelques digressions », plus exactement, pour respecter l’original anglais : « dix digressions ».

      « Rituel mnémonique », le déballage s’oppose au remballage, qui doit « s’exercer à l’oubli ». De même, « si déballer une bibliothèque est une action débridée de renaissance, en remballer une est une mise au tombeau bien ordonnée ». En ce sens l’émotion de l’auteur, à la fois autobiographe et essayiste, est patente, communicative, poignante, voire tragique : « si toute bibliothèque est autobiographique, son remballage semble avoir quelque chose d’un auto-éloge funèbre ».

      Pourquoi quitter ce presbytère et cette grange de la Vienne ? Pourquoi cet « enterrement prématuré » d’un ensemble de 35 000 volumes ? C’est avec « colère » et néanmoins pudeur, qu’Alberto Manguel évoque  « des raisons qui appartiennent au domaine de la bureaucratie sordide dont je ne veux pas me souvenir ». Est-ce à dire que la chose ne serait pas à l’honneur de la France ? Des allusions à « des fonctionnaires de l’immigration », aux « inspecteurs des impôts » laissent craindre le pire, venant d’un Etat kafkaïen prétendument attaché aux libertés…

      Les « digressions » s’interrogent sur le « processus créatif » qui permet de mettre au monde les grands livres de l’humanité. Il semblerait que le malheur et la mélancolie soient favorables à l’art. Mais n’est-ce pas un mythe, lorsqu’au contraire bonheur et sérénité favorisent la réussite de la création ? Elles rêvent également de la mythique Bibliothèque d’Alexandre, cependant avérée par Callimaque, et dont le demi-million de rouleaux a disparu on ne sait trop comment, entraînant dans leur chute une épopée comique d’Homère, le Margitès, des dizaines de tragédies d’Eschyle et de Sophocle, et tant de chefs-d’œuvre dont nous ignorons le contenu, voire jusqu’aux titres… Certes ces dix bribes mangueliennes, comme arrachées au souvenir qui gît dans les cartons refermés, et qui se souviennent du Golem, de Borges dont il fut un temps le jeune secrétaire, ne sont peut-être pas toujours à la hauteur des vastes essais que sont Une Histoire de la lecture ou De la curiosité. Cependant là n’est pas l’essentiel en cette stèle de mots : elle sait porter et transmettre les effluves d’une vie changée en bibliothèque et d’une bibliothèque changée en souvenir.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Si toute bibliothèque est unique, « le nombre des combinaisons de livres, bien qu’inconcevablement élevé, n’est pas infini ». Cependant, se souvenant de l’humanité et des livres qui l’ont précédée, « chaque histoire est un palimpseste ». Comme chaque chapitre écrit par-dessus les rêves des personnages livresques, ou par-dessus les dictionnaires. On l’a par ailleurs compris : cette élégie est une réécriture en miroir de l’opuscule de Walter Benjamin, Je déballe ma bibliothèque. Une pratique de la collection[2] ; mais avec la patte toute personnelle d’Alberto Manguel. Outre l’émotion que dégage ce livre, sans oublier ses fenêtres éclairantes sur les littératures, l’on goûte des formules savoureuses, ainsi « ces volumes en un tout comparable aux pays colorés de mon globe terrestre ». Heureusement les livres sont « des objets consolants », que l’on espère aujourd’hui habiter une nouvelle bibliothèque de l’« animal lecteur », Alberto Manguel lui-même, lui procurant, non seulement vie, mais éthique.

      Or, en un romanesque rebondissement, offert en miroir à la mémoire de Borges, notre bibliothécaire remballé se voit offrir le poste de Directeur de la Bibliothèque nationale de Buenos Aires ! Hésite-t-il un moment, le voilà emballé… Un demi-siècle plus tard, il retrouve ses rayonnages, non plus dans un « palazzo du XIX° siècle », mais dans une tour contemporaine, « dans le style brutaliste des années soixante ». Avec enthousiasme, celui qui se compare au « Juif errant » commande l’établissement du catalogue, de la numérisation, de la programmation culturelle, le voilà voyageant à travers l’Argentine pour y rencontrer les bibliothécaires de province, découvrir « un livre rare enfoui », ou « la collection de récits de voyages détenue dans la bibliothèque du Bout du Monde en Terre de Feu ». Cela vaut bien un rêve, un projet de séjour prometteur pour les modestes lecteurs que nous sommes, n’est-ce pas ?

      Reste qu’au-delà, il s’agit de savoir « si la littérature joue un rôle dans la formation d’un citoyen ». Elle est à cet égard mémoire « de nos épiphanies et de nos atrocités ». Or toute bibliothèque peut « se définir comme l’entrepôt de toutes les manifestations de justice, comme un catalogue d’actions justes (ainsi qu’injustes bien entendu) afin d’instruire et de guider les lecteurs et de leur rappeler leur rôle civique ». Il y a bien un sens moral à la collection de livres. Et un sens politique à la gestion, au financement et à la garantie des libertés des bibliothèques, nationales ou privées.

      En conséquence, et opérant une gradation ascendante depuis l’élégie personnelle jusqu’à la dimension philosophique et politique, ce petit livre est une action juste, un vade-mecum, une cristallisation, non seulement de la bibliothèque en caisses de son propriétaire, mais de toutes les bibliothèques du monde, et, quoique forcément lacunaire, un véritable bijou.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      « Je suis convaincu que le vol est répréhensible et pourtant, à d’innombrables reprises, il m’a fallu rassembler toute la force morale que je pouvais trouver pour ne pas empocher un volume convoité ». Cet aveu et ce scrupule d’Alberto Manguel n’embarrasseraient pas un instant l’anti-héros de L’Homme qui aimait trop les livres, découvert par Allison Hoover Bartlett. Si du bibliophile au bibliomane, il n’a y a qu’un pas, ils sont deux pas entre l’acheteur compulsif, voire forcené, et le vol. Surtout si les livres ont les prestiges désirables de la rareté et de l’ancienneté.

      Journaliste de son état, Allison Hoover Bartlett mène son enquête dans le milieu des librairies et salons du livre ancien, parmi les Etats-Unis, entre New-York et Los Angeles, en passant par Salt Lake City, où Ken Sanders tient son entrepôt. Depuis son royaume de papier, il traque un ingénieux arnaqueur à la carte bancaire qui s’approprie indument des flopées d’éditions originales des plus grands écrivains anglo-saxons, de Lovecraft à Stephen King, en passant par Mark Twain et Jack Kerouac, parfois dédicacées.

      Quoique John Gilkey fasse de fréquents séjours en prison, rien ne calme ses achats compulsifs ou méthodiquement planifiés, et surtout frauduleux, au service de son rêve de posséder les « cent titres de la Modern Library » : « J’aime avoir entre les mains un livre dont je sais qu’il vaut 5000 ou même 10000 dollars. Et aussi recevoir l’admiration des autres ». Il s’agit alors de « faire coïncider possession matérielle et personnalité ».

      L'on aurait tort de se laisser décourager par les premiers chapitres, dont l’écriture est assez plate. Bientôt la chose prend de l’épaisseur, s’attachant au mystère et au puzzle de la personnalité de son objet d’étude. Mieux, l’addiction aux collections est éclairée par des allusions, des citations de Freud ou Walter Benjamin. Ainsi la narratrice s’initie-t-elle avec nous aux arcanes de la bibliophilie autant qu’aux complexités du désir, de la dissimulation du sujet ; qu’elle étudie sans manichéisme, et dont la personnalité évolue vers les qualités de l’érudition. À l’issue de cette lecture, on s’étonne que cette enquête didactique et à suspense soit si proche de la haute tenue d’un roman aussi bien construit qu’attachant, voire d’un essai attaché à notre « héritage culturel ».

      Le bibliophile Martin Bodmer s’est donné pour mission de rassembler l’héritage culturel de l’humanité. Dans ce qui est devenu, après son décès, une Fondation sise à Cologny, près de Genève, et suite à de multiples expositions consacrées à Sade[3], à Frankenstein[4], aux jardins en livres[5], ou aux Routes de traduction[6], voici une bibliothèque stupéfiante, qui n’est faite que d’unica : Uniques[7]. Ce sont d’uniques exemplaires d’une édition unique. Et, pour reprendre le sous-titre : des « Cahiers, Ecrits, Dessinés, Inimprimés ».

      Certes l’exposition, surtout composée de manuscrits, paraît à première vue moins spectaculaire que celle consacrée à la bibliophilie afférente aux Jardins ou à Frankenstein. Mais elle rassemble une centaine de documents peut-être plus émouvants. Parce qu’intimes et secrets, fleurant au plus près la main et l’esprit des créateurs.

      Les cahiers de cours du philosophe Philippe Lacoue-Labarthe, si finement et exactement calligraphiés paraissent pouvoir se passer de l’imprimerie tant ils sont soignés, et ne peuvent passer en aucune manière pour des brouillons. Autour d’eux a germé l’idée d’une exposition vouée à ces cahiers manuscrits qui portent l’empreinte fascinante, voire sacrée, de la main qui les conduisit, de la pensée qui les innerva. Journal intime ou « livre d’heures contemporain », ou encore notes de peintres, ils sont surtout venus des deux derniers siècles, balises nécessaires du faire créatif face à l’inexistence programmée des pixels du numérique. À l’heure déjà plus que centenaire de « la reproduction mécanisée de l’œuvre d’art[8] » pointée par Walter Benjamin, cette production, voire reproduction (comme Gérard Collin-Thiébaud recopiant le Journal d’Amiel comme le Ménard de Borges, qui est ici présent avec Deux portraits de Coleridge), est une revanche, une solitude assumée, une pérennité de la main. Ne faut-il pas lire et regarder ces pièces, où l’acte d’écrire et de dessiner s’acoquinent, autant comme des pages à lire que comme des objets de plasticiens ?

      Chez Mallarmé, le vide dévore la page du « coup de dé », tandis que d’autres paraissent inspirés par l’horror vacui : ainsi le journal de Julige Knifer et le carnet de recettes de Dorothy Ianonne bouillonnants jusqu’à dévorer les marges. On joue avec le livre-objet, qui peut se déplier, on l’anime de pictogrammes. Reste que la sérénité peut les avoir inspirés, quand l’horreur nazie peut avoir contribué à leur élaboration, dans le cas de Rozsa Deak qui fut détenue dans le camp de concentration de Bergen-Belsen.

      Pour compléter ces « inimprimés », ce sont également des livres sortis des presses, sous forme d’épreuves, comme celles, fascinantes, constellées de ratures et d’ajouts, de Du côté de chez Swann griffonnées par Marcel Proust, ou des exemplaires enrichis à la main, ainsi devenus uniques. Parfois, des imprimés sont tirés à si peu d’exemplaires qu’ils deviennent quasiment solitaires, quasiment des hapax, dans le cas de Goethe avec son Traité des couleurs, dont l’édition de 1810 n’imprima qu’en trois exemplaires un cahier de planches coloriées, forcément légèrement différents. De même, quoique tirées à deux cents exemplaires, le Campi Phlegroei de William Hamilton, en 1776, exhibent des gravures explosives, aquarellées, de volcans en éruption.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Ne manquons pas de faire honneur à aux manuscrits enluminés médiévaux, tel celui de la chute de Troie racontée par Guido delle Colonne, orné de cent soixante-seize vignettes peintes vers 1370. Et lorsque l’on rehausse à l’aquarelle un atlas de Ptolémée de la fin du XV° siècle, le résultat est proprement somptueux !

      Les auteurs de ces œuvres uniques sont parfois à peu-près inconnus, alors que se côtoient les noms prestigieux de Stefan Zweig, Walter Benjamin, Marcel Proust, Henri Michaux, Jorge Luis Borges. Ils sont philosophes avec Isaac Newton, Jean-Jacques Rousseau et Schopenhauer. Diaristes avec Amiel et Jacques Chessex, dont le calepin est également bourré de collages et de dessins obscènes, qui nous amènent au champ des curiosa. Ils sont archivistes du quotidien par calligraphie et détournement picturaux interposés, mythologues de leur propre crû, comme Patrick Van Caeckenbergh, ou jouant sur le clavier du leporello (un cahier en accordéon) la gamme des couleurs permettant  le déploiement du Discours sur la création de Thomas Huber…

      Des pièces exceptionnelles, dont la valeur historique, civilisationnelle et patrimoniale est incroyable reposent ici : l’anonyme Codex Mendoza, un catéchisme destiné aux indigènes mexicains, écrit en logogrammes et phonogrammes colorés, dont ce précieux catalogue aux généreuses notices reproduit une quinzaine de double-pages, un Pustaha batak, livre sanscrit en écorce, venu de Sumatra, qui recueille les sciences magiques d’un monde précolonial. Ainsi, lacunaire ou bouillonnant, sage ou maniaque, l’unicum est l’empreinte de l’esprit d’un individu ou d’une civilisation créateurs en même temps qu’un « cosmogramme »…

      Croisant les collections du Musée d’Art Moderne et Contemporain de Genève et de la Fondation Martin Bodmer, ce catalogue profus expose tant une tablette cunéiforme qu’un carnet des tranchées de la Première Guerre mondiale, qui n’hésitent pas à côtoyer les délicieuses élucubrations de nos artistes contemporains. Et par la grâce du hasard s’y rencontre un cahier d’écolier détourné par Alberto Manguel, pour y inscrire son autoportrait au travers de l’histoire de la littérature et y dessiner le plan de sa bibliothèque en son presbytère…

Nettement plus austère, Singuliers, qui accompagne l'exposition présentée à l'abbaye d'Ardenne lors de l'été 2022, dans les locaux de l’Imec, ou Institut de la mémoire contemporaine. Une fois de plus conçue par Thierry Davila et réalisée en partenariat avec la Fondation Martin Bodmer mais aussi le musée d'Art moderne et contemporain de Genève, elle se double d’un volume valorisant les carnets, cahiers et manuscrits d'écrivains, d'artistes, de philosophes, toujours inédits. Ils sont une fois de plus uniques, leur graphie, leur facture, leur beauté hiératique leur conférant une exception plastique. Un traité polémique d'Isaac Newton sur l'Église voisine avec un premier essai de Jean-Jacques Rousseau sur l'éducation, les ajouts manuscrits d'Artur Schopenhauer sillonnent les pages de son œuvre inachevable, les pages noires ou colorées de Laurence Sterne étonnent l'édition originale de Tristram Shandy... Cependant le XX° siècle a la part belle, avec des pièces d'archives d'auteurs et artistes avant-gardistes, parmi lesquels William S. Burroughs, Robert Filliou, Gisèle Freund, Philippe Lacoue-Labarthe, Henri Michaux, Wajdi Mouawad, Jean-Luc Nancy ou encore Antoine Vitez. Entre manuscrits et livres faits mains, imprimés retouchés, de rares illustrations, dessins ou photographies ponctuent les graphies évidemment personnelles des concepteurs. Il faut alors remarquer un rare exemplaire du Traité des couleurs de Goethe, dans lequel « l’éventail colorimétrique » fut colorié manuellement. Près de deux siècles tard, Fred Kupferman charge son journal intime d’encres hallucinatoires, les bonshommes d’Henri Michaux dansent entre signes, pictogrammes et hiéroglyphes. Malgré les supports papier souvent modestes, la main singulière de l’auteur est émouvante autant que cérébrale, impressionnante sans aucun doute.

      Mené sous l’égide de Thierry Davilla et avec la collaboration de Jacques Berchtold, Nicolas Ducimetière et Christophe Impériali, Uniques permet un voyage inédit parmi les mains des écrivains, des artistes, au point de donner à rêver : qui sait si nous saurions mener à bien de telles intensités de l’intellect et de l’esthétique ? Le défi est lancé, à vos plumes, à vos pinceaux ! Ainsi vous serez maître d’une bibliothèque unique, qu’elle ne soit faite que de votre unicum ou qu’elle soit chargée de cosmopolites rayonnages, ornés de volumes curieux et savants. Voire de premières éditions dédicacées recelées par l’antre d’un voleur, comme le maniaque débusqué par Allison Hoover Bartlett, que nous ne conseillerons pas d’imiter. Mieux vaut alors une honnête collection de poche, mêlée de quelques livres anciens, découverts dans les vide-greniers ou chez les bouquinistes, comme celle d’Alberto Manguel, ou, qui sait, si l’on sait fouiner et thésauriser, de rares incunables.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[2] Walter Benjamin, Je déballe ma bibliothèque. Une pratique de la collection, Rivages, 2015.

[7] Exposition du 20 octobre 2018 au 28 août 2019.

[8] Walter Benjamin : L’œuvre d’art à l’époque de sa reproduction mécanisée, Ecrits français, Folio essais, Gallimard, 2003, p 147-248.

 

Photo : T. Guinhut.

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11 juillet 2018 3 11 /07 /juillet /2018 17:11

 

Index librorum prohibitorum, Romae, 1841.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

 

Passions religieuses, totalitaires et populacières

 

de l’autodafé :

 

livres et bibliothèques incendiés,

 

par Lucien X Polastron, Fernando Baez,

 

George Steiner, Elias Canetti,

 

Ray Bradbury et Manuel Rivas.

 

 

 

 

Lucien X Polastron : Livres en feu, Folio essais, 544 p, 10,50 €.

 

Fernando Baez : Histoire universelle de la destruction des livres,

Traduit de l’espagnol (Venezuela) par Nelly Lhermillier, Fayard, 528 p, 29 €.

 

George Steiner : Ceux qui brûlent les livres,

traduit de l’anglais (Royaume-Uni), par Pierre-Emmanuel Dauzat, L’Herne, 88 p, 9,50 €.

 

Elias Canetti : Auto-da-fé,

traduit de l’allemand par Paule Arheix, Gallimard, L’Imaginaire, 568 p, 15,50 €.

 

Ray Bradbury : Fahrenheit 451,

traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Jacques Chambon et Henri Robillot, Folio SF, 224 p, 6 €.

 

Manuel Rivas : L'Éclat dans l'abîme. Mémoires d'un autodafé,

traduit de l'espagnol par Serge Mestre, Gallimard, 684 pages, 25 €.

 

 

 

 

 

 

      De la bibliothèque d'Alexandrie dans l’Antiquité, aux rues de Berlin dans les années trente, jusqu'à celles de La Courneuve et de Nantes aujourd'hui, les fanatismes religieux, les régimes totalitaires et la racaille populacière préfèrent l'incendie des livres aux bonheurs de la lecture et de la bibliophilie. La passion de l’autodafé, de l’éradication de la pensée et de l’Histoire, brûle hélas en tous temps et en tous lieux. De Lucien X. Polastron à Fernando Baez, ce ne sont que Livres en feu parmi l’Histoire universelle de la destruction des livres. Ce que confirme avec une contagieuse indignation George Steiner dans Ceux qui brûlent les livres. À ces essais et pamphlets répondent au moins deux romans indépassables, deux classiques de l’incendie des bibliothèques, celui d’Elias Canetti, Auto-da-fé, et celui de Ray Bradbury, Fahreinheit 451voire L’Eclat dans l’abîme de Manuel Rivas. Pourquoi tant de haine pyromane ?

 

      Une voiture bélier est précipitée dans la bibliothèque : nous sommes le 27 juin 2018 à la Courneuve ; le feu détruit 250 mètres carrés des locaux de la Médiathèque John Lennon, puisque l’on a la pleutrerie de la désacraliser en boite à médias, et de préférer un gratteur de chansonnette à un écrivain ou un philosophe. Le mardi 3 juillet dernier, la bibliothèque associative de Malakoff, dans une banlieue de Nantes est incendiée suite à la mort d’un jeune abattu par la police, puisque l’euphémisme médiatique aime l’entendre ainsi. Alors que l’homme, trafiquant, voleur avec effraction, multirécidiviste, tentait d’échapper à un contrôle policier. Les forces de l’ordre, ayant eu l’incongruité de faire leur travail (quoiqu’il reste à déterminer s’il s’agit d’un injuste accident ou de légitime défense en ces temps où l’on incendie policiers et gendarmes) sont rendus responsables d’une émeute, d’une guérilla urbaine qui, sous ce prétexte rêvé, s’en donna à cœur joie, dans l’explosion du pillage et du vandalisme, au cours de laquelle les boutiques, dont un cabinet médical, hors bien sûr un commerce hallal, sont saccagées. Déranger l’ordre de la délinquance, de la criminalité et de la charia est vécu comme un casus belli. Conformément au cours de l’Histoire totalitaire, l’Islam s’appuie sur le bras armé de la voyoucratie, comme le firent Lénine lors de la révolution bolchevique et Hitler lors de la révolution aryenne.

      Ce sont au moins soixante-dix bibliothèques, depuis vingt ans, qui ont été volontairement incendiés, entre Ile de France et provinces, selon le recensement du sociologue Denis Merklen[1]. Elus, journalistes, bibliothécaires eux-mêmes préfèrent enfouir ces tristes violences sous le boisseau du silence. Histoire sûrement de ne pas enflammer les banlieues sensibles. L’analyse de Denis Merklen cependant ne s’aventure guère au-delà de la victimisation de populations délaissées socialement et économiquement ; alors qu’il faut comprendre combien la loi du milieu délinquant, qu’il s’agisse de toutes les vulgaires populaces comme celle venue de l’immigration islamique, confortée par celle de souches diverses, déteste les livres. Parce qu’ils sont les symboles de leur incapacité à la lecture, d’un autre monde qu’ils ne peuvent comprendre et contrôler, parce qu’ils cristallisent leur haine de l’école, des « intellos », parce qu’il est pour eux plus facile et jouissif d’allumer un autodafé que de construire une civilisation digne de ce nom ; parce que les livres sont aussi la science et le droit, parce qu’enfin tous les livres méritent le feu, sauf le Coran, en une sorte de connivence avec le groupe islamiste et salafiste djihadiste Boko Haram nigérien, ce qui signifie livres impurs. À cet égard le laxisme et la lâcheté de l’Etat, qui devrait être garant des libertés et de la sécurité, sont confondants…

      Or, loin d’être des faits divers anecdotiques, ce sont là indubitablement de réels autodafés. On les comprendra mieux en les inscrivant dans la logique erratique de leur longue tradition populacière, religieuse et politique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Dans Livres en feu, Lucien X. Polastron conte avec une entraînante alacrité l’histoire cependant terrible du feu barbare et dictatorial qui ronge tant de précieuses pages, tant d’irrévérentes et libres pages. Certes le papyrus est fragile, périssable, mais c’est bien le feu qui commença par quelque entrepôt la destruction de la bibliothèque antique d’Alexandrie, communiqué dit-on par les voiles des bateaux de César. Puis, après quelques exactions incendiaires des premiers Chrétiens, c’est en 640 celui de l’Islam : sur ordre du calife ‘Umar, ‘Amr ibn al-‘As fait brûler tout ce qui n’est pas le Coran ! La foudre, les guerres civiles et les révoltes d’esclaves sont d’excellents incendiaires des bibliothèques de la Rome antique. De même, Grégoire I°, pape en 590, fait jeter aux flammes une flopée de classiques grecs et latins. Ainsi s’explique la perte de pans entiers des œuvres de Plaute, Tite-Live ou Pline l’Ancien… Sans compter les sacs de Constantinople par les Croisés et, pire encore, par les Turcs en 1453 : « une édition complète de l’Histoire universelle de Diodore de Sicile fut anéantie ce jour-là » ; ce pour jamais. Dès le VII° siècle, les bibliothèques des pays envahis par l’Islam ne connurent pas de merci, qui, mis à part quelques répits à Cordoue et Chiraz, et au temps d’Haroun al-Rashid à Bagdad, craignent le retour des braises et l’arasement, jusqu’aux actuels talibans et autres Boko Haram : ce qui, redisons-le, signifie « livres impurs ».

      La liste est longue des autodafés et des biblioclastes, en passant parmi les destructions de livres fomentées par les dynasties chinoises prétendant effacer les précédentes, par l’Inquisition, les codex mayas préhispaniques pulvérisés, l’ardeur de la Révolution française ou de la Commune de Paris, en 1871, qui fut l’occasion de consumer trois grandes bibliothèques parisiennes, regorgeant d’ouvrages précieux. Plus récents, voire contemporains, sont les incendies de livres juifs sur le pavé de l’Allemagne, les rafles nazies sur les étagères russes, polonaises ou ukrainiennes, les bombardements alliés sur la patrie de Goethe, la crémation de la bibliothèque de Sarajevo en 1992, sans compter le concours de la saine littérature du réalisme socialiste soviétique dont les thuriféraires pillèrent et incendièrent les volumes des Pays Baltes et de l’Allemagne de l’Est, ou les saccages du communisme chinois, qui prétendait remplacer la culture mondiale par le Petit livre rouge d’un certain Mao. Dans tous les cas les idéologues destructeurs de livres s’appuient sur la populace inculte et les bas instincts de la délinquance pour perpétrer leurs forfaits, trop souvent définitifs. Ainsi oserions-nous déclarer que le passionnant essai de Lucien X. Polastron est d’une antiquité et d’une actualité brûlantes…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Autre facette de cette avalanche d’étincelles, de flammes, de fumées et de cendres, l’Histoire universelle de la destruction des livres, « des tablettes sumériennes à la guerre d’Irak », par le Vénézuélien Fernando Baez, ne manque pas de pièces brûlantes à verser au crématorium de la mémoire. Peu ou prou il reprend le schéma historique de Lucien X. Polastron. Cependant il se nourrit d’une expérience personnelle au Moyen-Orient, en particulier à Bagdad, mais aussi espagnole. Le sous-titre est parlant : « Des tablettes sumériennes à la guerre d’Irak ». Où l’écriture est née, un million de volumes de la Bibliothèque Nationale ont été livrés aux flammes, alors que les Américains se sont abstenus de la protéger contre la plèbe islamiste.

      L’essai s’ouvre sur quelques éléments autobiographiques : une modeste bibliothèque qui nourrissait l’enfance de Fernando Baez est emportée par les eaux, son libraire d’anciens local voit sa boutique brûler… Mais bientôt un souffle éruptif balaie l’Histoire du monde pour effacer les bibliothèques d’Assurbanipal et de Persépolis, du temple d’Artémis à Ephèse où brûla l’œuvre complète d’Héraclite : Sur la nature. L’empereur Caracalla, au III° siècle, ordonna de jeter au feu de nombreux livres d’Aristote qu’il pensait être responsable de la mort d’Alexandre le Grand. À la même époque, un empereur, chinois celui-là, « Shi Huangdi approuva qu’on brûlât tous les livres, sauf ceux qui traitaient d’agriculture, de médecine ou de prophéties » ; et « plus de quatre-cents lettrés récalcitrants furent enterrés vivants ». En 415, des dévots chrétiens assassinèrent Hypatie, savante bibliothécaire d’Alexandrie, avant la disparition totale de ce fabuleux temple des livres, comme le raconte Jean-Pierre Luminet[2]. L’iconoclastie ravage les manuscrits de Constantinople, puis en 1453, lors de la prise de la ville, « d’après Edward Gibbon, 120 000 manuscrits non conformes à la foi de Mahomet sont empilés, et, au terme de ce violent épisode, flottent sur la mer avant d’y être engloutis ». Même si les Croisés ne furent pas en reste, Turcs et Arabes furent des professionnels de l’autodafé. Les Mongols quant à eux jetèrent dans le Tigre les témoignages de l’apogée culturel d’Haroun al-Rachid. L’Espagne musulmane et de la reconquête fut un chassé-croisé de livres en feu. L’Inquisition, en particulier espagnole, connut son heure de gloire avec en 1570 le premier Index librorum prohibitorum, qui « servit pour la confiscation et la destruction de milliers d’ouvrages dans toute l’Europe ». Le XVIII° siècle vit poursuivre les livres érotiques, le XIX° ceux de Darwin, le XX° eut l’honneur d’être un festival. La guerre civile d’Espagne « laissa un désastre culturel caché pendant des décennies ».

      C’est alors que l’essayiste forge un néologisme piquant en parlant de « bibliocauste nazi ». Alberto Manguel rapporte à cet égard que le 10 mai 1933 Goebbels fit brûler « plus de vingt-mille livres, devant une foule enthousiaste de plus de cent mille personnes[3] » ; ce qui prouve que les dictatures ne sont que l’émanation d’une populace nombreuse et surchauffée. Ainsi, les régimes de terreur rivalisèrent d’ardeur pour purger les bibliothèques russes et des pays de l’Est sous la férule de l’Union Soviétique, purger les bibliothèques chinoises sous le délire la Révolution culturelle maoïste. Sans compter qu’en des temps plus paisibles les bibliothèques, les maisons d’éditions font un discutable ménage en fournissant des munitions aux fabricants de pâte à papier. Mais gare ! Attendons-nous à de nouveaux autodafés avec la vague de terrorisme islamiste, avec les « livre-bombes » et, last not but least, la « guerre électronique » qui peut prétendre à une redoutable annihilation face aux tenants du tout numérique.

      Heureusement de grands esprits s’élevèrent contre ces exactions : dont le poète anglais John Milton qui pourfendit la censure[4] dans son Areopagitica en 1644. L’on peut compter parmi ceux-ci Fernando Baez. Avec pertinence, précision et vigueur, l’essayiste, nourri par une impressionnante et cosmopolite documentation, note que le « mémoricide est à la base de la destruction d’ouvrages, et que ses principaux idéologues sont animés par un radicalisme qui entend instituer de véritables guerres culturelles, de nature politique ou religieuse ».

 

Index librorum prohibitorum, Romae, 1841.

Photo : T. Guinhut.

 

      Examinons cette invitation aux brasiers de volumes hérétiques, explicite de par sa gravure inaugurale, l’Index librorum prohibitorum[5]. Imaginez-vous qu’en l’édition romaine de 1841 sont mis à l’index rien moins que l’Erotika biblion de Mirabeau et La Nouvelle Héloïse de Rousseau, Les Provinciales de Pascal et le Léviathan de Hobbes, sans omettre L’Art de jouir.  Et plus savoureux encore : L’Onguent pour la brûlure ; ou le secret pour empêcher les Jésuites de brûler les livres (p 276) ! Quoique l’Index librorum prohibitorum n’ait plus aucune espèce d’influence au XIX° siècle, et a fortiori aujourd’hui, et qu’il ait eu lors de ses plus anciens avatars indéfectiblement besoin de la complicité des pouvoirs politiques pour prétendre à une certaine efficience, il n’en reste pas moins un symbole de la haine contre les livres différant de quelque manière que ce soit du livre unique ou de la doxa. Il n’y a en effet pas que Saint-Jérôme et le Christianisme pour jeter manuscrits, briques gravées et livres au bûcher, ce depuis les « Actes des apôtres », marqués par le zèle des nouveaux croyants : « Bon nombre de ceux qui étaient adonnés à la magie apportaient leurs livres et les brûlaient en présence de tous[6] ». Toute certitude absolue s’arroge une tentation totalitaire, surtout si le despotisme est le gène dominant de ses textes fondateurs ; tout pouvoir, s’il est susceptible de s’appuyer sur une bibliothèque au trop plein d’ouvrages ou au contraire de très peu de livres canoniques et officiels, peut avoir tendance à préférer effacer la pensée différente et subversive. Tout pouvoir enfin peut prétendre à être de ceux qui brûlent les livres au nom du bien national ou du bien universel, qu’il soit politique, social, écologique ou théocratique. Bientôt peut-être n’y aura-t-il plus besoin d’allumer la moindre flamme, mais au contraire d’éteindre le réseau des livres numérisés, cette « connaissance ignifugée », selon Lucien X. Polastron ; qui sait la plus grave extinction de dinosaures de l’histoire de l’humanité.

      Malgré la brièveté de l’opuscule, car George Steiner nous a habitué a de plus généreux ouvrages délicieusement savants[7], Ceux qui brûlent les livres est un essai à la fois enthousiaste et polémique, un ardent et précieux plaidoyer : « un livre authentique […] peut attendre des siècles pour éveiller un écho vivifiant ». Il faudrait tout citer en ces petites quatorze pages, tant la densité du texte et son élan éveillent en nous la « neurochimie de l’acte d’imagination ». Ainsi, « ceux qui brûlent les livres, qui bannissent et tuent les poètes, savent exactement ce qu’ils font ». Ne pourrait-on dire, comme le fit Robert Darnton[8], qu’ils leurs rendent un paradoxal hommage ?

      Un si mince essai, écrit en 2000 pour la Foire du Livre de Turin, n’aurait certes pas démérité d’être publié à soi seul. L’éditeur a cru bon, et on ne lui en voudra pas un instant, au contraire, d’y ajouter en toute cohérence, deux textes brillants sur le « Peuple du Livre », donc du judaïsme, et sur « Les dissidents du livre ». Il s’agit en ce dernier essai de défendre les lecteurs curieux et affutés contre « l’oralité pénitentielle et prophétique » des premiers Chrétiens, contre « l’Imprimatur et l’Index des livres interdits de la tradition catholique ».

      Il s’agit également de défendre, face à la vaste mémoire des ordinateurs, celle ainsi menacée de ceux qui lisent les livres en main, et dont la parole échange et transmet les défis du livre. Est-ce à dire que l’internetisation du livre est un indolore autodafé ? L’illusion de l’infinie disponibilité de la littérature sur le Net, où « ce qui est écrit et stocké […] n’a plus à être mémorisé », peut en effet être un terrible prétexte à l’abandon du livre et des bibliothèques[9]. Il ne faut surtout pas que « le grand art de la mémoire tombe en désuétude ». Devant la massification fasciste ou théocratique, ou encore de la démocratisation des loisirs de masse, y compris littéraires au sens de la littérature de divertissement aux mots creux et aux idées courtes, voire devant l’insidieuse menace du politiquement correct, celui qui lit un grand livre est un dissident. Quoique quelques-uns, parmi ceux qui écrivirent de grands livres, Pound[10], Céline[11], Heidegger, Sartre, se soient commis avec des totalitarismes abjects, entre nazisme et communisme…

      Si George Steiner dénonce avec un peu trop de facilité les jeunes assoiffés de bruit musical et de compulsivité portable et rétifs aux livres, c’est avec plus de pertinence qu’il pointe ce préjugé selon lequel « la vie en acte […] a plus de poids que la somme entière du savoir livresque ». L’Emile de Rousseau est à cet égard désastreux, rejetant la lecture des grands livres de son éducation, comme le radicalisme du vieux Tolstoï répudiant jusqu’à ses propres romans. Comme lorsque les révolutionnaires de la tabula rasa et du renouveau reprochent aux livres de ne pas nourrir les affamés. Voilà bien des haines de la littérature[12] qui n’ont que peu à envier à « ceux qui brûlent les livres ». Ces derniers ressortissent de ces « fondamentalistes de tous crins [qui] sont d’instinct des brûleurs de livres ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Les romanciers alors ont la gorge secouée par le feu de l’indignation. Outrés par ces volcans d’autodafés qui jaillissent de la pulsion de haine et de mort des plus tyranniques et brutales parts de l’humanité, ils mettent en scène les bourreaux et les victimes de ce feu qui lèche les reliures, avale les pages, broie les caractères dont les cendres sont définitivement évacuées par les vents du temps et de l’oubli. Souvenons-nous de Jorge, le médiéval bibliothécaire aveugle du Nom de la rose, du regretté Umberto Eco, qui préfère incendier un rarissime exemplaire de la Poétique d’Aristote consacré au rire de la Comédie, plutôt que de laisser imaginer que l’on puisse rire de tout[13], donc de Dieu.

      Pensons également au roman d’Elias Canetti[14], publié en 1935, Auto-da-fé, sombre suicide d’un érudit et sinologue, le Professeur Kien, au travers de l’incendie de sa bibliothèque, qui capitule devant la médiocrité revancharde et autoritaire d’une femme, métaphore d’un nazisme en train d’éclore. Le tragique et halluciné dernier chapitre, intitulé « Le coq rouge », est l’acmé de la catastrophe : « Le meurtre et l’incendie ravagent les journaux, le pays, les esprits ». Bientôt la police cerne « des livres abandonnés sans défense à des brutes sans conscience », « des milliers de livres illégalement arrêtés [sont] condamnés à être dévorés par les flammes ». Enfin, « c’étaient des livres qui criaient », avant que le Professeur s’immole dans le bûcher. Comme quoi brûler des livres, c’est brûler des hommes.

      S’insurgeant en son chef-d’œuvre, Ray Bradbury, dans son Fahrenheit 451, imaginait des pompiers chargés de brûler tous les livres, interdits sans distinction aucune. Aussi concoctent-ils avec jubilation « une symphonie en feu majeur pour abattre les guenilles et les ruines carbonisées de l’Histoire ». Le roman d’action de la révolte et de la fuite de Montag est également une leçon de totalitarisme, appliquée par « télécrans » bourrés de divertissements, de jeux et de sports, tandis que la répression ignée de toutes les bibliothèques conduit quelques irréductibles à trouver dans la forêt un espace où mémoriser et transmettre les grands livres indispensables à la dignité de l’humanité…

      Le juste feu de l’indignation à l’encontre des brutaux incendiaires n’est pas près de s’éteindre. Il court parmi la littérature, fustigeant par exemple les Franquistes dans le roman Les Livres brûlent mal de l’Espagnol Manuel Rivas. Indignation vertueuse sans guère de risque tant on sait combien sont fascistes les tortionnaires du passé aux chemises brunes et noires, quoique l’on oublie trop volontiers celles du drapeau rouge. Tant on sait trop peu encore ceux pourtant bien visibles du présent, qui ne portent pas le même étiquetage coloré, voilé et coranisé, sans compter ceux d’un avenir à imaginer…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Une myriade d'histoires, orchestrées par Manuel Rivas, s'échange à la faveur des pages des autodafés franquistes, dans son roman L’Eclat dans l’abîme. Mémoires d’un autodafé, paru en Espagne en 2006. C'est en prenant de front la catastrophe qui s'abattit sur l'Espagne en 1936, que Manuel Rivas assit sa réputation littéraire. Le tragique roman Le Crayon du charpentier et l'émouvante nouvelle « La langue du papillon » montrèrent des personnages brisés par la violence franquiste, néanmoins capables de laisser dans les esprits la trace de la liberté par le savoir et l'écriture. La sobriété paraissait être le lot de l'écrivain galicien, jusqu'à ce qu'il conçoive cette somme L'Éclat dans l'abîme : histoires et bribes, venues d'époques diverses, fondent une généalogie éparse, un portrait de La Corogne, qui, comme le Dublin de Joyce, devient une ville mythique et emblématique (le final du roman exhibe du reste la trouvaille de l'édition originale d'Ulysse). Là se joue la scène fondatrice et épique de la déflagration fasciste qui abat la fragile construction des libertés.

      Un drame universel bouleverse la mémoire locale le 19 août 1936 : « Les premiers bûchers de livres avaient été installés (...) dans le ventre urbain, là où la mer avait jadis accouché de la ville ». C'est dans le plus long récit (une centaine de pages) que se déploie l'action grotesque des phalangistes qui jettent les livres au feu. Sans regarder les titres, sinon sous l'impulsion du « chef des brasiers » un peu plus cultivé (est-ce possible ?) qui recommande de sauver le Nouveau Testament et se targue d'une « idée qu'il finirait un peu plus tard par retrouver dans un texte de Karl Schmitt : l'état d'exception était au Droit ce que le miracle était à la Théologie ». Non seulement il envoie les volumes de l'ennemi au massacre, mais pire encore, ceux consacrés au pain, un manuel d'électricité... Comme quoi le fascisme va jusqu'à saper les fondements de la civilisation. Germinal, Les Misérables, Madame Bovary, tout subit la morsure des flammes. Sans oublier les poèmes d'un des « pédés rouges », Garcia Lorca, qui fut assassiné. Ils viennent de chez Casares, la plus belle bibliothèque privée de la ville. Ce dernier subit la vindicte des brutes à double titre : le cosmopolitisme de sa collection et le fait d'avoir été  « ministre de la Deuxième République ». Le chef « considère les livres comme des accusés qu'on viendrait d'arrêter et de placer face au mur ». Si Casares est sauvé, ce n'est qu'au prix de l'exil en France, où sa fille deviendra la fameuse Maria Casares.

      Quant aux pages mal calcinées ou échappées par le vent, elles content la vie du boxeur Curtis, dit Hercule, qui saute par-dessus le brasier, et dont le nom rappelle plusieurs lieux de la ville (« le phare de l'Hercule »), d'une lavandière visionnaire qui vole les châtaignes du curé, d'un supplicié jeté d'un pont... Ainsi, nombre de personnages gravitent auteur de cet autodafé : Georges Borrow qui parcourut l'Espagne pour vendre ses Bibles, les états d'âme d'un censeur imbu de lui-même, un juge pronazi et bibliophile, le tout formant le polymorphe tableau de la société franquiste et de l'Espagne.

      Peut-être peut-on déceler un défaut de composition dans cet ensemble didactique et élégiaque. N'aurait-il pas été préférable d'ouvrir le roman sur le récit « Les livres brûlent », plutôt que par cinq tableautins parfois confus, parfois dépourvus d’une concision vainement espérée par le lecteur (un chanteur de tango, un matador de taureaux...) dont on ne voit guère la finalité ? Sans compter que, malgré cet Éclat dans l'abîme qui est le nom d'un athénée révolutionnaire, l'éditeur français eût été mieux avisé de garder le titre original : « Les livres brûlent mal ». Il s'agit là néanmoins, d'un livre aussi édifiant qu'émouvant, un de ces remparts encyclopédiques et poétiques contre la barbarie.

 

      Lucien X. Polastron, Fernando Baez, George Steiner, Elias Canetti, Ray Bradbury et Manuel Rivas ont bien le même but, et le même idéal : défendre nos littératures et nos sciences contre les pouvoirs répressifs, qu’ils soient animés de haine populacière ou des splendeurs de la vertu religieuse et de l’éthique politique qui recourent à la censure en toute pureté. Les monstres des autodafés du siècle des totalitarismes ont gagné une partie, avant d’être heureusement éradiqués, avant que d’autres meutes idéologiques, politiques et religieuses, se lancent à l’assaut. Parmi les derniers en date, en Turquie, Recep Tayyip Erdogan (qui dispose de milliers d’admirateurs fanatiques parmi les ressortissants turcs en Occident) a exigé la suppression de plus de 120 000 livres de la Bibliothèque Nationale, tous ouvrages opposés aux idées et à la doctrine de ce dictateur islamiste. Le plus insupportable peut-être pour la racaille n’est-il pas le silence requis par la lecture, face au martèlement du rap, n’est-il pas le travail, en particulier linguistique, face à la fainéantise, n’est-il pas l’intériorisation de l’intellection et de l’émotion face à l’expectoration grégaire et barbare des enthousiasmes et des haines, n’est-il pas l’affirmation de l’identité individuelle face à l’embrigadement coercitif et à la servitude volontaire des structures claniques et collectives ? Ne restera-t-il plus aux intellectuels garants des Lumières, eux que toute barbarie inculte, que toute doctrine totalitaire et théocratique, révulse, qu’à cramer avec leurs bouquins, comme le réclament la populace et les tyrannies ? Car, disait Heinrich Heine : « là où l’on brûle les livres, on finit par brûler les hommes[15] ».

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Denis Merklen : Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? Presses de l’ENSSIB, 2013.

[2] Jean-Pierre Luminet : Le Bâton d’Euclide. Le roman de la bibliothèque d’Alexandrie, Lattès, 2002.

[3] Alberto Manguel : Une Histoire de la lecture, Actes Sud, 1998, p 334.

[5] Index librorum prohibitorum, Romae, 1841.

[6] Actes des apôtres XIX, V, 19, La Sainte Bible, Le Club Français du Livre, 1965, p 3494.

[8] Voir note 4.

[15] Heinrich Heine : Almansor, Drames et fantaisies, Michel Lévy, 1865, p 80.

Photo : T. Guinhut.
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13 juin 2018 3 13 /06 /juin /2018 16:38

 

Charles d'Orbigny : Atlas d'Histoire naturelle, Renard, Martinet & cie, 1849.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Le jardin du bibliophile

 

à la Fondation Martin Bodmer :

 

Des Jardins & des livres.

 

 

 

Des Jardins & des livres, sous la direction de Michael Jakob,

MétisPresses / Fondation Martin Bodmer, 464 p, 65 €.

 

 

 

 

 

 

« Je dirai comment l’art embellit les ombrages,

L’eau, les fleurs, les gazons et les rochers sauvages,

Des sites, des aspects sait choisir la beauté,

Donne aux scènes la vie et la variété ;

Enfin l’adroit ciseau, la noble architecture,

Des chefs-d’œuvre de l’art vont parer la nature.[1] »

      C’est ainsi que Jacques Delille, auteur néoclassique trop oublié, malgré ses belles traductions en alexandrins de Virgile et de Milton, annonce son poétique projet dans Les Jardins, publié en 1782. Comme de juste son édition originale, sous-titrée « ou l’art d’embellir les paysages », figure parmi les fleurons de l’exposition et du somptueux catalogue Des jardins & des livres à l’initiative de la Fondation Martin Bodmer, sise à Cologny, à deux pas de Genève. Du jardin botanique du Livres des morts égyptiens au « Jardin des sentiers qui bifurquent » parmi les Fictions de Jorge Luis Borges, deux millénaires nous contemplent, grâce aux volumes précieux réunis par feu Martin Bodmer, ce prodigieux jardinier de la bibliophilie.

      N’imaginons pas de ne trouver ici que des traités savants de jardinage et de botanique ; c’est toute la science et littérature mondiale, des grands mythes aux romans et aux poèmes, qui est ici représentée par de rares éditions originales, le plus souvent illustrées à foison et avec magnificence. Pas moins de deux cent cinquante livres jalonnent ce voyage temporel et géographique. Depuis l’Histoire naturelle de Pline l’ancien, de la Chine au berceau allemand de l’imprimerie au XV° siècle, du Japon au jardin anglais, des manuscrits enluminés médiévaux aux gravures nourries de détails horticoles de la Renaissance à l’âge classique, jusqu’aux journaux intimes de Derek Jarman, en 1991, dans Modern nature, parmi lequel il « plante des citations » et tente de dresser son jardin « comme une pharmacopée » devant la maladie. Ils sont, en un merveilleux cosmopolitisme, de langues diverses, en latin, anglais, néerlandais, allemand, français, espagnol, arabe, persan, y compris plantés d’idéogrammes extrême-orientaux…

      Les traités, manuels et planches abondent, à l’instar de l’Instruction pour les jardins fruitiers et potagers, publié en 1697 par Jean-Baptiste de la Quintinie. Comptons avec l’indispensable volume de Carl von Linné, Species plantarum, dont la classification des plantes est un incontournable jalon de la science botanique, malgré l’apparence  pauvrette du volume publié en en Suède en 1753. L’on s’étonnera d’apprendre qu’Horace Walpole, créateur du roman gothique avec Le Château d’Otrante,  a publié en 1785 un Essai sur l’art des jardins modernes. Remarquons les Plans raisonnés de toutes les espèces de jardins par Gabriel Thouin en 1828, aquarellés au moyen de verts émeraude stupéfiants, ou encore L’Art de composer et de décorer les jardins sous la binette attentive de Pierre Boitard, en 1834.

 

 

      La richesse esthétique de certaines planches botaniques en couleurs est absolument hallucinante : en témoignent l’Hortus eystettensis de Basil Besler qui, en 1613, avec ses arcs en ciel de tulipes affole nos pupilles. De même pour The Temple of Flora par Robert John Thornton en 1938, ou Les Liliacées de Redouté, à partir de 1802. Mieux encore, si possible, ce sont de véritables peintures aux coloris aussi brillants qu’émouvants lorsque s’ouvrent les pages de parchemin d’un Chansonnier de Pétrarque en italien, enluminé par Bartolomeo Sanvito, vers 1500. Pour n’être qu’en noir et blanc, les gravures de Delineatio montis, une œuvre de Guernieri en 1708, sont époustouflantes, imaginant des jardins baroques et montagneux.

      Nombre de romans font résider leur intrigue en cet enclos de verdure et de soins humains. Au XVIII° siècle chinois, à l’époque de la voltairienne conclusion de Candide, (« Mais il faut cultiver notre jardin »), Le Rêve dans le pavillon rouge de Cao Xueqin se déroule dans « le Parc aux Sites grandioses ». L’on n’aurait pas forcément pensé à Balzac ou Proust. Pourtant Le Lys dans la vallée, s’il est une métaphore érotique, est aussi un jardin de Touraine ; quand les scènes qui réunissent Gilberte et le narrateur de Le Recherche du temps perdu se ont bien souvent leur refuge au jardin des Champs Elysées. Le jardin d’amour, qui est un topos médiéval, dans La Cité des Dames de Christine de Pisan, passe également par La Nouvelle Héloïse de Rousseau, en 1761, dont le jardin de l’héroïne est nommé « L’Elysée », et au sujet duquel il est permis, selon la sagacité de Jacques Berchtold, de faire « une lecture sexuelle ». Mais aussi par Les Affinités électives de Goethe en 1809, puis par le parc à la Watteau des Fêtes galantes de Verlaine, en 1869, avant de se muer en métaphores horticoles enchanteresses dans l’« Antiterra » d’Ada ou l’ardeur de Vladimir Nabokov, en 1969. À la française, comme à Versailles, puis à l’anglaise, pour jouer à se perdre et dissimuler de romantiques baisers, il est le reflet des cultures et de l’évolution des mœurs. Ainsi il hésite entre labyrinthe, plus ou moins symbolique, et géométrie. À moins qu’il ne devienne, entre les mains de Bouvard et Pécuchet, chez Flaubert, une « catastrophe esthétique » selon Michael Jakob, une parodie aporétique…

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

      Les écrivains et poètes sont les habitants de leurs jardins. Horace et Pline l’Ancien dans l’Antiquité, Pétrarque, l’humaniste médiéval, font leurs délices de la paix des plantes. Comme Voltaire eut son jardin des Délices, Gabriele d’Annunzio son Vittoriale, William Butler Yeats son Coole Park. Il arrive également que leurs statues ornent ce village botanique, parmi les escaliers, les fontaines et les parterres.

      Si l’on vient lire au jardin, ce dernier est également un lecteur de nos mœurs et de nos livres : il nous lit l’histoire de Daphnée changée en laurier dans les Métamorphoses d’Ovide, il nous plonge dans l’écoute des contes du Décaméron de Boccace, dont les narrateurs prennent place parmi une nature jardinée. Lors du siècle des lumières, si l’on trouve trace des jardins dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, ils se font déjà préromantisme avec Rousseau, qui intronise la nouvelle mode des jardins irréguliers. En outre, comme le souligne Michael Jacob ; « les fleurs seront aux jardins ce que les éléments fleuris de la rhétorique ont été pour le discours, à savoir les bases d’une véritable stylistique ». Or l’espace jardiné n’est pas toujours premier : ce sont les pages jardinées du Songe de Poliphile, éclos en 1499[2], qui ont fasciné les théoriciens et praticiens du jardin.

      Parmi les pièces les plus marquantes déjà citées (mais elles le sont toutes) de cette exposition et de ce catalogue, l’on ne peut être que fasciné par le Dit du Genji, de Murasaki Shikibu, fabuleuse romancière japonaise du XI° siècle, dont nous contemplons un manuscrit enluminé au XVII° siècle, aux nuances pétillantes et suaves : parmi des pavillons où fleurissent les kimonos, où les regards se cachent et s’échangent, des jardins extérieurs et intérieurs semblent courber leurs branches, voir frémir leurs feuilles, s’aimer les fleurs qui ont à cet égard plus de chance que les princes et les princesses. Sans oublier les sources, les ruisseaux qui murmurent les récits des temps éphémères…

 

Photo : T. Guinhut.

 

 

      Il faut également compter avec un recueil de poèmes en forme d’herbier publié en 1890 par les éditeurs posthumes de la poétesse américaine Emily Dickinson[3], mais aussi l’essai historique de Rudolf Borchardt Der leidenschaftliche Gârtner, qui est son manuel du « Jardinier amoureux », pourtant un modeste volume de 1951, qui ne paie guère de mine. Il est alors permis de rêver au lieu originel et magique, au repos éternel et d’utopie, avec ce jardin d’Eden, dans la Bible polyglotte d’Anvers de 1572, et celui des Hespérides dans les vers de Pontano en 1503. Il s’agit de cultiver son jardin comme un « paradis terrestre », ainsi le voulait John Parkinson en 1629…

      L’on se rend compte combien ce que l’on peut habituellement voir dans les vitrines de la Fondation Martin Bodmer n’est que la mince part émergée de l’iceberg. C’est grâce à de tels dévoilements, comme à l’occasion des Routes de la traduction. Babel à Genève[4], que l’on peut soupçonner le trésor d’Histoire, de culture et de beauté amassé avec un soin et un goût infinis par le collectionneur Martin Bodmer. Le « vertige de la liste[5] », pour reprendre la formule d’Umberto Eco, nous emporte sans retour

      Si ce livre catalogue est une merveille en son contenu, en sa mise page, en ses illustrations généreuses, en son abondante et claire érudition servie par une pléiade de spécialistes jamais abscons, il faut inviter un léger bémol : sa couverture est faite de deux cartonnages tranchés, posés sur un dos toilé, ce qui est aussi laid que malcommode, cette toile se courbant en creux au premier feuilletage. La première de couverture, au beau labyrinthe doré venu de New Principles of Gardening de Batty Langley (1728), est trouée de deux oculus discutables.

 

 

      L’on peut dire qu’en France André Le Nôtre est parmi les grands jardiniers l’arbre qui cache la forêt. Ce « dessinateur des jardins du Roi », fut, à partir de 1643 et à la suite de son père André, au service de Louis XIV et des parcs de Versailles, Fontainebleau, Vaux-le-Vicomte, Chantilly, Sceaux et de leurs jeux d’eaux. C’est en deux volumes élégants et généreux, que, sous sa direction éclairée, Jean Racine présente les Créateurs de jardins et de paysages en France de la Renaissance au XXI° siècle[6]. Quelques centaines d’artiste-jardiniers y sont l’objet d’un rigoureux éloge. Du « moine-médecin-jardinier Bernard Palissy » à Gilles Clément, « ingénieur paysagiste », en passant par Olivier de Serres « orfèvre de la terre », ils invitent à la promenade et à la contemplation.  Ils sont également fontainiers, évidemment cartographes, ingénieurs et botanistes. L’iconographie, entre photographies, plans et gravures, rend justice à cette longue amitié de l’homme et de la nature, avec laquelle les hérésies d’une agriculture industrielle, certes capable d’éradiquer les famines, feraient bien feraient bien de renouer.

      Continuons alors, non sans une puérile prétention, à joindre aux deux cent cinquante volumes rares et précieux à cueillir parmi Des jardins et des livres quelques trouvailles : en 1951, André Grangeon offrit une « Petite histoire naturelle à l’usage des petits et des grands racontée et imagée », intitulée Mon Jardin Monde enchanté[7]. Aux massifs soignés et aux recoins arbustifs, il préfère traquer avec un respect infini maintes bêtes, de la scolopendre à la chouette effraie. Filant la métaphore, Léonard Rosenthal  quant à lui publia en 1924 Au jardin des gemmes[8], un volume somptueusement illustré par Léon Carré. Comme en pays de botanique, la terre nourrit des pierres précieuses que l’on se doit de cultiver. Si elles sont de merveilleuses vanités pour l’œil, les éditions précieuses de la Fondation Martin Bodmer et de nos plus lilliputiennes bibliothèques sont à la fois ce que l’on cultive et ce qui nous cultive.

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Jacques Delille : Les Jardins, Giguet et Michaud, 1808, p 2.

[5] Umberto Eco : Le Vertige de la liste, Flammarion, 2009.

[6] Jean Racine : Créateurs de jardins et de paysages en France de la Renaissance au début du XIX° siècleet du début du XIX° siècle au XXI° siècle, Actes sud, 2001, 2002.

[7] André Grangeon : Mon Jardin Monde enchanté, IAC, 1951.

[8] Léonard Rosenthal : Au jardin des gemmes, Piazza, 1924.

 

M. Boitard : Le Jardin des plantes, Dubochet & cie, 1845.

Photo : T. Guinhut.

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26 mai 2018 6 26 /05 /mai /2018 12:22

 

San Jeronimo. San Millan de la Cogolla, La Rioja

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

L’ardeur des livres et des manuscrits,

 

de Saint-Jérôme au contemporain :

 

Lucrèce Luciani, Alain Boureau, Denis Montebello.

 

 

 

 

Lucrèce Luciani : Le Démon de Saint Jérôme. L’ardeur des livres,

La Bibliothèque, 144 p, 14 €.

 

Alain Boureau : Le Feu des manuscrits. Lecteurs et scribes des textes médiévaux,

Les Belles lettres, 192 p, 21 €.

 

Denis Montebello :

Ce Vide lui blesse la vue, La Mèche lente, 80 p, 13,50 € ;

Comment écrire un livre qui fait du bien ? Le Temps qu’il fait, 120 p, 15 €.

 

 

 

 

      Arder est verbe ancien qui signifie brûler. Ainsi, filant la métaphore, un feu intérieur anime qui écrit et qui lit les meilleurs manuscrits et les meilleurs livres ; tandis que le feu de qui les prohibe court parmi les crises de nos civilisations[1]. Non pas le plus ancien, mais l’un des plus symboliques, Saint-Jérôme est pris par l’ardeur des livres, selon Lucrèce Luciani, quand les lecteurs et scribes médiévaux inventoriés par Alain Boureau s’ingénient au moyen d’un feu tout intellectuel sur leurs manuscrits précieux. Quoique toutes les traces manuscrites ne soient pas aussi prestigieuses, Denis Montebello s’attache à une insolite inscription latine, tout en égratignant les livres qui prétendent faire du bien. Mieux vaut cet innocent et facétieux divertissement que l’anathème jeté par Saint-Jérôme sur les livres hérétiques, qui font, prétend-il, du mal.

 

      C’est un célébrissime Docteur de l’Eglise chrétienne, et pourtant méconnu. Si l’on sait que Saint Jérôme de Stridon, ou Hieronymus, a traduit la Bible en latin depuis l’hébreu, ainsi devenue la Vulgate, et qu’il est le patron des traducteurs, c’est le bout de notre connaissance. Originaire de l’actuelle Croatie, en 347, ce fut un polygraphe impénitent ; et pourtant un pénitent qui fit une longue retraite dans le désert syrien pour méditer et encore écrire sur ses tablettes, ses rouleaux et ses parchemins, cajolant Dieu et les Chrétiens, tempêtant contre les hérétiques.

      Lucrèce Luciani réveille pour nous Le Démon de Saint-Jérôme avec alacrité et un  brin de fantaisie. Il choisit la forme du triptyque, en trois volets donc, qui commentent chacun un tableau, selon le genre ancien de l’ekphrasis, cette description de l’œuvre d’art. D’abord « La bibliothèque flagellée », en la chair de Saint-Jérôme, fouetté par des anges pour trop lire les auteurs païens, comme ses chers Cicéron, Virgile et Platon, dans un retable de Sano di Pietro en 1444, d’ailleurs reproduit avec ses comparses dans un petit cahier couleurs. C’est lors d’un rêve qu’il se sentit ainsi châtié par un « tribunal divin ». En fait la malnutrition en était probablement la cause, y compris de ses stigmates.

      Mais c’est beaucoup plus le Saint Jérôme en son cabinet de travail, rustique ou précieux, qui intéresse les peintres. S’il est au désert, parmi les rochers, demi-nu, chez Lorenzo Lotto en 1506, il n’a qu’un livre avec lui, sans équivoque possible la Bible. Antonello da Messina, en 1475, préfère peindre le Saint dans une architecture gothique somptueuse, avec l’art le plus achevé de la perspective, et confortablement assis dans un bureau de bois, entouré de deux côtés par des étagères où sont élégamment disposés quelques ouvrages, souvent ouverts.

      Le plus étonnant est alors le moteur de l’écriture de Lucrèce Luciani : la représentation des livres auprès du Saint. Ils sont indubitablement peints comme ceux de la Renaissance, dans un anachronisme qui ne gênait en rien les amateurs du temps : le codex tel que nous le connaissons avait remplacé le volumen, roulé sur lui-même, qui était d’usage dans l’Antiquité tardive. Aussi notre essayiste nous entraîne-t-elle dans l’atelier du parcheminier, contemporain de Jérôme, de son copiste, Marcellus, à qui il dictait « mille lignes par jour » sur un manuscrit où les mots n’étaient pas séparés. Sans compter qu’il lisait tant le latin que le grec, le syriaque et l’hébreu. Car ici, « la lecture occidentale reçoit son acte de naissance ».

      La fureur livresque et le délire ascétique du saint, « minotaure omnipotent » et « bibliothèque vivante », qui dirige les lectures et les vies d’un « aréopage féminin », entraînent Lucrèce Luciani à concocter un véritable manuel du libraire antique puis médiéval autour de celui qui incarne « la passation d’un érudit profane en un savant chrétien ». Au cours du Moyen-Âge, les savants copistes sont presqu’autant enchaînés sur leurs bancs que les livres à leur armoire ; et les volumes sont d’abord rangés à plats, avant d’être reliés.

      Ce qui retient également l’attention de l’essayiste scrupuleuse est la position ambigüe de notre bibliophile hiéronymite : aime-t-il tant Dieu ou le « démon » des livres ? Est-il le fils du Dieu des Chrétiens ou le fils du dieu des bibliophiles ? À moins que son intolérance le pousse à en être le pire ennemi. C’est une époque où les moines peuvent être « jaloux d’un manuscrit », où l’on vole ces livres si rares et précieux, où l’on plagie sans remord aucun, tel notre Jérôme qui pille allègrement Origène, Didyme et bien d’autres. Il est cependant un redoutable contempteur de médiocres textes sacrés : « Un petit autodafé personnel et place nette ! » Le danger étant de juger « la Bible et son style infiniment inférieurs à celui des auteurs profanes » !

      La position de Saint-Jérôme est ainsi profondément ambigüe, entre épitres et traductions, entre création littéraire et exégèse, mais aussi entre curiosité inlassable et  traque furibonde des hérésies, comme celle de Jovinien, qui contestait « la virginité perpétuelle de Marie ». Pour lui, « les hérétiques sont vautrés dans les ordures de la passion » ; ce que lui renverra Luther, le rangeant avec acrimonie parmi les hérétiques. Mû par la colère, son péché capital récurrent, le voici aux lisières du saint autodafé et précurseur de l’Index librorum prohibitorum[2].

      Mais qui est Lucrèce Luciani ? La discrétion de l’excellent éditeur « La Bibliothèque », aux textes toujours rares et roboratifs, n’en laisse rien paraître sur sa couverture aux rabats soignés, et cependant muets à cet égard, en un tentant mystère. Très certainement s’agit-il de cette Lucrèce Luciani qui a publié un volume sur l’acédie[3], cette antique mélancolie qui rongea le christianisme, et un roman : L’œil et le loup[4]. Ce qui ne l’empêche en rien dans son essai plein d’allant, discrètement érudit, doctement et diablement instructif, Le Démon de Saint-Jérôme, d’écrire non sans poésie : « chaque lettre est un nœud qu’il faut broder à plat ». Et d’user d’un rien d’humour : « Une vraie collection de coings desséchés que toutes ces images ! » Sans omettre un brin de polémique bienvenue : « Il n’y a qu’un certain habitus intellectuel pour croire que cette conversation avec les livres est la même que dans nos librairies civilisées, nos abominables rayons livresques au supermarché, nos ahurissantes fabrications de best-sellers à rugir d’ennui, nos émissions télévisées culturellement conformes »…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Ce qui est déjà un manuel de librairie et d’atelier de copiste chez Lucrèce Luciani, historienne du livre, trouve son expression plus savante encore et scrupuleuse chez Alain Boureau dans son Feu des manuscrits. Sous-titré « Lecteurs et scribes des textes médiévaux », cet ouvrage marie l’érudition à l’élégance de la mise en passe et des illustrations.

      Alain Boureau se présente comme un « déchiffreur ». Il nous parle avec feu « de l’éclat lumineux des manuscrits et de l’obscurité qui les menace toujours ». Du codex Tonalamatl-Aubin, qui est un calendrier aztèque du XVI° siècle, à une Bible du XIII° siècle, ce sont deux affaires de vol qui affectèrent la Bibliothèque Nationale de France. D’où d’effarantes questions de propriété, sans compter la valeur marchande considérable du manuscrit rare, « cet obscur objet du désir patrimonial ». Le « feu » qui anime Alain Boureau est bien plutôt celui de l’attentif passionné de la pensée scholastique latine. Aussi nous fait-il partager ses expériences de lecteur avisé, ses quêtes parmi les bibliothèques parfois lointaines, parfois aisées, parfois complexes, tant administrativement que financièrement. Ses aventures de chercheur qui édite les œuvres de Pierre de Jean Olivi, en particulier son Traité des démons[5], et de Richard de Mediavilla se heurtent jusqu’à des querelles de spécialistes : il se démarque de « l’intégrisme philologique » de qui se réserve le soin de l’attribution à un auteur. Il semble que les scribes attachés à leur cuir de mouton n’aient plus de secret pour lui, même si la généalogie des manuscrits ne permet pas souvent de leur établir un auteur : bien rares sont les autographes. Il lui faut peiner sur des encres labiles, sur des supports maltraités par le temps, parmi des marginalia étranges. Mais aussi sur « l’embardée du sens », les fautes et les biffures des scribes signalant une « erreur de foi », sur l’illisibilité de la main des auteurs, par exemple le grand Saint-Thomas d’Aquin, le philosophe de la Somme théologique. Les problèmes d’attribution et de collationnement sont fort nombreux : il faut parfois consulter une dizaine de manuscrits pour pouvoir publier les Questions disputées de Richard de Mediavilla[6], qui en 1296 traita dans son Quodlibet de « la fascination, ce pouvoir d’agir sur autrui par le regard[7] »…

      Loin de rester un essai aride et poussiéreux, l’ouvrage d’Alain Boureau peut se lire comme une chasse au trésor parmi les traités les plus insolites : sur les cas de consciences, ou sur les fleuves et les alluvions (en 1355). Ce Tractatus de fluminibus bénéficie de trois ou quatre reproductions pour les figures schématiques produites par des copistes différents. Il y a bien une « délectation » devant la « haute couture » des manuscrits, de surcroit reliés en leur temps, y compris fautivement. Au point que certains, outragés par leur fragilité, soit recousus. Certes, lettrines et enluminures ajoutent au bonheur du déchiffrement une flatteuse dimension esthétique. Ainsi Alain Boureau, en son plein enthousiasme pour le passé lointain des manuscrits sait « ranimer leur flamme ».

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Quand la vie est blessée, n’est-il pas nécessaire de recourir à l’ardeur d’un livre consolateur, y compris consacré à un mince manuscrit, bien moins prestigieux que les précédents ? Deux livres aussi insolites que nourrissants glissent de la main de Denis Montebello, auteur délicieusement confidentiel et cependant heureusement prolixe.

      Le premier est né de sa passion pour les Lettres classiques et l’Antiquité, à l’occasion d’un « objet-mémoire » anecdotique. Un fragment de brique brisé présente ce graffiti : « Ateuritus à Heutica : salut ça pour elle, dans le con », suivie d’un phallus également gravé. Après avoir été sauvée par un certain Bonsergent au XIX° siècle, il se trouve au Musée Sainte-Croix de Poitiers, dans les réserves, car la « brique lubrique » ne peut être « décemment » exposée, sinon dans un enfer pas même répertorié dans l’Index librorum prohibitorum, alors que l’écrivain plaide pour son dévoilement. Elle provoque chez ce dernier une errante rêverie. Cette gallo-romaine gauloiserie, venue qui sait d’un lupanar, est l’occasion d’une enquête facétieuse et érudite, entre érotisme et archéologie, épicée par des allusions satiriques à notre contemporain le plus « hot ». Sans oublier le goût de l’étymologie et des jeux de mots.

      Certainement ce bref opus fait du bien à son lecteur, diverti en faveur d’une époque pittoresque. Est-ce la réponse à la question Comment écrire un livre qui fait du bien ? En une quarantaine de billets, Denis Montebello nous promène de « l’effet-Werther », qui entraîne au suicide les imitateurs de leurs héros, aux « Blagues Carambar ». Ce sont autant de petites histoires embryonnaires, parmi lesquelles vaquent des écrivains et des poètes invités, soucieux de leur gloire, mais qui ont peur de la foule, ou pensent au suicide. Comment leur assurer le bonheur que nous réclamons tous ? C’est avec une subtile ironie que l’auteur se gausse des livres à la mode et à effet thérapeutique garanti, mais aussi de lui-même : « Ce serait dommage que la Troisième Guerre mondiale en éclatant éclipse la sortie de mon livre »…

 

      Qui songerait aujourd’hui à jeter au feu de tels petits livres, si innocents ? Pourtant si Saint-Jérôme, tel le phénix, venait à renaître de ses cendres, il n’est guère douteux qu’il fulminerait, lui qui imaginait le jugement dernier, non sans que l’on puisse le disculper des péchés capitaux de l’envie et de l’orgueil : « L’on y verra ces Rois autrefois si puissants & si redoutables, mais alors seuls et dépouillés de toute leur grandeur, trembler en la présence de leur Juge. Vénus y paraitra avec son fils Cupidon, & Jupiter avec sa foudre. Platon accompagné de ses disciples passera alors pour un insensé ; & Aristote avec tous ses raisonnements se verra confondu[8] ». Nous dédierons ce fragment d’une lettre de Saint-Jérôme l’intransigeant à Denis Montebello, qui a la capacité, donc la joie mitigée, de la lire dans l’original, puisqu’il a traduit deux textes de Pétrarque[9] du latin : L’Ascension du Mont Ventoux[10] et la Lettre à la postérité. En ces quelques pages, le poète, humaniste et épistolier du XIV° siècle, plus modeste que Saint-Jérôme, nous confie comment il fut ravi par la « solitude » de la fontaine de la Sorgue, en Vaucluse, où il amené ses quelques livres : « Il suffira de dire que la plupart de mes pauvres livres furent achevés là[11] ». Songeons néanmoins que l'un de ces pauvres livres, le Canzoniere, aux 366 poèmes, est rien moins que fondateur de la poésie occidentale...

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

La partie sur Denis Montebello a été publiée dans Le Matricule des anges, avril 2018

 


[2] Voir note 1.

[3] Lucrèce Luciani-Zidane : L’Acédie, le vice de forme du christianisme, Cerf, 2009.

[4] Lucrèce Luciani-Zidane : L’œil et le loup, Ornicar, 2000.

[5] Pierre de Jean Olivi : Traité des démons, Les Belles Lettres, 2011.

[6] Richard de Mediavilla : Questions disputées, Les Belles Lettres, 2011-2014.

[7] Richard de Mediavilla : Quodlibets, Les Belles Lettres, 2015-2017.

[8] Saint-Jérosme : « Première lettre à Heliodore »,  Lettres, Hérissant Fils, 1743, t 1, p 23.

[10] Pétrarque : L’Ascension du Mont Ventoux, Séquences, 1990.

[11] Pétrarque : Lettres à la postérité, le Temps qu’il fait, 1996, p. 27.

 

 

Saint Jérôme : Lettres, Herissant Fils, 1743. Photo : T. Guinhut.

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24 novembre 2017 5 24 /11 /novembre /2017 15:35

 

Palazzo Reale, Milano, Lombardia.

Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

 

Aux pieds de Babel,

 

Les Routes de la traduction

 

et de L'Iconographie.

 

 

 

Les Routes de la traduction. Babel à Genève,

Gallimard, Fondation Martin Bodmer, 288 p, 39 €.

 

L’Iconographie. 50 livres rêvés par 50 illustrateurs,

La Table ronde, 112 p, 24 €.

 

 

 

 

 

      « Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit : Voici que tous font un seul peuple et parlent une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons ! Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres[1]. » Voici le nœud d’un des plus beaux mythes de l’humanité, celui de la tour de Babel dans la Bible, dont la fonction étiologique est de permettre d’expliquer l’irréductible multiplicité des langues ; « car Babel en hébreu signifie confusion », écrit Flavius Josèphe[2] au premier siècle de notre ère. Mythe auquel répond à sa manière, dans une aire culturelle voisine, le dialogue de Platon intitulé Le Cratyle, sur l’origine controversée des mots. Malédiction, ou bénédiction ? Un tel châtiment divin, jeté sur l’hubris humaine, oblige les lecteurs à trouver un traducteur et ce dernier à échouer ou briller au travers du prisme qu’il offre aux premiers. Une ville si cosmopolite, Genève, ne pouvait qu’abriter, au sein de la Fondation Martin Bodmer, une exposition sur les plus grands livres en leurs avatars, depuis l’Antiquité, en au moins quatre-vingts langues : Les Routes de la traduction. Babel à Genève. D’Homère à Tintin, les enjambées sont vastes en ce merveilleux catalogue. Auquel on peut songer d’ajouter la traduction iconographique de quelques-uns des ouvrages choyés par les illustrateurs d’aujourd’hui.

 

      Outre Homère, référence obligée de la poétique et de la civilisation occidentales, ce sont la Bible, Dante, Shakespeare et Goethe, qui sont les pivots de nombre de problématiques de la traduction, cet art polymorphe sur lequel, avec tant de pertinence s’interrogea George Steiner, dans Après Babel, une poétique du dire et de la traduction[3], et dont la Fondation Martin Bodmer expose une bonne centaine d’exemples au travers d’autant de livres rarissimes, prestigieux ou méconnus.

      Si vous n’hésitez pas à subodorer que la Bible est l’ouvrage le plus traduit au monde, vous n’ignorez pas qu’écrite en hébreu et en grec, elle passa au latin, au français, et dans toutes les langues européennes. Mais auriez-vous imaginé qu’elle fut traduite en diverses langues indiennes des deux Amériques, le cherokee, l’inuit, l’arawak ? Plus loin, et pêle-mêle, en breton, en mongol, en tamoul, en éthiopien, toutes premières éditions conservées dans la « Bodmeriana ».

      Cependant Homère, poète originaire, outre les lambeaux d’un papyrus en grec du III-IV° siècles, se voit cent fois traduit, jusque dans une édition polyglotte de 1837, qui juxtapose sur une double page le grec, le latin (prose et vers), l’italien, l’allemand, le français et l’espagnol ! Il faut de surcroît aller jusqu’à considérer Ulysses  de Joyce comme un avatar facétieux et redoutable de la pulsion de traduction.

      Séminaux également, fables et contes, en un mot les apologues, voyagent se répondent, s’inséminent, du Grec Esope au Français La Fontaine, en passant par les Mille et une nuits, probablement d’origine perse, quoiqu’à nous parvenues par le truchement de l’arabe et de Galland au XVIII° siècle, ou par Le Livre de Kalilah et Dimna, venu du sanscrit et du persan, dont notre fabuliste réécrivit en ses vers quelques contes animaliers.

      En effet, l’Orient, qu’il soit arabe ou japonais, n’est pas oublié. Le Coran trouve à prophétiser sa révélation et ses injonctions génocidaires (ce que tait trop pudiquement notre catalogue), dès sa transposition latine par Bède le Vénérable, au XII° siècle, et ici au travers d’une édition de 1543, publiée à Bâle, quand Heidi, célèbre roman suisse pour enfants, au message bien plus paisible et bucolique, est traduit jusqu’à Tokyo.

      Fondateur à la fin du XVIII° siècle du concept de « weltliteratur » (littérature-monde), Goethe traduit volontiers le théâtre classique français ; bientôt il tourne son regard vers l’Orient en adaptant le Perse Saadi dans son poétique Divan d’Orient et d’Occident. En d’autres contrées européennes, l’Allemand Heine et l’Anglais Byron sont « naturalisés russes », grâce à des « annexions pacifiques pratiquées par la poésie russe ». En France, Baudelaire et Mallarmé, en élisant l’américain Allan Edgar Poe, font mieux, dit-on, que les vers originaux. Or, bien avant eux, en Italie, ce que l’on appelle « la triple couronne » médiévale, formée par Dante, Pétrarque et Boccace, fonde non seulement une langue, l’italien, mais une myriade ininterrompue d’éditions, manuscrites puis imprimées, et inévitablement de traductions dans les principales langues européennes, sans cesse remises sur le métier, de siècle en siècle.

 

Tour de Babel. Werner Rolewinck : Fasciculus Temporum, Strasbourg, 1488.

Photo : T. Guinhut.

 

      La traduction est évidement un acte religieux, indubitablement prosélyte, dans le cas de la Bible ou du Coran. Politique, si l’on pense à la diffusion de Hume et Montesquieu, Machiavel, Rousseau, puis Marx, Mao ou Hitler, pour aller du meilleur au pire. Humaniste, si l’on pense à Erasme, représentative des Lumières pour intégrer Adam Smith et Beccaria. Poétique, de Virgile à Shakespeare. Dans tous les cas, à la réserve des prosélytismes  agressifs et de la triple couronne de plomb coiffant les trois auteurs fomentant la tyrannie déjà cités, elle reste au service du « Sapere aude », du « Ose savoir », kantien[4].

      Inspiration, imitation, réécritures et intertextualité sont parmi les « routes de la traduction ». Ainsi les dramaturges latins, Plaute et Térence, nourrissent Molière. Rilke se nourrit d’Orphée, puis de Paul Valéry, quand ce dernier se retourne vers les Bucoliques de Virgile. Voisinant avec le prestigieux folio de 1623, contenant toutes les pièces du barde du théâtre londonien du « Globe », dont les Dramatische Werke sont de la main de Schlegel, le poète Yves Bonnefoy[5] relit et sublime celui que les Classiques français traitaient de « sauvage », quand ses Sonnets[6] sont traduits par Stefan George et Pierre-Jean Jouve. Oserions-nous suggérer qu’il manque celle de Paul Celan[7] ? Ainsi Shakespeare, comme la conscience de son Richard III, a « mille langues[8] ».

      En ce sens, la traduction est aussi création, poiesis disaient les Grecs… Quant aux philosophes, il faut ne pas rater Aristote, si important au Moyen-Âge, ici présent grâce à un manuscrit latin sur parchemin du XIII° siècle, y compris grâce aux commentaires du De Anima par l’Arabe Averroès, que nous ne possédons plus qu’en latin. La Fondation Martin Bodmer exhibe un manuscrit arabe traduisant Aristote au XI° siècle, non loin des Œuvres de Platon, traduites en latin par Marcile Ficin au XV° siècle.

      Les pièces de cette exposition, essentiellement des volumes et manuscrits rares, dont de nombreux incunables, viennent pour la plus immense part des réserves de la Fondation Martin Bodmer, en une sorte de « Babel bibliophilique », venue de la collection du bibliophile zurichois Martin Bodmer (1899-1971) qui ne mégottait pas en mettant sa fortune au service d’une passion hautement recommandable, jusqu’à de babéliques volumes polyglottes, « joyaux de virtuosités typographiques ». Or elle accueille également des textes cunéiformes sur tablettes d’argile venus du Musée du Louvre, du deuxième millénaire avant Jésus-Christ, une étonnante « Métamorphose » de Markus Raetz (qui traduit un homme en lapin, à moins que ce soit le contraire), de 1991, venue du Musée d’Art et d’Histoire de Genève. Des hiéroglyphes aux albums de Tintin, en passant (ne l’oublions pas) par des tableaux du XVII° siècle montrant la construction de notre tour de Babel tutélaire, l’amplitude temporelle et culturelle est considérable. Ainsi des papyrus exhibant le Livre des morts d’Hor voisinent avec le Panthéon égyptien de Champollion, premier traducteur des hiéroglyphes et du démotique, grâce à la pierre de Rosette, providentiellement trilingue

      En ce sens, et depuis les pieds d’argile de la tour de Babel, la traduction est le maillage des sources culturelles de l’Europe. En outre, selon la juste formule de Carlo Ossola, « Chaque époque traduit pour le temps présent ». Luther traduit la Bible en Allemand pour que chacun puisse, par lui-même, la lire, en une humaniste révolution, et au service de ce qui devient le Protestantisme. Hélas peut-être, l’on ne traduit plus guère Ovide ou Virgile en alexandrins.

      Ce catalogue des Routes de la traduction, fomenté dans la Babel genevoise, est un pur régal, intellectuel et esthétique. Même si les bibliophiles chatouilleux (dont votre modeste serviteur) eussent préféré une reliure cartonnée. Reste que la babélienne tour dessinée au XVII° siècle par Kircher, qui orne le bleuté de la couverture, et la jaquette dépliante ouvrant sur une carte en couleur, tirée du Cosmosgraphiae liber de Ptolémée, sont de divines surprises. Si l’on s’amusera -ou s’indignera- des volontairement puérils « alphabets sociopolitiques » et autres « hétérographies » de Villéglé, l’on ne pourra qu’être conquis, surexcité d’intelligence, en feuilletant, lisant, étudiant ce merveilleux catalogue des grandes heures et œuvres de l’humanité. Il faut à cet égard conseiller le (provisoirement) malheureux lecteur de courir séance tenante à Cologny, auprès du lac de Genève, pour visiter, outre les murs de la Fondation construits par Mario Botta, cette exposition mémorable, car elle est celle qui offre le meilleur panorama jusqu’ici réalisé de la collection ambitieuse (et combien avait-il les moyens de son ambition !) de Martin Bodmer ; et vaillamment continuée, amplifiée par la Fondation que dirige d’une main souple et pétulante Jacques Berchtold. En effet, après moult mémorables monstrations et livres consacrés à Frankenstein[9], à Sade[10], à Madame de Staël et Benjamin Constant[11] (excusez du peu), ces Routes de la traduction savent enfin ouvrir au visiteur ébloui une belle part du coffre aux trésors bibliophiliques -en sus de ce volume intitulé Légende des siècles[12] qui passait jusque-là pour son antichambre- d’une fondation où l’on aimerait encore et encore flâner, contempler, étudier, « Mourir, dormir, dormir, peut-être rêver[13]» (disait Hamlet) et ressusciter sans cesse en lecteur borgésien…

 

      Passer du langage des mots à celui des images n’est-il pas également une traduction ? Ce que faisaient déjà les cathédrales, transposant les livres de la Bible, parmi les vitraux, les chapiteaux, les sculptures ; à une époque où « enluminer, c’est orner, mais c’est aussi clarifier, traduire dans un langage plus clair », pour reprendre une fois de plus Carlo Ossola. Ainsi l’iconographie des couvertures parle aux yeux, pour accrocher l’attention de l’éventuel lecteur, pour signifier la substantifique moelle du livre. À cet égard, un bel ouvrage, titré L’Iconographie, propose à cinquante illustrateurs d’imager autant de livres préférés.

      Malgré des romans choisis, essentiellement contemporains, pour lesquels l’effet de mode empêche peut-être d’imaginer une vaste pérennité, comme ceux d’Haruki Murakami, et malgré des dessins attendus qui ne déploient guère d’imagination, l’exercice est on ne peut plus stimulant. Se détachent quelques couvertures fort poétiques, à l’instar de celle pétillante de Robinson Crusoé par Anne-Lise Boutin, délicieusement suggestives, symboliques, lorsque les Mémoires d’une jeune fille rangée, de Simone de Beauvoir, deviennent une femme en buste qui se dégage de sa chrysalide feuillue sous les doigts de Léa Chassagne. D’autres sont de réels coups de poing. Ainsi, lorsque Gérard DuBois renouvelle l’imagerie associée au terrible et délicieux Lolita de Nabokov (une photo trop sucrée de jeune fille prétendument nymphette, même s’il s’agit de celle de Stanley Kubrick), il impose une masculine et sombre silhouette qui cache à demi une fillette à la hauteur de ses hanches : la suggestion reste pudique et néanmoins criante, quand Humbert Humbert est bien le personnage clef du roman.

      On use tour à tour de l’incisive allusion, de la puérile naïveté, du graphisme en noir et blanc, du collage surréaliste à la Max Ernst, toujours au service de l’amour des livres, et plus précisément des romans qui ont marqué l’enfance ou le passage à la maturité de nos illustrateurs attentifs et passionnés. Un petit oiseau rouge et pleurant du sang est l’œil d’un profil noir au service de To Kill a Mocking Bird d’Harper Lee ; et parmi d’autres plus représentatives du dessin au sens traditionnel, voire enfantin, du terme, c’est Pessoa avec son Livre de l’intranquillité qui tenta Geneviève Gauché : elle « montre une structure de lettres et d’armatures métalliques rigide et complexe, qui encadre le lieu du drame où l’esprit va passer à la moulinette de l’autojugement permanent ». Ainsi chaque illustrateur défend sa traduction graphique d’un chef d’œuvre poétiquement ranimé du panthéon littéraire où il dormait.

 

      Quand un aréopage de savants et universitaires, aussi délicieusement érudits que sereinement lisibles, sous la direction de Barbara Cassin et Nicolas Ducimetière, préside aux Routes de la traduction, une fraîche naïveté, quoique parfois cruelle, préside au bouquet de couvertures imaginées par les illustrateurs de cette Iconographie, qui, à sa manière, répond à l’iconographique abondance fomentée à la suite du mythe de Babel. Parfois les pages d’images elles-mêmes se font en ce sens tout entières traductrices, comme lorsque Jacques Tardi illustre le Voyage au bout de la nuit de Céline[14], par exemple. Le roman devient bande dessinée ; ainsi va le destin de quelques-uns parmi les plus grands d’entre eux, comme en témoignent la proustienne Recherche du temps perdu par Stéphane Heuet[15], ou les ombres fantastiques du Tour d’écrou d’Henry James par Hervé Duphot[16], œuvres majeures de la littérature mondiale rendues plus accessibles, en particulier aux jeunes lecteurs, diront les uns, ou, diront les autres, amoindries, affadies. Nous les préférerons cependant,  sublimées par la seule et suffisante magie du verbe ; ou enrichies, dans le cas de Proust, par les aquarelles de Van Dongen, qui coloria également les Mille et une nuits, ou, mieux encore peut-être, lorsque Miquel Barcelo aquarelle avec feu, cendres et nuées la Divine comédie de Dante[17].

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] La Genèse, III, II, 5-8.

[2] Flavius Josèphe : Histoire ancienne des Juifs, Lidis, 1968,  p 16.

[4] Emmanuel Kant : « Qu’est-ce que les Lumières ? », Œuvres philosophiques, t II, Pléiade, Gallimard, p 209.

[8] William Shakespeare : La Tragédie de Richard III, V, 3, Drames historiques, traduit par Pierre Messiaen, Desclée de Brouwer, 1960, p 885.

[12] Légendes des siècles. Parcours d’une collection mythique. Fondation Martin Bodmer, Cercle d’Art, 2004.

[13] William Shakespeare : Hamlet, III, 1, Tragédies, traduit par Pierre Messiaen, Desclée de Brouwer, 1960, p 703.

[14] Louis-Ferdinand Céline, Jacques Tardi : Voyage au bout de la nuit, Futuropolis, Gallimard, 1988.

[15] Marcel Proust, Stéphane Heuet : À la Recherche du temps perdu, Delcourt, 200-2013.

[16] Henry James, Hervé Duphot : Le Tour d’écrou, Delcourt, 2008.

[17] Voir : Traduire et vivre l'ébouriffante Divine comédie de Dante

 

 

Joseph-Romain Joly : La Géographie sacrée et les monuments de l'Histoire sainte,

Alexandre Jombert, 1784.

Félix Julien : Voyages au pays de Babel, Plon, 1876.

Photo : T. Guinhut.

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26 mai 2017 5 26 /05 /mai /2017 12:23

 

Playa de Luana, Cobreces, Cantabria. Photo : T. Guinhut.

 

 

 

 

 

À la poursuite des livres perdus

 

et du fantôme de la bibliothèque,

 

par Giorgio von Straten, Judith Schlanger

 

et Maurice Olender.

 

 

 

 

Giorgio van Straten : Le Livre des livres perdus,

traduit de l’italien par Marguerite Pozzoli, Actes Sud, 176 p, 18 €.

 

Judith Schlanger : Présences des œuvres perdues, Hermann, 246 p, 26 €.

 

Maurice Olender : Un Fantôme dans la bibliothèque, Seuil, 224 p, 17 €.

 

 

 

      L’on dit que certains livres, mangés par l’oubli, s’enfouissent d’eux-mêmes dans un introuvable recoin de la bibliothèque, que cette dernière abrite le fantôme des livres perdus, ou le fantôme de leurs personnages prêts à jaillir des pages et menacer le lecteur nocturne qui aurait eu l’imprudence de s’y aventurer. Sans glisser dans les hypothèses fantastiques et délicieusement farfelues, n’y-t-il pas des œuvres que les mains du temps et des hommes ont jeté au feu ou aspiré dans l’oubli ? Empruntant deux genres littéraires bien différents, l’Italien Giorgio Van Straten et la Française Judith Schlanger consacrent chacun un bouquet de récit et un essai à ces livres disparus qui hantent longtemps la mémoire de l’humanité, tentant ainsi de ramener le soleil de l’intelligible sur leurs reliures définitivement mangées de vers, leurs manuscrits subtilisés, leurs cendres carbonisées et évaporées. Quant à Maurice Olender, archiviste de soi et de l’Histoire, il écrit de peur de voir la disparition à l’œuvre, collectant un petit livre « où la mémoire et l’oubli jouent à cache-cache » : ce parmi les textes rassemblés sous le titre de son ultime récit : Un Fantôme dans la bibliothèque.

      C’est avec une nostalgique tendresse que Giorgio van Straten offre sa « mappemonde personnelle » : un « tour du monde en huit volumes », tous perdus. De Florence à Londres, en passant par la France, la Pologne, la Russie, le Canada et l’Espagne, il traque avec une délicate attention ces pages que l’on ne lira probablement jamais. C’est également un voyage dans le temps, espérant ranimer le souffle de Lord Byron et d’Hemingway, de Romano Bilenchi et Bruno Shulz, de Gogol et de Malcom Lowry, de Walter Benjamin et de Sylvia Plath. Ces écrivains ont en commun d’avoir un ou plusieurs livres perdus parmi leur bibliographie, ainsi dangereusement lacunaire. Une rêverie d’histoire littéraire aux huit facettes, ainsi peut se lire ce bijou de Giorgio Van Straten, à la discrète lisière de l’essai sur les censures, intimes, sociétales ou totalitaires.

      Romano Bilenchi a laissé dormir dans un tiroir le manuscrit d’un roman autobiographique trop révélateur, qu’il n’a pas publié, par respect pour sa première épouse et pour Maria. Après le décès de l’écrivain, cette dernière consent de le laisser lire à notre narrateur et à quelques autres. En revanche, elle ne permettra qu’aucune copie, encore moins l’original, puisse lui survivre. Avait-elle droit de le détruire, même si, pour l’écrivain, « un livre non fini était probablement un non-livre » ?

      Chez l’éditeur Murray, en 1824, c’est probablement au feu d’une cheminée que l’on livra les Mémoires de l’immense poète anglais Lord Byron. Il s’agit là de censure, « de la plus sournoise et insidieuse qui soit, née de la soumission volontaire aux conventions et au sens commun ». Ne risquait-on pas de révéler des épisodes scabreux de la liaison de l’auteur de Don Juan avec sa demi-sœur Augusta ? Pire encore, alors que l’homosexualité pouvait être punie de mort dans l’Angleterre du XIX° siècle, ses amours pour des jeunes gens n’allaient-ils pas jeter un opprobre définitive sur la famille, les amis, l’éditeur du poète, et sur l’Angleterre entière ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Quant à la première épouse d’Hemingway, elle eut le tort de laisser quelques minutes sans surveillance, dans un train, une valise de manuscrits. Volée, elle ne reparut jamais. Des années de travail envolées ! Le jeune apprenti écrivain en fut désespéré, au point de songer à abandonner l’écriture. En fait, ces « premières tentatives présentaient, certes, des défauts, un excès de lyrisme ». Ne faut-il pas mieux préférer que ces pages soient perdues ? L’on sait que cela n’empêcha pas le romancier américain de rebondir et s’atteler à ses meilleurs livres. Reste que les braises de la curiosité font bouillir tout amateur et critique fidèle à la prose d’Hemigway.

      Pire, en 1942, un officier nazi, par vengeance, tue l’esclave juif d’un collègue. Le malheureux s’appelait Bruno Schulz, dont le roman Le Messie ne revit jamais le jour. Les spécialistes du nouvelliste se perdent en conjecture sur le contenu du manuscrit prometteur, probablement enterré, malgré deux chapitres publiés semble-t-il sous forme de nouvelles. Qui sait ; le retrouvera-t-on, comme lorsque deux ouvriers mirent au jour, dans un mur, une bouteille scellant des fragments d’un roman de Simha Guterman ? À moins qu’il ait brûlé dans un accident de voiture, après qu’il ait été acheté à un ancien de la police politique soviétique… Un palpitant roman d’investigation aux hypothèses nombreuses surplombe le roman perdu.

      Savions-nous que Les âmes mortes de Gogol était un roman amputé ? Son auteur prévoyait de tisser « une Divine comédie de la steppe » en trois parties. Pourtant son tome II disparut bel et bien. À force de perfectionnisme, de réécritures, de versions plurielles, il jette dans le poêle cinq cents feuillets et « fond en larmes » : « C’est le premier des nombreux bûchers qui, par insatisfaction ou par peur de la censure, constellent l’histoire de la littérature russe », selon Serena Vitale. Gogol était-il poussé à ce sacrifice par un « archiprêtre sévère », par l’impossibilité de mener à bien la rédemption du burlesque escroc Tchitchikov ?

      In Ballast to the White Sea, plus de mille pages, était le titre d’un roman de Malcom Lowry. Mais son goût immodéré pour l’alcool, pour l’autodestruction, se liguèrent contre lui, lorsqu’en 1944 sa cabane de la côte pacifique canadienne prit feu. Il fallut attendre 2001 pour découvrir le carbone d’un premier jet, 450 pages, aujourd’hui publiés[1]. À quel chef d’œuvre, outre la « Divine comédie ivre » qui gît Au-dessous du volcan, avons-nous échappé ? On conserve à l’Université de Colombie Britannique, des « bouts de papiers brûlés sur les bords » avec quelques lignes…

      « Une lourde valise noire » pendait à la main de Walter Benjamin lorsqu’il se suicida à Port Bou, en Catalogne, alors qu’il pensait devoir être livré aux Nazis par la police espagnole, en 1940. On devine qu’un tapuscrit dormait dans cette valise, celui du Livre des passages[2]. Dort-il aujourd’hui encore dans quelque armoire ?

      Notre ami Giorgio von Straten nous confie qu’il « aime bien les commérages ». Aussi s’intéresse-t-il à la vie privé des époux poètes Ted Hugues et Sylvia Plath, qui se suicida au gaz. Surtout parce le veuf dut trier les papiers de la disparue, choisit de détruire des journaux trop intimes pour, dit-il, protéger ses enfants, et de publier le magnifique et posthume recueil qui la réputation de Sylvia Plath : Ariel. Qu’est devenu Double exposure, un bref roman ? L’a-t-on fait s’évaporer ? Aura-t-on la réponse en 2022, lorsque l’on pourra consulter les papiers confiés à l’Université de Géorgie ?

      En conclusion de son petit recueil énigmatique et roboratif, et avec un brin d’autodérision, Giorgio von Straten se demande s’il fait partie « de la cohorte des cannibales », se nourrissant de la faim des œuvres disparues. Sans doute à cette peuplade étrange, appartient Judith Schlanger, à qui il revient à de coucher sur le papier une typologie des livres perdus.

      Sommes-nous naïfs au point de croire que toutes les grandes œuvres, littéraires ou artistiques, nous soient connues ? Présences des œuvres perdues, l’essai de Judith Schlanger, vient à point nommé pour nous rappeler cette évidence : l’histoire de la littérature et des arts est parsemée de créations qui ont à peine vu le jour avant de s’effacer dans l’oubli, ou dont la réputation n’a pas pu empêcher la perte, la destruction.

      Notre essayiste s’attache à classer ces belles disparues : d’abord par négligence ou accident. Comme cette ignorante servante qui se sert des manuscrits de pièces pré-élisabéthaines pour allumer le feu ou « tapisser le fond des plats à tarte ». De même l’on n’a sauvé que neuf des vingt-sept planches gravées des Songs of innocence de William Blake du feu destiné à vider un débarras… Mais pas une des notes d’une biographie de Coleridge, rédigées par son petit-fils, englouties dans un naufrage. Encore en avait-on gardé une copie, ce qui ne fut pas le cas de manuscrits islandais noyés en 1684 et dont pas même un catalogue ne subsiste.

      Ensuite par destruction volontaire, par haine, intolérance et ressentiment, en un mot par tyrannie. Les iconoclasmes et autres autodafés s’imposent par leur radicalité et leur violence : des querelles médiévales de Constantinople aux Nazis, en passant par les Espagnols saccageant la culture précolombienne ou brûlant 80000 volumes lors de la reconquête de Grenade. Sans compter l’annulation des bibliothèques et donc de l’histoire par de nouvelles dynasties chinoises… Où sont passées les tragédies d’Eschyle et de Sophocle dont il ne reste qu’environ dix pour cent ? Probablement ont-elles brûlé avec la bibliothèque d’Alexandrie, après maintes déprédations, lorsqu’un calife arabe ordonna que tout ce qui n’était pas le Coran soit livré aux flammes. Tradition qui, hélas, perdure, ce dont témoigne la destruction des grands Bouddha d’Afghanistan explosés par les Taliban en 2001.

      Si l’on pense aux textes perdus d’Aristote, il semble que nulle hypothèse ne permette d’en imaginer le pourquoi. Encore sait-on qu’ils ont existés. Quant aux productions de génie dont personne n’a eu et n’aura connaissance, elles laissent une sensation de vertige et de modestie au plus profond de l’esprit du penseur : la vanité des œuvres rejoint celle des hommes.

      Les deux chapitres de Judith Changler sur « Le faux », quoique loin d’être dépourvus d’intérêt, ne paraissent participer de la problématique annoncée par le titre que d’une manière maladroite. Certes, le cas de William Ireland qui produisit de faux documents shakespeariens et une tragédie inédite pour tenter d’impressionner son père, est fascinant ; certes Mac Pherson inventant le barde ancien Ossian pour signer ses poèmes épiques est étonnant ; certes le peintre aux faux Vermeer est hallucinant, mais on ne les reliera à notre sujet qu’en considérant que toutes ses œuvres passèrent pour perdues puis retrouvées ; ce qui, dans l’argumentation de Judith Schlanger n’est pas tout de suite évident. Elles sont enfin désavouées par l’histoire de la littérature et de l’art, sauf dans le cas d’Ossian, et évacuées pour la bonne cause de l’authenticité. Les réécritures d’ouvrages évanouis sont alors des réinventions prétendument véridiques. Pires sont ceux qui s’affirment comme retrouvés alors qu’ils ont pour fonction de valider une idéologie religieuse, nationale ou ethnique…

       Il y a des pertes méritées, qui n’en sont donc pas, puisque personne ne s’en plaindra. On s’interrogera alors sur la légitimité de l’évaporation. Ainsi, l’œuvre effacée avant d’avoir été publiée a pu avoir été rejetée par déni de qualité, ou par « dédain », ce « refus du club : l’auteur n’est pas assez bien pour être intégré ». Finalement « l’exclusion par indifférence » suffit à remplir le continent immense des œuvres perdues : la majorité des œuvres nait pour disparaître dans un « cimetière néo-natal », ce qui est une fort belle image. A moins que l’on se soit trompé et que vienne la réhabilitation, que de rares élues soient soudain acceptées, sacralisées par de nouveaux critères de lecture, si notre curiosité est assez vive. Hélas, à l’ère Gutenberg, qui réduit à peine les chances de disparition, le « pullulement » des œuvres sur Internet multiplie paradoxalement l’invisibilité.

      Restent les mythes, cette « agate de Pyrrhus », ce « bouclier d’Achille », abondamment commentés, jamais retrouvés… Ou ces manuscrits de Kafka, encore aux mains des héritières de Max Brod, qui sont peut-être passionnants, peut-être décevants, en tous cas pour nous perdus puisque inconnus…

      Il est dommage que, sur un sujet aussi excitant pour l’esprit, Judith Schlanger nous fasse trop souvent lanterner. D’oiseuses considérations théoriques qui auraient pu être efficaces en peu de mots s’emberlificotent à l’envie, lourdes de périphrases et de répétitions, et manquent de faire perdre patience au lecteur, soudain sauvé par l’intérêt que représentent les exemples enfin fournis qui auraient gagné à être plus abondants, plus développés. Quant à la photographie de couverture -non légendée- l’on se demande bien ce qu’elle vient faire là… Cependant, une telle variation sur le caractère éphémère de l’art soumis aux aléas du temps et de la trop humaine humanité ne manque pas d’être irremplaçable. Souhaitons seulement que l’on ne perde pas cet essai…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

      Venu d’une famille juive en 1946, Maurice Olender apparaît dans un monde où il n’y avait « pas plus de morts que de livres pour les raconter ». Toute une mémoire perdue, en somme. Ecrite avec une langue somptueuse, cette autobiographie intellectuelle est fragmentée en un octaèdre de récits et de réflexions, venus d’occasions diverses, dont Un fantôme dans la bibliothèque est le dernier, en une sorte de couronnement.

       Commencer en étant « apprenti cliveur de diamants » n’empêche pas de découvrir Nietzsche et Bach. En s’attachant aux livres, il compense « la mémoire d’un Occident enfoui sous les cendres de [son] enfance ». Or, en toute logique, il devient historien, puis directeur de la collection « La librairie du XXI° siècle » aux éditions du Seuil, archiviste de ses propres archives, ce « dépôt de mémoire […] où s’opère l’oubli », confiées à l’Institut Mémoire de l’Edition Contemporaine. Ce de façon à éviter le « traumatisme que peut occasionner un livre mal classé, ou quand, lors d’un emprunt, le fantôme manque », cette fiche ou boite de carton signalant que le volume est de sortie. Sa bibliothèque est une image de l’Histoire du monde, où l’on lit bien sûr ; mais « on peut s’entourer de livres pour rêver de les lire ». Ainsi, ceux jamais lus, ce « matériau du rêve », sont en quelque sorte, dans ce qui sert « d’abri à ce qui se perd », des livres perdus. Car cette compulsion de l’archive vise dans nul doute à la « fabrique d’une fiction d’avenir », à repousser la perte de toute mémoire, après la mort, des hommes, des civilisations, de l’univers…

      Car cette perte peut engloutir : « l’oubli d’une histoire au mémorable incandescent ». Maurice Olender est visiblement effaré par la possibilité de toute perte et d’abord du langage. Que penser de cet enfant « qui ne veut rien savoir de l’alphabet » ? Est-ce lui qui devient ce « fantôme dans la bibliothèque » ? Une étonnante fiction fantastique le met en scène : « Dans une adolescence tardive, à presque vingt ans, il avait vu les pages murées s’effondrer entre les rayonnages vides d’innombrables bibliothèques ». Cauchemar, affreux fantasme récurrent, cet apologue borgesien semble postuler une morale religieuse et politique : « Peut-être l’enfant à la volonté analphabète voulait-il protéger les caractères de tout usage tyrannique ». Jamais il n’apprend à lire, sauf avec « ses ongles », parmi des « stèles dédiées à d’ancienne divinités aux noms imprononçables ». Pourtant il collectionne les volumes avec un éléphantesque appétit : « sa bibliothèque avait fini par se coucher dans son lit et, quand il se reposait près d’eux, ses livres se mettaient à le lire. »

      Nos archivistes de la disparition, Giorgio Van Straten et Judith Schlanger, apparaissent comme deux « Saint Thomas de la littérature » (selon le mot d’esprit de l’Italien), qui ont souverainement besoin de preuves tangibles et sont cependant irrésistiblement  fascinés par ces libres perdus, d’autant plus fascinants qu’ils demeurent introuvables, nantis de leurs promesses infiniment alléchantes. Ainsi, comme les trop pâles couvertures françaises disparues de cet article, « les livres disparus [ont] le pouvoir d’en susciter de nouveaux, de pousser d’autres auteurs à écrire, à combler les vides qui se sont créés », toujours selon Giorgio van Starten, par ailleurs romancier et musicologue. Chez l’historien Maurice Olender, auteur par ailleurs des Langues du paradis[3] et de Race sans histoire[4], tant les livres disparus que ceux accumulés suscitent une peur abyssale, celle de voir glisser la bibliothèque universelle dans le néant. À moins que les livres aient le pouvoir de se lire eux-mêmes…

 

Thierry Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

[1] Malcom Lowry : Le Voyage infini vers la mer blanche, Buchet-Chastel, 2015.   

[3] Maurice Olender : Les Langues du paradis, Gallimard / Seuil / EHESS, 1989.

[4] Maurice Olender : Race sans histoire, Seuil, 2009.

 

Photo : T. Guinhut.

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Dick

Philip K. Dick : Nouvelles et science-fiction

Hitlérienne uchronie par Philip K. Dick

 

 

 

 

 

 

 

Dickinson

Devrais-je être amoureux d’Emily Dickinson ?

Emily Dickinson de Diane de Selliers à Charyn

 

 

 

 

 

 

 

Dillard

Eloge de la nature : Une enfance américaine, Pèlerinage à Tinker Creek

 

 

 

 

 

 

 

Diogène

Chien cynique et animaux philosophiques

 

 

 

 

 

 

 

Dostoïevski

Dostoïevski par le biographe Joseph Frank

 

 

 

 

 

 

Eco

Umberto Eco, surhomme des bibliothèques

Construire l’ennemi et autres embryons

Numéro zéro, pamphlet des médias

Société liquide et questions morales

Baudolino ou les merveilles du Moyen Âge

Eco, Darnton : Du livre à Google Books

 

 

 

 

 

 

 

Ecologie, Ecologismes

Greenbomber, écoterroriste

Archéologie de l’écologie politique

Monstrum oecologicum, éolien et nucléaire

Ravages de l'obscurantisme vert

Wohlleben, Stone : La Vie secrète des arbres, peuvent-il plaider ?

Naomi Klein : anticapitalisme et climat

Biophilia : Wilson, Bartram, Sjöberg

John Muir, Nam Shepherd, Bernd Heinrich

Emerson : Travaux ; Lane : Vie dans les bois

Révolutions vertes et libérales : Manier

Kervasdoué : Ils ont perdu la raison

Powers écoromancier de L'Arbre-monde

Ernest Callenbach : Ecotopia

 

 

 

 

 

 

Editeurs

Eloge de L'Atelier contemporain

Diane de Selliers : Dit du Genji, Shakespeare

Monsieur Toussaint Louverture

Mnémos ou la mémoire du futur

 

 

 

 

 

 

Education

Pour une éducation libérale

Allan Bloom : Déclin de la culture générale

Déséducation et rééducation idéologique

Haine de la littérature et de la culture

De l'avenir des Anciens

 

 

 

 

 

 

Eluard

« Courage », l'engagement en question

 

 

 

 

 

 

 

Emerson

Les Travaux et les jours de l'écologisme

 

 

 

 

 

 

 

Enfers

L'Enfer, mythologie des lieux

Enfers d'Asie, Pu Songling, Hearn

 

 

 

 

 

 

 

Erasme

Erasme, Manuzio : Adages et humanisme

Eloge de vos folies contemporaines

 

 

 

 

 

 

 

Esclavage

Esclavage en Moyen âge, Islam, Amériques

 

 

 

 

 

 

Espagne

Histoire romanesque du franquisme

Benito Pérez Galdos, romancier espagnol

 

 

 

 

 

 

Etat

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Constructivisme versus démocratie libérale

Amendements libéraux à la Constitution

Couleurs des monstres politiques

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Socialisme et connaissance inutile

Patriotisme et patriotisme économique

La pandémie des postures idéologiques

Agonie scientifique et sophisme français

Impéritie de l'Etat, atteinte aux libertés

Retraite communiste ou raisonnée

 

 

 

 

 

 

 

Etats-Unis romans

Dérives post-américaines

Rana Dasgupta : Solo, destin américain

Bret Easton Ellis : Eclats, American psycho

Eugenides : Middlesex, Roman du mariage

Bernardine Evaristo : Fille, femme, autre

La Muse de Jonathan Galassi

Gardner : La Symphonie des spectres

Lauren Groff : Les Furies

Hallberg, Franzen : City on fire, Freedom

Jonathan Lethem : Chronic-city

Luiselli : Les Dents, Archives des enfants

Rick Moody : Démonologies

De la Pava, Marissa Pessl : les agents du mal

Penn Warren : Grande forêt, Hommes du roi

Shteyngart : Super triste histoire d'amour

Tartt : Chardonneret, Maître des illusions

Wright, Ellison, Baldwin, Scott-Heron

 

 

 

 

 

 

 

Europe

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

Fables politiques

Le bouffon interdit, L'animal mariage, 2025 l'animale utopie, L'ânesse et la sangsue

Les chats menacés par la religion des rats, L'Etat-providence à l'assaut des lions, De l'alternance en Démocratie animale, Des porcs et de la dette

 

 

 

 

 

 

 

Fabre

Jean-Henri Fabre, prince de l'entomologie

 

 

 

 

 

 

 

Facebook

Facebook, IPhone : tyrannie ou libertés ?

 

 

 

 

 

 

Fallada

Seul dans Berlin : résistance antinazie

 

 

 

 

 

 

Fantastique

Dracula et autres vampires

Lectures du mythe de Frankenstein

Montgomery Bird : Sheppard Lee

Karlsson : La Pièce ; Jääskeläinen : Lumikko

Michal Ajvaz : de l'Autre île à l'Autre ville

Morselli Dissipatio, Longo L'Homme vertical

Présences & absences fantastiques : Karlsson, Pépin, Trias de Bes, Epsmark, Beydoun

 

 

 

 

 

 

Fascisme

Histoire du fascisme et de Mussolini

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Haushofer : Sonnets de Moabit

 

 

 

 

 

 

 

Femmes

Lettre à une jeune femme politique

Humanisme et civilisation devant le viol

Harcèlement et séduction

Les Amazones par Mayor et Testart

Christine de Pizan, féministe du Moyen Âge

Naomi Alderman : Le Pouvoir

Histoire des féminités littéraires

Rachilde et la revanche des autrices

La révolution du féminin

Jalons du féminisme : Bonnet, Fraisse, Gay

Camille Froidevaux-Metterie : Seins

Herland, Egalie : républiques des femmes

Bernardine Evaristo, Imbolo Mbue

 

 

 

 

 

 

Ferré

Providence du lecteur, Karnaval capitaliste ?

 

 

 

 

 

 

Ferry

Mythologie et philosophie

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

De l’Amour ; philosophie pour le XXI° siècle

 

 

 

 

 

 

 

Finkielkraut

L'Après littérature

L’identité malheureuse

 

 

 

 

 

 

Flanagan

Livre de Gould et Histoire de la Tasmanie

 

 

 

 

 

 

 

Foster Wallace

L'Infinie comédie : esbroufe ou génie ?

 

 

 

 

 

 

 

Foucault

Pouvoirs et libertés de Foucault en Pléiade

Maîtres de vérité, Question anthropologique

Herculine Barbin : hermaphrodite et genre

Les Aveux de la chair

Destin des prisons et angélisme pénal

 

 

 

 

 

 

 

Fragoso

Le Tigre de la pédophilie

 

 

 

 

 

 

 

France

Identité française et immigration

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Antilibéralisme : Darien, Macron, Gauchet

La France de Sloterdijk et Tardif-Perroux

 

 

 

 

 

 

France Littérature contemporaine

Blas de Roblès de Nemo à l'ethnologie

Briet : Fixer le ciel au mur

Haddad : Le Peintre d’éventail

Haddad : Nouvelles du jour et de la nuit

Jourde : Festins Secrets

Littell : Les Bienveillantes

Louis-Combet : Bethsabée, Rembrandt

Nadaud : Des montagnes et des dieux

Le roman des cinéastes. Ohl : Redrum

Eric Poindron : Bal de fantômes

Reinhardt : Le Système Victoria

Sollers : Vie divine et Guerre du goût

Villemain : Ils marchent le regard fier

 

 

 

 

 

 

Fuentes

La Volonté et la fortune

Crescendo du temps et amour faustien : Anniversaire, L'Instinct d'Inez

Diane chasseresse et Bonheur des familles

Le Siège de l’aigle politique

 

 

 

 

 

 

 

Fumaroli

De la République des lettres et de Peiresc

 

 

 

 

 

 

Gaddis

William Gaddis, un géant sibyllin

 

 

 

 

 

 

Gamboa

Maison politique, un roman baroque

 

 

 

 

 

 

Garouste

Don Quichotte, Vraiment peindre

 

 

 

 

 

 

 

Gass

Au bout du tunnel : Sonate cartésienne

 

 

 

 

 

 

 

Gavelis

Vilnius poker, conscience balte

 

 

 

 

 

 

Genèse

Adam et Eve, mythe et historicité

La Genèse illustrée par l'abstraction

 

 

 

 

 

 

 

Gilgamesh
L'épopée originelle et sa photographie


 

 

 

 

 

 

Gibson

Neuromancien, Identification des schémas

 

 

 

 

 

 

Girard

René Girard, Conversion de l'art, violence

 

 

 

 

 

 

 

Goethe

Chemins de Goethe avec Pietro Citati

Goethe et la France, Fondation Bodmer

Thomas Bernhard : Goethe se mheurt

Arno Schmidt : Goethe et un admirateur

 

 

 

 

 

 

 

Gothiques

Frankenstein et autres romans gothiques

 

 

 

 

 

 

Golovkina

Les Vaincus de la terreur communiste

 

 

 

 

 

 

 

Goytisolo

Un dissident espagnol

 

 

 

 

 

 

Gracian

L’homme de cour, Traités politiques

 

 

 

 

 

 

 

Gracq

Les Terres du couchant, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

Grandes

Le franquisme du Cœur glacé

 

 

 

 

 

 

 

Greenblatt

Shakespeare : Will le magnifique

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

Adam et Eve, mythe et historicité

 

 

 

 

 

 

 

Guerre et violence

John Keegan : Histoire de la guerre

Storia della guerra di John Keegan

Guerre et paix à la Fondation Martin Bodmer

Violence, biblique, romaine et Terreur

Violence et vices politiques

Battle royale, cruelle téléréalité

Honni soit qui Syrie pense

Emeutes et violences urbaines

Mortel fait divers et paravent idéologique

Violences policières et antipolicières

Stefan Brijs : Courrier des tranchées

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Une vie d'écriture et de photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut Muses Academy

Muses Academy, roman : synopsis, Prologue

I L'ouverture des portes

II Récit de l'Architecte : Uranos ou l'Orgueil

Première soirée : dialogue et jury des Muses

V Récit de la danseuse Terpsichore

IX Récit du cinéaste : L’ecpyrose de l’Envie

XI Récit de la Musicienne : La Gourmandise

XIII Récit d'Erato : la peintresse assassine

XVII Polymnie ou la tyrannie politique

XIX Calliope jeuvidéaste : Civilisation et Barbarie

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Faillite et universalité de la beauté, de l'Antiquité à notre contemporain, essai

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Au Coeur des Pyrénées

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Pyrénées entre Aneto et Canigou

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Haut-Languedoc

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Montagne Noire : Journal de marche

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Triptyques

Le carnet des Triptyques géographiques

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Recours aux Monts du Cantal

Traversées. Le recours à la montagne

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Le Marais poitevin

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut La République des rêves

La République des rêves, roman

I Une route des vins de Blaye au Médoc

II La Conscience de Bordeaux

II Le Faust de Bordeaux

III Bironpolis. Incipit

III Bironpolis. Les nuages de Titien 

IV Eros à Sauvages : Les belles inconnues

IV Eros : Mélissa et les sciences politiques

VII Le Testament de Job

VIII De natura rerum. Incipit

VIII De natura rerum. Euro Urba

VIII De natura rerum. Montée vers l’Empyrée

VIII De natura rerum excipit

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Les Métamorphoses de Vivant

I Synopsis, sommaire et prologue

II Arielle Hawks prêtresse des médias

III La Princesse de Monthluc-Parme

IV Francastel, frontnationaliste

V Greenbomber, écoterroriste

VI Lou-Hyde Motion, Jésus-Bouddha-Star

VII Démona Virago, cruella du-postféminisme

 

 

 

 

 

 

Guinhut Voyages en archipel

I De par Marie à Bologne descendu

IX De New-York à Pacifica

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Sonnets des paysages

Sonnets de l'Art poétique

Sonnets autobiographiques

Des peintres : Crivelli, Titien, Rothko, Tàpies, Twombly

Trois requiem : Selma, Mandelstam, Malala

 

 

 

 

 

 

Guinhut Trois vies dans la vie d'Heinz M

I Une année sabbatique

II Hölderlin à Tübingen

III Elégies à Liesel

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut Le Passage des sierras

Un Etat libre en Pyrénées

Le Passage du Haut-Aragon

Vihuet, une disparition

 

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Ré une île en paradis

 

 

 

 

 

 

Guinhut

Photographie

 

 

 

 

 

 

Guinhut La Bibliothèque du meurtrier

Synospsis, sommaire et Prologue

I L'Artiste en-maigreur

II Enquête et pièges au labyrinthe

III L'Ecrivain voleur de vies

IV La Salle Maladeta

V Les Neiges du philosophe

VI Le Club des tee-shirts politiques

XIII Le Clone du Couloirdelavie.com.

 

 

 

 

 

 

Haddad

La Sirène d'Isé

Le Peintre d’éventail, Les Haïkus

Corps désirable, Nouvelles de jour et nuit

 

 

 

 

 

 

 

Haine

Du procès contre la haine

 

 

 

 

 

 

 

Hamsun

Faim romantique et passion nazie

 

 

 

 

 

 

 

Haushofer

Albrecht Haushofer : Sonnets de Moabit

Marlen Haushofer : Mur invisible, Mansarde

 

 

 

 

 

 

 

Hayek

De l’humiliation électorale

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Histoire

Histoire du monde en trois tours de Babel

Eloge, blâme : Histoire mondiale de la France

Statues de l'Histoire et mémoire

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Rome du libéralisme au socialisme

Destruction des Indes : Las Casas, Verne

Jean Claude Bologne historien de l'amour

Jean Claude Bologne : Histoire du scandale

Histoire du vin et culture alimentaire

Corbin, Vigarello : Histoire du corps

Berlin, du nazisme au communisme

De Mahomet au Coran, de la traite arabo-musulmane au mythe al-Andalus

L'Islam parmi le destin français

 

 

 

 

 

 

 

Hobbes

Emeutes urbaines : entre naïveté et guerre

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

 

 

 

 

 

 

 

Hoffmann

Le fantastique d'Hoffmann à Ewers

 

 

 

 

 

 

 

Hölderlin

Trois vies d'Heinz M. II Hölderlin à Tübingen

 

 

 

 

 

 

Homère

Dan Simmons : Ilium science-fictionnel

 

 

 

 

 

 

 

Homosexualité

Pasolini : Sonnets du manque amoureux

Libertés libérales : Homosexualité, drogues, prostitution, immigration

Garcia Lorca : homosexualité et création

 

 

 

 

 

 

Houellebecq

Extension du domaine de la soumission

 

 

 

 

 

 

 

Humanisme

Erasme et Aldo Manuzio

Etat et utopie de Thomas More

Le Pogge : Facéties et satires morales

Le Pogge et Lucrèce au Quattrocento

De la République des Lettres et de Peiresc

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Pic de la Mirandole : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

 

Hustvedt

Vivre, penser, regarder. Eté sans les hommes

Le Monde flamboyant d’une femme-artiste

 

 

 

 

 

 

 

Huxley

Du meilleur des mondes aux Temps futurs

 

 

 

 

 

 

 

Ilis 

Croisade des enfants, Vies parallèles, Livre des nombres

 

 

 

 

 

 

 

Impôt

Vers le paradis fiscal français ?

Sloterdijk : fiscocratie, repenser l’impôt

La dette grecque,  tonneau des Danaïdes

 

 

 

 

 

 

Inde

Coffret Inde, Bhagavad-gita, Nagarjuna

Les hijras d'Arundhati Roy et Anosh Irani

 

 

 

 

 

 

Inégalités

L'argument spécieux des inégalités : Rousseau, Marx, Piketty, Jouvenel, Hayek

 

 

 

 

 

 

Islam

Lettre à une jeune femme politique

Du fanatisme morbide islamiste

Dictatures arabes et ottomanes

Islam et Russie : choisir ses ennemis

Humanisme et civilisation devant le viol

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : dénis

Arbre du terrorisme, forêt d'Islam : défis

Sommes-nous islamophobes ?

Islamologie I Mahomet, Coran, al-Andalus

Islamologie II arabe et Islam en France

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Vérité d’islam et vérités libérales

Identité, assimilation : Finkielkraut, Tribalat

Averroès et al-Ghazali

 

 

 

 

 

 

 

Israël

Une épine démocratique parmi l’Islam

Résistance biblique Appelfeld Les Partisans

Amos Oz : un Judas anti-fanatique

 

 

 

 

 

 

 

Jaccottet

Philippe Jaccottet : Madrigaux & Clarté

 

 

 

 

 

 

James

Voyages et nouvelles d'Henry James

 

 

 

 

 

 

 

Jankélévitch

Jankélévitch, conscience et pardon

L'enchantement musical


 

 

 

 

 

 

Japon

Bashô : L’intégrale des haïkus

Kamo no Chômei, cabane de moine et éveil

Kawabata : Pissenlits et Mont Fuji

Kiyoko Murata, Julie Otsuka : Fille de joie

Battle royale : téléréalité politique

Haruki Murakami : Le Commandeur, Kafka

Murakami Ryû : 1969, Les Bébés

Mieko Kawakami : Nuits, amants, Seins, œufs

Ôé Kenzaburô : Adieu mon livre !

Ogawa Yoko : Cristallisation secrète

Ogawa Yoko : Le Petit joueur d’échecs

À l'ombre de Tanizaki

101 poèmes du Japon d'aujourd'hui

Rires du Japon et bestiaire de Kyosai

 

 

 

 

 

 

Jünger

Carnets de guerre, tempêtes du siècle

 

 

 

 

 

 

 

Kafka

Justice au Procès : Kafka et Welles

L'intégrale des Journaux, Récits et Romans

 

 

 

 

 

 

Kant

Grandeurs et descendances des Lumières

Qu’est-ce que l’obscurantisme socialiste ?

 

 

 

 

 

 

 

Karinthy

Farémido, Epépé, ou les pays du langage

 

 

 

 

 

 

Kawabata

Pissenlits, Premières neiges sur le Mont Fuji

 

 

 

 

 

 

Kehlmann

Tyll Ulespiegle, Les Arpenteurs du monde

 

 

 

 

 

 

Kertész

Kertész : Sauvegarde contre l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Kjaerstad

Le Séducteur, Le Conquérant, Aléa

 

 

 

 

 

 

Knausgaard

Autobiographies scandinaves

 

 

 

 

 

 

Kosztolanyi

Portraits, Kornél Esti

 

 

 

 

 

 

 

Krazsnahorkaï

La Venue d'Isaie ; Guerre & Guerre

Le retour de Seiobo et du baron Wenckheim

 

 

 

 

 

 

 

La Fontaine

Des Fables enfantines et politiques

Guinhut : Fables politiques

 

 

 

 

 

 

Lagerlöf

Le voyage de Nils Holgersson

 

 

 

 

 

 

 

Lainez

Lainez : Bomarzo ; Fresan : Melville

 

 

 

 

 

 

 

Lamartine

Le lac, élégie romantique

 

 

 

 

 

 

 

Lampedusa

Le Professeur et la sirène

 

 

 

 

 

 

Langage

Euphémisme et cliché euphorisant, novlangue politique

Langage politique et informatique

Langue de porc et langue inclusive

Vulgarité langagière et règne du langage

L'arabe dans la langue française

George Steiner, tragédie et réelles présences

Vocabulaire européen des philosophies

Ben Marcus : L'Alphabet de flammes

 

 

 

 

 

 

Larsen 

L’Extravagant voyage de T.S. Spivet

 

 

 

 

 

 

 

Legayet

Satire de la cause animale et botanique

 

 

 

 

 

 

Leopardi

Génie littéraire et Zibaldone par Citati

 

 

 

 

 

 

 

Lévi-Strauss

Claude Lévi-Strauss juge de l’Islam

 

 

 

 

 

 

 

Libertés, Libéralisme

Pourquoi je suis libéral

Pour une éducation libérale

Du concept de liberté aux Penseurs libéraux

Lettre à une jeune femme politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Requiem pour la liberté d’expression

Qui est John Galt ? Ayn Rand : La Grève

Ayn Rand : Atlas shrugged, la grève libérale

Mario Vargas Llosa, romancier des libertés

Homosexualité, drogues, prostitution

Serions-nous plus libres sans l'Etat ?

Tempérament et rationalisme politique

Front Socialiste National et antilibéralisme

Rome du libéralisme au socialisme

 

 

 

 

 

 

Lins

Osman Lins : Avalovara, carré magique

 

 

 

 

 

 

 

Littell

Les Bienveillantes, mythe et histoire

 

 

 

 

 

 

 

Lorca

La Colombe de Federico Garcia Lorca

 

 

 

 

 

 

Lovecraft

Depuis l'abîme du temps : l'appel de Cthulhu

Lovecraft, Je suis Providence par S.T. joshi

 

 

 

 

 

 

Lugones

Fantastique, anticipation, Forces étranges

 

 

 

 

 

 

Lumières

Grandeurs et descendances des Lumières

D'Holbach : La Théologie portative

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

 

 

 

 

 

Machiavel

Actualités de Machiavel : Le Prince

 

 

 

 

 

 

 

Magris

Secrets et Enquête sur une guerre classée

 

 

 

 

 

 

 

Makouchinski

Un bateau pour l'Argentine

 

 

 

 

 

 

Mal

Hannah Arendt : De la banalité du mal

De l’origine et de la rédemption du mal : théologie, neurologie et politique

Le libre arbitre devant le bien et le mal

Christianophobie et désir de barbarie

Cabré Confiteor, Menéndez Salmon Medusa

Roberto Bolano : 2666, Nocturne du Chili

 

 

 

 

 

 

 

Maladie, peste

Maladie et métaphore : Wagner, Maï, Zorn

Pandémies historiques et idéologiques

Pandémies littéraires : M Shelley, J London, G R. Stewart, C McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Mandelstam

Poésie à Voronej et Oeuvres complètes

Trois requiem, sonnets

 

 

 

 

 

 

 

Manguel

Le cheminement dantesque de la curiosité

Le Retour et Nouvel éloge de la folie

Voyage en utopies

Lectures du mythe de Frankenstein

Je remballe ma bibliothèque

Du mythe européen aux Lettres européennes

 

 

 

 

 

 

 

Mann Thomas

Thomas Mann magicien faustien du roman

 

 

 

 

 

 

 

Marcher

De L’Art de marcher

Flâneurs et voyageurs

Le Passage des sierras

Le Recours aux Monts du Cantal

Trois vies d’Heinz M. I Une année sabbatique

 

 

 

 

 

 

Marcus

L’Alphabet de flammes, conte philosophique

 

 

 

 

 

 

 

Mari

Les Folles espérances, fresque italienne

 

 

 

 

 

 

 

Marino

Adonis, un grand poème baroque

 

 

 

 

 

 

 

Marivaux

Le Jeu de l'amour et du hasard

 

 

 

 

 

 

Martin Georges R.R.

Le Trône de fer, La Fleur de verre : fantasy, morale et philosophie politique

 

 

 

 

 

 

Martin Jean-Clet

Philosopher la science-fiction et le cinéma

Enfer de la philosophie et Coup de dés

Déconstruire Derrida

 

 

 

 

 

 

 

Marx

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

« Hommage à la culture communiste »

De l’argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

Mattéi

Petit précis de civilisations comparées

 

 

 

 

 

 

 

McEwan

Satire et dystopie : Une Machine comme moi, Sweet Touch, Solaire

 

 

 

 

 

 

Méditerranée

Histoire et visages de la Méditerranée

 

 

 

 

 

 

Mélancolie

Mélancolie de Burton à Földenyi

 

 

 

 

 

 

 

Melville

Billy Budd, Olivier Rey, Chritophe Averlan

Roberto Abbiati : Moby graphick

 

 

 

 

 

 

Mille et une nuits

Les Mille et une nuits de Salman Rushdie

Schéhérazade, Burton, Hanan el-Cheikh

 

 

 

 

 

 

Mitchell

Des Ecrits fantômes aux Mille automnes

 

 

 

 

 

 

 

Mode

Histoire et philosophie de la mode

 

 

 

 

 

 

Montesquieu

Eloge des arts, du luxe : Lettres persanes

Lumière de L'Esprit des lois

 

 

 

 

 

 

 

Moore

La Voix du feu, Jérusalem, V for vendetta

 

 

 

 

 

 

 

Morale

Notre virale tyrannie morale

 

 

 

 

 

 

 

More

Etat, utopie, justice sociale : More, Ogien

 

 

 

 

 

 

Morrison

Délivrances : du racisme à la rédemption

L'amour-propre de l'artiste

 

 

 

 

 

 

 

Moyen Âge

Rythmes et poésies au Moyen Âge

Umberto Eco : Baudolino

Christine de Pizan, poète feministe

Troubadours et érotisme médiéval

Le Goff, Hildegarde de Bingen

 

 

 

 

 

 

Mulisch

Siegfried, idylle noire, filiation d’Hitler

 

 

 

 

 

 

 

Murakami Haruki

Le meurtre du commandeur, Kafka

Les licornes de La Fin des temps

 

 

 

 

 

 

Muray

Philippe Muray et l'homo festivus

 

 

 

 

 

 

Musique

Musique savante contre musique populaire

Pour l'amour du piano et des compositrices

Les Amours de Brahms et Clara Schumann

Mizubayashi : Suite, Recondo : Grandfeu

Jankélévitch : L'Enchantement musical

Lady Gaga versus Mozart La Reine de la nuit

Lou Reed : chansons ou poésie ?

Schubert : Voyage d'hiver par Ian Bostridge

Grozni : Chopin contre le communisme

Wagner : Tristan und Isold et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

Mythes

La Genèse illustrée par l'abstraction

Frankenstein par Manguel et Morvan

Frankenstein et autres romans gothiques

Dracula et autres vampires

Testart : L'Amazone et la cuisinière

Métamorphoses d'Ovide

Luc Ferry : Mythologie et philosophie

L’Enfer, mythologie des lieux, Hugo Lacroix

 

 

 

 

 

 

 

Nabokov

La Vénitienne et autres nouvelles

De l'identification romanesque

 

 

 

 

 

 

 

Nadas

Mémoire et Mélancolie des sirènes

La Bible, Almanach

 

 

 

 

 

 

Nadaud

Des montagnes et des dieux, deux fictions

 

 

 

 

 

 

Naipaul

Masque de l’Afrique, Semences magiques

 

 

 

 

 

 

 

Nietzsche

Bonheurs, trahisons : Dictionnaire Nietzsche

Romantisme et philosophie politique

Nietzsche poète et philosophe controversé

Les foudres de Nietzsche sont en Pléiade

Jean-Clet Martin : Enfer de la philosophie

Violences policières et antipolicières

 

 

 

 

 

 

Nooteboom

L’écrivain au parfum de la mort

 

 

 

 

 

 

Norddahl

SurVeillance, holocauste, hermaphrodisme

 

 

 

 

 

 

Oates

Le Sacrifice, Mysterieux Monsieur Kidder

 

 

 

 

 

 

 

Ôé Kenzaburo

Ôé, le Cassandre nucléaire du Japon

 

 

 

 

 

 

Ogawa 

Cristallisation secrète du totalitarisme

Au Musée du silence : Le Petit joueur d’échecs, La jeune fille à l'ouvrage

 

 

 

 

 

 

Onfray

Faut-il penser Michel Onfray ?

Censures et Autodafés

Cosmos

 

 

 

 

 

 

Oppen

Oppen, objectivisme et Format américain

Oppen

 

Orphée

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

 

 

 

 

 

 

Orwell

L'orwellisation sociétale

Cher Big Brother, Prism américain, français

Euphémisme, cliché euphorisant, novlangue

Contrôles financiers ou contrôles étatiques ?

Orwell 1984

 

Ovide

Métamorphoses et mythes grecs

 

 

 

 

 

 

 

Palahniuk

Le réalisme sale : Peste, L'Estomac, Orgasme

 

 

 

 

 

 

Palol

Le Jardin des Sept Crépuscules, Le Testament d'Alceste

 

 

 

 

 

 

 

Pamuk

Autobiographe d'Istanbul

Le musée de l’innocence, amour, mémoire

 

 

 

 

 

 

 

Panayotopoulos

Le Gène du doute, ou l'artiste génétique

Panayotopoulos

 

Panofsky

Iconologie de la Renaissance

 

 

 

 

 

 

Paris

Les Chiffonniers de Paris au XIX°siècle

 

 

 

 

 

 

 

Pasolini

Sonnets des tourments amoureux

 

 

 

 

 

 

Pavic

Dictionnaire khazar, Boite à écriture

 

 

 

 

 

 

 

Peinture

Traverser la peinture : Arasse, Poindron

Le tableau comme relique, cri, toucher

Peintures et paysages sublimes

Sonnets des peintres : Crivelli, Titien, Rohtko, Tapiès, Twombly

 

 

 

 

 

 

Perec

Les Lieux de Georges Perec

 

 

 

 

 

 

 

Perrault

Des Contes pour les enfants ?

Perrault Doré Chat

 

Pétrarque

Eloge de Pétrarque humaniste et poète

Du Canzoniere aux Triomphes

 

 

 

 

 

 

 

Petrosyan

La Maison dans laquelle

 

 

 

 

 

 

Philosophie

Mondialisations, féminisations philosophiques

 

 

 

 

 

 

Photographie

Photographie réaliste et platonicienne : Depardon, Meyerowitz, Adams

La photographie, biographème ou oeuvre d'art ? Benjamin, Barthes, Sontag

Ben Loulou des Sanguinaires à Jérusalem

Ewing : Le Corps, Love and desire

 

 

 

 

 

 

Picaresque

Smollett, Weerth : Vaurien et Chenapan

 

 

 

 

 

 

 

Pic de la Mirandole

Humanisme philosophique : 900 conclusions

 

 

 

 

 

 

Pierres

Musée de minéralogie, sexe des pierres

 

 

 

 

 

 

Pisan

Cent ballades, La Cité des dames

 

 

 

 

 

 

Platon

Faillite et universalité de la beauté

 

 

 

 

 

 

Poe

Edgar Allan Poe, ange du bizarre

 

 

 

 

 

 

 

Poésie

Anthologie de la poésie chinoise

À une jeune Aphrodite de marbre

Brésil, Anthologie XVI°- XX°

Chanter et enchanter en poésie 

Emaz, Sacré : anti-lyrisme et maladresse

Fonctions de la poésie, pouvoirs d'Orphée

Histoire de la poésie du XX° siècle

Japon poétique d'aujourd'hui

Lyrisme : Riera, Voica, Viallebesset, Rateau

Marteau : Ecritures, sonnets

Oppen, Padgett, Objectivisme et lyrisme

Pizarnik, poèmes de sang et de silence

Poésie en vers, poésie en prose

Poésies verticales et résistances poétiques

Du romantisme à la Shoah

Anthologies et poésies féminines

Trois vies d'Heinz M, vers libres

Schlechter : Le Murmure du monde

 

 

 

 

 

 

Pogge

Facéties, satires morales et humanistes

 

 

 

 

 

 

 

Policier

Chesterton, prince de la nouvelle policière

Terry Hayes : Je suis Pilgrim ou le fanatisme

Les crimes de l'artiste : Pobi, Kellerman

Bjorn Larsson : Les Poètes morts

Chesterton father-brown

 

Populisme

Populisme, complotisme et doxa

 

 

 

 

 

 

 

Porter
La Douleur porte un masque de plumes

 

 

 

 

 

 

 

Portugal

Pessoa et la poésie lyrique portugaise

Tavares : un voyage en Inde et en vers

 

 

 

 

 

 

Pound

Ezra Pound, poète politique controversé par Mary de Rachewiltz et Pierre Rival

 

 

 

 

 

 

Powers

Générosité, Chambre aux échos, Sidérations

Orfeo, le Bach du bioterrorisme

L'éco-romancier de L'Arbre-monde

 

 

 

 

 

 

 

Pressburger

L’Obscur royaume, ou l’enfer du XX° siècle

Pressburger

 

Proust

Le baiser à Albertine : À l'ombre des jeunes filles en fleurs

Illustrations, lectures et biographies

Le Mystérieux correspondant, 75 feuillets

Céline et Proust, la recherche du voyage

 

 

 

 

 

 

Pynchon

Contre-jour, une quête de lumière

Fonds perdus du web profond & Vice caché

Vineland, une utopie postmoderne

 

 

 

 

 

 

 

Racisme

Racisme et antiracisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Ecrivains noirs : Wright, Ellison, Baldwin, Scott Heron, Anthologie noire

 

 

 

 

 

 

Rand

Qui est John Galt ? La Source vive, La Grève

Atlas shrugged et La grève libérale

 

 

 

 

 

 

Raspail

Sommes-nous islamophobes ?

Camp-des-Saints

 

Reed Lou

Chansons ou poésie ? L’intégrale

 

 

 

 

 

 

 

Religions et Christianisme

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Catholicisme versus polythéisme

Eloge du blasphème

De Jésus aux chrétiennes uchronies

Le Livre noir de la condition des Chrétiens

D'Holbach : Théologie portative et humour

De l'origine des dieux ou faire parler le ciel

Eloge paradoxal du christianisme

 

 

 

 

 

 

Renaissance

Renaissance historique et humaniste

 

 

 

 

 

 

 

Revel

Socialisme et connaissance inutile

 

 

 

 

 

 

 

Richter Jean-Paul

Le Titan du romantisme allemand

 

 

 

 

 

 

 

Rios

Nouveaux chapeaux pour Alice, Chez Ulysse

 

 

 

 

 

 

Rilke

Sonnets à Orphée, Poésies d'amour

 

 

 

 

 

 

 

Roman 

Adam Thirlwell : Le Livre multiple

Miscellanées littéraires : Cloux, Morrow...

L'identification romanesque : Nabokov, Mann, Flaubert, Orwell...

Nabokov Loilita folio

 

Rome

Causes et leçons de la chute de Rome

Rome de César à Fellini

Romans grecs et latins

 

 

 

 

 

 

 

Ronsard

Pléiade & Sonnet pour Hélène LXVIII

 

 

 

 

 

 

 

Rostand

Cyrano de Bergerac : amours au balcon

 

 

 

 

 

 

Roth Philip

Hitlérienne uchronie contre l'Amérique

Les Contrevies de la Bête qui meurt

 

 

 

 

 

 

Rousseau

Archéologie de l’écologie politique

De l'argument spécieux des inégalités

 

 

 

 

 

 

 

Rushdie

Joseph Anton, plaidoyer pour les libertés

Quichotte, Langages de vérité

Entre Averroès et Ghazali : Deux ans huit mois et vingt-huit nuits

Rushdie 6

 

Russell

De la fumisterie intellectuelle

Pourquoi nous ne sommes pas religieux

Russell F

 

Russie

Islam, Russie, choisir ses ennemis

Golovkina : Les Vaincus ; Annenkov : Journal

Les dystopies de Zamiatine et Platonov

Isaac Babel ou l'écriture rouge

Ludmila Oulitskaia ou l'âme de l'Histoire

Bounine : Coup de soleil, nouvelles

 

 

 

 

 

 

 

Sade

Sade, ou l’athéisme de la sexualité

 

 

 

 

 

 

 

San-Antonio

Rire de tout ? D’Aristote à San-Antonio

 

 

 

 

 

 

 

Sansal

2084, conte orwellien de la théocratie

Le Train d'Erlingen, métaphore des tyrannies

 

Schlink

Filiations allemandes : Le Liseur, Olga

 

 

 

 

 

 

Schmidt Arno

Un faune pour notre temps politique

Le marcheur de l’immortalité

Arno Schmidt Scènes

 

Sciences

Agonie scientifique et sophisme français

Transhumanisme, intelligence artificielle, robotique

Tyrannie écologique et suicide économique

Wohlleben : La Vie secrète des arbres

Factualité, catastrophisme et post-vérité

Cosmos de science, d'art et de philosophie

Science et guerre : Volpi, Labatut

L'Eglise est-elle contre la science ?

Inventer la nature : aux origines du monde

Minéralogie et esthétique des pierres

 

 

 

 

 

 

Science fiction

Philosopher la science fiction

Ballard : un artiste de la science fiction

Carrion : les orphelins du futur

Dyschroniques et écofictions

Gibson : Neuromancien, Identification

Le Guin : La Main gauche de la nuit

Magnason : LoveStar, Kling : Quality Land

Miller : L’Univers de carton, Philip K. Dick

Mnémos ou la mémoire du futur

Silverberg : Roma, Shadrak, stochastique

Simmons : Ilium et Flashback géopolitiques

Sorokine : Le Lard bleu, La Glace, Telluria

Stalker, entre nucléaire et métaphysique

Théorie du tout : Ourednik, McCarthy

 

 

 

 

 

 

 

Self 

Will Self ou la théorie de l'inversion

Parapluie ; No Smoking

 

 

 

 

 

 

 

Sender

Le Fugitif ou l’art du huis-clos

 

 

 

 

 

 

 

Seth

Golden Gate. Un roman en sonnets

Seth Golden gate

 

Shakespeare

Will le magnifique ou John Florio ?

Shakespeare et la traduction des Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

La Tempête, Othello : Atwood, Chevalier

 

 

 

 

 

 

 

Shelley Mary et Percy Bysshe

Le mythe de Frankenstein

Frankenstein et autres romans gothiques

Le Dernier homme, une peste littéraire

La Révolte de l'Islam

Frankenstein Shelley

 

Shoah

Ecrits des camps, Philosophie de la shoah

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Paul Celan minotaure de la poésie

 

 

 

 

 

 

Silverberg

Uchronies et perspectives politiques : Roma aeterna, Shadrak, L'Homme-stochastique

 

 

 

 

 

 

 

Simmons

Ilium et Flashback géopolitiques

 

 

 

 

 

 

Sloterdijk

Les sphères de Peter Sloterdijk : esthétique, éthique politique de la philosophie

Gris politique et Projet Schelling

Contre la « fiscocratie » ou repenser l’impôt

Les Lignes et les jours. Notes 2008-2011

Elégie des grandeurs de la France

Faire parler le ciel. De la théopoésie

Archéologie de l’écologie politique

 

 

 

 

 

 

Smith Adam

Pourquoi je suis libéral

Tempérament et rationalisme politique

 

 

 

 

 

 

 

Smith Patti

De Babel au Livre de jours

 

 

 

 

 

 

Sofsky

Violence et vices politiques

Surveillances étatiques et entrepreneuriales

 

 

 

 

 

 

 

Sollers

Vie divine de Sollers et guerre du goût

Dictionnaire amoureux de Venise

Sollersd-vers-le-paradis-dante

 

Somoza

Daphné disparue et les Muses dangereuses

Les monstres de Croatoan et de Dieu mort

 

 

 

 

 

 

Sonnets

À une jeune Aphrodite de marbre

Barrett Browning et autres sonnettistes 

Marteau : Ecritures  

Pasolini : Sonnets du tourment amoureux

Phénix, Anthologie de sonnets

Seth : Golden Gate, roman en vers

Shakespeare : Six Sonnets traduits

Haushofer : Sonnets de Moabit

Sonnets autobiographiques

Sonnets de l'Art poétique

 

 

 

 

 

 

Sorcières

Sorcières diaboliques et féministes

 

 

 

 

 

 

Sorokine

Le Lard bleu, La Glace, Telluria

 

 

 

 

 

 

 

Sorrentino

Ils ont tous raison, déboires d'un chanteur

 

 

 

 

 

 

 

Sôseki

Rafales d'automne sur un Oreiller d'herbes

Poèmes : du kanshi au haïku

 

 

 

 

 

 

 

Spengler

Déclin de l'Occident de Spengler à nos jours

 

 

 

 

 

 

 

Sport

Vulgarité sportive, de Pline à 0rwell

 

 

 

 

 

 

 

Staël

Libertés politiques et romantiques

 

 

 

 

 

 

Starobinski

De la Mélancolie, Rousseau, Diderot

Starobinski 1

 

Steiner

Oeuvres : tragédie et réelles présences

De l'incendie des livres et des bibliothèques

 

 

 

 

 

 

 

Stendhal

Julien lecteur bafoué, Le Rouge et le noir

L'échelle de l'amour entre Julien et Mathilde

Les spectaculaires funérailles de Julien

 

 

 

 

 

 

 

Stevenson

La Malle en cuir ou la société idéale

Stevenson

 

Stifter

L'Arrière-saison des paysages romantiques

 

 

 

 

 

 

Strauss Leo

Pour une éducation libérale

 

 

 

 

 

 

Strougatski

Stalker, nucléaire et métaphysique

 

 

 

 

 

 

 

Szentkuthy

Le Bréviaire de Saint Orphée, Europa minor

 

 

 

 

 

 

Tabucchi

Anges nocturnes, oiseaux, rêves

 

 

 

 

 

 

 

Temps, horloges

Landes : L'Heure qu'il est ; Ransmayr : Cox

Temps de Chronos et politique des oracles

 

 

 

 

 

 

 

Tesich

Price et Karoo, revanche des anti-héros

Karoo

 

Texier

Le démiurge de L’Alchimie du désir

 

 

 

 

 

 

 

Théâtre et masques

Masques & théâtre, Fondation Bodmer

 

 

 

 

 

 

Thoreau

Journal, Walden et Désobéissance civile

 

 

 

 

 

 

 

Tocqueville

Française tyrannie, actualité de Tocqueville

Au désert des Indiens d’Amérique

 

 

 

 

 

 

Tolstoï

Sonate familiale chez Sofia & Léon Tolstoi, chantre de la désobéissance politique

 

 

 

 

 

 

 

Totalitarismes

Ampuero : la faillite du communisme cubain

Arendt : banalité du mal et de la culture

« Hommage à la culture communiste »

De Mein Kampf à la chambre à gaz

Karl Marx, théoricien du totalitarisme

Lénine et Staline exécuteurs du totalitarisme

Mussolini et le fascisme

Pour l'annulation de la Cancel culture

Muses Academy : Polymnie ou la tyrannie

Tempérament et rationalisme politique 

Hayes : Je suis Pilgrim ; Tejpal

Meerbraum, Mandelstam, Yousafzai

 

 

 

 

 

 

 

Trollope

L’Ange d’Ayala, satire de l’amour

Trollope ange

 

Trump

Entre tyrannie et rhinocérite, éloge et blâme

À la recherche des années Trump : G Millière

 

 

 

 

 

 

 

Tsvetaeva

Poèmes, Carnets, Chroniques d’un goulag

Tsvetaeva Clémence Hiver

 

Ursin

Jean Ursin : La prosopopée des animaux

 

 

 

 

 

 

Utopie, dystopie, uchronie

Etat et utopie de Thomas More

Zamiatine, Nous et l'Etat unitaire

Huxley : Meilleur des mondes, Temps futurs

Orwell, un novlangue politique

Margaret Atwood : La Servante écarlate

Hitlérienne uchronie : Lewis, Burdekin, K.Dick, Roth, Scheers, Walton

Utopies politiques radieuses ou totalitaires : More, Mangel, Paquot, Caron

Dyschroniques, dystopies

Ernest Callenbach : Ecotopia

Herland parfaite république des femmes

A. Waberi : Aux Etats-unis d'Afrique

Alan Moore : V for vendetta, Jérusalem

L'hydre de l'Etat : Karlsson, Sinisalo

 

 

 

 

 

 

Valeurs, relativisme

De Nathalie Heinich à Raymond Boudon

 

 

 

 

 

 

 

Vargas Llosa

Vargas Llosa, romancier des libertés

Aux cinq rues Lima, coffret Pléiade

Littérature et civilisation du spectacle

Rêve du Celte et Temps sauvages

Journal de guerre, Tour du monde

Arguedas ou l’utopie archaïque

Vargas-Llosa-alfaguara

 

Venise

Strates vénitiennes et autres canaux d'encre

 

 

 

 

 

 

 

Vérité

Maîtres de vérité et Vérité nue

 

 

 

 

 

 

Verne

Colonialisme : de Las Casas à Jules Verne

 

 

 

 

 

 

Vesaas

Le Palais de glace

 

 

 

 

 

 

Vigolo

La Virgilia, un amour musical et apollinien

Vigolo Virgilia 1

 

Vila-Matas

Vila-Matas écrivain-funambule

 

 

 

 

 

 

Vin et culture alimentaire

Histoire du vin et de la bonne chère de la Bible à nos jours

 

 

 

 

 

 

Visage

Hans Belting : Faces, histoire du visage

 

 

 

 

 

 

 

Vollmann

Le Livre des violences

Central Europe, La Famille royale

Vollmann famille royale

 

Volpi

Volpi : Klingsor. Labatut : Lumières aveugles

Des cendres du XX°aux cendres du père

Volpi Busca 3

 

Voltaire

Tolérer Voltaire et non le fanatisme

Espmark : Le Voyage de Voltaire

 

 

 

 

 

 

 

Vote

De l’humiliation électorale

Front Socialiste National et antilibéralisme

 

 

 

 

 

 

 

Voyage, villes

Villes imaginaires : Calvino, Anderson

Flâneurs, voyageurs : Benjamin, Woolf

 

 

 

 

 

 

 

Wagner

Tristan und Isolde et l'antisémitisme

 

 

 

 

 

 

 

Walcott

Royaume du fruit-étoile, Heureux voyageur

Walcott poems

 

Walton

Morwenna, Mes vrais enfants

 

 

 

 

 

 

Welsh

Drogues et sexualités : Trainspotting, La Vie sexuelle des soeurs siamoises

 

 

 

 

 

 

 

Whitman

Nouvelles et Feuilles d'herbes

 

 

 

 

 

 

 

Wideman

Trilogie de Homewood, Projet Fanon

Le péché de couleur : Mémoires d'Amérique

Wideman Belin

 

Williams

Stoner, drame d’un professeur de littérature

Williams Stoner939

 

 

Wolfe

Le Règne du langage

 

 

 

 

 

 

Wordsworth

Poésie en vers et poésie en prose

 

 

 

 

 

 

 

Yeats

Derniers poèmes, Nôs irlandais, Lettres

 

 

 

 

 

 

 

Zamiatine

Nous : le bonheur terrible de l'Etat unitaire

 

 

 

 

 

 

Zao Wou-Ki

Le peintre passeur de poètes

 

 

 

 

 

 

 

Zimler

Lazare, Le ghetto de Varsovie

 

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